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24 mai 1835 - Numéro 36
 
 

 



 
 
    

DES SALLES D’ASILE.

(2e article.)

[2.1]L’éducation est le soin qu’on prend de l’instruction de la jeunesse, tant pour ce qui regarde les mœurs que par rapport à l’esprit et au corps. La bonne éducation fait les bonnes mœurs, et les bonnes mœurs font le bonheur et la sûreté de la société. Dans notre dernier numéro nous avons développé les avantages des salles d’asile, sous le rapport de la santé des élèves, en repoussant les prétextes futiles sur lesquels s’étayent les parens pour priver leurs enfans des bienfaits de ces institutions ; il nous reste à analyser leur utilité pour donner aux élèves les connaissances premières.

Il est incontestable que toute institution qui s’appliquera à faire, en quelque sorte, disparaître la monotonie attachée aux premières notions de l’enseignement, soit en distrayant les facultés naissantes qui ne sauraient être utilement tendues pendant un long espace de temps, soit en tournant en forme de récréation ces connaissances si abstraites pour le jeune âge : ces institutions, disons-nous seront toujours celles dont on peut espérer plus de fruits. Or, les fondateurs des salles d’asile dans leur système d’éducation ont admis ce principe, et font tous leurs efforts pour inculquer dans l’esprit des enfans qui leur sont confiés, sans qu’ils s’en aperçoivent et comme par distraction, ces principes de lecture pour lesquels l’enfance éprouve toujours une souveraine répugnance ; ce qui est sans contre dit une chance certaine de succès.

Ici, point de livres sur lesquels il faut s’appesantir et que les yeux parcourent par contrainte, tandis que l’esprit voltige dans une région toute opposée. Des ardoises placées çà et là dans la salle, servent à faire passer les enfans successivement d’une lettre tracée par le maître antérieurement, à une autre qu’il vient de former sous leurs yeux. L’esprit n’étant point à la gêne, se développe avec facilité ; une espèce d’émulation s’engage, c’est à celui qui le premier pourra répondre à la question ; plus loin, d’autres s’étudient à imiter les caractères qui ont été posés : celui-ci rend compte de l’étymologie d’un mot, celui-là en décompose les syllabes ; et par ces divers rapports, 1e dégoût qu’entraîne les premiers élémens de la lecture disparaissent devant cette espèce de dissipation instructive qui devient un véritable enchantement.

Mais là seulement ne se bornent pas les avantages que ces maisons peuvent offrir aux enfans quant à l’instruction. Il en est un qu’elles seules peuvent procurer ; c’est de commencer le développement de l’esprit en même temps que la nature donne de l’accroissement à la force physique. Par-là, cette jeunesse qui ne peut souvent que donner un temps très limité pour son éducation, est à même de jouir de ces bienfaits. Tandis que, prise à un âge plus avancé, l’instruction est toujours très imparfaite lorsqu’elle n’est pas nulle. En effet, laissez croître un enfant sans avoir ébauché de bonne heure son instruction, sans lui avoir donné la moindre notion d’étude ; non-seulement le temps qui lui restera à y employer sera trop court, attendu qu’il faut souvent qu’il s’occupe d’ouvrages manuels pour aider ses parens à suffir à son existence ; mais encore ayant vieilli dans ce défaut d’études, ses facultés loin d’être développées se trouvent paralysées et le rendent peu apte à acquérir ces connaissances premières, si nécessaires à tous les hommes.

De là naissent pour l’ordinaire ces difficultés, ces écarts qu’une bonne éducation sait éviter ; de là découlent naturellement ces haines mal fondées, ces discussions parfois brutales, ces manquemens réciproques, ces mauvais exemples qu’une instruction première, prise à temps, aurait fait disparaître.

De la semence des notions primitives, au contraire naît cette condescendance mutuelle qui fait l’harmonie de la société, et qui prépare l’enfance au banquet de la fraternité universelle. Ces plantes entées de bonne heure sur le tronc de l’expérience, produiront des fruits qui feront les délices, non-seulement de ceux qui les auront cultivées, mais encore la joie de ceux qui, après leur avoir donné l’existence, auront consenti à leur culture, et deviendront la [2.2]gloire de la génération future dont elle prépareront l’avenir.

Travailleurs, ne nous abusons pas, l’éducation seule est appelée à tempérer cette âcreté de caractère qui nous porte parfois à recourir à des moyens illicites lorsque nos intérêts paraissent froissés. Elle seule peut nous aider à parcourir cette voie de pacification qu’elle nous ouvre et qui doit nous conduire à l’amélioration morale. C’est par son secours que nous surnagerons dans cet océan de vicissitudes dont la vie humaine est entourée, elle est la planche après le naufrage, comme elle est l’ancre qui nous préserve des fureurs de la tempête. Si le ciel ne nous a pas procuré la faveur de participer aux bienfaits de l’instruction, n’en privons pas volontairement ceux dont l’avenir dépend de nous : profitons des avantages qui nous sont offerts ; ne rendons point stérile cette terre qu’il nous est si facile de laisser cultiver, puisqu’il ne nous est pas donné de l’ensemencer nous-même, que fertilisée par la rosée de l’instruction, il nous soit permis de savourer les fruits précoces qu’elle aura fait naître.

Pères de famille, n’oublions pas que la science s’attache, s’imprime, s’identifie à notre existence et nous fait jouir, dans les momens les plus critiques de la vie, de l’espoir d’un avenir qu’elle seule peut nous montrer.

Cessons donc d’opposer des craintes exagérées qui nous portent à négliger les moyens que nous offrent ces philanthropes généreux fondateurs des salles d’asile ; profitons des heureuses dispositions qu’ils s’attachent à faire naître dans l’esprit de nos enfans ; que l’égoïsme ne nous fasse pas sacrifier leur avenir. Au contraire, aidons autant qu’il est en notre pouvoir au développement de leurs intelligences, en les laissant participer aux bienfaits de ces maisons érigées dans l’unique but de faire leur félicité. Que nos enfans soient formés dès le bas âge, afin que lorsque le besoin impérieux leur fera une obligation de suspendre leurs études pour contribuer à leur existence, que le besoin, disons-nous, les trouve capables d’être perfectionnés, et non à peine ébauchés ; afin que, par l’éducation et l’instruction qu’ils auront puisées dans les institutions philanthropiques des maîtres attachés aux salles d’asiles, ils soient appelés à jouir des heureux résultats qu’ils procurent.

 

 

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