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[1.1]Une souscription est ouverte au bureau de l’Echo de la Fabrique en faveur des blessés, des veuves et des orphelins des trois journées de novembre. Nous en appelons à toutes les ames généreuses, à ces cœurs philantropes qui ont secouru l’infortune jusque sur des rives étrangères, et dont l’humanité ne manquera pas de venir au secours de leurs concitoyens malheureux.
LYON. DES SOCIÉTÉS INDUSTRIELLES. 1
Aide-toi, je t’aiderai. Ce précepte a passé de la religion dans la morale, et de la morale dans les besoins physiques de l’espèce humaine. En effet, que l’homme s’aide et ses semblables l’aideront ; que chaque individu se pénètre que ce n’est pas pour vivre isolé qu’il est sur cette terre, mais pour concourir au bien de tous, et partant à son bien-être particulier. Que faut-il à l’homme du peuple, à l’industriel, pour arriver à ce principe que l’homme doit vivre en travaillant ? Il faut qu’il s’unisse à ses semblables, qu’il forme avec eux une société qui, comme une digue puissante, arrête le débordement d’abus qui, depuis long-temps, le plonge dans la plus affreuse misère. Ce n’est point, selon nous, par des collisions violentes que l’on parvient à obtenir du travail, ni un salaire plus élevé. Si la menace d’un grand fait aujourd’hui peu de sensation parmi la classe industrielle, l’émeute tue aussi le commerce… [1.2]Il est un moyen simple, mais fécond en résultats, c’est celui de l’association. Avec elle, les hommes, se communiquant mutuellement leurs pensées, pourront mettre en œuvre des moyens légaux pour relever l’industrie de cette apathie où elle est tombée ; ils pourront s’entendre sur leurs intérêts et déjouer enfin l’égoïsme, fléau qui les menace de plus en plus. Pour nous, ne rêvant que l’amélioration du sort de la classe prolétaire, nous croyons que la seule route que les hommes puissent prendre pour arriver au bonheur, est celle des sociétés industrielles. Nous allons en démontrer quelques avantages : l’artisan aujourd’hui vit isolé ; il sent cette faiblesse qu’éprouve un être sans aucun soutien ; il ignore complètement son droit, parce que personne ne le lui rappelle, et découragé, ne voyant que sa misère, il se livre à l’égoïste qui brille dans le monde, tandis que lui meurt de faim en travaillant quinze heures par jour… Si les artisans adoptaient un système d’association, les abus qui les accablent seraient d’abord réformés ; car, selon nous, telle doit être la base de la société à créer. Toute société qui n’atteindrait pas ce but, ne serait qu’illusoire, et laisserait les ouvriers à la merci de celui qui leur fera gagner un morceau de pain. Outre la réforme opérée dans l’industrie, l’association peut garantir un homme contre le fléau de la misère provenant d’autres causes que du travail. Et le bien le plus essentiel, c’est que les hommes, étant toujours en contact, s’habitueraient à se communiquer leurs lumières, rendraient de plus grands services au pays, se mettraient en garde contre ceux qui sont habitués à [2.1]s’enrichir aux dépens de leurs travaux, et deviendraient essentiellement meilleurs. Nous ne voulons pas imposer aux artisans une société faite pour nous et par nous ; nous laissons aux masses le soin de se choisir le mode qui leur conviendra le mieux. Nous ne voulons point non plus blâmer les sociétés existantes ; c’est, comme nous l’avons dit, aux masses de les juger et d’adopter celle qui leur conviendra le mieux dans l’intérêt de l’industrie, de la civilisation et du bien-être de la classe pauvre. Plusieurs projets d’association nous ont été soumis ; l’un est une organisation par cercles industriels, formant une caisse de prêt où les chefs d’ateliers pourraient puiser des fonds, soit dans un temps mauvais, soit lorsqu’ils seraient forcés à faire de grands frais pour monter de nouveaux articles ; cette société serait plutôt des cercles d’amis qu’une société de bienfaisance. Un autre mode proposé se rattache beaucoup aux anciennes sociétés, connues sous le nom de sociétés d’arts et métiers ; et enfin un troisième a été proposé par M. Benjamin Rolland, sur les bases de la société protestante de secours mutuels. Nous ne voulons point nous prononcer pour le mode à adopter. Nous dirons seulement que ce n’est pas un grand nombre de sociétés qu’il faut ; au contraire, les masses doivent choisir la meilleure et l’adopter ; car ce n’est que de l’union que les artisans doivent attendre leur avenir. Nous dirons aussi que toute société qui n’aurait pas pour but d’extirper les abus qui pèsent sur la classe ouvrière, serait nulle dans ses effets, et n’aurait qu’un résultat précaire. Nous terminons en invitant nos concitoyens à chercher, sans enfreindre les lois, bien entendu, le meilleur mode d’association et à l’adopter avec empressement ; car de là dépend la prospérité de la fabrique de Lyon, et la disparition de ces abus qui ont plongé les ouvriers dans la plus affreuse misère.
Le Courrier de Lyon avait dit ces mots après quelques déclamations sur notre article en réponse à M. Fulchiron1 : en attendant que nous y fassions une réponse qui aujourd’hui se sentirait trop de notre indignation, etc. Et voilà que nous avions la bonhomie d’attendre que l’indignation de ces messieurs fût assoupie ; à chaque numéro nous pensions trouver ce terrible anathème, mais ce pauvre Courrier n’a pas répondu, et d’ailleurs, qu’aurait-il pu dire ? M. Fulchiron avait avancé à la tribune, en termes peu modérés, des faits tellement exagérés qu’ils en étaient ridicules, d’autres totalement faux. Il n’était donc pas trop possible de convaincre les Lyonnais que dans les événemens de novembre, il y avait eu pillage et conspiration contre la propriété. Aussi le Courrier de Lyon a-t-il cru devoir garder le silence, et certes il a eu raison. Après nous avoir dénoncés au gouvernement dans son numéro du 13 février (et nous sommes trop honnêtes pour ajouter ici l’épithète qu’on donne à de tels actes), en insinuant qu’on devrait exiger de nous 32,000 fr. parce que notre feuille parle aux pauvres de leur indigence et à l’ouvrier de son salaire, le Courrier, dans son numéro du 23, revient à sa tactique qui, selon nous, n’est pas très-honorable ; il dit que sa mission est de signaler les écarts de la mauvaise presse lyonnaise ; ainsi c’est bien entendu, le Courrier dénoncera et fera la police en fait que de presse. Nous le félicitons du beau rôle qu’il se propose de remplir. Nous devrions être pourtant moins sévères d’après l’espèce d’amende honorable que fait la feuille de la [2.2]presse par excellence pour son coryphée. Nous y lisons : Dans son improvisation rapide, se servant des termes génériques d’ouvriers, notre honorable mandataire n’a pas distingué les ouvriers en soie qui ont commencé l’émeute et plus tard l’ont contenue, des ouvriers maçons et terrassiers qui l’ont achevée et exploitée. Ainsi donc, M. Fulchiron a voulu surprendre la religion de la chambre, lorsqu’il a dit que les ouvriers avaient de mauvaises intentions, car il ne s’agissait ici que des ouvriers en soie, et surtout quand il a ajouté que c’était une conspiration des proletaires contre la propriété. Allons, messieurs, soyez plus justes ! avouez que l’improvisation rapide vous a entraînés hors de la vérité. Et quand nous répondrons avec franchise au nom d’une population entière qu’on a diffamée, ne parlez pas de votre indignation ; gardez-la pour ceux qui s’efforcent de faire deux camps sous les noms de prolétaires et d’hommes de la propriété, d’un peuple qui a besoin de ne former qu’un seul faisceau pour déjouer ses ennemis intérieurs et extérieurs.
Le Courrier de Lyon qui s’efforce de nous montrer comme ennemis des fabricans1, s’empare d’une lettre insérée dans notre dernier numéro, et nous fait un crime de la note que nous avons mise au bas. Eh bien ! nous renvoyons tous les hommes sensés à la lecture de la lettre plus que brève de M. Gauthier, fabricant, reproduite par le Courrier de Lyon dans son numéro du 23 février, et on jugera qui à tort de nous ou de la feuille qui nous attaque, dont la prudence va jusqu’à cacher le nom du correspondant ; il est vrai que nous ne savons pas trop pourquoi, c’est le secret du journal par excellence. Si M. Gauthier, au lieu de nous écrire avec ce ton cavalier qui fait aujourd’hui peu de sensation, nous avait donné la moindre explication, soit verbalement, soit dans sa lettre, nous nous serions fait un devoir de le justifier ; mais nous demandons l’impossible. Lisez le Courrier de Lyon et vous verrez qu’on ne doit aucun égard aux écrivains du journal des prolétaires.
ABUS DES ÉCRITURES SUR LES LIVRES D’OUVRIERS. 1
Il y a plus de 30 ans, à une époque où l’on voulait aussi réformer les abus, il fut fait une loi qui spécifiait que les écritures des livres seraient faites par chacune des parties contractantes, c’est-à-dire, que l’ouvrier écrirait de sa main les matières et l’argent qu’il recevait sur le livre du négociant, et que ce dernier écrirait de même sur les livres des ouvriers l’argent et les matières. Cette loi, qui n’a point été abrogée, mais qui fut toujours sans force à Lyon, parce qu’elle était inexécutable, serait encore trop prématurée aujourd’hui. Aussi n’est-ce point ce que nous proposerons, seulement nous croyons indispensable, pour éviter beaucoup d’erreurs et de contestations de part et d’autre, que le nombre de mateaux, la qualité des matières, ainsi que leurs poids, soient écrits en toutes lettres, avec la date du jour où elles sont données ou reçues. Cette manière d’écrire, qui n’offre aucune difficulté dans l’exécution, mettrait, par son usage, fin à beaucoup de contestations qui sont toujours scandaleuses, et dont les prud’hommes sont très-embarrassés pour les juger, surtout lorsqu’il existe des chiffres refaits ou ajoutés sur les deux livres, sans explication de date du [3.1]nombre de mateaux de trames. Ces chiffres, disons-nous, rendent ainsi les erreurs impossibles à découvrir. La bonne foi du négociant, ainsi que celle de l’ouvrier, étant mise en doute, les juges ne peuvent donc que concilier les parties, en les engageant à se partager le déficit. Dans ce cas, aucune des parties ne paraît satisfaite du jugement, et l’ouvrier en est toujours la victime. Pour preuve de ce que nous avançons, nous pourrions montrer des livres où aucune date, ni la qualité des matières n’est écrite, on n’y trouve que des chiffres qui sont faciles à être ajoutés ou refaits. Nous avons vérifié tout récemment le livre d’un ouvrier qui se trouvait en solde de 500 grammes par le fait d’un zéro transformé en 8, et nous avons, au lieu du poids de 1,050 grammes qu’il avait reçu, trouvé celui de 1,850 grammes, après avoir été forcé de laisser son livre entre les mains des commis de la maison pendant dix jours pour le régler. De pareils faits, qui sont impossibles à juger, parlent assez haut pour prouver l’urgence d’adopter le mode que nous proposons, qui est déjà en usage dans les premières maisons de Lyon, qui tiennent à faire preuve d’exactitude et de justice envers leurs ouvriers, et qui nous ont elles-mêmes souvent manifesté leur étonnement de ce que les ouvriers n’avaient pas réclamé plutôt contre de semblables abus, dont le moindre est pour eux la perte de leurs avances ; perte dont ceux qui ne savent pas compter, ne s’aperçoivent que lorsqu’on règle leurs livres, c’est-à-dire tous les six mois ou toutes les années. Pour mettre fin à de pareils abus, et terminer avec justice toutes les difficultés qui pourraient s’élever à ce sujet, nous concluons : que toutes les fois qu’il y aurait réclamation de la part de l’ouvrier, et qu’il serait impossible de reconnaître l’erreur, parce que le nombre des mateaux des trames, le nombre des bobines, ainsi que leurs poids, ne seraient pas écrits en toutes lettres, le déficit serait à la charge du négociant, comme seul chargé d’écrire et de tenir ses comptes en règle, de les établir clairement à la portée de toutes les intelligences, et, par conséquent, le négociant doit être responsable de toutes les erreurs qui peuvent s’y glisser. Dans notre prochain N°, nous traiterons de l’urgence, sinon de régler les comptes de toutes les pièces, du moins de les additionner. Nota. Nous avons appris que quelques négocians, pour se soustraire à payer les tirelles, lorsque les ouvriers rendent leurs roquets et leurs peignes, y ajoutent le mot tirelle. Nous prions les chefs d’ateliers de se tenir en garde contre cette manœuvre d’une nouvelle invention, et par laquelle ils se trouvent exposés à perdre leurs droits sur les tirelles. Nous rappellerons donc aux chefs d’ateliers que le droit qu’ont les ouvriers de faire des tirelles à toutes les pièces, n’a jamais été abrogé par aucun réglement des prud’hommes, seulement l’usage s’est établi de n’accorder que 15 grammes aux pièces qui n’en ont point. Les premières maisons de commerce n’ont jamais dérogé à cet usage ; ce que nous avançons a été confirmé par le conseil des prud’hommes.
On parle beaucoup des élections du nouveau conseil des prud’hommes1 ; on en parle, est-ce là tout ce que doivent faire les électeurs ? Le moment s’approche et on ne pense pas à se préparer ; la négligence pourrait bien faire que le conseil des prud’hommes, au lieu de représenter deux corps distinctifs, n’en représentât qu’un seul. Savez-vous ce que vous disent quelques électeurs [3.2]pour justifier leur insouciance ? Ils allèguent qu’ils ne vont jamais pardevant les prud’hommes. Mais s’ensuit-il de là que tel qui n’a pas paru au conseil pendant vingt ans d’établissement, ne puisse y paraître demain ? Et d’ailleurs ne savent-ils pas que le nouveau conseil doit établir les prix par une mercuriale ? Nous allons citer un fait qui seul doit les convaincre de la nécessité d’obtenir des juges équitables. Dernièrement, un négociant consciencieux, dont nous pourrions citer le nom, n’étant pas d’accord avec un chef d’atelier sur le prix des façons, lui dit amicalement : écoutez ; allons pardevant les prud’hommes, et ce qu’ils décideront, nous nous y tiendrons tous deux, ce qui fut fait ; ainsi, avec un mauvais conseil, il est présumable que l’ouvrier n’aurait pas été satisfait. L’insouciance, selon nous, est donc coupable, et le chef d’atelier ne se doit pas seulement à lui de voter pour de bons prud’hommes, il le doit aussi à la masse d’ouvriers que l’ordonnance prive de ce droit. Nous devons prévenir les chefs d’ateliers contre quelques manœuvres qu’on nous a signalées. On dit, et nous ne pouvons le croire, que quelques négocians cherchent à influencer les élections en insinuant aux chefs d’ateliers, que si l’on nomme pour prud’hommes les hommes que ces messieurs désignent, il serait impossible de s’entendre. Nous ne faisons ici aucun commentaire, nous laissons à la sagacité de nos lecteurs le soin de juger quels sont les hommes qu’on voudrait exclure. Les chefs d’ateliers doivent voter d’après leur conscience ; aucune influence ne doit agir sur eux ; ils doivent choisir des hommes probes, connus par leurs précédens, joignant la fermeté à la justice, et ne fléchissant jamais auprès des considérations, et encore moins près de la flatterie. Il faut que les électeurs se défient surtout de ceux qui vont quêtant les suffrages ; celui qui veut à toute force être prud’homme, cache quelque arrière-pensée. Nous ne saurions trop recommander aux électeurs de faire de bons choix ; car de là dépend l’avenir de la fabrique d’étoffes de soie de Lyon.
M. Gerbaud vient de publier une brochure intéressante intitulée1 : Projet de loi en remplacement des droits réunis. Cet écrit est plein de vues essentiellement économiques, et l’auteur traite toutes les questions avec parfaite connaissance de cause. Croirait-on que l’économiste, l’homme qui a attaqué un droit que chacun regarde aujourd’hui comme un contresens avec la charte-vérité ; croirait-on qu’il ait été renvoyé d’un modeste emploi qu’il occupait d’après la publication de cet écrit ? C’est ce qui est arrivé à M. Gerbaud. Ne pouvant analyser toute cette brochure pleine de sens et de clarté, nous en extrayons le passage suivant pour que nos lecteurs puissent juger du mérite de l’ouvrage et de l’intérêt que prend son auteur aux classes pauvres : « Un rapport, dit Rousseau, qu’on ne compte jamais et qu’on devrait toujours compter le premier dans la répartition de l’impôt, est celui des utilités que chacun retire de la confédération sociale qui protège fortement les immenses possessions du riche, et laisse à peine un misérable jouir de la chaumière qu’il a construite de ses mains. Tous les avantages de la société ne sont-ils pas pour les puissans et les riches ? tous les emplois lucratifs ne sont-ils pas remplis par eux seuls ? toutes les grâces, toutes les exemptions ne leur sont-elles pas réservées ? et l’autorité publique n’est-elle pas toute en leur faveur ? Qu’un homme de considération vole ses [4.1]créanciers ou fasse quelques friponneries, n’est-il pas toujours sûr de l’impunité ? Les coups de bâton qu’il distribue, les violences qu’il commet, les meurtres même et les assassinats dont il se rend coupable, ne sont-ce pas des affaires qu’on assoupit et dont au bout de six mois il n’est plus question ? Que ce même homme soit volé, toute la police est aussitôt en mouvement, et malheur aux innocens qu’il soupçonne ! passe-t-il dans un lieu dangereux, voilà les escortes en campagne ; l’essieu de sa chaise vient-il à se rompre, tout vole à son secours ; fait-on du bruit à sa porte, il dit un mot et tout se tait ; la foule l’incommode-t-elle, il fait un signe et tout se range ; un charretier se trouve-t-il sur son passage, ses gens sont prêts à l’assommer, et cinquante piétons honnêtes allant à leurs affaires seraient plutôt écrasés qu’un faquin oisif retardé dans son équipage : tous ces égards ne lui coûtent pas un sou ; ils sont le droit de l’homme riche et non le prix de la richesse. Que le tableau du pauvre est différent ! plus l’humanité lui doit, plus la société lui refuse. Toutes les portes lui sont fermées même quand il a le droit de les ouvrir ; et si quelquefois il obtient justice, c’est avec plus de peine qu’un autre n’obtiendrait grâce : s’il y a des corvées à faire, une milice à tirer, c’est à lui qu’on donne la préférence. Il porte toujours toute sa charge, celle dont son voisin, plus riche, a le crédit de se faire exempter : au moindre accident qui lui arrive, chacun s’éloigne de lui ; si sa pauvre charrette renverse, loin d’être aidé par personne, je le tiens heureux s’il évite en passant les avanies des gens lestes d’un jeune duc : en un mot, toute assistance gratuite le fuit au besoin, précisément parce qu’il n’a pas de quoi la payer. Mais je le tiens pour un homme perdu, s’il a le malheur d’avoir l’ame honnête, une fille aimable, un puissant voisin. Une autre attention non moins remarquable à faire, c’est que les pertes des pauvres sont beaucoup moins réparables que celles du riche, et que la difficulté d’acquérir croît toujours en raison du besoin. On ne fait rien avec rien, cela est vrai, dans les affaires comme en physique, l’argent est la semence de l’argent, et la première pistole est quelquefois plus difficile à gagner que le second million. Il y a plus encore, c’est que tout ce que le pauvre paie est à jamais perdu pour lui, et reste ou revient dans les mains du riche, et comme c’est aux seuls hommes qui ont part au gouvernement, ou à ceux qui en approchent, que passe tôt ou tard le produit des impôts, ils ont même, en payant leur contingent, un intérêt sensible à les augmenter.
Jeudi dernier, M. le maire avait convoqué à l’Hôtel-de-Ville les principaux officiers de l’ex-garde nationale, pour les consulter sur des demandes de récompenses honorifiques et pécuniaires faites par des gardes nationaux à l’occasion des événemens de novembre. Un officier supérieur, connu par son noble caractère, a fait, dit-on, à cet égard d’énergiques observations sur l’inconvenance de récompenses à accorder pour des faits qu’on ne saurait assez effacer ; quant aux récompenses pécuniaires, l’orateur aurait ajouté qu’elles devaient être répandues sur les deux camps. Enfin, cet honorable citoyen ayant refusé sa coopération à tout travail de ce genre, et l’assemblée ayant fait éclater bruyamment les mêmes sentimens, il a été impossible de rien conclure à ce sujet. Nous nous abtenons de toute réflexion sur une démarche au moins inconséquente. Nous aurons toujours sur notre bannière : paix et oubli.
AU RÉDACTEUR.
[4.2]Messieurs, Outre l’école entièrement gratuite qui est confiée à M. Bailleul et dont vous parlez dans l’intéressant article : Instruction populaire, de votre feuille du 5, la société pour l’instruction élémentaire du Rhône1 compte à Lyon huit écoles lancastriennes établies par elle dans divers quartiers et où elle dispose de 330 places gratuites, sous la réserve de 50 c. par mois pour frais d’ardoises, plumes et papiers à la charge de chaque élève. On s’inscrit pour toutes ces écoles chez M. Chevrolet, grande rue des Capucins, n° 16. Nous sommes persuadés, messieurs, que vous vous ferez un vrai plaisir de donner ces renseignemens à ceux de vos nombreux lecteurs qui peuvent les ignorer. Il est trop vrai, messieurs, que ces écoles jointes à celles de frères, jointes à celles que la société pour l’enseignement élémentaire est sur le point d’établir avec les fonds que l’autorité municipale lui a confiés pour cet important objet, seront encore loin de suffire aux besoins de la cité et du régime où nous entrons, de ce régime où le pouvoir fait et doit faire le moins, où les mœurs et les lumières des citoyens doivent faire le plus. L’intérêt de l’enseignement national nous appelle tous à de nouveaux, à de plus grands efforts ; ce qu’on a tenté sous une charte octroyée, ne suffit plus aux nécessités d’un peuple libre, on lui doit et l’on se doit à soi-même de faire pour lui bien davantage. Aujourd’hui, former des citoyens, c’est pour des citoyens une obligation bien autrement sérieuse, que n’était précédemment pour le riche celle de travailler à l’éducation du pauvre. Cette vérité inflexible, mais salutaire, vous contribuerez sans doute puissamment, messieurs, à la faire comprendre, à la faire triompher. Mais ce ne sera point assez, car il est certain que si les écoles manquent à la population, la population manque aussi trop souvent aux écoles. Les écoles lancastriennes de Lyon se perfectionnent évidemment de jour en jour ; les honorables instituteurs qui les dirigent s’y montrent toujours mieux pénétrés de l’importance de leur mission, toujours plus dignes de la confiance et du respect public. Tous ont obtenu l’estime de l’Université : deux d’entre eux, MM. Germain et Lagier, viennent de recevoir des marques précieuses de son intérêt, une médaille d’argent et une médaille de bronze, et pourtant les places offertes gratuitement au public dans ces divers établissemens sont loin d’être toujours occupées. Vous coopérerez sans doute, messieurs, de toutes vos forces à bien faire entendre aux classes les moins instruites que, pour acquérir de l’instruction, elles ont, elles aussi, quelque chose à faire, c’est de la désirer, de s’en montrer toujours plus dignes et de savoir en profiter. Ne flattons pas plus les routines du pauvre que celles du riche ; amis de tous également, signalons à tous avec bienveillance et franchise, la part que chacun est rigoureusement tenu d’apporter dans le faisceau fraternel de la prospérité commune. Agréez, messieurs, etc. Dessaix, D. M. de la société pour l’instruction élémentaire du Rhône. Note du Rédacteur. Nous publions avec plaisir cette lettre, parce qu’il n’entre point dans nos vues d’être exclusifs dans les citations honorables que nous faisons, et si nous avons mis le nom de M. Bailleul dans notre article intitulé : Instruction populaire, c’est que, à part le mérite, son école étant entièrement gratuite, elle nous est venue la première à la pensée, et qu’un de ses élèves, comme nous l’avons dit, est employé dans nos bureaux. [5.1]Nous savons gré à notre correspondant de nous avoir fourni le moyen de rendre justice à tous les instituteurs qui se livrent, d’après la méthode lancastrienne, à l’éducation de la classe pauvre avec un courage sans exemple ; et nous les félicitons de leurs succès, notamment MM. Germain et Lagier qui nous sont connus. Nous croyons avec notre correspondant que, si les écoles manquent à la population, la population manque aussi trop souvent aux écoles. Dans un prochain article sur l’instruction populaire nous nous ferons un devoir de faire un appel à la classe industrielle, car si nous croyons avec les publicistes qu’une nation est grande quand elle est bien gouvernée, nous y ajoutons : et quand elle est bien instruite.
AU MÊME
Monsieur, Par suite d’une plainte portée par M. Cock, négociant de cette ville, j’ai subi un interrogatoire, une confrontation, une détention de 24 heures ; justice m’a été rendue par M. le juge d’instruction, mais le bien se répand avec peine, le mal trouve mille échos : père de famille, je tiens à ce que le soupçon le plus léger ne puisse atteindre le nom que je transmets à mes enfans ; chef d’atelier, rien ne doit altérer la confiance que veulent bien m’accorder les fabricans pour lesquels je travaille : il est donc nécessaire que l’on sache que la plainte portée contre moi a été sans motifs réels ni plausibles, que j’ai été victime d’une démarche irréfléchie de la part de M. Cock, et que je n’ai pas mérité le moindre reproche. Je crois que j’aurai atteint le double but que je me propose, si vous voulez bien donner la publicité à mes explications en leur consacrant une place dans votre journal. Au commencement de septembre 1831, M. Cock me remit une pièce pour fabriquer des schals d’un dessin nouveau et particulier, je fus obligé de monter un métier exprès, mais je n’hésitai pas, il m’avait promis d’autres pièces. Le 8 octobre suivant, je lui remis un schal échantillon, il fut satisfait, je continuai la fabrication, je livrai les schals au fur et à mesure de leur exécution ; le 29 décembre il a reçu le 18me, c’était le dernier ; il ne me fut point remis d’autres pièces, je réclamai une indemnité, je n’ai pu l’obtenir de M. Cock que par l’intermédiaire du conseil des prud’hommes ; aurait-il conservé le souvenir de cette légère poursuite ? faut-il attribuer à ce motif la plainte qu’il a portée contre moi ? J’aime mieux penser qu’il a commis une erreur involontaire. Le 5 de ce mois, M. Cock rencontra une dame qui portait un schal conforme à ceux qu’il a fait fabriquer, il la suit, prend son adresse, et le lendemain elle est appelée ainsi que moi devant M. le commissaire central de police ; elle est interrogée, déclare avoir acheté ce schal d’un marchand qu’elle fait connaître, que l’on fait appeler, qui à son tour déclare le tenir d’un tiers, dont il produit la facture : confronté avec cette dame et le marchand, ni l’un ni l’autre ne me connaissent. M. le commissaire central me demande si je n’ai pas fabriqué et vendu ce 19me schal, je lui donne la preuve mathématique que la chose n’est pas possible, mais M. Cock insiste, et l’on me met à la disposition de M. le procureur du roi. Conduit devant M. le juge d’instruction, j’ai reproduit la même défense, et là, du moins, le magistrat a écouté ma voix. Cette défense est bien simple, elle résulte de mon [5.2]livre, et des écritures faites par la maison Cock elle-même ; tous les négocians et les fabricans le pourront approuver. 17 septembre. Reçu de M. Cock une pièce de 31 aunes pour schal 6/4 de 63 pouces de large et 6 pouces de franges. 8 octobre. Rendu un échantillon 3/4. 14, 19, 22, 27 octobre. – 3, 5, 10, 12, 16 et 19 novembre. - 3, 8, 12, 16, 19, 23 et 29 décembre. Livraisons de schals. Il m’est resté 2 aunes 1/8 chaîne, j’en ai rendu 5/4 avec le peigne, il en est resté 3/4 et 1/8 sur mon métier pour le laisser-passer ; il est donc évident qu’il m’était impossible de faire un schal de plus, et par conséquent de le vendre ; il était bien plus simple ou plus naturel de penser que c’était l’un de ceux vendus et livrés par M. Cock. Voilà, Monsieur, les observations que j’avais besoin de faire pour obtenir du tribunal de l’opinion publique un jugement conforme à celui de M. le juge d’instruction. Agréez mes remercîmens pour la publicité que j’espère que vous voudrez bien leur donner dans l’intérêt d’un père de famille, d’un ouvrier qui ne peut laisser à ses enfans d’autre fortune qu’une réputation exempte de blâme. Pelosse.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Séance du 23 février. (présidée par m. guérin.) La séance est ouverte à six heures et demie. Un grand nombre de causes ont été appelées ; celles qui ont offert quelqu’intérêt sont les suivantes : Le sieur Miget, qui a déjà paru à la précédente audience, offre de nouveau au sieur Branche la somme de 40 fr. en sus des 100 fr. qu’il lui a déjà payés, et pense que ce défrayement doit être suffisant, puisque l’élève n’a pas été nourri chez son maître. Le sieur Branche refuse ses propositions, et demande l’exécution de ses conventions. Le conseil, après avoir délibéré, condamne le sieur Miget à payer au sieur Branche la somme de 100 fr. Le sieur Brunet a fait assigner le sieur Boyer, lequel ne s’étant pas présenté, a été condamné, par défaut, à payer la somme de 100 fr. au sieur Brunet. Le sieur Brun réclame au sieur Viannet, tulliste, ses effets et son livret, qui lui sont retenus par ce dernier, et qui tient contre lui des propos tendant à détruire sa réputation ; il expose ensuite au conseil que le sieur Viannet veut revenir sur un compte qui avait déjà été réglé, parce qu’il se trouve en solde. Le sieur Viannet dit qu’il lui a manqué deux flottes à sa pièce, et prétend avoir le droit d’en retenir la façon, se trouvant en solde, et prétend aussi que le sieur Brun lui redoit 7 fr. 85 c. Le sieur Brun réclame, de son côté, une augmentation de 5 c. qui a été payée au sieur Viannet, et dont ce dernier ne lui a pas tenu compte. Le conseil déclare qu’attendu que l’ouvrier a fabriqué la pièce chez le sieur Viannet, et que c’est au maître à surveiller l’emploi des soies, en étant seul responsable, il ne peut faire aucune retenue à l’ouvrier ; il déclare en outre que l’augmentation de 5 c. par flotte doit être payée à ce dernier. Les parties restent ainsi conciliées, devant régler leur compte ainsi qu’il vient d’être dit, à la charge au sieur Viannet à rendre les effets et le livret à son ouvrier. [6.1]Le sieur Chatillon réclame au sieur Despierre, chef d’atelier, chez qui il a placé son frère en apprentissage, une restitution de la somme de 100 fr. payée au sieur Despierre il y a quelques mois. Le sieur Despierre expose à son tour au conseil qu’il y a vingt mois que le sieur Chatillon est entré chez lui, que malgré les soins qu’il lui a donnés, il n’a pu obtenir une fabrication passable de son élève, qui n’a jamais pu faire sa tâche ; que l’ayant déjà renvoyé une fois, il avait consenti à le reprendre, à la condition expresse qu’il serait plus docile et travaillerait davantage. Le conseil déclare qu’il n’y a pas lieu à casser les engagemens, que l’apprenti rentrera chez son maître pour y finir son apprentissage, que sa tâche lui sera donnée, et que sur la demande du sieur Despierre, il sera surveillé par un des membres du conseil. Le sieur Deval demande contravention contre le sieur Guiessner, graveur, qui a reçu chez lui un ouvrier sans avoir son livret visé par lui, que cet ouvrier lui doit une quarantaine de francs. La dame Guiessner expose au conseil que son mari a effectivement reçu cet ouvrier, qui est resté possesseur de son livret, et qu’il n’a jamais été entre les mains du sieur Deval. Le conseil déclare qu’attendu que le sieur Deval n’est pas resté possesseur du livret, il ne peut y avoir lieu à la contravention, mais que la somme due sera inscrite sur le livret, et devra être retenue par cinquième sur les façons de l’ouvrier par le sieur Guiessner, qui est chargé d’en faire tenir le montant au sieur Deval. Le sieur Sprecher, fabricant, dit qu’il a reçu du sieur Renaud des mouchoirs crêpes de Chine, qui pèsent 17 grammes de plus que ceux qu’il fait fabriquer ailleurs, et qui, lorsqu’ils sont décroués, ne pèsent pas plus que les autres, et prétend lui faire déduction de 17 grammes sur ses mouchoirs. Le sieur Renaud expose au conseil qu’il a déjà rendu onze fois ses mouchoirs, qu’on ne lui a rien dit à cet égard, que ce n’est que depuis sa dernière rendue que l’on veut lui faire un pareil décompte. La cause a été renvoyée pardevant MM. Estienne et Rousset. Un chef d’atelier et son élève, à la suite de disputes, avaient résilié leurs conventions, à la charge par ce dernier de payer à son maître la somme de 100 fr. qui fut inscrite sur son livret. L’apprenti, sous divers prétextes, ne veut plus payer cette somme. Le conseil a déclaré que l’élève, devenu ouvrier par l’arrangement qu’il avait fait avec son maître, devait le payer et retirer son livret. La séance s’est terminée par des contestations entre des maîtresses et leurs ouvrières, qui ont égayé un peu l’auditoire, et où l’on a pu se convaincre qu’une demi-douzaine de causes semblables suffiraient pour occuper toute une audience.
AVIS.
On vient d’arrêter un vagabond, sourd-muet, dans un état complet d’idiotisme, dont on n’a pu obtenir que quelques signes par lesquels il exprimait qu’il avait travaillé à l’extraction des mines. On croit que cet individu vient de Rive-de-Gier ou de St- Etienne. Signalement. Agé d’environ 22 ans, taille 1 mètre 790 millimètres, cheveux et sourcils châtains, front couvert, yeux gris, nez pointu, bouche moyenne, menton rond, visage ovale, teint coloré, vêtu d’une veste en drap vert, d’un pantalon bleu en mauvais état et [6.2]chemise de toile marquée P P, surmontée d’une croix ; il porte de gros souliers et un chapeau rond usé. Les personnes qui pourraient donner des renseignemens sur cet inconnu, sont priées de les adresser sans délai, a la préfecture du rhône, division de la police.
LITTÉRATURE. REVUE DES JOURNAUX DE LYON. 1
Du sein de nos discordes civiles, et avec elles est né le journalisme ; par lui est ouverte une tribune où tous les intérêts, où toutes les classes de la société ont des représentans énergiques. Organe de l’opinion publique, il est cependant vrai de dire que c’est lui qui l’excite et la dirige. Sous ce point de vue, le journalisme est un pouvoir ajouté à ceux qui régissent l’état, bien ou mal, c’est un fait qu’il faut accepter ; considéré sous un autre aspect le journalisme résume la littérature et les arts, il en est l’immense répertoire. La révolution de juillet est venue lui ouvrir de nouveaux débouchés par l’émancipation de la presse provinciale. Il m’a paru intéressant de donner un aperçu des journaux qui se publient à Lyon en ce moment. Sous le rapport politique deux journaux seuls existaient avant la révolution de juillet, le Précurseur et le Journal du Commerce : le premier confié à la rédaction savante et patriote de M. Morin, dont le nom et la conduite dans nos grandes journées me dispensent d’éloge. Digne de lui succéder, et tout à fait à la hauteur des circonstances, Anselme Petetin, rédacteur actuel, se glorifie en face du pouvoir d’être un soldat des barricades et en face du peuple d’être un ami de l’ordre et des lois. Il a pour collaborateurs MM. Jules Favre et Théodore de Seynes, dont certains articles ne dépareraient pas les colonnes du National. Moins brillant, mais non moins utile, un rôle spécial est assigné au Journal du Commerce. C’est l’Edile de la cité ; il fait une guerre constante aux abus subalternes, et a montré plus d’une fois du patriotisme, notamment dans l’affaire du sabotier Berthet, illégalement arrêté. Depuis juillet le carlisme a une tribune dévouée dans la Gazette du Lyonnais. Mais cette tribune n’a pas d’auditeurs. Le Courrier de Lyon est l’organe du parti rétrograde, qui s’intitule juste-milieu, comme s’il en existait entre le bien et le mal. Ce journal contribuera au succès du Précurseur, son émule, de la même manière que les Spartiates préservaient leurs enfans de l’ivrognerie. Seulement on lui conseille d’éviter la manie des dénonciationsi, et de laisser ce soin aux agens officieux du parquet, aux aiguasils de la police. Comme on le voit, quatre journaux représentent à Lyon les diverses nuances de l’opinion. La littérature a aussi de dignes servans. Figaro a un rival dans la Glaneuse. M. Granier, son gérant, et ses collaborateurs MM. Berthaud, Cesena, Bertholon, etc., ont su faire entrer les sentimens les plus patriotiques dans la cadre d’une feuille légère. Ce journal rose fait le désespoir du Persil lyonnais. A l’exemple de la Némésis, M. Berthaud publie une satire en vers sous le titre d’Asmodée. Les lauriers de Thémistocle empêchaient ce jeune Miltiade de dormir. Sur les pas de la Glaneuse, s’avance un Furet littéraire2, mais son allure est par fois pesante. On voit que ses rédacteurs [7.1]sont taillés pour d’autres combats. Pourquoi la Sentinelle3 a-t-elle péri ! On dit que Lamerlière dort, espérons que l’auteur d’un beau chant, le Drapeau tricolore, se réveillera comme Brutus. L’industrie avait besoin d’un représentant. L’Echo de la Fabrique est venu combler cette lacune. Honoré de l’amitié du gérant et du rédacteur, les convenances m’interdisent tout éloge. Les journées de novembre ont augmenté l’importance de ce journal, qui sera celui de la classe prolétaire. La médecine et la jurisprudence ont leurs annales. MM. Dupasquier et Imbert publient le Journal Clinique des hôpitaux de Lyon4. MM. Jacquemet, Perras et Bonjour, publient la Jurisprudence de la Cour royale5. Ces deux reccueils sont mensuels. Sous le titre d’Archives historiques6, deux véritables savans, les Saumaise de notre âge, unis comme Pylade et Oreste, ou Barthélemy et Méry, MM. Pericaud et Breghot du Lut, livrent au public de scientifiques recherches, à l’histoire des matériaux précieux. Enfin, pour ne rien omettre, un Journal d’affiches et d’annonces7 paraît trois fois par semaine. Il est essentiellement véridique. A ce sujet, je ferai une réflexion, c’est qu’il serait de l’intérêt du public, et des journaux eux-mêmes, que toutes les annonces fussent publiées dans ce recueil, et que les autres journaux s’en abstinssent. Cela dépare leurs colonnes. Parlerai-je de la Revue provinciale8, journal marquisé et congréganiste ? je n’en vois pas la nécessité. Il forme le numéro treize de la collection des journaux de Lyon. Marius Ch.....
i Le Courrier de Lyon a successivement dénoncé la Glaneuse et l’ Echo de la Fabrique. On sait le cas qu’on fait d’ un dénonciateur.
NÉMÉSIS.
L’ÉMIGRATION POLONAISE AUX VILLES DE L’EST O passi graviora, dabit Deus his quoque finem. (Virgile.) … Oh ! venez, confians en vos nobles misères, Glorieux vagabonds, peuple de Bélisaires, Voyageurs, renouez vos ceintures aux reins, Vous trouverez partout des visages lorrains ; Pour vous fournir un toit et veiller sur vos vies, Oui, toutes nos cités seront des Varsovies. Sur l’horizon de France il n’est pas un clocher Qui ne fasse à vos yeux le signe d’approcher ; Pour réchauffer la nuit la garde polonaise, Partout l’hôtellerie allume sa fournaise, Partout, sous-nos lambris, à vos repas du soir, Sur vos genoux poudreux nos fils viendront s’asseoir. La ville aux côtes d’or, à l’aiguille ardoisée, Dijon, à votre abord, pour vous s’est pavoisée ; Du haut des rocs pendus sur le Val-de-Suzon, Vous l’avez aperçue au bout de l’horizon, Jetant au grand chemin, pour recevoir ses hôtes, Son splendide escradron de jeunes patriotes, Avec la longue lance appendue au harnais Et le luxe attrayant de l’habit polonais. Jusqu’ici les vainqueurs ont obtenu des fêtes : Il est temps de voter des honneurs aux défaites. En face du malheur nul hommage n’est faux, Nobles vaincus, passez sous des arcs triomphaux ; Quand vous traverserez la France tout entière Vous trouverez partout les cœurs de la frontière. Les traités d’alliance, écrits par les congrès, Dans le cerveau des rois s’éteignent par degrés ; La trompeuse amitié de la diplomatie Par l’intérêt des cours est bientôt obscurcie ; Mais quand deux peuples grands font des pactes entr’eux Ils revivent plus beaux dans les jours désastreux. [7.2]Polonais qui passez sur nos terres amies, Venez voir si quinze ans d’un règne d’infamies Ont arraché des cœurs ce traité d’amitié Dont nous avons chacun conservé la moitié ! O frères pour toujours ! on s’en souvient encore, Votre bannière est sœur du drapeau tricolore ; Au moment du péril vous serriez notre flanc, L’aigle de l’empereur aimait votre aigle blanc ; Votre fidèle armée était notre compagne, Quand nous prenions d’assaut les rochers de l’Espagne, Et que Sommo-Sierra qui plane sur le Val, Par vos jeunes lanciers fut conquise à cheval. Dans nos champs de bataille il n’est pas une tombe Où vous n’ayez fourni votre part d’hécatombe ; Notre mémoire est forte, oh ! nous nous souvenons Qu’une commune flamme allumait nos canons, Que le même soleil, sur la cime des tentes, Colorait le matin nos bannières flottantes, Quand aux mêmes bivouacs, après avoir dormi, Nous montions à cheval pour battre l’ennemi. Tous ces vieux souvenirs de gloire fraternelle Ont partout dans la France une page éternelle Ecrite sur le roc ; dans nos moindres hameaux, On raconte le soir vos héroïques maux ; Il n’est pas de chaumière en la plaine isolée Qui n’ait sur son vieux mur quelque image collée, Peignant d’un trait naïf la comtesse Plater, Ou Poniatowski s’engouffrant dans l’Elster. Barthélemy.
MAISON SPÉCIALE D’INDICATION POUR LA FABRIQUE D’ÉTOFFES DE SOIE.
Dans une branche de commerce qui occupe 150,000 personnes de notre ville, un isolement complet existe entre les artisans et ceux qui les font travailler. La position sociale des uns et souvent le dénuement des autres, empêchent ce contact sans lequel il ne peut y avoir de prospérité pour l’industrie. Les chefs d’ateliers, les ouvriers éprouvent le même isolement entr’eux. De là naissent des embarras sans nombre lorsqu’il s’agit de monter de nouveaux articles ; de là des frais énormes qui souvent accablent le chef d’atelier, et qu’on éviterait, ou du moins qu’on épargnerait en partie, si chacun pouvait se tourner vers un centre commun. Les avantages que produira la maison spéciale d’indication pour la fabrique d’étoffes de soie, sont incalculables : le chef d’atelier y trouvera les moyens de se procurer, soit des ouvriers, soit des apprentis, soit enfin tous les ustensiles, harnais et accessoires pour le montage des métiers suivant les divers articles ; il y trouvera aussi les moyens de se procurer de l’ouvrage sans aller au hasard frapper à la porte des magasins. Les ouvriers auront moins de crainte de rester sans travail, parce que la maison d’indication étant le centre où aboutiront toutes les demandes d’ouvriers, ceux-ci sauront à qui s’adresser et ne végéteront plus en cherchant d’un atelier à l’autre un métier à prendre. C’est surtout dans les temps mauvais où la maison d’indication sera le plus utile, parce qu’alors il y a manque d’ouvrage, et par conséquent l’ouvrier est plus exposé au changement d’atelier. Les négocians pourront se procurer plus facilement le nombre d’ouvriers nécesaires pour remplir les commissions. Ce que nous avançons a été éprouvé par quelques maisons de commerce auxquelles nous avons procuré sous deux jours le nombre d’ouvriers dont elles avaient besoin. Ainsi, dans l’intérêt du commerce et de l’industrie, une maison spéciale d’indication pour la fabrique d’étoffes de soie, sera établie à dater de ce jour dans les [8.1]bureaux du journal l’Echo de la Fabrique. On se chargera : 1° des demandes de métiers par MM. les négocians ; 2° du placement des ouvriers dans les divers ateliers et selon les articles ; 3° des demandes et du placement d’apprentis ; 4° de la vente des métiers, harnais et accessoires pour tous les genres de fabrication, et enfin de toutes les demandes en rapport avec la fabrique. La feuille d’annonces de l’Echo facilitera, par la publication, cette entreprise éminemment utile. Comme ce journal n’a été créé que dans le but d’extirper tous les abus, et non par une spéculation de lucre, la maison d’indication sera créée par le même motif, et les personnes qui s’y adresseront ne seront point rebutées par les frais d’insertion ou de bureau qui sont extrêmement minimes. La maison d’indication sera ouverte comme le bureau du journal, de 9 heures du matin à 5 heures du soir.
ANNONCES DIVERSES.
L. DAVID, MÉCANICIEN BREVETÉ, Place de la Croix-Paquet, au bas de la côte Saint-Sébastien, Prévient le public qu’il est l’inventeur des mécaniques simplifiées à dévider et à faire les canettes, qui se font très-bien par son procédé, même à autant de bouts qu’on désire. Les canettes à un seul bout y sont prises à la flotte, et évitent le dévidage ; mais rien n’est comparable à l’avantage que procurent ses mécaniques à ceux qui emploient du coton, de la fantaisie et de la laine, où avec ses mécaniques ou ses rouets une personne peut, en six heures, faire autant d’ouvrage que deux canetières. L’inventeur, à qui une médaille a été décernée avec mention honorable par la société d’encouragement, confectionne ses mécaniques à la volonté de l’acheteur, dans toutes les dimensions, et également de tous les nombres de guindres, soit de formes longues, rondes et à fer-à-cheval, ou à volonté ; on peut exécuter deux ou trois de ces opérations à la fois. Le sieur David, pour se mettre à la portée des circonstances, a diminué ses prix, qui étaient déjà très-modérés.
bourse militaire. assurance mutuelle pour le recrutement. Administrateurs : MM. Debar et C.e, rue Montmartre, N° 165. à Paris. L’assurance comprend 60 départemens, les fonds ne seront déposés chez le notaire que la veille du tirage. On souscrit de 100 fr. à 1,200 fr. L’administration fournira un remplaçant au souscripteur qui aura déposé 1,000 fr. et lui restituera 500 fr., s’il est réformé. S’adresser, pour le département du Rhône, au Directeur, galerie de l’Argue, escalier L.
en vente, Chez Baron, libraire, rue Clermont, essai sur les moyens de faire cesser la détresse de la fabrique, par e. baune , professeur à l’institution saint-clair
[8.2]en vente Au Bureau de l’Echo de la Fabrique, réplique de m. bouvier du molart aux récriminations insérées dans les journaux ministériels du 6 janvier.
rapport fait à m. le président du conseil et au ministre du commerce, par deux chefs d’ateliers Ce rapport, de 8 pages format in-4° imprimé sur beau papier et caractères cicéro neuf, sera déposé dans tous les lieux désignés pour l’abonnement au journal, ou chacun pourra se le procurer pour le prix de 50 cent. destinés au soulagement de blessés, des veuves et orphelins des trois journées de novembre.
AVIS.
On demande des ouvriers et ouvrières pour occuper des métiers de courans, de crêpes zéphyrs façonnés et unis, mouchoirs, etc. On demande des apprentis et apprenties pour la fabrication des velours et autres étoffes. - On demande un ouvrier pour un métier de schals au quart. - On désire acheter 8 navettes de rubans. S’adresser au Bureau du journal. Un Jeune Homme de 31 ans, sachant lire et écrire, désire trouver une place de garçon de peine. Il donnera tous les renseignemens désirables. S’adresser au Bureau du journal. A vendre, une bonne mécanique ronde de M. Chatillon. Plusieurs métiers neufs de velours unis, ensemble ou séparément. S’adresser rue Casati, n° 1, au premier. A vendre, un Régulateur de force moyenne, avec deux roues de recharge, chez M. Chaboud, rue du Chapeau-Rouge, n° 4, au rez-de-chaussée. A vendre, un atelier de six métiers en velours façonné et uni, avec beaucoup d’ustensiles et accessoires. S’adresser chez M. Drivon cadet, côte des Carmélites, à la barrière de fer. A vendre, un ATELIER de quatre métiers travaillant, soit en velours unis et façonnés, gros de Naples, et armures avec ustensiles et accessoires. On traitera aussi de la vente du mobilier ; le tout à juste prix. S’adresser au Bureau du Journal. A vendre, pour cause de départ, un atelier de 4 métiers de schals en très-bon état, et ayant les accessoires propres au travail, avec un bel appartement à louer, dans l’un des plus beaux quartiers de la ville. On traiterait aussi avec l’acquéreur de la vente du mobilier. S’adresser au Bureau du Journal. A vendre, 3 peignes en 45 portées 11/24. S’adresser au Bureau du Journal. - A vendre un métier de peluches pour chapeaux avec accessoires, ayant un remisse en soie. - Carik à vendre à bon marché. S’adresser au Bureau du Journal. A louer, pour la St-Jean, de très-beaux Appartemens de diverses grandeurs, propres pour ateliers, très-clairs et disposés à neuf, dans une situation des plus agréables, très-rapprochés de la ville, au centre de la Guillotière, rue de Chabrat, n° 8. S’y adresser.
Notes (LYON. DES SOCIÉTÉS INDUSTRIELLES.)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (Le Courrier de Lyon avait dit ces mots après...)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (Le Courrier de Lyon qui s’efforce de nous...)
L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (ABUS DES ÉCRITURES SUR LES LIVRES D’OUVRIERS.)
L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (On parle beaucoup des élections du nouveau...)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (M. Gerbaud vient de publier une brochure...)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (AU RÉDACTEUR.)
Il s'agit probablement de la société d'instruction primaire du Rhône fondée à Lyon en 1828 et autorisée par ordonnance royale du 15 avril 1829.
Notes (LITTÉRATURE. REVUE DES JOURNAUX DE LYON.)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). Cette chronique de Marius Chastaing désigne et nomme significativement les prochaines principales figures du républicanisme à Lyon ; des hommes tels que Théodore de Seyne, César Bertholon, Jules Favre, à partir d’août 1832, vont animer L’Association pour la liberté de la presse patriote et se retrouveront un peu plus tard dans la section lyonnaise de la Société des droits de l’homme. Lyon a été qualifiée de « première ville républicaine de France » (voir G. Perreux, La propagande républicaine au début de la Monarchie de Juillet, ouv. cit. ; voir également Pamela. M. Pilbeam, Republicanism in Nineteenth-Century France 1814-1871, Palgrave Macmillan, 1995, p. 119-126). Cette chronique de Chastaing se situe au début d’une tendance qui va conduire L’Echo de la Fabrique a afficher de façon de moins en moins allusive son orientation politique. Cette tendance culminera lors du passage de Chastaing à la direction du journal, à partir de septembre 1832. Le titre exact est Le furet de Lyon. Industrie, beaux-arts, sciences, littérature, théâtre, mœurs et modes. Inspiré de La Glaneuse, cette feuille eut une expérience éphémère au printemps 1832. La sentinelle nationale, feuille républicaine, fut publiée à Lyon de juin à octobre 1831. Au début de l’année 1832 un prospectus annonçait la publication de La sentinelle du Rhône, journal qui ne vit semble-t-il pas le jour. Il s’agit ici du Journal clinique des hôpitaux de Lyon et recueil de médecine et de chirurgie pratiques. Deux volumes seulement furent publiés à Lyon, l’un pour la période janvier-juillet 1830, l’autre pour la période janvier-mai 1832. C’était le journal des Hospices Civils de Lyon. Jurisprudence de la cour royale de Lyon, publié à partir de 1828. Les Nouvelles archives statistiques, historiques et littéraires du département du Rhône comprirent deux volumes publiés en 1831 et 1832. Cette publication prenait alors la suite des Archives historiques et statistiques du département du Rhône, publiées pour la première fois en novembre 1824. Le Journal des annonces judiciaires du ressort du tribunal civil, affiches et avis divers de la ville de Lyon fut publié de 1821 à 1837. Il prenait la suite des Affiches, annonces et avis divers de la ville de Lyon publiés à partir de 1811. Il sera remplacé en 1837 pas le Moniteur judiciaire de l’arrondissement de Lyon. La Revue provinciale fut publiée à Lyon. Elle connut sept numéros en 1831 et 1832.
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