CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Séance du 23 février.
(présidée par m. guérin.)
La séance est ouverte à six heures et demie. Un grand nombre de causes ont été appelées ; celles qui ont offert quelqu’intérêt sont les suivantes :
Le sieur Miget, qui a déjà paru à la précédente audience, offre de nouveau au sieur Branche la somme de 40 fr. en sus des 100 fr. qu’il lui a déjà payés, et pense que ce défrayement doit être suffisant, puisque l’élève n’a pas été nourri chez son maître.
Le sieur Branche refuse ses propositions, et demande l’exécution de ses conventions.
Le conseil, après avoir délibéré, condamne le sieur Miget à payer au sieur Branche la somme de 100 fr.
Le sieur Brunet a fait assigner le sieur Boyer, lequel ne s’étant pas présenté, a été condamné, par défaut, à payer la somme de 100 fr. au sieur Brunet.
Le sieur Brun réclame au sieur Viannet, tulliste, ses effets et son livret, qui lui sont retenus par ce dernier, et qui tient contre lui des propos tendant à détruire sa réputation ; il expose ensuite au conseil que le sieur Viannet veut revenir sur un compte qui avait déjà été réglé, parce qu’il se trouve en solde. Le sieur Viannet dit qu’il lui a manqué deux flottes à sa pièce, et prétend avoir le droit d’en retenir la façon, se trouvant en solde, et prétend aussi que le sieur Brun lui redoit 7 fr. 85 c. Le sieur Brun réclame, de son côté, une augmentation de 5 c. qui a été payée au sieur Viannet, et dont ce dernier ne lui a pas tenu compte.
Le conseil déclare qu’attendu que l’ouvrier a fabriqué la pièce chez le sieur Viannet, et que c’est au maître à surveiller l’emploi des soies, en étant seul responsable, il ne peut faire aucune retenue à l’ouvrier ; il déclare en outre que l’augmentation de 5 c. par flotte doit être payée à ce dernier. Les parties restent ainsi conciliées, devant régler leur compte ainsi qu’il vient d’être dit, à la charge au sieur Viannet à rendre les effets et le livret à son ouvrier.
[6.1]Le sieur Chatillon réclame au sieur Despierre, chef d’atelier, chez qui il a placé son frère en apprentissage, une restitution de la somme de 100 fr. payée au sieur Despierre il y a quelques mois. Le sieur Despierre expose à son tour au conseil qu’il y a vingt mois que le sieur Chatillon est entré chez lui, que malgré les soins qu’il lui a donnés, il n’a pu obtenir une fabrication passable de son élève, qui n’a jamais pu faire sa tâche ; que l’ayant déjà renvoyé une fois, il avait consenti à le reprendre, à la condition expresse qu’il serait plus docile et travaillerait davantage.
Le conseil déclare qu’il n’y a pas lieu à casser les engagemens, que l’apprenti rentrera chez son maître pour y finir son apprentissage, que sa tâche lui sera donnée, et que sur la demande du sieur Despierre, il sera surveillé par un des membres du conseil.
Le sieur Deval demande contravention contre le sieur Guiessner, graveur, qui a reçu chez lui un ouvrier sans avoir son livret visé par lui, que cet ouvrier lui doit une quarantaine de francs. La dame Guiessner expose au conseil que son mari a effectivement reçu cet ouvrier, qui est resté possesseur de son livret, et qu’il n’a jamais été entre les mains du sieur Deval.
Le conseil déclare qu’attendu que le sieur Deval n’est pas resté possesseur du livret, il ne peut y avoir lieu à la contravention, mais que la somme due sera inscrite sur le livret, et devra être retenue par cinquième sur les façons de l’ouvrier par le sieur Guiessner, qui est chargé d’en faire tenir le montant au sieur Deval.
Le sieur Sprecher, fabricant, dit qu’il a reçu du sieur Renaud des mouchoirs crêpes de Chine, qui pèsent 17 grammes de plus que ceux qu’il fait fabriquer ailleurs, et qui, lorsqu’ils sont décroués, ne pèsent pas plus que les autres, et prétend lui faire déduction de 17 grammes sur ses mouchoirs. Le sieur Renaud expose au conseil qu’il a déjà rendu onze fois ses mouchoirs, qu’on ne lui a rien dit à cet égard, que ce n’est que depuis sa dernière rendue que l’on veut lui faire un pareil décompte.
La cause a été renvoyée pardevant MM. Estienne et Rousset.
Un chef d’atelier et son élève, à la suite de disputes, avaient résilié leurs conventions, à la charge par ce dernier de payer à son maître la somme de 100 fr. qui fut inscrite sur son livret. L’apprenti, sous divers prétextes, ne veut plus payer cette somme.
Le conseil a déclaré que l’élève, devenu ouvrier par l’arrangement qu’il avait fait avec son maître, devait le payer et retirer son livret.
La séance s’est terminée par des contestations entre des maîtresses et leurs ouvrières, qui ont égayé un peu l’auditoire, et où l’on a pu se convaincre qu’une demi-douzaine de causes semblables suffiraient pour occuper toute une audience.