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20 juin 1835 - Numéro 40
 
 

 



 
 
    

[1.1]Les élèves en soierie ne sauraient être classés dans la même catégorie que ceux des autres industries qui s’exercent dans notre ville ; la fabrique est l’ame de notre intéressante cité, c’est elle qui lui donne son activité, c’est d’elle qu’elle reçoit son impulsion, c’est par elle qu’elle recueille ces richesses qui lui procurent l’abondance. C’est cet art qui en fit autrefois, et qui en fait encore une des premières villes de l’Europe ; c’est de lui qu’elle tient sa réputation et c’est du maintien de sa renommée que dépend notre avenir ! il est donc urgent de travailler à l’accroissement de la gloire qu’elle s’est acquise depuis des siècles, et ce sont les élèves qui sont appelés à accomplir ce travail.

Ne nous faisons pas illusion, si les apprentis par de fausses insinuations se laissent entraîner à l’indolence et ne s’impreignent pas de cet amour de leur art de manière à le faire prospérer et à rivaliser avec avantage les fabriques étrangères qui convoitent notre industrie, bientôt Lyon dégénéré sera semblable à ces anciens monumens que la faux du temps a détruit et dont il ne reste plus qu’un glorieux souvenir !

Elèves de la fabrique lyonnaise, qu’une nouvelle ardeur vous anime ! l’avenir de la cité est dans vos mains ! Si pleins de zèle, vous mettez tous vos soins à acquérir les connaissances, la délicatesse et l’habileté que nécessite votre profession, c’est en vain que nos rivaux jalouseront nos produits, nous leur serons toujours supérieurs ; et l’antique Lugdunum verra chaque jour flatter les nouvelles productions qu’elle aura vu naître : et nos tissus soyeux, et nos velours, et nos gazes légères chargées de fleurs bigarées, et nos riches étoffes où l’or et l’argent se marient avec la soie, iront encore jusqu’aux extrémités du globe attester notre supériorité et éblouir l’œil scrutateur qui les contemple.

Qu’un noble enthousiasme pour l’art qu’ils ont choisi porte les élèves à rivaliser ensemble ; que pour l’émulation générale une lutte soit organisée et que ceux qui auront bien mérité par leur conduite, leur assiduité et la belle fabrication, reçoivent le prix qu’ils ont lieu d’attendre de leurs efforts. Que chaque année il soit ouvert un [1.2]concours pour les apprentis de la fabrique qui seront jugés dignes d’y prendre part. Que trois juges pour chaque catégorie nommés par le conseil des prud’hommes et pris un dans le corps des négocians, un dans celui des chefs d’atelier et le troisième parmi les compagnons, soient chargés de désigner les trois élèves de chaque catégorie qui auront mérité la couronne. Qu’une distribution publique de prix soit faite chaque année en présence du conseil des prud’hommes, que le front ceint du laurier industriel l’élève reçoive les félicitations et les encouragemens qui lui sont dus, et jouisse des heureux effets de son assiduité et de sa bonne conduite. Mais que les chefs d’atelier à qui cette prime ne peut qu’être profitable, attendu qu’elle fera naître une émulation dont ils retireront les effets, soient chargés spécialement, par une cotisation des frais de cette distribution de prix. Pour recueillir il faut savoir semer ; et un léger sacrifice peut bien amener un très-heureux résultat.

Si nous réclamons des récompenses pour les apprentis diligens, nous sollicitons aussi une juste sévérité pour ceux qu’une insouciance coupable porte à négliger leurs devoirs et à ne pas rendre à leurs maîtres ce qu’ils ont droit d’attendre d’eux. Comme nous l’avons fait observer, la tâche a été réglée sur les deux tiers de la journée ; mais cela n’est point suffisant pour le chef d’atelier si l’élève s’obstine à ne vouloir rien faire en sus, lorsqu’il est à même de remplir sa journée, en ce qu’il ne saurait le défrayer ainsi des pertes qu’il a pu éprouver.

Il serait donc à désirer que le conseil dédommageât un maître d’un apprenti qui ne veut pas travailler et qui prétend être libéré lorsqu’il a fait sa tâche (quoique nous avons démontré le contraire dans notre précédent numéro) ; il serait à désirer, disons-nous, que le maître fût autorisé à exiger de son élève les 5/6e de la journée, à charge de lui payer l’excédant façon de maîtrei. Par-là les chefs d’atelier seraient moins froissés dans leurs intérêts. Les élèves se voyant contraints d’une part et récompensés [2.1]de l’autre, arriveraient peut-être à préférer cette dernière alternative ; et les négocians ne se trouveraient pas souvent dans le cas de manquer leurs commandes.

Nous soumettons ces réflexions à nos lecteurs, les priant de nous communiquer leurs avis que nous nous ferons un plaisir de porter à la connaissance du public, afin de former un concours d’idées duquel pourra surgir la volonté de mettre à exécution ce que nous avons indiqué

 

 

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