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19 avril 1835 - Numéro 16
 
 

 



 
 
    

COMPÉTENCE DU CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Nous n’avons pas hésité à résoudre négativement la question que nous avons examinée dans notre dernier numéro de la compétence du conseil des prud’hommes à l’égard des industries non représentées dans son sein. Cette incompétence s’étend plus loin que nous ne le pensions. L’action contre une personne étrangère à la fabrique n’est pas plus admissible par voie de garantie que par voie de demande principale ? C’est ce que la cour de cassation a décidé le 11 novembre dernier dans l’espèce suivante.

Defer, contremaître d’une fabrique de coton en la commune du Mesnil (Somme), avait employé Coupez comme ouvrier et lui avait fait une avance de 55 fr. qui fut portée sur son livret. Coupez abandonna la fabrique et fut recueilli chez M. Duquesnoy, propriétaire, qui l’occupa à des travaux agricoles.

21 mars 1833. Citation par Defer à Coupez, devant le conseil des prud’hommes de Bapaume pour le faire condamner à rentrer dans la fabrique et à acquitter les 55 f. d’avance. – Assignation à Duquesnoy en garantie et dommages-intérêts, pour avoir employé un ouvrier sorti d’une fabrique sans avoir justifié de l’acquit des avances portées sur le livret.

4 avril 1833. Jugement du conseil des prud’hommes qui sans avoir égard à l’incompétence, accueille ces doubles conclusions. Duquesnoy interjette appel.

20 septembre 1833. Jugement du tribunal de commerce d’Arras qui infirme en se fondant sur l’article 10 du décret du 11 juin 1809 et sur le décret du 2 août 1810.

Pourvoi en cassation par Defer, pour violation de l’article 12 de la loi du 22 germinal, an 11, fausse application de l’article 168 et violation de l’article 174 du code de procédure civile.

M. Nicod, avocat-général, a conclu au rejet du pourvoir, et la cour avait la question suivante à juger.

La compétence du tribunal des prud’hommes sur l’action principale entraîne-t-elle nécessairement la compétence de la même juridiction sur l’action en garantie formée contre un non-fabricant ?

Elle a ainsi décidé.

Attendu que la juridiction du conseil des prud’hommes, créée dans les intérêts industriels est spéciale à la matière qu’elle régit, à la classe d’individus employés aux travaux de la fabrique et aux engagemens [3.1]qui se forment entr’eux ; que l’article 10 du décret du 4 juin 1809 porte textuellement que nul ne sera justiciable de ces conseils, s’il n’est fabricant, chef-d’atelier, contremaître, ouvrier, ou apprenti.

Attendu que dans l’espèce, le jugement attaqué a jugé dans les limites de la compétence, en statuant sur la demande formée par le maître contre l’ouvrier ; mais qu’à l’égard d’un tiers, étranger à la fabrique et contre lequel une demande en dommages-intérêts avait été formée il a dû, comme il l’a fait délaisser les parties à se pourvoir devant la juridiction commune.

Par ces ces motifs la cour rejette, etc.

 

 

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