Croix-Rousse, le 15 mai 1835.
Monsieur le rédacteur,
Dans votre journal du 26 avril, vous eûtes la complaisance de publier des notes que je vous avais transmises, concernant M. Charnier, qui depuis, pour toute réfutation, a fait imprimer dans la Tribune prolétaire : qu’il ne voulait pas répondre à un lâche anonyme, à un faiseur de plats quolibets. On reconnaît là une défaite gauchement mise en avant, faute de meilleurs moyens ; car il est impossible qu’un esprit délié comme celui de M. Charnier n’ait pas saisi, qu’il n’avait pas à me répondre, attendu que je ne lui écrivais pas, et qu’il suffisait d’opposer à ces notes des preuves de nature à en démontrer la fausseté ; cela fait sans être contredit, son amour-propre pouvait être sauf, et je crois que ce devait être son unique envie.
Aujourd’hui, M. le rédacteur, je viens vous prier de transcrire à la suite de ces réflexions la lettre ci-incluse, copie de celle que j’ai écrite à M. Charnier et qu’un ami a eu la complaisance de porter à domicile mardi passé ; depuis lors j’ai cessé d’être l’anonyme si gaillardement traité de lâche, et cependant je n’ai point reçu de réponse. M. Charnier qui est appelé comme témoin à Paris, partirait-il sans mot dire ? ce serait par trop fort.
Je suis avec considération, M. le rédacteur,
ph. daverede.
A M. Charnier.
Croix-Rousse, le 11 mai 1835.
Monsieur,
Répondant seulement à ce qui a rapport à moi dans votre lettre insérée à la Tribune prolétaire du 10 mai, je commence par vous déclarer que c’est moi qui, sous le nom de Solitaire de la Montagne, ai fourni à l’Indicateur des notes ayant pour but de prouver que le titre de fondateur du Mutuellisme, que vous vous êtes donné dans une lettre, n’était qu’une ridicule usurpation et qu’il avait fallu pour avoir l’idée d’un tel acte, que votre cerveau fût quelque peu troublé. Ces notes, je l’avoue, n’avaient rien de flatteur pour vous, et pour moi, c’est grand déplaisir de trouver des hommes comme vous, auxquels une ostentation quatre fois ridicule, fait encourir l’affront de démentis publics.
Après cela, monsieur, je dois vous prévenir que, m’occupant plus sérieusement que vous de mon état, je n’ai ni le temps, ni le goût que vous paraissez avoir pour les longues et fastidieuses discussions ; que par ces raisons, je me borne à prendre ici la responsabilité de ce que j’ai dit de vous dans l’Indicateur du 26 avril passé, me faisant fort, si vous me le demandez, de vous donner la preuve par écrit et signée de la majorité des personnes inscrites pour faire partie de l’association par vous projetée en 1826 ; que vous n’êtes pas le fondateur de la société industrielle mutuelliste.
En outre, je vous renvoie la qualification de lâche, que vous m’avez inconsidérément donnée dans votre lettre ; qualification qui, je crois, a été trouvée pour vous être justement appliquée ; attendant, à présent que vous me connaissez, que vous me mettiez [2.2]dans le cas de vous prouver encore cette fois que vous avez menti.
Salut.
ph. daverede.