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14 juin 1835 - Numéro 39
 

 




 
 
     

[1.1]Nous avons reçu une lettre d’un de nos abonnés, datée du 5 juin ; comme notre journal était sous presse lors de sa réception, nous n’avons pu répondre ; nous nous acquittons aujourd’hui de ce devoir.

Notre mission étant d’éclairer, autant que nos faibles talens peuvent le permettre, la classe laborieuse à laquelle nous nous faisons gloire d’appartenir, et de faire disparaître les abus qui se glissent chaque jour et qui tendent à détruire la bonne harmonie que nous appelons de tous nos vœux ; nous allons nous attacher dans cet article, pour satisfaire et notre correspondant et tous les chefs d’atelier, à dessiner aux élèves de soierie, l’étendu de leurs devoirs, et pour procéder avec ordre, nous les distribuerons en trois séries. Dans la première, nous démontrerons les devoirs d’un apprenti sous le rapport de ses propres intérêts ; dans la seconde, nous dirons un mot de ce qu’il doit à son maître ; et dans la troisième, nous lui observerons ce qu’il doit même dans l’intérêt de l’industrie.

Dans quel but un élève se met-il en apprentissage ? c’est pour acquérir la connaissance parfaite d’une profession de laquelle dépend son existence future. Or il est donc de la plus grande importance d’en connaître d’abord les principaux élémens, de s’attacher en suite à appliquer ces notions à la pratique ; enfin de saisir le fini et l’habileté de sa profession afin d’être à même par la suite non-seulement de tirer avantage des sacrifices, soit de temps, soit pécuniaires, qui auront été faits, mais encore de soutenir à notre industrieuse cité cette réputation lyonnaise qui lui est jalousée depuis des siècles.

Nous dirons donc que l’élève, dans son intérêt personnel, doit s’appliquer à acquérir les connaissances premières de sa profession. En effet, il est de notoriété publique que de la profonde connaissance des élémens d’un art quelconque dépend toujours l’avenir d’un apprenti ; c’est de l’instruction primaire, bien ou mal tracée, plus ou moins bien comprise, que doit découler la félicité d’un élève. Il est donc urgent que les chefs d’atelier mettent tous leurs soins à donner à leurs apprentis de bons principes et à ne pas négliger cette première partie de l’instruction, de laquelle dépend le résultat de toutes les autres. Mais il [1.2]faut aussi que l’élève contribue par son application aux soins qui lui sont donnés ; c’est dans son propre intérêt, puisque de sa participation dépend l’avenir de sa vie.

Une fois ces premiers élémens inculqués, il s’agit d’en faire l’application, il s’agit de se rendre compte des divers tissus qui ont été démontrés. Il faut que l’apprenti s’étudie lorsqu’une faute se présente, non-seulement à la corriger, mais encore qu’il s’attache à rechercher les causes qui l’ont produite ; il faut qu’il en analyse les effets, afin d’être à même de l’éviter à l’avenir.

Sous le rapport de ce qu’un élève doit à son maître : nous lui ferons observer pour premier point qu’il est passible de l’obéissance la plus entière pour tout ce qui lui est commandé de juste et de relatif à sa profession ; et qu’il doit autant par devoir que par reconnaissance s’appliquer à défrayer son chef d’atelier des pertes qu’il a pu lui occasionner dans les premiers temps de son apprentissage. En effet, il est incontestable qu’un apprenti ne peut acquérir les notions initiales de son état, sans occasionner à son maître un grave préjudice ; nous ne parlerons pas des frais de nourriture, de blanchissage, etc., pendant ce temps où l’on ne rapporte rien ; mais combien d’autres sacrifices ne s’impose pas un chef d’atelier lorsqu’il veut s’occuper dignement de l’éducation de son élève ? Que de temps sacrifié, que de matières souvent perdues, que de façons diminuées ; disons toute notre pensée, que de façons réduites en quelque sorte à zéro ! Combien de fois un maître n’a-t-il pas par le fait de son élève, perdu une partie de la confiance des maisons de commerce avec lesquelles il était en rapport ? Combien de fois n’a-t-il pas été obligé de négliger tel ou tel avantage que lui présentait un article, parce que la dextérité de son élève ne lui permettait pas de lui en confier l’exécution, sans parler de ces montages récidivés, avant qu’il eut pu recouvrer ses frais ? Et après cela, un apprenti temporiserait, lorsqu’il est à même de défrayer son maître, d’une partie de ses pertes, par son assiduité ; et il montrerait de la mauvaise volonté lorsqu’en travaillant pour lui-même, il peut se reconnaître d’une faible partie du bien qu’il en a reçu ! Ah ! s’il en est ainsi, chefs d’atelier, renoncez à faire des [2.1]élèves qui ne peuvent qu’être préjudiciables à vos intérêts, dès-lors qu’ils prétendent ne vous rien devoir en échange de vos soins, de votre sollicitude ; qu’ils pensent même que sitôt leurs tâches faites ils sont quitte envers vous.

Si l’apprenti a une tâche, ce n’est point dans le but de fixer sa journée, mais bien pour l’engager, par le gain qu’il peut faire, à redoubler de vigilance et d’assiduité. Si l’apprenti a une tâche, ce n’est point pour se jouer de son maître sitôt qu’elle sera remplie, et contribuer par sa paresse à sa ruine, tandis qu’en travaillant pour lui-même il pourrait le défrayer de ses premières pertes. Si l’apprenti a une tâche, ce n’est pas pour qu’il se contente de faire les deux tiers d’une journée ainsi qu’elle le porte ; car la tâche n’est point imposée comme le total de ce que doit l’élève, mais bien fixée de manière à ce qu’il lui soit facultatif de se gagner quelque chose pour subvenir à ses besoins. S’il en était autrement, les apprentis de la fabrique seraient classés dans la même catégorie de ceux de bien d’autres professions qui doivent une journée entière, sans aucune rétribution de la part de leur maître. Faut-il parce qu’un usage a établi que dans la soierie les élèves peuvent n’être redevables que des deux tiers de la journée, qu’ils se prévalent de cette coutume pour jeter dans la fabrique des gens qui portent non-seulement un préjudice à eux-mêmes et à leur chef d’atelier, mais encore à l’industrie en général ?

Le conseil ne saurait autoriser de semblables procédés, car quel est le négociant qui consentirait à donner une pièce pour qu’elle croupisse sur un métier et pour courir la chance d’être souvent obligé d’en monter un autre pour remplir sa commission, tandis que la pièce qui vous a été confiée n’arrivera que pour grossir les rossignols du magasin, ou pour se livrer à perte n’étant pas arrivée à l’époque fixée ? Par-là l’apprenti porte donc un préjudice notoire, d’abord à lui-même en n’acquérant pas l’habileté qui lui est indispensable s’il veut arriver à faire de sa profession son unique moyen d’existence ; puis au chef d’atelier en ne lui rendant pas ce qu’il avait droit d’attendre de lui ; enfin au commerce en général, en apportant du retard dans les commandes.

Il nous reste à démontrer les moyens que pourraient employer les maîtres dans le cas où nos avis ne seraient pas capables de faire rentrer leurs élèves à leur devoir. C’est ce que nous développerons dans notre prochain numéro.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Audience du 11 juin.

présidence de m. ribout.

A l’ouverture de la séance, M. Roux, membre du conseil, section de soierie, qui était absent lors de l’installation par M. le préfet a été appelé à prêter serment ; procès-verbal a été dressé à cet effet.

 Sur 26 causes appelées, 4 ont fait défaut, 3 ont été renvoyées à huitaine, une au 17 courant, une à quinzaine, 2 au lendemain et une jusqu’à ce que jugement soit rendu par la police correctionnelle de la plainte qui a été formée. 2 ont été appelées sur citation ; les autres ont été jugées contradictoirement. Les suivantes seules présentent de l’intérêt.

Lorsqu’un élève quitte par maladie le domicile de son maître, fait constaté par un rapport du médecin du conseil, et que vu l’impossibilité où il est de continuer sa profession on résilie les conventions, le chef d’atelier a-t-il droit à une indemnité ? – Oui. [2.2]Mais si sa maladie le lui permettait ensuite, il ne pourrait se replacer que comme apprenti.

Ainsi jugé entre Durand, chef d’atelier, et Ve Bazin, mère de l’apprenti. Cette dernière ayant fait défaut à une précédente audience, a été passible des frais de la citation et du jugement par défaut.

La dame Manin, dévideuse, faisait paraître le sieur Giraud, chef d’atelier, en paiement de son dévidage. Ce dernier prétendait ne rien lui devoir, attendu qu’il lui manquait 410 grammes de soie. Mais comme il n’a pu éclairer le conseil sur la justesse de sa réclamation, vu qu’il n’avait point de livre de dévidage à montrer sur lequel il eut inscrit, date par date, le poids des matières reçues et données, il a été débouté de sa demande, et le conseil a décidé que le montant du dévidage serait de suite payé à la dame Manini.

Dame Ollagnier, dévideuse, et Giraud, chef d’atelier, ont paru pour une cause semblable, le jugement a été rendu dans le même sens que le précédent.

Le sieur Aimé, graveur, avait reçu du sieur Pinjon un dessin pour le confectionner moyennant la somme de 220 fr. ; le sieur Aimé n’ayant pas eu le loisir de l’achever, le remit au sieur Dolfus qui devait se charger de l’exécution moyennant la somme de 198 fr. ; mais comme le dessin ne se trouvant pas livré au temps prescrit par M. Pinjon, Dolfus craignant ne pas toucher sa façon, écrivit au sieur Pinjon qu’il eut à le solder sous trois jours, en retirant son dessin, sinon qu’il en disposerait comme étant sa propriété.

Le conseil a décidé en cette circonstance d’abord, que M. Pinjon n’avait rien à démêler avec le sieur Dolfus, puisque ce n’était pas lui qui l’avait mis en ouvrage ; et qu’il devait s’adresser pour son paiement au sieur Aimé ; que pourtant, puisque M. Pinjon le voulait bien, il pourrait se présenter chez lui pour être soldé ; mais que toute réserve était accordée à ce dernier en cas de malfaçon. Comme le sieur Aimé a exécuté deux bordures en plus du premier travail qu’il devait confectionner, la façon lui en sera payée en sus de la somme de 220 qui lui avait été primitivement allouée.

Un négociant qui exerce une contravention envers un autre négociant le jour même qu’il reçoit de son ouvrier un billet pour paraître à l’audience, afin de régler ses comptes, cette contravention est-elle valable ? – Non. Le conseil considérant que les comptes n’ayant pas été réglés on ne peut admettre la contravention, l’a regardée comme nulle et a laissé les frais à la charge des requérans ; néanmoins, après inspection faite des livres par-devant arbitres, ils seront admis à l’inscrire sur le livret du chef d’atelier comme créancier, si ce dernier leur est redevable.

Ainsi jugé entre Martigny, Bertholet, négocians ; Micoud, négociant, et demoiselle Gay, chef d’atelier.

Tous chefs d’atelier qui se permettront des voies de fait envers leurs élèves et que le fait pourra être constaté, perdront tout indemnité dans la résiliation des conventions et tout recours sur l’élève qui devient libre de se replacer ailleurs comme apprenti.

Ainsi jugé entre Fournier, apprenti, et Gaipétré, chef d’atelier.


i. M. le président a tracé en cette occasion aux chefs d’atelier présens au conseil la marche qu’ils avaient à suivre pour ne pas être dans le cas de se trouver frustrés de leurs droits. Comme son avis est parfaitement en rapport avec l’article inséré dans le numéro 34 de l’Indicateur (voir Aux chefs d’atelier), nous y envoyons nos lecteurs.

CHRONIQUE.

On voit maintenant à Gand, dans une salle de l’Hôtel-de-Ville, un plan en relief de Saint-Pétersbourg, sur l’échelle immense de 1240, c’est-à-dire sur une longueur de 72 pieds anglais et une largeur de 48 pieds. C’est l’ouvrage d’un grand nombre d’artistes distingués, et où les palais, églises et monumens sont fidèlement rendus. Ces édifices sont en bois sculpté ; les colonnes en bois tourné avec leurs chapiteaux ; les statues sont en albâtre ; enfin ce plan rend dans tous ses détails la vue de la capitale de Russie.

– On a importé, dit-on, récemment, en Angleterre, une espèce de froment trouvé dans l’Amérique Méridionale, et qui mûrit en soixante-dix-sept jours. Les expériences faites en Angleterre, font espérer qu’on pourra obtenir [3.1]trois récoltes par an de ce froment, dans les climats modérés de l’Europe.

– Plusieurs journaux des départemens donnent des détails sur les inondations qui, à la suite des pluies continuelles, ont désolé plusieurs parties de la France.
Les ravages causés par la Garonne, à Toulouse et dans les pays environnans, sont immenses : 40 maisons ont été détruites par les eaux dans l’île de Tounis ; 2 ponts ont été emportés ; les culées du pont de Marmande ont été déchaussées. A Moulins, l’Allier a aussi causé de très-grands ravages : 6 ponts ont été emportés par cette rivière et ses affluens ; plusieurs villages et hameaux du département de l’Allier étaient inabordables et on ne voyait paraître aucun de leurs habitans ; l’inondation s’est aussi fait ressentir dans les environs de Clermont (Puy-de-Dôme).

– Le Journal du Bourbonnais1 rapporte avec de longs détails les désastres arrivés par suite des dernières inondations. L’Allier, la Sioule, la Bouble et même l’Audelat, ont causé des pertes et des malheurs incalculables. La Sioule surtout a dépassé le niveau de toutes les crues connues de mémoire d’homme.
Tous les ponts et presque tous les moulins et usines ont été emportés par la furie des eaux qui étaient un immense torrent.
Le pont de Ménat, près du vieux château de Blot, sur la route de Riom à Montluçon, a été emporté dans toute la partie construite en bois.
Les moulins de St-Quentin avec maillerie et carderie ont été endommagés, et l’on n’a pu sauver les pièces d’étoffes et les marchandises en dépôt. L’eau a envahi le château.
A Ebreuil, trois arches du joli pont, nouvellement bâti en pierres de taille, ont été emportées, d’autres bâtimens ont été renversés, et toute la plaine aux environs ressemblait à une mer.
Tous les moulins, depuis Ebreuil jusqu’à Aubeterre, et toutes les constructions riveraines, ont éprouvé des pertes immenses.
A Aubeterre, la papeterie a été entièrement détruite et tous les matériaux entraînés.
A tous ces malheurs se joignent les circonstances les plus tristes, et peut-être aura-t-on à déplorer la mort de plusieurs personnes. Mais ce qu’il y a de certain, c’est la ruine complète d’un grand nombre de pauvres familles ; et les pertes immenses éprouvées par les propriétaires et les fermiers, en récoltes de toute nature et en terres excellentes emportées ou ensablées.

– Le ministre du commerce vient d’accorder une somme de 94,500 f. aux départemens qui ont été ravagés par les dernières inondations.

VARIÉTÉS.

l’ile-barbe.

L’Ile-Barbe ! il n’est personne à Lyon qui ne la connaisse ; il n’est pas un peintre qui ne l’est dessinée sous toutes ses faces ; pas un bourgeois qui n’y ait dîné avec sa famille ; pas un dandy qui n’y conduise en tilbury sa nouvelle conquête ; pas un ouvrier qui ne vienne chaque année y dépenser les économies d’une semaine. L’Ile-Barbe est pour nous, en quelque sorte, le bois de Boulogne, Romainville et Saint-Cloud. Mais ce pittoresque séjour, but de nos promenades et de nos fêtes champêtres, objet de nos rêveries solitaires, n’est pas moins intéressant sous les rapports historiques ; il porta jadis le nom d’Ile-Barbare, sans doute à cause de ses rochers, des buissons épineux qui la couvraient et des reptiles qui en faisaient leur repaire.

L’origine des premiers établissemens formés dans l’Ile-Barbe, selon M. Fortis1, se perd dans la nuit du temps. Cette île et ses environs, couverts de forêts épaisses, furent primitivement consacrés à la retraite des Druides qu’Aristote et Diogène de Laërce comparaient aux devins de l’Egypte, aux prêtres de l’Assyrie, aux mages de la Perse, aux bracmanes de l’Inde. Savans dans l’astronomie et la physique, les druides cultivaient les sciences, tenaient des écoles publiques, et prêchaient l’immortalité de l’ame, dont ils soutenaient la transfiguration. Parmi leurs disciples, furent ces Bardes fameux dans les Gaules, [3.2]qui chantaient en vers lyriques, la louange des dieux, célébraient les exploits et les triomphes des héros, et excitaient les guerriers au combat.

Vers le commencement du troisième siècle, l’Ile-Barbe devint le refuge des chrétiens qui s’échappèrent de Lyon pour se soustraire à la persécution d’Antonin. Un riche seigneur gaulois, touché de leur sort, imagina de les rassembler, et fit construire à ses frais un monastère à la pointe septentrionale de l’île. Bientôt tous les pays circonvoisins y concentrèrent leur dévotion, et cette communauté ne tarda pas à s’enrichir des offrandes que vinrent y déposer les fidèles. Peu à peu cet emplacement fut défriché ; des maisons furent construites, des jardins peuplés d’arbres et de fleurs, et ce terrain, naguère si sauvage, devint extrêmement fertile par le soin des moines.

Ce monastère fut successivement consacré à saint André, saint Martin et saint Benoît, et produisit des prélats distingués, dont les plus célèbres furent Astérius, un saint Ambroise et saint Loup qui devint archevêque de Lyon où il était né.

Ce fut donc à partir du troisième siècle que le monastère de l’Ile-Barbe devint florissant. Les rois, les princes, les grands seigneurs l’enrichirent de terres, de fiefs et de droits seigneuriaux. Le roi Dagobert et son successeur Clovis, lui donnèrent de vastes propriétés le long de la Saône. Enfin cette abbaye qui, d’après l’auteur des Masures de l’Ile-Barbe, était la première en antiquité, noblesse, dianités et prérogatives, s’accroissait chaque jour lorsque les Sarasins la dévastèrent. Un grand nombre de religieux fut exterminé, et le monastère entièrement détruit. Charlemagne que ses guerres en Italie amenèrent souvent à Lyon, visita plusieurs fois l’Ile-Barbe, et fit reconstruire le monastère sous la direction du savant Leyderade, son bibliothécaire. Il avait même formé le projet d’y venir prendre quelque repos, et y fit réunir les livres les plus précieux de ce temps-là, dont le recueil est connu dans l’histoire sous le nom de Librairie de Charlemagne.

Les fêtes principales de l’île étaient celles de saint Martin, de Pâques et de la Pentecôte que nous avons conservées de nos jours, et celle de l’Ascension. Claude Lelaboureur rapporte que ce dernier jour les chefs de la maison du Mont-d’Or, issus du célèbre Roland, exposaient à la vénération du peuple le corps d’ivoire de ce fameux paladin, et qu’ensuite il leur était permis de prendre deux emboutées (deux poignées) de l’argent offert à l’honneur des reliques, et qu’ils distribuaient aux pauvres. Cette cérémonie, assez remarquable, dura jusqu’en 1562, époque à laquelle les hérétiques pillèrent l’abbaye ; ce corps, dépouillé alors de ses ornemens, est demeuré depuis dans nos archives.

A la suite de ces cérémonies religieuses, dit un ancien historien : « on voyait venir à l’Ile-Barbe, dans toutes les fêtes, lorsque le temps était beau, les habitans de Lyon, les Italiens, les Allemands, les Flamands, et autres marchands avec leurs femmes, leurs enfans et leurs familles. Ils amenaient des tambourins et autres joueurs d’instrumens, et aussi quatre à cinq fois l’année des bandes des métiers de la ville, armées, portant arquebuses, hallebardes, épées, dagues, javelines, avec tambourins et les enseignes déployées ; les laboureurs et autres, tant des villes voisines que des villages, accouraient en foule ; les uns par passe-temps, les autres par dévotion, lesquels dansaient au monastère et dans les maisons même des religieux. Un des abbés ayant voulu faire clore le pré pour faire cesser ces amusemens profanes, le peuple renversa la muraille. »

Ce fut quatre-vingt-neuf ans après le pillage des hérétiques (au mois d’août 1651), que s’opéra la sécularisation de cette abbaye qui fut plus tard, sous M. de Tencin, cardinal et archevêque de Lyon, réunie au chapitre métropolitain de cette ville. Enfin, dit M. Fortis : « la révolution ; ayant promené son niveau sur les tours, les clochers, les églises de l’Ile-Barbe ; l’artiste, l’habitant, l’étranger, n’y trouvent plus ces antiques monumens qui parlaient à son imagination. Le voyageur visitant cette île, n’y voit plus ces voûtes gothiques où résonnaient ces chants harmonieux que Leyd

rade2 avait introduits à l’exemple de ce qui se pratiquait dans la chapelle de Charlemagne ; il n’y voit plus ce religieux assis à l’entrée du monastère pour recevoir [4.1]les étrangers, et qui leur disait : Ici est l’antique église de Saint-Loup. »

Depuis la sécularisation, ces fêtes de dévotion se convertirent peu à peu en fêtes purement baladoires, et l’auteur des Sires de Beaujeu prétend que ce changement de choses saintes en choses profanes, nous priva de la bénédiction que Pie VII, à son passage à Lyon, devait y donner le 17 avril 1805, sur un autel dressé à cet effet dans la partie supérieure de l’île.

C’est ainsi qu’après avoir traversé les siècles, l’Ile-Barbe est arrivée jusqu’à nous riche de souvenirs chevaleresques, de méditations religieuses. Mais ces rochers, où l’œil découvre à peine quelques restes antiques, semblent avoir perdu leur orgueil avec les monumens qui les dominaient, et les flots qui les couvrent ne murmurent plus en passant la munificence des rois. Le voyageur passe et repasse insouciant sur ces bords où tant de noms illustres furent signalés à la postérité, et sans penser à tout ce qu’ils renferment de gloire ; il y jette cependant un regard comme s’il était forcé de contempler ce qu’ils ont encore de grâce et de poésie.

(La suite au prochain numéro,)

(lyon vu de fourvière3.)

Avantage du silence.

L’art de parler, dit Plutarque, est la première connaissance que l’on donne aux enfans : il vaudrait mieux peut-être commencer par leur apprendre à se taire. On se repent souvent d’avoir parlé ; jamais on ne s’est repenti d’avoir gardé le silence. La langue, disait souvent Caton l’ancien, est un instrument si rebelle, qu’on a toutes les peines du monde à la contenir, dès qu’une fois elle a franchi ses limites. Nous devons plus écouter que parler, répondit Démosthène à quelqu’un qui lui demandait pourquoi on avait deux oreilles, et seulement une langue.

Un jeune homme instruit et fort modeste, avait gardé le silence dans une compagnie de gens de lettres. Son père lui demandait en particulier, pourquoi il ne s’était pas fait honneur de ce qu’il savait ? Je craignais, répondit-il, qu’on ne vint à m’interroger aussi sur ce que j’ignorais ?

CITATIONS.

La fortune est dans l’habitude de reprendre sur nous par nos désirs mêmes, tout ce qu’elle nous a accordé pour les satisfaire.

– Montaigne ne savait jamais ce qu’il allait dire, mais il savait toujours ce qu’il disait.

– Le temps est comme l’espace ; on ne le mesure que par les objets qui le remplissent.

– Une seule expérience suffit à un homme d’esprit, parce qu’elle germe dans sa tête… ; il en faut mille à un sot pour qu’il se corrige.

– L’instant présent et chacun pour soi : voilà la devise du siècle. L’avenir et vivre dans autrui, voilà celle qu’on devrait adopter.

avis.

Le 4 juin courant, on a retiré du Rhône, au hameau de Bans, commune de Givors, le cadavre d’un homme inconnu.
Signalement.
Paraissant âgé de 38 ans, taille d’un mètre 60 centimètres (4 pieds 11 pouces), cheveux et sourcils noirs, né épâté, bouche moyenne, visage ovale, barbe grisaillée et le cou court.
[4.2]Vêtemens.
Pantalon de velours vert usé ; gilets de coton à raies rouges et boutons de cuivre ; gilet de flanelle usé ; chemise de toile de ménage sans marque et souliers en mauvais état.

Le de ce mois, on a retiré de la Saône, à Lyon, le cadavre d’un inconnu.
Signalement.
Agé d’environ 42 ans ; taille d’un mètre 79 centimètres (5 pieds 6 pouces), forte corpulence, cheveux noirs grisaillés, une grosse loupe derrière la tête.
Vêtemens.
Pantalons et veste bleus ; cravate rose ; des souliers lacés.

Pierre Pastor est disparu depuis le 26 mai dernier, du domicile de son père, le sieur François Pastor, perruquier, rue des Marronniers, n° 1, à Lyon.
Signalement.
Agé de 11 ans et demi ; taille d’un mètre 33 centimètres (4 pieds 1 pouce) ; cheveux châtains clairs ; sourcils châtains ; yeux gris ; nez un peu relevé ; bouche moyenne ; menton rond ; visage ovale ; teint pâle.
temens.
Veste ronde de ratine grise ; pantalon en fil gris ; gilet de velours noir ; cravatte de mousseline en couleur ; chemise de toile ; et souliers sans bas. Il avait la tête nue.
En cas de renseignemens, les adresser à la Préfecture du Rhône, division de la police.

ANNONCES.

antoine curvat
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– A vendre, une mécanique en 600, plus une mécanique en 400, travaillant en 8 chemins.
S’adresser au bureau.

Notes (CHRONIQUE.)
1 Il s’agit peut-être ici du Journal du Bourbonnais, politique, littéraire, commercial, annonces et avis divers, publié à Moulins depuis 1831.

Notes (VARIÉTÉS.)
1 Référence à l’ouvrage de François-Marie Fortis (1768-1847), auteur en 1821 de Voyage pittoresque et historique à Lyon, aux environs et sur les rives de la Saône et du Rhône.
2 Référence ici à deux hommes d’Eglise qui furent archevêques de Lyon, Leydrade (vers 743/745 – 816-817) et Pierre Guérin de Tencin (1680-1758).
3 Il s’agit ici de l’ouvrage, édité par Léon Boitel, Lyon vu de Fourvière (1833).

 

 

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