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7 juin 1835 - Numéro 23 bis
 
 

 



 
 
    

Du moulin-compteur et flotteur à régulateur transposant,

par M. Guilliny (de Nyons).

(Voyez Tribune Prolétaire 1834, n° 14 et 1835, n° 23).

[2.1]Nous croyons utile de faire connaître à nos lecteurs le rapport fait par M. Dugas à la chambre de commerce de Lyon, le 21 mai dernier, sur cette nouvelle machine qui fera époque dans les annales de l?industrie et qui est appelée à opérer une reforme générale dans l?art de préparer et flotter les soies. A cette séance étaient présens MM. Rivet, préfet, Laurent Dugas, président, Brosset, Riboud, Berne, Gaillard, Camel, Beaup, Chaurand, membres et Vachon-Imbert, secrétaire.

M. Dugas s?est exprimé dans les termes suivants :

« Messieurs, la commission à laquelle vous avez confié le soin d?examiner la mécanique dite régulateur transposant, qui vous a été présentée par le sieur Guilliny de Nyons (Drôme), comme servant à obtenir à l?ouvraison des soies des écheveaux ou flottes de la même longueur déterminée, s?est réunie plusieurs fois afin de procéder à cette vérification.

« Dans le but de s?éclairer le plus complètement possible, votre commission a prié le sieur Guilliny de l?assister dans cet examen ; elle vient aujourd?hui, par mon organe, vous rendre compte du résultat de ses observations. Votre commission a reconnu :

« 1° Qu?au moyen du mécanisme dont il est question on obtient en effet des flottes ou écheveaux de soie dont le nombre de tours est absolument le même pour chacune d?elles ;

« 2° Qu?une flotte terminée, la transposition du fil de soie s?effectue immédiatement par un mouvement exact et spontané sur la partie du guindre à nu et va commencer une autre flotte ;

« 3° Que lorsque l?un des fils casse, le guindre destiné à le recevoir s?arrête à l?instant même.

« Elle ne peut donc qu?applaudir aux efforts faits par le sieur Guilliny pour obtenir ces trois conditions qui lui paraissent indispensables pour atteindre le but proposé.

« Mais, tout en rendant justice à l?auteur de cet ingénieux mécanisme, elle regrette de ne pouvoir se prononcer d?une manière définitive sur le mérite de sa découverte.

« Dans les divers essais qui ont été faits sous ses yeux, elle a vu que le travail était très souvent interrompu par la rupture des fils, et elle n?a pu s?assurer si cet inconvénient résultait de la nature de la soie, mise en dévidage, ou s?il fallait l?attribuer à l?imperfection de la machine, qui, composée d?un assez grand nombre de pièces, en offre quelques-unes dont la confection semble laisser encore à désirer.

« Dans cet état, votre commission craignant que le régulateur transposant du sieur Guilliny ne puisse s?appliquer que difficilement à un travail manufacturier, se borne à proposer à la chambre, en proclamant de nouveau les avantages que le commerce et l?industrie des soies doivent retirer de l?ouvraison de cette matière en flottes à tours comptés, d?engager Messieurs les moulinier à se rendre dans les ateliers de M. Guilliny pour y voir fonctionner en grand son régulateur transposant ; ils seront, sans contredit, les meilleurs juges d?un procédé, dont les résultats actuels suffisent déjà pour attester des recherches, des études et des essais qui rendent son auteur digne de la bienveillance du gouvernement. »

La chambre ayant délibéré a donné son approbation à ce rapport. Elle a arrêté, en outre, qu?une expédition dudit rapport serait adressée au sieur Guilliny comme un témoignage de la satisfaction avec laquelle elle a vu les résultats qu?il a déjà obtenu et comme un encouragement à tenter de nouveaux efforts pour porter le régulateur transposant à un degré de perfectionnement et d?utilité pratique qui réponde complètement au but dans lequel il a été conçu. »

M. Z. (Arles-Dufour) en communiquant au Courrier de Lyon le rapport ci-dessus, l?a fait suivre des réflexions suivantes que nous croyons devoir transcrire parce qu?elles nous semblent justes et concluantes.

[2.2]« Il résulte, comme on le voit, de l?examen fait par la chambre de commerce, que le moulin-compteur exécute parfaitement les divers effets que réclame le flottage à tours comptés fixes. Ainsi elle a reconnu : 1° que cette machine fait des écheveaux dont le nombre de tours est absolument le même pour chacun d?eux ; 2° qu?une fois la flotte terminée la transposition s?effectue immédiatement ; 3° enfin, que lorsqu?un bout casse, le guindre s?arrête aussitôt ; c?est-à-dire qu?elle a reconnu explicitement qu?elle agissait bien dans les conditions nécessaires pour exécuter le flottage à tours comptés fixes. Elle donne donc son approbation pleine et entière à ce résultat déjà obtenu.

« Cependant par une restriction assez singulière et en apparence contradictoire avec les effets opérés par le mécanisme et constatés par la commission, la chambre craignant que le régulateur transposant ne puisse s?appliquer que difficilement à un travail manufacturier, se borne à proposer d?engager messieurs les mouliniers à se rendre dans les ateliers de M. Guilliny, à Nyons, département de la Drôme, pour y voir fonctionner un grand sous-régulateur transposant. »

Ici nous nous permettrons une seule observation. S?il est bien avéré que le moulin à régulateur transposant doive, ainsi que se plaît à le proclamer la chambre, procurer d?immenses avantages au commerce et à l?industrie des soies, s?il doit faire disparaître une industrie parasite qui grève ce commerce et ce trafic honteux qu?on désigne sous le nom de piquage d?once, il nous semble que la chambre de commerce ne devait pas laisser subsister des doutes sur les causes de la rupture des fils, durant les expériences : si cette soie était trop sèche, éraillée ou avariée, il suffisait de la faire changer et d?en substituer une autre : la rupture des fils pouvait être aussi causée par une trop grande vitesse dans la man?uvre, ou par un tournage saccadé, ou enfin pouvait résulter de toute autre cause que du vice de construction, il fallait donc qu?elle éclaircit ce doute. Toutefois la commission a reconnu et déclaré que le mécanisme agit exactement et rend tous ses effets. Cela, ce nous semble, devait suffire à son édification ?

« Quant à l?invitation faite aux mouliniers d?aller voir les moulins-compteurs en grand fonctionnant à Nyons à 40 lieues de Lyon, comme juges plus compétens, il nous paraît que la commission de la chambre eût agi avec plus de discernement et plus de raison, si elle se fût entourée des lumières et de l?avis de ces hommes compétens, de ces mêmes mouliniers qui sont nombreux à Lyon et dans les environs, pour fixer son opinion sur l?utilité pratique du moulin-compteur ; elle eût par ce moyen fait disparaître les doutes qui subsistent dans la délibération que l?on vient de lire, et qui, en définitif, laissent la question principale sans solution réelle.

« Le commerce des soies et la fabrique de Lyon ont dans ce moment les yeux ouverts sur cette importante affaire, il appartient à la chambre de commerce, son organe naturel, de fixer l?opinion publique sur l?utilité du moulin-compteur à régulateur transposant, et elle doit la faire sans ambiguïté ni équivoque.

 

 

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