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26 avril 1835 - Numéro 17
 
 

 



 
 
    

Il faut rendre à César ce qui appartient à César. Cela est juste, aussi je m’empresse de rendre à M. Charnier, ce qui lui est dû, et de déclarer que ne le connaissant que sur la réputation qu’il avait de s’occuper des améliorations à apporter aux usages de la fabrique ; je me fis présenter chez lui par quelqu’un de sa connaissance. Il me communiqua son travail dont la partie la plus importante, sans doute, est la fondation du mutuellisme ; personne ne saurait la lui contesteri ; il est également très possible que dans les notes qu’il me communiqua, il ait émis l’idée de récompenser les élèves de la fabrique qui s’en rendraient dignes.

Lorsque je rédigeai l’article de l’apprentissage, je me rappelai aucunement d’avoir vu dans les papiers que M. Charnier voulut bien me confier, quelques notes sur cette matière. Je ne nie pas qu’il en fut mention, mais en vérité, comme je n’ai pris aucune note sur les manuscrits qui me furent confiés, ma mémoire depuis si long-temps, peut bien être en défaut. J’accorde du reste à M. Charnier tout ce qu’il voudra, je n’ai pas prétendu par mon article, avoir le premier conçu cette idée, ce qui eut été absurde de ma part ; en effet, une institution semblable a déjà existé à Lyon, et pendant plusieurs années, le conseil des Prud’hommes a distribué des récompenses pécuniaires aux élèves et des médailles d’honneur aux maîtres. Voilà ce que je me proposais même de rappeler dans mon article, s’il n’eût déjà été un peu long pour le cadre du journal.

[2.1]M’occupant depuis long-temps de rechercher ce qui pourrait prévenir les disputes sans cesse renaissantes dans les ateliers pendant l’apprentissage, j’ai dû interroger mes souvenirs d’enfance. C’est en 1808, que le conseil des Prud’hommes accordait des récompenses. Eh bien ! stimulé, non par le désir d’obtenir une récompense (on sentait bien qu’il ne pouvait y en avoir pour tous), chacun briguait l’honneur de dire ce qu’il avait fait de difficile, ce qu’il avait gagné après sa tâche, c’était une noble émulation ; chacun voulait au moins paraître avoir mérité une récompense aussi bien que celui à qui elle était décernée, et cela produisait tant d’effet sur le moral de la jeunesse, que de tous ceux de ma connaissance, je n’ai pas ouï dire qu’un seul ait eu des difficultés avec son maître ; tous ont bien terminé leur apprentissage, un grand nombre sont maintenant fabricans : et obligés à leur tour de faire des élèves, ils peuvent faire ces réflexions, en rapprochant le langage que tenaient alors les maîtres à leurs élèves ; ils les flattaient, les encourageaient en leur montrant ceux qui étaient devenus adroits et habiles et qui en avaient été récompensés ! Quelle différence aujourd’hui, tous se plaignent, maîtres et élèves. Je suis loin de prétendre que la jeunesse d’aujourd’hui soit moins docile que celle d’autrefois. Mais il y avait alors encouragement, et aujourd’hui, il n’y en a pas, avec cette différence encore, qu’à cette époque les prix de façon étaient la moitié plus élevés qu’ils ne le sont aujourd’hui ; on aurait donc pu se passer d’encouragemens puisqu’il y avait bénéfice, mais aujourd’hui je les crois indispensables. Ainsi, comme M. Charnier le voit, je n’ai fait que rappeler ce qui avait existé, il n’est nullement entré dans ma pensée de lui ravir la considération qui lui est due. Je sais reconnaître son mérite, et il peut être assuré que s’il m’arrivait jamais d’émettre quelques idées qui lui eussent appartenues, je me ferai toujours un devoir de le citer, et si je l’oubliai, je lui saurai gré de me le rappeler.

falconnet.

 

 

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