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26 avril 1835 - Numéro 32
 

 




 
 
     
félicité des hommes par leur rapport entre eux.

[1.1]L’homme porte en son cœur un désir insatiable de bien-être ; toutes ses actions, tous ses travaux tendent à le réaliser : et cela est tellement vrai, que dans les positions les plus défavorables de la vie, l’espérance d’un avenir meilleur soutient son courage et lui aide à supporter ses maux. Mais pour étancher cette soif de félicité, il faut que les hommes de tous les rangs, de toutes les classes contribuent, chacun en ce qui le concerne, à la jonction des anneaux de cette chaîne de prospérité, de laquelle dépend le bonheur de notre existence. L’homme au faîte des grandeurs, en possession de la plus brillante fortune, ne saurait arriver à la félicité sans être lui-même la cause du bien-être de ceux qui, par leurs travaux, leurs talens ou les agrémens qu’ils peuvent lui procurer, concourent à l’accroissement de ses désirs : et à leur tour les artistes, les hommes de génie et la classe immense des travailleurs de tous genres, ne peuvent être heureux sans être redevables entre eux de leurs jouissance. De là découle cet avantage, cette jouissance commune, auxquels nous participons tous. Pour donner de l’extension à notre pensée, nous parlerons d’abord de ces hommes qui, par leurs soins assidus et leurs lumières, s’attachent à l’instruction de notre génération naissante, de ceux dont le génie et la plume féconde récréent nos esprits dans l’âge mûr ; de ceux dont les veilles sont employées à la défense du criminel et de l’opprimé : puis nous tracerons l’esquisse de cette masse immense des travailleurs à laquelle nous nous faisons gloire d’appartenir, et qui par ses travaux ou son génie concourt à la prospérité générale.

Parmi ceux qui contribuent par leurs lumières au bien-être de la société, nous plaçons d’abord ceux qui, pour donner à l’esprit ce premier développement qui le met à même d’apprécier le juste de l’injuste, le vrai du faux, le beau du futile, ne craignent pas de vouer leur existence au profit de la jeunesse et […]1

En effet, que de gratitudes ne leur doit-on pas à ces professeurs dont les bienfaits s’étendent depuis la plus haute classe de la société jusqu’à l’humble chaumière dont ils civilisent la rusticité des habitans ? Combien de fois dans le cours de la vie, après avoir été le jouet de l’inconstance de la fortune, ne recourons-nous pas avec plaisir aux bienfaits d’une éducation devenue notre ancre contre le naufrage ; combien de fois ne portons-nous pas avec plaisir notre pensée sur les temps heureux des leçons du jeune âge ! Que de malheureux trompés par les fausses insinuations d’un ami perfide, égaré dans les détours tortueux [1.2]du vice, portent parfois leurs pensées sur les premières notions de vertu qu’une bonne éducation leur avait transmise ? Que ne vous doivent-ils pas aussi à vous, écrivains consciencieux, dont la plume féconde, tout en distrayant leurs esprits par vos images riantes et pures, les a ramenés à la vertu ? de quelle utilité n’êtes-vous pas pour […]

Mais il est une autre classe à laquelle l’humanité entière doit aussi son tribut de louanges, parce qu’elle a pour but l’intérêt de tous, dont la voix éloquente sait pallier les erreurs en même temps qu’elle fait ressortir toute la candeur de l’innocence. Que de larmes n’a-t-elle pas taries ! que de familles lui doivent et leur chef et leurs membres ! Combien de fois, orateurs sublimes, n’ont-ils pas fait passer dans l’ame des juges cette persuasion qui animait leurs paroles, qui électrisait leurs pensées ! que de demi-coupables arrachés à la sévérité de la justice par leurs efforts généreux, leur doivent les délices d’une vie nouvelle dont ils leur ont tracé la route ? Leur mission […]

Si l’homme, pour satisfaire ses désirs, doit non-seulement jouir des avantages que son pays lui procure, mais encore recourir aux productions étrangères et livrer en échange les céréales des tropiques : qu’exporterait-on au retour si d’autres moteurs de l’industrie humaine n’avaient bravé la chaleur ou l’intempérie des climats, pour nous faire jouir des fruits que notre sol ne saurait nous procurer ? qui distribuerait à nos heureux du siècle, à […] car que ne vous doivent-ils pas, à vous dont le génie créateur sait leur offrir en perspective, et les beautés de la noble antiquité, et le fini subtil du moderne ; à vous dont le pinceau délicat fait passer dans leurs ames ces impressions touchantes que font naître le coloris gracieux de vos peintures ; qui voilez d’une gaze légère ce que la pudeur ne saurait contempler, et qui faisant renaître sur la toile les actions mémorables de ces guerriers fameux qui ont immortalisé leurs noms en faisant notre gloire, laissez dans les cœurs glacés de ceux [2.1]qui contemplent vos chefs-d’œuvre, une étincelle du feu qui vous anime ?

Que ne vous doit pas la postérité, à vous dont le ciseau semble animer un marbre insensible pour perpétuer jusqu’à la génération la plus reculée, l’image révérée du bienfaiteur de l’humanité, de cet ange de la nature dont tous les instans ont été marqués par des bienfaits ? Qui ne vous adresserait des louanges en contemplant ces monumens somptueux qui vous doivent la richesse de leur structure et […]

Que dirons-nous ensuite de cette harmonie surnaturelle, de ces accords enchanteurs qui font l’agrément et le passe-temps des riches ? et de combien de jouissances vraiment indicibles ne sont-ils pas épris ces riches dans ces concerts où leurs ames énervées trouvent encore des délices qu’ils ne s’attendraient pas à retrouver ; combien de fois par eux-mêmes, grâce à cet art enchanteur, n’ont-ils pas rompus une monotonie accablante en exécutant ce que le génie leur avait tracé !

C’est donc en vain que certains hommes […] Mais en revanche, si l’artisan de toutes les professions contribue par ses peines à la félicité générale, cessez de […] Que les arts et le travail fructifient par ses soins, tout en satisfaisant à ses désirs et que […]

SOUSCRIPTION

ouverte au Bureau en faveur de l’Indicateur condamné à six cents francs d’amende et aux frais de la procédure.

MM. Rémond, fils, 50 c. Tonnérieux, de Mornant, 2 f. Vignard, l f. Bruchet, 1 f. 50 c. D. A., 5 f. Lionnet, 1 f. Astier, 40 c. Escoffier, André, 50 c. Bernard, 1 f. Journaux, aîné, 2 f. Pivot, 1 f. 10 c. Baille, 50 c. Bardin, cadet, 25 c. Huguel, 2 f. Bartellier, Jean-Marie, 1 f. Girard, Dominique, 1 f. Souchet, 1 f. 50 c. Guerin, 1 f. 25 c. Dufrène, 75 c. J. E., 50 c. J. J. V., 2 f. Mollex, Antoine, à la Croix-Rousse, 2 f. Verpillard et C. A., ouvriers de M. Mollex, 1 f. Barcet, 1 f. Pellegrin, 50 c. Buffard, fils, 50 c. Thomas, 1 f, 50 c. Monaton, 75 c. Roux, à la Croix-Rousse, 1 f. Carquillard, 1 f. 50 c. Favrot, 75 c. Alloignet, 50 c. Chapolard, 50 c. Vollent, 1 f. Jugeant, 1 f. Pelot, 1 f. Cabot, 1 f. Dubost P., l f. 50 c. C. G., 25 c. Barruquant, l f. Gaillard, 55 c. Bigat, 1 f. Bouillet, 1 f. 50 c. Molard, 1 f. Grenat, 75 c. Berjon, 50c. Ray, 60 c. Pontenille, 50 c. Roche, l f. Félodière, marchand de vins, 75 c, Etienne Lager, jeune compagnon, 50 c. Une dame amie de l’industrie, 50 c. Mermet, 1 f. Gustin, 50 c. Domer, 20 c. Bory, 50 c. Un de ces nombreux artisans de la fortune du négociant, 1 f. Gautier, 1 f. Un anonyme, 1 f. Lauserman, 1 f. Debilly, 55 c. Nardon, 50 p. Berjuis, 50 c. Un républicain, 2 f. Merre, 50 c. Ducret, républicain, 50 c. Morelle, 50 c. Gallet, Romain , 1 f. Combet, 2 f. Berchoux, 1 f. Girard, 1 f. 50 c. Aprin, 1 f. Clément jeune, 50 c. Delonay, 50 c. Carré, 35 c. Collet, ouvrier chez Pichon, 50 c. Un anonyme, 1 f. Un chef d’atelier, 1 f. Le petit Clair, des Brotteaux, 1 f. Serra, 50 c. Serra, 20 c. Roger, 50 c. J., 25 c. Chapuis, 20 c. Jacquemetton, 20 c. Norux, 20 c. Blanc, 20 c. Caugeay, 50 c. Gay, 50 c. Rolland, 1 f. 50 c. Favre, 45 c. Reliquat d’un enterrement chez Vuldy, 2 f. 15 c. Duvivier, 50 c. Lanteron, cadet, 1 f. P. V., 50 c. Solichon, 50 c. Ponce, 50 c. Crozet, 3 f. Bagneux, 50 c. Muzard, 30 c. Angrot, 20 c. GondoleGondole, 20 c. Sourdillon , 50 c. Catin, 50 c. Béchard, 40 c. Brachet, 50 c. Cannivet, 75 c. Pitaval, 50 c. Privat, 30 c. Gondran, 25 c. Boiron, 25 c. Ruvau, 25 c. Delormat, 25 c. Rivière, 25 c. Bonnet, 25 c. Thévenet, 25 c. Bonnet, 60 c. Vallette, 50 c. Valadier, 25 c. Jervet, 10 c. Némos, 50 c. Fouillat, 20 c. Sorte, 10 c. Pisard, 10 c. Chervet, 50 c. Bateau, 50 c. Un anonyme, 50 c. Rousset, 50 c. [2.2]Montagny, 15 c. Charvet, 25 c. Charpine, 1 f. 50 c. Un ex-détenu d’avril, 1 f. Charpi, Louis, 50 c. Burgat, aîné, 1 f. Rouillat, 1 f. Gonon, 50 c. P. B. Falquet, 50 c . A., 1 f. 50 c. Melchior, 1 f. Clément, 25 c. Delorme, 25 c. C. D., 1 f. 50 c. Colonge, 1 f. 50 c. Drivon, cadet, 3 f. 10 c. Ray, 50 c. Un anonyme, 3 f. Jaboulard, 2 f. Un ami, 3 f. Billon, 1 f. Ferrand, 1 f. 50 c. Turrin, 1 f.

Périsson, 75 c. Mousseron, 25 c., ouvriers de M. Lionnet.

Girel, Jean-Louis, 1 f. Chabout, 1 f., ouvriers de M. Dubost.

Gaudin, 1 f. Betier, 1 f., ouvriers chez M. Chenevat.

Total, 131 f. 75 c.

Listes précédentes, 225 f. 60 c.

Total, 357 f. 30 c.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Audience du 23 Avril.

présidence de m. riboud.

Sur 22 causes appelées 3 ont été retirées, une a fait défaut, 6 renvoyées dont une à huitaine, une à vendredi par-devant MM. Roux et Perret, une à samedi devant MM. Joly et Labory, une le même jour devant MM. Troubat et Verrat, une vendredi devant MM. Micoud et Perret, et l’affaire Calmier, Coppier, pour s’en rapporter à la décision des experts qui ont alloué le payement de la somme ou la citation devant le juge de paix si elle ne s’effectue, pas. Sur 3 causes appelées sur citation, 2 ont été renvoyées en conciliation ; une était conciliée.

Le sieur Barrafort avait livré, le 24 mars passé, aux sieurs Veyre père et fils, une balle de soie pour la faire ouvrer, pesant 111 kilos, au prix de 6 fr. 50 c. p. 0/0, déchet compris. Elle devait être livrée moitié fin avril courant, moitié fin mai ; mais le sieur Veyrefils, après avoir fait essayer la soie et avoir reconnu que non-seulement elle n’était pas de Ganges comme on la lui avait annoncée, mais encore qu’elle était très inférieure, se transporta auprès de M. Barrafort et lui dit qu’il ne pouvait ouvrer sa soie au prix convenu, attendu son infériorité. Ce dernier lui observa, en lui montrant son livre de vente, que sa réclamation était tardive, attendu qu’il s’était engagé à livrer à telle époque, et d’après le prix stipulé par leurs accords ; que pourtant pour le défrayer, il allait lui donner une seconde balle du poids de 67 kilos, qui étant meilleure, pourrait le dédommager, attendu qu’il lui en donnerait le même prix. Les sieurs Veyre père et fils ne trouvant pas suffisamment indemnisés, ont fait comparaître le sieur Barrafort pour qu’il ait à prendre sa première balle de soie ou leur augmenter le prix d’ouvraison. Le conseil considérant que le sieur Barrafort a reconnu l’infériorité de la balle de soie qu’il avait livrée aux sieurs Veyre père et fils, puisqu’il leur en avait donné une seconde comme défrayement, et ayant jugé comme insuffisant cette indemnité, a condamné le sieur Barrafort à 50 c. pour 0/0 d’augmentation pour la première balle, à condition qu’elle lui serait livrée aux époques prescrites par les conventions.

Une convention passée entre un négociant et un chef d’atelier pour un temps limité, doit-elle prendre son exécution lorsqu’elle n’a pas été stipulé dans l’acte, à partir de la date de la convention ou seulement du jour où les métiers commencent à fonctionner ? – Le conseil considérant que la convention passée entre MM. Bofferding, chef d’atelier, et Jelot et Ferrière, négociant, portait que ces derniers s’étaient engagés à faire valoir deux métiers de châles. au 1/4 pendant deux années, sans qu’il soit fait mention si c’était à partir de la tirelle faite ou du jour de la date de la convention, a cru devoir regarder comme commencement d’exécution la susdite date, et a débouté le sieur Bofferding de sa demande tendante à faire fonctionner encore deux mois le premier métier monté et quatre mois le second, attendu que le premier n’avait commence à fonctionner qu’au commencement de juin et le second fin aoûti.

Un maître qui, sous une allégation mensongère tendante à jeter une défaveur sur la probité de son élève, veut la renvoyer, est-il admis à une indemnité ? – Non. Le conseil ayant envoyé deux de ses membres et s’étant assuré que le fait avancé par le chef d’atelier était controuvé, a ordonné la résiliation des engagemens sans [3.1]indemnité ; l’apprentie ne pourra se replacer qu’en cette qualité pour finir le temps de son apprentissage.

Ainsi jugé entre dame Pacot, dévideuse, et Delorme, apprentie.

La contravention exercée par l’agent comptable de la caisse de prêt envers un négociant, est-elle valable si ce dernier est possesseur d’un livret signé d’autres fabricans et sur lequel l’agent comptable n’a point inscrit la créance en faveur de la caisse ? – Non. Le conseil considérant que le négociant a agi de bonne foi en cette circonstance, vu que le premier feuillet du livret ayant été arraché, il n’a pu s’assurer si le livret était réellement un livret de fabricant ou un chef d’atelier, a annulé la contravention dirigée contre lui ; mais a rendu la dame veuve M. passible de cette même contravention, attendu qu’il a considéré qu’elle avait agi en cette circonstance avec connaissance de cause. A retenu le livret déchiré, et l’a assujettie à en prendre un autre, sur lequel la créance de la caisse sera enregistrée.

Ainsi jugé entre l’agent comptable, V. et G., négocians, et Ve M. chef d’atelier.

Lorsqu’un apprenti, par sa mauvaise conduite, oblige son maître à demander la résiliation des engagemens même sans indemnité, lui est-elle accordée ? – Oui. Mais le conseil considérant qu’un élève qui était placé pour trois ans et qui n’a plus que 18 mois à faire, porte un préjudice notoire au chef d’atelier, lorsqu’il est obligé de le renvoyer par son insubordination, a regardé comme nul le temps qu’il avait passé chez son maître et l’a obligé de se replacer comme apprenti pour trois ans. Si le chef d’atelier le trouve à travailler ailleurs comme compagnon ou maître, il sera en droit de réclamer une indemnité.

Ainsi jugé entre Péchon, chef d’atelier, et Crestin, apprenti.


i. Nous avons reçu une lettre d’un de nos abonnés, relative au jugement rendu le 23 courant, par-devant le conseil des prud’hommes, sur l’affaire Bofferding, et Jelot et Ferrière ; nous sommes obligés de la renvoyer au numéro suivant, le cadre de celui-ci étant rempli.

A M. le Rédacteur de l’Indicateur.

Monsieur,

Le hasard m’ayant mis entre les mains la Tribune prolétaire du dimanche 19 avril, j’y ai lu une lettre de M. Charnier, dans laquelle j’ai remarqué le passage suivant :

C’est à moi, à moi seul qu’est dû le titre de premier fondateur du la société industrielle mutuelliste en 1827, cela soit dit dans l’intérêt historique autant que dans celui de mon amour-propre.

Cette usurpation du titre de fondateur du mutuellisme par M. Charnier, est un acte, causé sans doute par le fâcheux effet d’une indisposition mentale ; car mes réflexions sur cette absurdité n’ont pu me persuader encore que c’est de sang-froid que M. Charnier a pu l’écrire.

L’association essayée par lui en 1826, n’eut jamais d’organisation ; il s’occupa 22 mois du règlement qui devait la régir. Ce règlement qui n’a pas moins de 135 articles, pouvant facilement se résumer en 25, ressemble tout net à un arrêté de police municipale ; c’est un véritable espionnage mutuel, de chef d’atelier à chef d’atelier, pour parvenir à savoir mutuellement ce qui se passe chez tous. Les femmes, avec le beau titre de surnuméraire, sont galamment admises par M. Charnier dans l’association, sans doute pour rendre l’œuvre plus facile aux sociétaires. Aucune idée n’est émise dans ce règlement pour parvenir à réformer les abus, existans en fabrique et les mauvaises coutumes de certains négocians ; aussi les heureuses inspirations de son auteur m’ont toujours fait croire qu’il avait travaillé précisément dans l’intérêt de ces messieurs et non dans celui de ses confrères. On peut en juger par les articles suivans :

Art. 64. « Il est défendu, sous peine d’exclusion, de s’entendre jamais pour obtenir une augmentation de façon.

Art. 121. « Seront exclus comme étant ingrats, ceux des membres qui cesseraient de travailler pour un fabricant dont il aurait reçu des avances.

Art. 134. « Le présent règlement sera soumis à l’approbation des principaux fabricans, et son exécution aura lieu aussitôt cette formalité remplie. »

On peut juger du charivari qui vint assourdir l’auteur des 135 articles, quand après longue patience ont pu chacun à leur manière le juger incapable d’une bonne et solide organisation. Quarante personnes présentes lui donnèrent de jolies petite bénédictions, et le laissèrent seul avec son grand projet.

[3.2]Ce ne fut que plus tard, c’est-à-dire véritablement au mois de juin 1828, que quelques personnes revenues des dégoûts que M. Charnier leur avait causés, sentirent que pour protéger les intérêts du chef d’atelier et ceux de l’honnête négociant, une association industrielle était nécessaire. Un homme d’un esprit juste et au cœur généreux, en jeta les premiers fondemens, et ce fut là seulement le mutuellisme. Beaucoup d’autres, par d’heureuses idées, contribuèrent à cette création d’intérêt général, et nul n’a eu la ridicule ostentation de se donner le titre de premier fondateur.

M. Charnier aurait donc étonné par sa lettre tous ceux qui savent qu’il n’est parvenu à se faire recevoir membre mutuelliste qu’au mois d’octobre 1832, au moment de la formation de la troisième loge centrale. Son numéro d’ordre est donc seulement dans la catégorie du septième cent.

Je crois devoir vous adresser ces faits relatifs à M. Charnier, vous priant, M. le rédacteur, d’avoir la complaisance de les consigner dans le prochain numéro de votre journal, beaucoup plus dans l’intérêt de l’histoire, que dans celui de l’amour-propre de M. Charnier.

Un Solitaire de la Montagne.

VARIÉTÉS.

une exécution militaire.

(Deuxième et dernier article.)

Mon cher Pierre,

Un conscrit du village devant rejoindre ton régiment, c’est par lui que tu recevras ma lettre ; je l’ai aussi chargé de te remettre une petite bourse de soie, faite pour toi, et en cachette de mon père, car il gronde toujours parce que je t’aime ; il me dit que tu es inconstant et que tu ne reviendras pas. Mais tu reviendras, n’est-ce pas ? Mon cœur me le dit ; je crois même que si je ne devais plus te revoir, je t’aimerais toujours. Tu te rappelles nos promesses réciproques le jour où tu ramassas mon mouchoir à la fête d’Aremberg ; mais quand reviendras-tu ? Encore deux ans de service ; deux ans ! ce sont deux siècles ! adieu, Pierre, pense à ta pauvre Marie.

P. S. Tâche de m’envoyer quelque petit souvenir ; non que je puisse t’oublier un moment, mais afin que j’aie quelque chose de toi, que je puisse porter sur mon cœur. Embrasse ce que tu m’enverras, pour que l’empreinte de tes lèvres puisse être pressée par les miennes.

Malheureux post-scriptum !… Voilà la cause du crime : sans lui Pierre eût été pressé dans les bras de sa fiancée.

Le colonel, ayant terminé cette lecture, replia la lettre en silence, ses lèvres étaient pâles, et passant sa main sur son front, il écarta quelques mèches de cheveux rares et gris, usés par les lauriers d’Austerlitz et d’Iéna, pour cacher une larme qui se frayait un chemin sur ses joues. Il promena son regard du prisonnier à ses juges, comme pour retremper son stoïcisme, et à voix basse consulta les autres officiers, qui tous répondirent par des signes affirmatifs à ses questions. Se retournant alors vers l’accusé, il lui dit avec gravité :

Parlez ; qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

Le jeune soldat fit quelques pas en avant et dit : Ce fut hier soir, après avoir reçu mon billet de logement, que Hofer me remit la lettre de Marie. Je ne pus dormir de la nuit, tant les souvenirs de mon pays ont de force sur mon cœur. Marie m’avait demandé un souvenir, et je n’avais pas d’argent ; je venais d’envoyer à ma vieille mère, dans la misère, le mois de solde que j’ai obtenu dernièrement. Ce matin, en ouvrant ma fenêtre, un mouchoir bleu a frappé mes regards ; il ressemblait à celui de Marie, celui qu’elle avait laissé tomber à la fête d’Aremberg. Sans penser à la faute que j’allais commettre, je fus assez faible pour le prendre ? le presser sur mes lèvres et le cacher dans mon sein.

J’étais à peine dans la rue que j’eus honte de mon action ; [4.1]j’allais rentrer dans la maison ; mais cette brave femme était à ma poursuite. Le mouchoir fut trouvé sur moi.

Voilà, mon colonel toute la vérité. Vos lois militaires me condamnent à mort ; la mort ne m’effraie point ; mais ne me méprisez pas, et accordez-moi une grâce : c’est de me laisser mourir sans me faire bander les yeux.

La fermeté de ses juges fut vaincue par la simplicité de sa demande ; mais pas une voix ne s’éleva en sa faveur, et il fut condamné à mort. La sentence lui fut à l’instant prononcée ; il l’entendit avec soumission et fermeté, et s’approcha de son capitaine auquel il demanda quatre fr. Cet officier les lui ayant donnés, il dit à la femme à qui appartenait le mouchoir : « Madame, voilà quatre francs. Je ne sais si votre mouchoir vaut davantage ; mais dans ce cas, vous voudrez bien m’excuser ; je ne possède plus rien !!! »

Il prit le mouchoir, le pressa sur ses lèvres, le présenta a son officier, et lui dit : « Mon capitaine, dans deux ans vous reverrez nos montagnes ; si vous passez à Aremberg, vous verrez ma mère, ma pauvre mère ; » et l’émotion altéra sa voix… « Si le chagrin ne l’a pas encore fait descendre au tombeau… votre cœur vous dictera ce que vous lui direz. » Le capitaine lui serra affectueusement la main. « Quand vous irez au village, poursuivit-il, demandez le chalet de Marie, on vous l’indiquera ; donnez-lui ce mouchoir, dites-lui qu’il appartient à Pierre ; mais qu’elle ignore à quel prix il l’acheta ! »

Pierre se retira en arrière et se mit à genoux. Sa prière dura quelques secondes ; son cœur était pur ; sa prière fut courte. Il se releva, et sans hésitation, s’avança au lieu du supplice.

Quel affreux moment ! quel agonie terrible ! Je m’étais identifié avec ce malheureux : il me semblait le connaître depuis des années, l’avoir vu dans son village, soutenant les pas chancelans de ses vieux parens, ou dansant avec Marie sur le gazon d’Aremberg, si maintenant j’allais le voir mourir, lui qui n’avait pas encore vécu, lui l’idole d’une jeune fille, l’unique soutien d’une vieille mère, qui peut-être en ce moment élevait ses mains décharnées vers le ciel pour le supplier de lui accorder assez de jours pour voir encore son fils, son cher fils, qu’elle avait élevé, sur lequel elle avait veillé tant de nuits ; ce fils qui allait être sacrifié de sang-froid pour une faute à moitié commise et deux fois rachetée par le repentir. Et tout cela pour le maintien de l’ordre, pour l’exemple, pour la société enfin… Marie, je la connais aussi ; je l’avais vue, j’aurais pu la reconnaître entre mille… Sa taille svelte, ses yeux d’azur fixés sur l’endroit où elle avait reçu le dernier adieu de son amant, ou souriant à l’idée du retour de celui dont le corps allait l’attendre dans la tombe.

La dernière scène du drame n’était point achevée : je voulus éviter l’horreur d’un tel spectacle, et je me cachai dans la partie la plus touffue de la forêt. J’y étais à peine quand j’entendis une décharge de mousqueterie.

Tout était fini !

Une heure après, je retournai à l’endroit fatal ; le régiment avait continué sa marche, tout était calme, calme de mort !… Dans un sentier, je vis quelques taches de sang ; plus loin, un petit monticule de terre fraîchement remuée. Avec deux branches je fis une croix grossière et la mis sur la tombe du soldat.

L. D. P.

(Traduit de l’anglais.)

Il y a eu une épouvantable éruption de Volcan, à ce qu’on suppose, près de San-Vincente. Le bruit ressemble à une décharge d’artillerie, à tel point qu’on a cru qu’un bâtiment perdu sur le récif, faisait des signaux de détresse. On dit que 12 à 14 villages ont été détruits, San-Vincente ruiné, et qu’il y a eu beaucoup de victimes.
(La Justice.)

– Un crime tel que les annales des peuples n’en fournissent heureusement jamais, vient d’être découvert à Turin. Un charcutier de cette ville fut arrêté comme soupçonné d’avoir assassiné une jeune personne de 15 ans, qui lui avait vendu des œufs au marché, et qui les avait portés jusque chez lui. Voici les faits que les débats ont relevés :

Le misérable dont il est ici question, commettait depuis [4.2]long-temps une foule de meurtres sur des jeunes personnes, que sous différens motifs il faisait venir chez lui ; et là, après les avoir introduites dans son domicile, il assouvissait sur elles ses passions brutales, et les massacrait ensuite impitoyablement, après quoi il les hachait en morceaux et en faisait des saucisses qu’il mangeait avec délices, et que toutes les pratiques trouvaient fort bonnes. La dernière enfant qui fit découvrir toutes ses atrocités resta pendant plus de trois heures enfermée avec lui dans sa chambre, il lui dit ensuite qu’il fallait mourir et malgré les prières de cette jeune fille, qui lui demandait la vie en se roulant à ses pieds, il lui abattit la tête et la coupa par morceaux ; ce furent ces lambeaux palpitans pris chez lui qui le firent arrêter, et il avoua lui-même tous les détails de ses divers crimes.
(Idem.)

INDICATIONS.

Sur la fin de la semaine plusieurs négocians nous ayant communiqué des notes pour des métiers à monter en différens genres, soit courans 400, 600, 900, gilets idem, mouchoirs, bordures et divers articles en unis, nous invitons les chefs d’atelier qui auraient des métiers de disponibles, à vouloir bien s’adresser au bureau, qui est ouvert tous les jours de 9 heures du matin à 2 heures du soir, et de 4 à 7.

On demande des compagnons pour différens articles ; s’adresser au bureau.

AVIS.

Il a été retiré du Rhône, il y a peu de jours, sur la commune de Tupins et Semons, le cadavre d’un homme paraissant âgé de 50 à 55 ans, de la taille d’un mètre 68 centimètres (5 pieds 2 pouces), ayant les cheveux et des favoris châtains

Le corps, qui ne présentait d’ailleurs aucune trace de blessure ni de contusion, était vêtu d’une veste, d’un pantalon et de demi-guêtres en drap bleu, d’un gilet rouge, d’un caleçon et une chemise en toile, sans marque.

En cas de renseignemens, les adresser à la préfecture du Rhône, division de la police.

ANNONCES.

A LOUER,
UN SUPERBE BATIMENT,
dit l’ancien-chateau,
au centre de Bourgoin,
susceptible de servir à un atelier de fabrique pouvant contenir 60 ou 70 métiers. Le propriétaire fera les réparations nécessaires. La location est à un prix très modéré.
S’adresser sur les lieux à M. Bertrand, propriétaire.

A vendre un atelier de pliage bien achalandé.
S’adresser au bureau.

– A vendre, trois métiers de châles lancés.
S’adresser cours Morand, aux Brotteaux, n° 8, au portier.

– A vendre, pour cause de départ, un atelier de quatre métiers, dont deux en châles au 1/4 en six et sept quarts de large ; mécaniques en 900, 1 500 et 200 ; le tout ensemble ou en partie.
S’adresser chez M. Martinon, place de la Croix-Rousse, n° 17, au 2me.

A vendre, un atelier de 4 métiers travaillant en façonnés, mécaniques, une en 400, deux en 600 et une en 900, et divers accessoires.
S’y adresser chez M. Revolat.

A vendre, un bois de métier et une mécanique en 400.
S’adresser chez M. Greppo, rue du Commerce, n° 27, au 3e.

Notes (félicité des hommes par leur rapport entre...)
1 « […] » On trouve, dans l’ensemble du texte original, de longs paragraphes composés de pointillés : ces espaces laissés blancs symbolisent la façon dont cette presse industrielle, accablée par les poursuites pour délit d’opinion politique, est alors dans l’obligation de s’autocensurer.

 

 

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