|
10 mai 1835 - Numéro 34 |
|
|
|
|
|
AUX CHEFS D’ATELIER. [1.1]Parmi les abus qui encombrent notre fabrique, il en est un sur lequel nous sommes souvent trop indifférens et dont la répression dépend de nous sans le secours d’aucun intermédiaire ; nous voulons parler du dévidage. Il est à la connaissance de tous les chefs d’atelier que quelquefois nos intérêts, notre réputation même, se trouvent gravement compromis par le déchet inouï que des dévideuses nous font supporter. Or, cela est tellement devenu commun, qu’on regarde comme heureux celui qui a l’avantage d’avoir une dévideuse qui se trouvant brave lui rend fidèlement ses comptes, et ne l’expose pas à payer à la fin de chaque pièce (ce qui arrive très souvent dans le cas contraire) ne l’expose pas, disons-nous, à payer le double de la valeur de son déchet. Dans la triste appréhension où l’on est, ce n’est souvent qu’en tremblant qu’on confie sa soie au dévidage, vu qu’il arrive journellement qu’une pièce finie, lorsqu’on croit en toucher la façon, il faut en abandonner une partie pour couvrir un déficit auquel on aurait été loin de s’attendre. Des chefs d’atelier en cette occasion se croient en droit, ou de retenir la façon du dévidage, ou de se faire payer le montant de la perte qu’ils éprouvent : comme notre mission est d’éclairer les chefs d’atelier autant qu’il est en notre pouvoir, et sur leurs intérêts et sur les erreurs auxquelles ils pourraient se livrer, nous allons nous attacher à leur démontrer qu’ils ne sont dans leur droit à cet égard que par un seul moyen. Le chef d’atelier ne peut être admis à retenir une partie de la façon d’une dévideuse lorsqu’elle ne rend pas ses comptes qu’autant qu’il aura un livre tenu en partie double, sur lequel sera inscrit date par date et en toutes lettres le poids des matières données et reçues, semblable à celui qu’il a reçu pour son négociant ; car autrement comment est-il possible de juger laquelle des deux parties est dans son tort ? Peut-on suspecter la bonne foi d’une personne sans preuve évidente ? et les étiquettes seules peuvent-elles remplir ce but ? Non. Tant que vous ne vous présenterez à l’audience qu’avec une allégation qu’on peut suspecter, d’autant plus qu’elle n’est nullement fondée, vous subirez toujours la funeste conséquence de votre défaut d’ordre et votre réclamation sera illusoire. Mais si au contraire, ayant un livre en règle, il vous manque de la soie, votre réclamation sera d’autant mieux admise, qu’il sera facultatif au conseil d’expertiser les comptes et de décider avec connaissance de cause d’où [1.2]provient réellement l’erreur, la religion des juges pouvant être trompée. Mais, nous dira-t-on, les dévideuses ne veulent pas de livres de la part des chefs d’atelier ; et en voudraient-elles, la multitude des pesées rendrait encore ce moyen impraticable. À cela nous répondrons : 1° que si tous les chefs d’atelier s’entendaient, et qu’aucun d’eux ne voulut donner de la soie sans que la dévideuse n’eut un livre comme celles qui travaillent pour les magasins sont obligées d’en avoir, ne trouvant à s’occuper qu’à cette condition, elles seraient forcées d’y souscrire avec d’autant plus de raison que celles qui agissent consciencieusement ne s’y refuseraient pas. Si les négocians emploient ce moyen pour la sûreté de leurs opérations, pourquoi ne serions-nous pas en droit d’exiger par devers nous des personnes que nous occupons, les mêmes garanties ? pourquoi serions-nous seuls responsables des matières, lorsqu’il nous est impossible pour l’ordinaire de les avoir sous nos yeux ? Nous dirons en second lieu, au sujet de la multitude des pesées, qu’un tel procédé nécessite, vu que les dévideuses ayant souvent un grand nombre de métiers, ne peuvent que rendre en faibles parties souvent réitérées ; nous répondrons que cela n’est point un obstacle à ce qu’il vous soit fait justice, s’il est prouvé que le tort provienne du fait de la dévideuse. Car si toutes vos pesées sont enregistrées date par date sans interruption, le conseil saura bien faire la défalcation qui devra être opérée eu égard au nombre de rendues par rapport au nombre de données, et par-là toute justice vous est acquise. Nous laissons à nos lecteurs le soin de faire les réflexions que leur suggéreront nos idées, et de vouloir bien nous transmettre à cet égard celles qu’ils jugeraient convenables.
SOUSCRIPTION
ouverte au Bureau en faveur de l’Indicateur condamné à six cents francs d’amende et aux frais de la procédure. MM. Férand, 1 f. F. R., de la liste précédente, 50 c. Haranbourg, 1 f. Biot, 60 c. Prost, 1 f. Vagenet, 1 f. Gaillard, 1 f. Comte, 50 c. C., 1 f. Damas, 1 f. G., 75 c. D., 1 f . Reignier, 50 c. Bernard, 5 f. Etienne, garçon boulanger, 50 c. Cazarette, 20 c. Frustelle, 1 f. 20 c. Caboulet, 1 f. Matelin, 50 c. Dubost, 1 f. Mondan, 75 c. Caboulet cadet, 50 c. Drevet, 1 f. 25 c. B. N., 1 f. Moine, des Carmélites, 2 f. Armand cadet, 75 c. Périer, 25 c. Martin, 25 c. [2.1]Dauphin, 1 f. Annette Morel, 75 c. Chollet, 50 c. Deval, 50 c. Drivon, 25 c. Bellon, 1 f. Guétard, 1 f. Pingeon, 50 c. Arban (pas le riche), 30 c. Mercier, de la Guillotière, 50 c. Tricher, ami des ouvriers, 50 c. Clocher, 20 c. Garnier aîné, 25 c. Garnier cadet, 25 c, Bardin, 50 c. Boiseq, 50 c. Guiller, 25 c. Legros, ouvrier chez Drivon, 25 c. Besson, 75 c. Raitaud, 25 c. Marin, 10 c. Doste, 25 c. Mouchet, 25 c. Figara, 30 c. Perret, apprenti chez Bellon, 75 c. Jean Perret, apprenti chez Bellon, 30 c. Denis, 25 c. Lapierre cadet, 50 c. Piot, 75 c. Coiffier, 75 c. Terasse, 75 c. Savet, 50 c. Pithion, 50 c. Germain, 60 c. Villard, 50 c. Corpus, 50 c. Balmont, 25 c. Neyron, 50 c. Femme Monicard, 15 c. Charbonnier, 25 c. Allemand, 50 c. Verdat, 30 c. Toullet, 25 c. Farges, 25 c. Berger, 40 c. Bigot, 20 c. Monneret, 50 c. Champin cadet, 25 c. Armand, 50 c. Benot, 50 c. Fabre, 1 f. MM. Jarnieux , 1 f. Delorme, 50 c., ouvriers chez M. Roussi . Total, 49 f. 85 c. Listes précédentes, 438 f. 05 c. Total, 487 f. 90 c.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Audience du 7 mai. présidence de m. gaillard. Sur 22 causes appelées, 3 ont fait défaut, 4 ont été retirées, 4 renvoyées, une au lendemain, 2 à huitaine et une à lundi. Les autres ont été jugées contradictoirement. Dans une convention verbale faite au sujet du placement d’un élève pour la théorie, moyennant la somme de 400 fr. et dont le premier payement n’a été compté que quelques mois après l’entrée chez le chef d’atelier ; le père, sous prétexte qu’il n’a pas consenti aux engagemens, peut-il se refuser au deuxième payement ? – Non. Le conseil considérant que le premier versement est une preuve irrécusable de l’accord qui a été fait entre les parties, a condamné le père à solder de suite les 200 fr. restant du prix de l’apprentissage. Seulement comme l’élève a déclaré n’être pas suffisamment instruit et que les conventions ne fixent pas la durée du temps de l’instruction, il pourra rentrer chez son maître pour finir son cours. Ainsi jugé entre Esnaul, chef d’atelier, et Souchal, apprenti. Lorsqu’un chef d’atelier quitte sa profession, est-il en droit de contraindre son apprentie à rester dans son atelier lorsque la personne qui le remplace n’est pas à même de l’instruire ? – Non. Le conseil considérant que tout chef d’atelier qui abandonne son atelier pour se livrer à un autre état ne peut donner ses soins à son élève, laquelle ne saurait être contrainte avec une personne avec laquelle il n’y a point eu d’engagement de passé, a résilié les conventions sans indemnité. Mais l’apprentie ne pourra se replacer qu’en cette qualité pour achever son temps. Ainsi jugé entre Chausson, apprentie, et Chevrot, chef d’atelier. Un apprenti dont le temps est achevé et qui est suffisamment instruit, peut-il se refuser au second payement de son apprentissage sous le prétexte que son maître qui avait un café l’a momentanément occupé au service de la salle ? – Non. Le conseil considérant qu’il résulte de la déposition des témoins, que l’apprenti est à même de faire valoir son état ; en second lieu, que ce n’est que de temps à autres qu’il s’est occupé d’un ouvrage étranger à sa profession, que du reste il lui était facultatif de s’y refuser, l’a condamné à payer de suite les 200 fr. restant du prix de son apprentissage. Ainsi jugé entre Kaisser, maître graveur, et Derroguat, apprenti. Lorsqu’un chef d’atelier se trouve en solde, peut-il retenir le prix de la façon à sa dévideuse sous prétexte qu’elle n’est pas fidèle ? Non. Le conseil considérant que le maître n’avait pas un livre où les pesées données et reçues auraient été enregistrées, et que sur sa simple allégation ou ne peut condamner la dévideuse à perdre le prix de son travail, a décidé que la somme de 6 fr. 75 c. qui lui était due lui sera compté de suite. Ainsi jugé entre Besson, chef d’atelier et Dlle Rolland, dévideuse. Un chef d’atelier dans les velours, lorsqu’il n’a pas fait de conventions avec son ouvrier, peut-il ne lui donner que moitié façon ? [2.2]– Non. Le conseil admettant l’usage qui est de donner 25 c. en plus, a condamné le chef d’atelier à verser de suite cet excédant entre les mains de son ouvrier. Ainsi jugé entre Dupuis, compagnon, et Héros, chef d’atelier.
Monsieur le rédacteur, La décision du conseil des prud’hommes, relativement à l’affaire de Bofferding, me paraît être contradictoire à l’article 1134 du code civil, qui dit formellement que les conventions ne peuvent être révoquées que du consentement mutuel des parties. Or, comme on peut douter de l’exécution complète de celle contractée par MM. Gelot et Ferrière, il me semble que la question dans ce cas, a été tranchée, sans être résolue dans un sens favorable à l’équité. Cependant, dans cette circonstance, j’ai cru avoir remarqué que ce qui peut amener quelquefois de semblables résultais qui sont toujours de graves inconvéniens pour le conseil et ses justiciables, est qu’un trop grand nombre de causes insignifiantes se présentant à chaque grande séance, elles en absorbent une forte partie du temps, et par ce motif, occasionnent que les débats de celles plus importantes ne se prolongent point assez pour éclairer suffisamment les membres du conseil qui ont à prononcer ; je présume que c’est ce qui est arrivé à l’égard de la cause de Bofferding ; car on ne peut nier qu’il y eut dans cette affaire un peu de précipitation, le demandeur ayant été interrompu avant d’avoir pu achever de se faire entendre du conseil, qui ensuite s’étant immédiatement réuni pour délibérer, il ne lui fut possible alors de développer tous les moyens de défense qui pouvaient devenir favorables à sa cause. Par cet oubli des articles 13 et 85 du code de procédure civile, le conseil aurait-il voulu entraver la libre défense, et par là, faire un pas dans la voie de l’arbitraire ? Non, je ne le pense pas : loin de moi cette idée ; néanmoins, à défaut d’avoir été entendu, la question, quoique simple, a bien pu ne pas être envisagée sous son véritable point de vue. Quant à sa solution, elle se bornait à savoir si les métiers que MM. Gelot et Ferrière s’étaient engagés d’occuper pendant deux années consécutives, avaient travaillé le temps voulu par cette spéculation. C’était là, je crois, le point en litige, le seul sur lequel il fallait se fixer, et décider, plutôt que de vouloir supposer que la convention devait mentionner autre chose que ce que les parties y avaient voulu exprimer ; il me semble qu’ici était la règle à suivre, et dans ma propre conviction, comme il en est résulté autrement, je ne vois qu’une dérogation aux principes de justice qui doivent servir de base à toute conclusion. Car, que voulurent MM. Gelot et Ferrière lorsqu’ils rédigèrent et souscrivirent cette convention déjà tant connue, et dont voici le texte : Nous soussignés, nous engageons à occuper deux métiers au quart, chez M. Bofferding, pendant la durée de deux années consécutives, et payé au cours. Donc ce qu’ils voulurent est expliqué et facile à concevoir : leur volonté fut simplement de lui assurer sur chacun de ses métiers, pendant un temps déterminé, un bénéfice de travail fructueux, par considération des frais de montage qu’il était obligé de faire. Ainsi, ce n’est que sous ce rapport, et par ce motif, que la convention fut consentie et acceptée. Ceci bien compris, je demanderai à quiconque de jugement et de bonne foi si, durant que ces mêmes métiers se préparaient et se montaient, le travail qu’on était obligé d’y faire pour les établir au quart et les mettre sur pied, était un travail fructueux, ou si au contraire il n’était pas très onéreux, vu que pendant cet intervalle était fait, sans frais aucuns, des dépenses qu’il ne fallait espérer de rattraper, que du moment où les métiers seraient mis en état de battre et tisser des châles. Je demanderai aussi si alors n’était point le début incontestable et réel de leur occupation ; toute supposition contredisante ne pourrait être appuyée que par des argumens captieux qui contrasteraient singulièrement avec l’esprit de la convention, qui ne peut pas, à volonté, être interprétée, aujourd’hui dans un sens puis demain dans un autre, même y eût-il doute ; car dans ce cas, l’article 1162 dit que la convention s’interprète contre celui qui a stipulé. Quant à la chose jugée, elle est connue. Comme chacun le sait, la convention a pris cours à partir du jour de sa date, le même où la disposition fut donnée, de manière qu’il s’ensuit que deux mois, employés au montage de chaque métier sont deux mois écoulés en pure perte de temps et en frais ; le conseil qui n’a rien pris de tout cela en considération, a décidé qu’ils devaient être comptés, tout comme si les métiers avaient travaillé et produit. Ce qui fait que l’assurance par conventioni de deux années [3.1]consécutives d’occupation sur chacun desdits métiersii se trouve réduite, en vertu de ce jugement, à vingt-deux mois sur un, et vingt mois sur l’autre. Ce point, évidemment admis sans avoir été parfaitement apprécié, me permet de croire que ce dernier jugement est un contresens de ceux rendus le 20 décembre et le 29 janvier derniers, par lesquels il fut alloué à Bofferding 40 fr. 90 c. pour frais de montage, plus 60 fr. pour 12 journées perdues ou employées à l’exécuter ; mais, à vrai dire, le conseil, à cette époque, était loin de reconnaître que des métiers que l’on montait étaient occupés : la preuve en est, puisqu’il accorda au demandeur, et au préjudice de MM. Gelot et Ferrière, une somme totale de 100 f. 90 c. montant de celles détaillées plus haut. Enfin, monsieur le Rédacteur, je termine en disant que Bofferding, lorsqu’il a élevé des réclamations, a usé d’un droit commun à tous, et s’il en a usé, ce n’a été que quand il y fut contraint par ses antagonistes. Néanmoins, c’était toujours avec justice de cause que ses demandes étaient adressées au conseil. Ce qui peut confirmer cette assertion, c’est que sur six griefs qu’il a fait valoir, deux ont été terminés par des jugemens rendus en sa faveur, et quatre autres également furent décidés à la suite d’une conciliation qui lui valut la rentrée de 18 fr. qu’on lui contestait sur le produit de ses façons ou autres causes. Ainsi, remarquez bien que s’il ne se fut pas mis sous la protection du conseil des prud’hommes pour faire valoir ses droits qu’on lui disputait, il en aurait résulté que la somme de 118 fr. 90 c. qu’il a touchée, eut figurée, à son détriment, sur l’actif de MM. Gelot et Ferrière. Pour en finir, je laisse à l’opinion publique le soin d’examiner cette réflexion, et de prononcer sur les actes de Bofferding et ceux de ses adversaires. Recevez, monsieur, l’assurance de ma haute considération, Un de vos abonnés, B. C.
i. La convention est datée du 9 avril 1833. ii. La première pièce a été reçue le 10 mai, le métier n’a pu commencer à travailler que les premiers jours de juin 1833 ; la seconde fut reçue le 16 août suivant.
Il y a quinze jours que la lettre suivante était dans nos bureaux, mais comme nous l’avions trouvée dans notre boîte sans signature, nous n’avions pas cru devoir la mettre au jour. Aujourd’hui, M. Bardet vient en réclamer l’insertion, dans l’espoir sans doute que le public après l’avoir lu lui rendra l’estime que la lettre de M. Sifflet lui avait ravie. Nous lui dirons que pour nous, notre jugement sur sa conduite n’a jamais été à son détriment et que M. Moleron seul, lui a reversé toutes les erreurs faites au préjudice de M. Sifflet au moment des débats en conciliation. Monsieur le rédacteur, Veuillez insérer la présente en réponse à la lettre de M. Sifflet dont vos lecteurs ont été informés par votre numéro du 19 avril dernier. Je suis on ne peut pas plus étonné que M. Sifflet se trouve formalisé de ce que M. Moleron a dit au conseil des prud’hommes qu’il lui manquait de la soie ; car il doit savoir que, l’ayant prié d’échantiller, il nous a dit lui-même qu’il ne faisait entrer que 15 à 16 grammes par aune, tandis qu’en expertise même il a été démontré qu’il fallait qu’il en eût fait entrer de 19 à 20 pour balancer ses comptes. Il est vrai de dire que la coupe qui a été portée au greffe était plus réduite qu’elle ne l’aurait dû être ; aussi est-ce, sans doute, ce qui a déterminé MM. les arbitres à juger que le sieur Sifflet avait réellement pu employer la soie que M. Moleron lui réclamait par erreur. Quoi qu’il en soit, je désirerais que M. Sifflet m’expliquât comment il se fait que les pièces de 60 aunes, qui rendent chez nos autres maîtres de 56 à 57 aunes, se trouvent de ne donner chez lui que de 54 à 55 aunes, ce qu’il nous est facile de démontrer. J’ai l’honneur, etc., bardet, Commis de la maison Moleron.
VARIÉTÉS.
AMOUR ET JALOUSIE. singulier tournoi en plein champ. Petite scène anecdotique qui n’a pas huit jours de date. [3.2]Désir de fille est un feu qui dévore, Et qui souvent fait cent fois pis encore. gresset1. Arrangé pour la circonstance. Il y avait, et il y a même encore à l’heure où je vous parle, à Abaucourt, près Etain, et dans un petit hameau tout voisin, deux jouvencelles au minois fleuri, aux formes athlétiques (il est nécessaire de le dire en passant), au cœur aimant et honnête, sensible et ferme : charmant contraste, dans le juste milieu duquel s’enveloppe la vertu des femmes. Pour vous faire connaître d’un mot le moral de l’affaire, les deux campagnardes étaient amoureuses, mais pour le bon motif et pas autrement, notez bien ceci. Elles avisaient un mari. Par un de ces hasards fatals, d’aucuns diraient fataux, mais ce serait à tort, les deux amoureuses s’étaient éprises d’une même ardeur, également honnête, pour le même jouvenceau, jeune gars, frais et dispos, gaillard vigoureux propre au poil comme à la charrue, mais enfin qui ne pouvait se partager. Et puis d’ailleurs, fille qui aime, si honnête soit-elle, ne veut pas de la moitié d’un homme ; il faut que son mari soit entier. Elles vous le diront toutes, et je crois que toutes ont raison : ce n’est pas trop d’un pour une, c’est prouvé ; les deux ne font même pas toujours la paire. Voilà donc la rivalité, la concurrence qui s’en mêlent. Chaque donzelle met entre son amour et sa vertu force jalousie, et par-dessus tout cela un désir diabolique de vengeance. Il n’y a là rien que de très ordinaire, cela s’est vu, cela se voit tous les jours et cela se verra toujours. Est-ce parce que les hommes sont trop aimables ou les femmes trop aimantes ? je ne veux pas décider la question. Cela ne changerait d’ailleurs rien à la chose, ni au fait que voici : C’était, si l’on ne m’a pas trompé, par un beau jour de la semaine dernière ; l’une des amoureuses, celle qu’on a quelques raisons de croire préférée par le gaillard vigoureux, était dans les champs. Elle gardait, vous devinez quoi ; elle pensait, vous savez à qui ; lorsque tout-à-coup elle voit arriver à elle, en ligne directe et au galop, trois chiens, un gros bâton et une mégère. La mégère, c’était sa rivale ayant les chiens pour acolytes et le bâton au port d’arme. Elle accourt et conjugue ainsi son amour : J’aime, tu aimes, il aime ; nous aimons, ça c’est sûr, vous aimez plus fort que moi, je m’en doute, et je veux me venger de ceux qui aiment de cette façon-là, qui ne me plaît pas du tout, et entends-tu ? et allez donc, kisss, kisss, kisss… Et aussitôt les fidèles caniches jappent, aboient, hurlent et vont s’élancer sur celle qui, parce qu’on la préfère, allait avoir le triste privilége d’être avalée peut-être par un cerbère en trois ou quatre personnes. Mais doucement, le danger donne de la présence d’esprit et du courage. L’assaillie voit le péril et saisit son eustache. Fille qui a de la vertu et de l’honneur à garder doit toujours avoir son eustache sous la main. D’un seul coup l’héroïne fend le museau du plus hardi des dogues, qui fourrait son nez là où il n’avait que faire. L’animal blessé le retire au plus, vite et se sauve à toutes pattes ; ses compagnons en font autant, en poussant des aboiemens affreux. La mégère qui se voit trahie par les siens, s’apprête à donner en personne ; elle va faire la gisquetaire et jouer du bâton : déjà le gourdin est levé, lorsque son adroite et prompte adversaire lui saute au visage et lui mord la joue à enlever la pièce. Les hurlemens des vaincus et les cris du vainqueur ont attiré la foule ; on accourt du village, on sépare les combattantes, on siffle les caniches, on console la mégère, on applaudit au coup de dent et on s’empresse de reconduire tout le monde au logis. Voilà comment un tendre et vertueux sentiment a, dans [4.1]un paisible village du pacifique département de la Meuse, fait saigner deux cœurs, un museau de chien et la joue d’une jolie fille. (L’Industrielle de la Meuse2.) Manière d’imprimer les journaux à l’ouest des Etats-Unis. Dans l’état d’Indiana, la personne qui exerce l’état d’imprimeur a un assortiment de caractères en bois. Quand la composition du journal est prête, les souscripteurs arrivent chacun avec une serviette blanche. La forme est tamponnée au moyen d’une certaine boue noirâtre et humide, dont, heureusement pour la littérature, le pays abonde, et à l’aide d’un marteau, on obtient sur chaque serviette un exemplaire du journal avec lequel l’abonné se retire. Un peu d’eau et de savon font justice plus tard des nouvelles qui ont vieilli et rendent à la serviette son premier lustre. (Justice.) Franchise du chevalier Grammont3. Louis XIV jouait au trictrac, il conteste un coup à son adversaire, et consulte la galerie. Les courtisans restent muets. Ah ! voici Grammont qui nous jugera, dit le roi en le voyant venir de loin. – Sire, vous avez perdu. – Eh ! comment ? vous n’avez pas encore vu le coup. – Ne voyez-vous pas, sire, répondit Grammont, que si le coup eût été seulement douteux ces messieurs vous auraient donné gain de cause ! Le roi trouva la raison bonne, et se rendit. (Historique.) Un gentilhomme demandait au chevalier Bayard4 quels biens on devait laisser à ses enfans : ce qui ne craint, répondit le chevalier, ni le temps, ni la puissance humaine : la sagesse et la vertu. Belle réponse, que tous les pères devraient prendre pour eux. (Historique.) Trait de modération. M. D… ayant un jour parlé fort insolemment à Louis XIV : Si je n’étais pas roi, lui dit ce grand prince, je me mettrais, en colère. (Historique.)
Le sieur David, mécanicien, place Croix-Paquet, à Lyon, seul inventeur breveté pour les nouvelles mécaniques, économiques, simplifiées (par l’arbre central principal et seul moteur), pour dévider et faire les canettes ensemble ou séparément ; mécaniques dont les avantages sont au-dessus de toutes les autres, et pour lesquelles il a obtenu une médaille et l’approbation de la chambre de commerce ; prévient que ses confrères qu’il vient de faire condamner comme contrefacteurs, et d’autres à qui il est défendu d’en faire, cherchent à insinuer que les trois opérations ne peuvent s’y faire ensemble ; les fabricans sont priés, dans leurs intérêts, de ne pas se rapporter aux on-dit, et de s’assurer de la vérité en voyant fonctionner ces mécaniques, qui sont répandues dans tous les quartiers de la ville, les faubourgs et même dans les communes environnantes. Les adresses leur seront données par le sieur David, qui fait des échanges et revend à bon marché les vieilles mécaniques.
AVIS.
[4.2]Claude Ginet, ouvrier en soie, demeurant à la Croix-Rousse ; place de la Visitation, n° 1, a quitté son domicile, dans la nuit du 27 au 28 avril dernier. On ignore ce qu’il est devenu. Signalement. Agé de 28 ans, taille d’environ 1 mètre 57 centimètres (4 pieds 10 pouces), cheveux et sourcils châtain-foncé, front bombé, yeux roux, nez gros et long, bouche moyenne, menton rond, visage ovale, teint pâle, tatoué au bras d’une tourterelle. Vêtemens. Habit et pantalon de drap bleu ; gilet de soie noire, jaune et bleue ; chapeau noir. En cas de renseignemens, les adresser à la préfecture du Rhône, division de la police.
a 2 sous la livraison huit grandes pages d’impression, contenant 350 lignes, ou 3 500 lettres. PROCÈS DES ACCUSÉS D’AVRIL devant la cour des pairs. On souscrit : A LYON, Chez Mlle Perret, imprimeur, rue St-Dominique, n° 13 ; Favier, rue Casati, n° 1, au 2e ; au bureau du journal l’Indicateur, rue Désirée, n° 5. A SAINT-ETIENNE, Chez M. Issartelle, cafetier, place de l’Hôtel-de-Ville. A VILLEFRANCHE, Chez M. Sigout, avocat, Grande Rue . A LA TOUR-DU-PIN, Chez M. Laney aîné, banquier.
ANNONCES.
A vendre un atelier de pliage bien achalandé. S’adresser au bureau. – A vendre, une mécanique longue de 32 guindres, faite par Chatillon. S’adresser chez M. Favier, rue Casati, n° 1, au 2e. – A vendre, un atelier, de 3 métiers unis, ainsi que divers accessoires, plus un mobilier ; avec la suite de la location. S’adresser chez M. Platre, rue des Fossés, n° 19, au 2e. A vendre, un atelier de 4 métiers travaillant en façonnés, mécaniques, une en 400, deux en 600 et une en 900, et divers accessoires. S’adresser au bureau. – A vendre, trois métiers de châles lancés. S’adresser cours Morand, aux Brotteaux, n° 8, au portier. – A vendre, pour cause de départ, un atelier de 2 métiers de châles au 1/4, mécanique en 1 200, avec tous les accessoires et différens ustensiles de fabrique. S’adresser au bureau. – A vendre, un métier de châles 6/4 au 1/4, mécanique en 1 500, monté tout à neuf. S’adresser chez M. Valernot, rue Flesselle, n° 4, au 1er.
Notes (VARIÉTÉS.)
Référence ici au poète et dramaturge français Jean-Baptiste Gresset (1709-1777). Très probablement L’Indicateur de l’Est. Journal scientifique, littéraire, commercial et industriel, publié depuis 1830. Il s’agit probablement ici de Philibert de Grammont (1621-1707). Référence ici à Pierre Terrail LeVieux, Chevalier Bayard (1476-1524).
|
|
|
|
|
|