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10 mai 1835 - Numéro 34
 
 

 



 
 
    

Monsieur le rédacteur,

La décision du conseil des prud’hommes, relativement à l’affaire de Bofferding, me paraît être contradictoire à l’article 1134 du code civil, qui dit formellement que les conventions ne peuvent être révoquées que du consentement mutuel des parties.

Or, comme on peut douter de l’exécution complète de celle contractée par MM. Gelot et Ferrière, il me semble que la question dans ce cas, a été tranchée, sans être résolue dans un sens favorable à l’équité.

Cependant, dans cette circonstance, j’ai cru avoir remarqué que ce qui peut amener quelquefois de semblables résultais qui sont toujours de graves inconvéniens pour le conseil et ses justiciables, est qu’un trop grand nombre de causes insignifiantes se présentant à chaque grande séance, elles en absorbent une forte partie du temps, et par ce motif, occasionnent que les débats de celles plus importantes ne se prolongent point assez pour éclairer suffisamment les membres du conseil qui ont à prononcer ; je présume que c’est ce qui est arrivé à l’égard de la cause de Bofferding ; car on ne peut nier qu’il y eut dans cette affaire un peu de précipitation, le demandeur ayant été interrompu avant d’avoir pu achever de se faire entendre du conseil, qui ensuite s’étant immédiatement réuni pour délibérer, il ne lui fut possible alors de développer tous les moyens de défense qui pouvaient devenir favorables à sa cause. Par cet oubli des articles 13 et 85 du code de procédure civile, le conseil aurait-il voulu entraver la libre défense, et par là, faire un pas dans la voie de l’arbitraire ? Non, je ne le pense pas : loin de moi cette idée ; néanmoins, à défaut d’avoir été entendu, la question, quoique simple, a bien pu ne pas être envisagée sous son véritable point de vue. Quant à sa solution, elle se bornait à savoir si les métiers que MM. Gelot et Ferrière s’étaient engagés d’occuper pendant deux années consécutives, avaient travaillé le temps voulu par cette spéculation.

C’était là, je crois, le point en litige, le seul sur lequel il fallait se fixer, et décider, plutôt que de vouloir supposer que la convention devait mentionner autre chose que ce que les parties y avaient voulu exprimer ; il me semble qu’ici était la règle à suivre, et dans ma propre conviction, comme il en est résulté autrement, je ne vois qu’une dérogation aux principes de justice qui doivent servir de base à toute conclusion. Car, que voulurent MM. Gelot et Ferrière lorsqu’ils rédigèrent et souscrivirent cette convention déjà tant connue, et dont voici le texte :

Nous soussignés, nous engageons à occuper deux métiers au quart, chez M. Bofferding, pendant la durée de deux années consécutives, et payé au cours.

Donc ce qu’ils voulurent est expliqué et facile à concevoir : leur volonté fut simplement de lui assurer sur chacun de ses métiers, pendant un temps déterminé, un bénéfice de travail fructueux, par considération des frais de montage qu’il était obligé de faire. Ainsi, ce n’est que sous ce rapport, et par ce motif, que la convention fut consentie et acceptée.

Ceci bien compris, je demanderai à quiconque de jugement et de bonne foi si, durant que ces mêmes métiers se préparaient et se montaient, le travail qu’on était obligé d’y faire pour les établir au quart et les mettre sur pied, était un travail fructueux, ou si au contraire il n’était pas très onéreux, vu que pendant cet intervalle était fait, sans frais aucuns, des dépenses qu’il ne fallait espérer de rattraper, que du moment où les métiers seraient mis en état de battre et tisser des châles. Je demanderai aussi si alors n’était point le début incontestable et réel de leur occupation ; toute supposition contredisante ne pourrait être appuyée que par des argumens captieux qui contrasteraient singulièrement avec l’esprit de la convention, qui ne peut pas, à volonté, être interprétée, aujourd’hui dans un sens puis demain dans un autre, même y eût-il doute ; car dans ce cas, l’article 1162 dit que la convention s’interprète contre celui qui a stipulé.

Quant à la chose jugée, elle est connue. Comme chacun le sait, la convention a pris cours à partir du jour de sa date, le même où la disposition fut donnée, de manière qu’il s’ensuit que deux mois, employés au montage de chaque métier sont deux mois écoulés en pure perte de temps et en frais ; le conseil qui n’a rien pris de tout cela en considération, a décidé qu’ils devaient être comptés, tout comme si les métiers avaient travaillé et produit. Ce qui fait que l’assurance par conventioni de deux années [3.1]consécutives d’occupation sur chacun desdits métiersii se trouve réduite, en vertu de ce jugement, à vingt-deux mois sur un, et vingt mois sur l’autre. Ce point, évidemment admis sans avoir été parfaitement apprécié, me permet de croire que ce dernier jugement est un contresens de ceux rendus le 20 décembre et le 29 janvier derniers, par lesquels il fut alloué à Bofferding 40 fr. 90 c. pour frais de montage, plus 60 fr. pour 12 journées perdues ou employées à l’exécuter ; mais, à vrai dire, le conseil, à cette époque, était loin de reconnaître que des métiers que l’on montait étaient occupés : la preuve en est, puisqu’il accorda au demandeur, et au préjudice de MM. Gelot et Ferrière, une somme totale de 100 f. 90 c. montant de celles détaillées plus haut.

Enfin, monsieur le Rédacteur, je termine en disant que Bofferding, lorsqu’il a élevé des réclamations, a usé d’un droit commun à tous, et s’il en a usé, ce n’a été que quand il y fut contraint par ses antagonistes. Néanmoins, c’était toujours avec justice de cause que ses demandes étaient adressées au conseil. Ce qui peut confirmer cette assertion, c’est que sur six griefs qu’il a fait valoir, deux ont été terminés par des jugemens rendus en sa faveur, et quatre autres également furent décidés à la suite d’une conciliation qui lui valut la rentrée de 18 fr. qu’on lui contestait sur le produit de ses façons ou autres causes.

Ainsi, remarquez bien que s’il ne se fut pas mis sous la protection du conseil des prud’hommes pour faire valoir ses droits qu’on lui disputait, il en aurait résulté que la somme de 118 fr. 90 c. qu’il a touchée, eut figurée, à son détriment, sur l’actif de MM. Gelot et Ferrière.

Pour en finir, je laisse à l’opinion publique le soin d’examiner cette réflexion, et de prononcer sur les actes de Bofferding et ceux de ses adversaires.

Recevez, monsieur, l’assurance de ma haute considération,

Un de vos abonnés, B. C.

 

 

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