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28 juin 1835 - Numéro 26
 

 




 
 
     

DÉPÔT DE MENDICITÉ
de la ville de Lyon.

[1.1]L’une des plaies les plus hideuses de l’ordre social, celle qui dégrade le plus l’humanité, c’est sans contredit, le paupérisme ; car il affecte à la fois le physique et le moral. Dans l’indigent, la religion nous ordonne de voir un frère et la philosophie nous invite à plaindre l’homme accablé par les vicissitudes du sort. Mais c’est en vain que les préceptes de la morale, comme les prescriptions de la loi, voudront changer la nature humaine. Le contact de la misère, qu’aucun noble souvenir ne vient relever, même à ses propres yeux, inspirera toujours une répugnance instinctive. Aussi la philanthropie n’a-t-elle été bien souvent qu’un vain mot, quelquefois le masque du plus profond égoïsme. Plus large dans son acception, mais plus divine qu’humaine, la charité reposant sur une base religieuse, s’est montrée, maintes fois, l’alliée de la bigoterie sotte et du fanatisme intolérant ; elle a eu plus souvent pour but le soulagement du chrétien que le secours porté à l’homme. D’ailleurs, elle accepte la pauvreté comme condition sociale ; elle fait un mérite au pauvre de ses souffrances ; elle veut qu’on fasse l’aumône, mais elle ne trouve pas mauvais que l’homme la demande ; et si elle lui apprend la résignation, c’est aux dépens de sa dignité. Sans doute, comme dit Chateaubriand, la religion abaisse le casque et la couronne sous la porte du tombeau, mais c’est là seulement qu’elle enseigne l’égalité à ses disciples. Ces réflexions nous mèneraient trop loin ; elle appartiennent à un ordre d’idées qu’on ne peut développer en courant. Arrivons au Dépôt de Mendicité qui fait le sujet de cet article.

Quel que soit le principe charité ou philanthropie qui ait animé les fondateurs de cet établissement, nous devons leur en savoir gré. Asile ouvert à l’indigence, prison pénitentiaire de l’immoralité mendiante, le Dépôt de mendicité est une amélioration morale et matérielle, que nous devons signaler ; car elle entre dans notre cadre. Si les yeux de l’homme riche ne seront plus, grâce à lui, offensés par l’aspect importun de la misère, ceux du citoyen ne le seront plus aussi par le spectacle affligeant de la nature humaine dégradée. Tous nos efforts doivent donc tendre à consolider cette œuvre philosophique et religieuse.

Le Dépôt de Mendicité est fondé sur une base démocratique, c’est-à-dire, il est administré par les délégués des souscripteurs qui sont en même temps électeurs. Nous n’avons pas besoin de dire que les fonctions sont gratuites.

Le compte-rendu des opérations pour 1834 a été présenté, le 2 avril dernier, dans l’assemblée générale des souscripteurs convoqués, à cet effet, dans la salle d’Henri IV, sous la présidence de M. Coron, assisté de MM. Teissier et Tarpin, scrutateurs. Nous allons extraire quelques passages de ce compte-rendu.i

Le nombre des membres présens était de 41. Cinq administrateurs ont été nommés, savoir : MM. Lacroix-de-Laval, St-Olive, Gonon, Menaide et Morin-Pons. [1.2]Les trois premiers avaient cessé leurs fonctions et ont été réélus. M. Menaide a été nommé en remplacement de M. Vuillerme, décédé, et M. Morin-Pons de M. Champ-Legoux, démissionnaire.

Cette élection a été précédée d’un discours de M. Margerand, secrétaire, que nous allons succinctement analyser.

M. Margerand fait ressortir le contraste qui a eu lieu dans les journées d’avril, entre le trouble de la ville et le calme des détenus au Dépôt de Mendicité. Il rend grâce à la providence de ce que le clos des Chazeaux qui leur sert d’asile a été épargné. Ce contraste l’amène naturellement à parler de la mort de l’un des sociétaires, M. Joseph rémond, citoyen honorable et inoffensif, assassiné dans son domicile par des soldats du 28e, lorsqu’ils furent maîtres de la place Sathonay, évacuée par les insurgés. A ce sujet de deuil, l’orateur en fait succéder un autre. « M. vuillerme, dit-il, a suivi de près M. Rémond dans la tombe » ; il le compare à Vincent de Paulii, et il annonce que « bientôt un monument s’élèvera dans l’une des chapelles de l’église St-Nizier à la mémoire du bon pasteur que cette église a perdu. » – Passant ensuite aux détails matériels de l’administration, M. Margerand annonce que la famille de M. Rémond pour se conformer aux intentions de ce citoyen généreux mort ab intestat, a versé dans la caisse du Dépôt une somme de 2000 fr. – Les propriétaires actionnaires des ponts de la Feuillée et de St-Vincent sur la Saône, ont versé une somme de 450 fr. M. Margerand fait ensuite mention de deux legs faits au Dépôt de Mendicité : le premier d’une somme de 100 fr. par la veuve Armand, le 17 octobre 1834, et ensuite révoqué par elle, le second de la totalité de la totalité de la succession de reine Rey, s’élevant à environ 2 400 fr. et réduite au quart de ladite succession par ordce du 26 septembre 1834, les autres trois quarts devant appartenir aux héritiers de droit. M. Margerand s’élève avec aigreur soit contre la révocation du testament de la veuve Armand, soit contre l’ordce du 26 septembre 1834. Il nous permettra de n’être pas de son avis. En parlant du testament révoqué de la veuve Armand il s’exprime ainsi.

« Il paraît que dans un acte postérieur elle a révoqué ce legs, soit que sa volonté ait changé, soit par toute autre cause qu’il est inutile d’examiner ici. Dans tous les cas l’administration ne perdra pas de vue cette affaire ; peut-être parviendra-t-elle sans toutefois l’espérer beaucoup à recouvrer ce qui lui a été ravi. »

Nous trouvons de beaucoup trop forte cette dernière expression. Pour qu’un legs ait du prix aux yeux d’une administration comme d’un particulier il faut qu’il soit volontaire. Monsieur Margerand voudrait-il ressusciter ces temps d’ignorance où un testament n’était valable, qu’autant qu’il contenait une disposition religieuse. Mais les réflexions qui suivent et qui ont trait à l’ordonnance du 26 septembre 1834, portant à un quart du legs universel fait par reine Rey passent toute mesure. Nous allons les transcrire.

[2.1]« Ainsi, la volonté bien exprimée de la testatrice est formellement méconnue. Ainsi des parens éloignés peut-être, des parens que la défunte a eu de justes motifs d’exclure de son héritage, viennent en prendre la majeure partie. Ainsi, l’établissement naissant du Dépôt de mendicité se voit privé d’une ressource qui lui paraissait irrévocablement acquise. »

Et c’est un citoyen, un avocat qui s’exprime ainsi. Sans doute la volonté de la testatrice a été méconnue, mais faut-il rappeler à un jurisconsulte les motifs impérieux qui ont engagé le législateur à soumettre à la sanction du gouvernement l’acceptation des legs faits à des maisons de charité, à des établissemens religieux, et jusqu’à ce que cette sanction ait été donnée, comment le Dépôt de Mendicité pouvait-il croire avoir acquis irrévocablement ? Il y a là mépris de la loi et d’une loi juste rendue dans l’intérêt général. Poursuivons : M. Margerand, au nom de l’administration du Dépôt de Mendicité, ose se plaindre que les héritiers de droit, c’est lui-même qui l’a écrit, sont venus prendre la majeure partie de l’héritage ; cela nous paraît au contraire tout naturel. Que ces héritiers fussent des parens éloignés, ils étaient toujours plus près de la testatrice que le Dépôt de Mendicité ; mais de quel droit vient-on les flétrir en disant que la défunte a eu de justes motifs de les exclure de son héritage. Nous avons bien le droit d’en demander la preuve à M. Margerand. Assez sur ce sujet, mais nous n’avons pu résister au besoin de flétrir des paroles empreintes d’un tel esprit d’avidité, quelque honorable que soit le motif qui les ait dictées.

La fondation d’une rente de 335 fr. 80 c, a été allouée au Dépôt de Mendicité, comme représentant l’ancien établissement de Bicêtre auquel elle avait été faite en 1762 et 1764 par la famille hubert.

M. Margerand termine par les détails statistiques suivans : au 1er janvier 1834, le nombre de mendians réunis au Dépôt était de 161, il en est entré dans le courant de l’année 171 ; total 332. Sur ce nombre il en est sorti 141 savoir : 50 par autorisation du maire ou du procureur du roi, 4 pour entrer à la charité, 19 par évasion et 68 par décès, en sorte qu’il en restait 191 au 31 décembre.

La population moyenne de l’année 1834 au Dépôt de Mendicité a donc été de 176, elle a été en 1831 de 146, en 1832 de 178 et en 1833 de 183.

Le budget de recettes et dépenses suit cet exposé. La dépense, pendant l’année 1834, a monté à 30,410 fr. 82 c., ce qui produit une dépense par individu de 50 c. et 2/5, dans laquelle la nourriture est comprise pour 23 c. 3/4 ; en 1833 cette même dépense fut de 48 c, 1/2, dans laquelle la nourriture était comprise pour 25 c. ½. M. Margerand s’empresse d’expliquer et nous lui en savons gré, que la diminution sur les frais de nourriture, n’est que le résultat de l’abondance des céréales et du vin qui a permis ajoute-t-il, de faire chaque semaine une 3e distribution de vin et de bœuf frais : l’augmentation tient aux achats d’effets mobiliers, linges, vêtemens et chaussures.

M. Margerand ne croit pas devoir présenter le compte des recettes effectuées pendant le cours de l’année 1834, il donne seulement la situation financière au 1er janvier dernier ; il en résulte un budget de recettes pour 1835 de 73,000 fr. et une dépense de 33,000 fr., et par conséquent un excédent de 40,000 après l’acquit des charges de l’année courante, « plus ou moins dit M. Margerand suivant que nos prévisions soit actives soit passives, ne seront pas dépassées ». Nous trouvons ce mode de comptabilité mauvais, et nous engageons l’administration à le changer dans son prochain rapport. Sans doute le compte détaillé de la recette pouvait être inutile, mais ils nous semble que le total à mettre en regard de la dépense (30,410 fr. 82 c.) aurait dû être présenté, sauf ensuite à présenter un aperçu pour 1835.

Maintenant quelques mots sur le dépôt de mendicité tel que le conçoivent ses fondateurs ; laissons parler M. Margerand.

« Comme par le passé et plus que par le passé, le but principal de nos efforts a été de ramener le dépôt à sa destination primitive, c’est-à-dire de faire qu’il continuât d’être, non une maison uniquement de charité et de secours, mais une maison de correction et de châtiment ; non un établissement général ni même départemental, mais une institution essentiellement communale. Si le dépôt n’est que communal, les étrangers n’ont aucun droit à y être admis et à y prolonger [2.2]leur séjour : aussi avons-nous mis le plus grand soin à renvoyer aux lieux de leur naissance ou de leur domicile tous les individus n’ayant pas à Lyon une résidence effective de plus d’une année. Si le Dépôt est une maison de répression ceux qui l’habitent doivent être soumis aux exigences d’une discipline sévère : aussi avons-nous introduit dans le régime et les exercices des détenus une exactitude de plus en plus rigoureuse etc. »

Nous aurions bien quelques réflexions à faire sur ces paroles un peu acerbes, mais la longueur de cet article nous force de les ajourner ; nous reviendrons sur ce sujet, et nous terminerons en disant que quelque imperfection qu’il puisse avoir, le Dépôt de Mendicité est un acheminement à l’extinction de la Mendicité, un jalon utile pour marcher à un avenir meilleur.


i. Imprimé chez Rossary, 16 pages in-4.
ii. Voyez notice sur M. Vuillerme dans la Tribune Prolétaire 1834, n. 12.

NOTICES DE JURISPRUDENCE.
du conseil des prud’hommes de lyon.

(Faisant suite à celles insérées dans l’Écho de la Fabrique, 1833, nos 2 et 32.)

1re SÉRIE.

Des Fabricans dans leurs rapports avec les négocians.

(Suite, v. n. 25.)

61. Le conseil a-t-il le droit d’arbitrer le prix des matières portées en solde à un fabricant ? – Oui.
Grimaud c. Damiron. 31 décembre 1834. V. Trib. Prol. 1835, n. l.
Le conseil a pris la moyenne proportionnelle des prix.

62. Un négociant peut-il se refuser à solder le prix d’une coupe (article uni), sous le prétexte que la pièce n’étant pas finie, il craint que le fabricant ne la continue pas ? – Non.
Vincent c. Charvieux. Idem. V. idem.

63. De combien est le déchet sur les matières gros noir ? – 45 grammes.
Poyard c. Thevenet. janvier 1835. V. idem, n. 2.

64. Le rabais que consent un fabricant à raison de la fabrications trop légère d’une pièce, est-il acquis au négociant lors même qu’il n’en subit aucune du commissionnaire auquel il vend cette pièce ? – Non.
Duchamp c. St-Olive. Idem. V. idem.

65. La remise d’une pièce plus longue que celle promise est-elle suffisante pour indemniser un fabricant du temps qu’il a perdu à attendre ? – Non : une indemnité pécuniaire est due.
Vivant c. Garnier d’Hautancourt. 22 janvier 1835. V. id., n. 4.
On a alloué 18 fr. pour six journées de chômage.

66. Un négociant peut-il être admis à établir, par ses livres, qu’une somme qui ne figure pas sur le livre du chef d’atelier lui a cependant été comptée ? – Oui.
Ébenot c. Billon Candy. V. idem, n. 7.

67. Le conseil peut-il se déterminer par des considérations telles que l’habitude du fabricant de recevoir de l’argent à la fin de chaque pièce, pour allouer à un négociant une somme qui figure sur ses livres, mais ne figure pas sur le livre du chef d’atelier ? – Oui.
Idem c. Idem.

68. Un négociant a-t-il le droit de porter au débit du fabricant sans son aveu, le prix du dégraissage de rubans sur lesquels il y a contestation ? – Non.
Bosio c. Goybet et Ce. mars 1835. V. idem. n. 10.

69. Le délai pendant lequel un négociant doit occuper un métier de châles, court-il du jour où la disposition est remise au fabricant, ou seulement du jour où le métier commence à travailler ? – Ce délai court du jour où la disposition est remise.
Gelot et Ferrière c. Bofferding. 23 avril 1835. V. idem. n. 17.

70. Un fabricant a-t-il le droit de retenir la pièce qu’il a fabriquée jusqu’à ce que le négociant lui ait payé les tirelles ? – Non.
Drevet c. Fayolle. 30 avril 1835. V. idem, n. 18.

71. Le conseil a-t-il le droit d’accorder un délai au fabricant en retard de rendre une pièce à l’époque convenue ? – Oui.
Mazard c. Martin. Idem. V. idem.

72. Le chef d’atelier qui reçoit une pièce d’un négociant et la livre à un ouvrier auquel il loue le métier, peut-il se dispenser de faire finir cette pièce à ses frais, risques et périls, si cet ouvrier abandonne le métier qu’il tenait à titre de maître ? – Non.
Ve Peyrard c. Burel. Idem. V. idem, n. 19.

2e SÉRIE.

Des Chefs d’Atelier dans leurs rapports avec leurs Compagnons.

16. Lorsqu’un compagnon va travailler chez son père, y a-t-il contravention contre ce dernier pour l’occuper sans livret, et le père doit-il être condamné à payer le chef d’atelier détenteur du livret ? – Oui.
Guiboud c. Roux. novembre 1833. V. Écho des Travailleurs, n. 3.

[3.1]17. Le chef d’atelier qui vend ses métiers sans que ses compagnons aient eu le temps de faire un ouvrage suffisant pour compenser celui qu’ils ont perdu à les mettre en état, leur doit-il une indemnité ? – Oui.
Bansillon et Cesmate c. Rivière. 21 novembre 1833. V. idem, n. 7.
Le conseil a réglé l’indemnité à 6 jours de travail à raison de 3 fr. chaque.

18. Un fabricant peut-il refuser de payer à son compagnon la façon qu’il lui doit parce qu’il a laissé le métier sans finir la pièce ? – Non.
Ve Blancard c. Mes Jolot. 18 mars 1835. V. Trib. Prol., n. 11.

19. Un fabricant a-t-il le droit de faire supporter à son ouvrier la totalité du rabais fait par le négociant, à raison de la malfaçon d’une coupe de velours, lorsque lui même n’a fait aucune observation pendant la confection de cette pièce ? – Non : la perte doit être supportée par moitié.
Thevenon c. Tridon. Idem. V. idem.

20. L’ouvrier qui loue son travail "pour plusieurs années à tant par jour, doit-il être condamné à des dommages-intérêts s’il n’exécute pas cette convention ? – Oui.
Chauvet c. Golder. 18 mars. V. idem, n. 13.

21. Le livret du compagnon resté entre les mains du chef d’atelier, sert-il de preuve à ce dernier pour le montant de sa créance qui y est inscrite, sans qu’il soit besoin de la prouver autrement, surtout s’il est constant que le compagnon ayant été travailler dans un autre atelier, a déjà subi pour cette créance la retenue d’un cinquième ? – Oui.i
Garnier c. Oran. Idem. V. idem.

22. Est-il dû, à moins de convention contraire, aux compagnons sur l’article velours, un excédant en sus de la moitié de la façon ?– Oui.

23. De combien est cet excédent ? – 23 c. par aune.
Dupuis c. Héraud. mai 1835. V. idem, n. 19.

24. Le chef d’atelier qui prétend avoir payé son compagnon, doit-il en être cru sur son affirmation ? – Oui.
Mirmont c. Mantelet. 14 mai. V. idem, n. 20.

23. Le chef d’atelier a-t-il le droit d’inscrire sur le livret de son ouvrier une somme qu’il lui arrêtée pour faire un remplaçant ? – Non.
Termoz c. Termoz. 21 mai. V. idem, n. 23.

26. L’ouvrier qui n’a pas donné la huitaine à son maître, est-il passible d’une indemnité ? – Oui.
Idem. Idem. Idem. V. idem.

27. Le chef d’atelier qui n’a retenu qu’une somme moindre du cinquième à son compagnon dont le livret était chargé, est-il responsable de la totalité de ce cinquième ? – Oui.
Pascal c. Roux. 18 juin. V. idem, n. 25.

(Suite au prochain numéro.)


i. On sait que la retenue est d’un 8e pour les chefs d’atelier et d’un 5e pour les compagnons.

AVIS AUX OUVRIERS.

N’ayant reçu aucun désaveu de notre article inséré dans le dernier numéro, par lequel nous avons annoncé le triomphe de la libre défense, résultat de la permission donnée à M. Versel, de présenter la défense de M. Gentelet, nous sommes fondés à croire que le conseil des prud’hommes s’est rendu à l’évidence et consent à interpréter, comme tout le monde, l’art. 29 du décret du 11 juin 180911 juin 1809, qui n’impose aux justiciables du conseil d’autre obligation que celle de paraître en personne. Ainsi, à compter de ce jour, les ouvriers peuvent se faire assister par qui bon leur semble. Nous les engagerons cependant à user modérément de ce droit et seulement dans les causes qui soit par leur importance pécuniaire, soit par la nature du litige, mériteront une discussion approfondie.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du 25 juin 183525 juin 1835.

Président : M. Riboud. Membres : MM. Chantre, Chasselet, Cochet, Falconnet, Ferréol, Fichet, Gaillard, Joly, Milleron, Pellin, Rodet, Roussy, Wuarin.

22 causes sont appelées, dont 9 sur citation, 3 sont arrachées, savoir : Pialton. c. Grillet Trotton ; Pernet c. St-Olive, etc. – 2 sont jugées par défaut ; 3 sont renvoyées à huitaine, les autres jugées contradictoirement ou renvoyées devant des membres du conseil.

Ve barge c. girodon. Il s’agit d’une contestation entre un fabricant et une dévideuse. Renvoyé devant MM. Pellin et Vérat.

boulland c. Dlle arnaud et croizard. La Dlle Arnaud [3.2]apprentisse de sieur Boulland, a quitté son atelier sans autorisation du conseil, et a été travailler en qualité de liseuse de dessins chez Croizard. Boulland a exercé une contravention, le conseil a déclaré qu’il ferait enquête pour savoir si les ouvriers liseurs étaient assujettis à un livret.i

Dlle morton c. farge. La Dlle Morton avait exercé contre le sieur une contravention comme occupant une de ses apprentisses sans livret. Le conseil a renvoyé à huitaine en assujettissant la Dlle Morton à se faire autoriser par son père.ii

Dame musi c. besson. Besson, négociant, s’était refusé depuis un an et demi, à payer à la , dévideuse, une pesée sous le prétexte que la soie avait été graissée ; mais il ne la représentait pas. La question à juger était donc celle-ci :
Lorsque la soie qu’on prétend avoir été graissée n’est pas représentée, le paiement du dévidage peut-il être refusé ? – Non.
Le conseil a condamné Besson au paiement du dévidage réclamé.

plumet c. cantut, rambour, cartelin. Ces négocians successeurs de M. Ajac, voulaient faire à Plumet la retenue du huitième ainsi que Plumet en était d’accord avec Ajac, aux droits duquel ils prétendaient être. Le conseil a délégué MM. Perret et Roux pour vérifier ce fait.

poncin c. gratte. Question à juger.
Le conseil est-il compétent pour statuer sur la contestation qui s’élève entre deux fabricans relativement à un métier livré par l’un d’eux à son confrère comme gage d’un prêt d’argent ? – Non.


i. Nous ne pensons pas que la contravention soit valablement exercée.
ii. Il nous semble que le mineur fabricant doit être pour les faits relatifs à son industrie assimilé au mineur commerçant.

PROBITÉ DE DEUX HOMMES DU PEUPLE,

Rollin et Ménil.

Le nommé Croutel, ancien boulanger, qu’on pensait être sans fortune, vivait retiré dans une modeste chambre, à Paris, rue du Pas-de-la-Mule, n° 9. Depuis le 16 mars, il n’avait été vu de personne, cette absence prolongée, détermina le propriétaire à faire ouvrir les portes.

Un spectacle affreux s’offrit alors aux regards : on vit un homme assis sur le bord de son lit, et dans un état complet de putréfaction. Il était mort, depuis trois semaines, d’une apoplexie. Le corps du défunt fut confié, pour l’ensevelir, aux nommés rollin, rue Saint-Antoine, n°130, et ménil, commissionnaire, rue de l’Égout, n° 15.

Rollin et Ménil, en enveloppant le cadavre ; trouvèrent sous le traversin un sac de 500 fr. qu’il portèrent de suite chez M. le juge de paix. Deux heures après, ils se présentent chez une marchande pour lui vendre, moyennant 5 fr., les vêtemens du défunt qui leur avaient été, selon l’usage, abandonnés ; celle-ci n’en offre que 3 fr. Ils reviennent alors chez eux, et chemin faisant, ils sentent quelque chose qui résiste dans la poche du côté : c’était un petit portefeuille à demi usé, cousu dans une poche de côté de l’habit veste ; il contenait cinq billets de banque. Comme la première fois, ces honnêtes gens se sont empressés ne les déposer entre les mains de M. Perrier, juge de paix du 8e arrondissement.

LECTURE PROLÉTAIRES.

(Suite, v. 1835, n. 25.)

Considère le sort des fragiles humains,
Eh ! qui peut un moment compter sur les destins.
Tel repousse aujourd’hui la misère importune,
Qui tombera demain dans la même infortune ;
Il est beau de prévoir ces retours dangereux,
Et d’être bienfaisant alors qu’on est heureux
la harpe. Philoctète1. Trag.

[4.1]Tel est donc de la mort l’inévitable empire,
Vertueux ou méchant, il faut que l’homme expire,
La foule des humains est un faible troupeau,
Qu’effroyable pasteur le temps mène au tombeau.
legouve2. La Mélancolie.

Cette fière raison dont on fait tant de bruit,
Un peu de vin la trouble un enfant la séduit.
Mme des houlières3.

On pratique aisément au sein de la fortune,
Des vertus qu’un flatteur va prôner en tous lieux ;
Mais alors du malheur que la main importune
Nous frappe, il est bien grand de rester vertueux.
coffin-rony4. Theana et Lorenzo.

En morale comme en médecine les panacées sont des chimères. Anonyme.

Dieu mesure le vent pour les brebis dépouillées.
Mme staël5. Vie de Necker.

Enfin, nul mortel n’a pu définir le nœud gordien du plaisir et de la peine, que par le fer qui tranche la vie.
Idem. Corinne.

L’enthousiasme est l’encens de la terre vers le ciel.
Idem. De l’Allemagne.

Eh ! que sont les fêtes des mortels quant la divinité n’est point invitée à les sanctifier par sa présence.
kératry6. Lusus et Cydippe.

LE REFRAIN DES OUVRIERS.

Chantons, chantons dans chaque métier,
Le chant ranime un bon ouvrier ;
Le chant nous délasse,
Pour que le temps passe,
Chantons, chantons dans chaque métier,
Le chant nous délasse,
Pour que le temps passe,
Chantons, chantons dans chaque métier,
Oui, dans chaque métier.

Tel qui gagne à peine
Pour une semaine ?
Chante à perdre haleine
Pour mieux s’étourdir ;
Un autre en revanche
Rabotant sa planche,
Dit : Jusqu’à dimanche,
C’est mon plaisir.
Chantons, chantons, etc.

Trop jeune pour être
Habile à connaître
L’état de son maître,
Que dit l’apprenti ?
Et que lui réplique
Soit dans la boutique,
Soit dans la fabrique,
L’ouvrier fini ?
Chantons, chantons, etc.

Pour faire un chef-d’œuvre
Dès l’aurore à l’œuvre,
Le pauvre manœuvre
Croiserait ses bras ;
Et sur son ouvrage
Le front tout en nage,
Il perdrait courage
S’il ne disait pas.
Chantons, chantons, etc.

Gentille ouvrière,
Jeune couturière,
Modeste frangère,
Chacune à son tour

[4.2]Presse sa toilette,
Et dans sa chambrette,
Au travail répète,
Dès le point du jour.
Chantons, chantons, etc.

Couvreur ébéniste,
Fabricant, lampiste,
Doreur, tonnelier,
Chacun d’eux se vante
D’avoir lorsqu’il chante,
L’ame plus contente
Qu’un riche banquier.

Chantons, chantons, etc.

paul de KOCK1.

GYMNASE. Mardi prochain, au bénéfice de M. danguin, les premières représentations de la Nonne Sanglante, drames en 5 actes ; le Mari d’une Muse, vaudeville en 1 acte, et Christophe ou le Cuisinier Dramatique, idem.

Annonces.

(66-1) MM. GUYMOND et Ce, successeur de M. Targe, libraire, rue Lafont, viennent d’ouvrir un Cabinet de Lecture pour livres et journaux. – Le prix de la séance est de quinze centimes.

(62-2) PAPETERIE, près de Lons-le-Saulnier (Jura), en activité, à vendre, au prix de 22,000 fr. – S’adresser, chez M. chastaing, rue du Bœuf, n. 5, au 2e.

(64-2) Fonds de Café, bien achalandé, au prix de 3,000 fr. environ, situé aux Brotteaux, à vendre. S’adresser comme dessus.

(63-2) A VENDRE. Un bel atelier, situé dans un quartier à proximité du commerce ; on cédera l’appartement qui est très clair.
Cet atelier se compose de 3 métiers tous montés et garnis d’ouvrage, trois mécaniques en 1,000. S’adresser au bureau.

(51-6) – A VENDRE. Deux métiers au châles en 1/4 avec mécaniques en 1 500 et 1 800. – Un métier de courant et divers accessoires. S’adresser au bureau.

(45-8) A VENDRE, trois métiers de châles en 5/4, et divers accessoires, cours Morand, n. 8. S’adresser au portier.

(58-6) PROCÈS des accusés d’avril devant la cour des pairs, publié de concert avec eux, par M. Pagnerre gérant du Populaire.
Les 10 livraisons de 16 pages chaque formant un demi volume in-8. (Chaque livraison a environ 50,000 lettres.) Ne coûtent que 1 fr. 75 c.
PORTRAITS des principaux prévenus et défenseurs sur papier vélin, in-4. Prix de chaque portrait 25 c. – La collection de 25 portraits ne coûtera que 5 fr.
Autres portraits, in-12, prix 10 centimes chacun.
FAIT préliminaires du procès, etc., 1 vol., in-8°. Prix 3 fr. 25 c.
On souscrit au bureau de la Tribune prolétaire, rue Grôlée, n. 1 ; chez MM. Marius chastaing, rue du Bœuf, n. 5, au 2me et falconnet, rue de Flesselles, n. 4.

(65-2) L’ECHO DE L’INDUSTRIE NATIONALE.
Journal de l’Association des Industries Françaises, Manufacturière et Agricole.
Ce journal publié à Mulhouse (Haut-Rhin), par M. Crussard fils, paraît irrégulièrement par cahiers de 32 pages, à deux colonnes. Il en est livré un ou deux chaque mois.
Tout abonné qui fait insérer un article de deux pages et au-dessus sur les matières que traite le journal, a droit à 500 exemplaires de son article, sans rétribution,
Les matières dont l’Écho s’occupe le plus spécialement, sont :
1° L’Économie Commerciale ; 2° Législation et Jurisprudence ; 3° Statistique Industrielle ; 4° Établissements publics ; 5° Procédés de fabrication, découvertes, inventions, etc.
Prix de l’abonnement : 25 fr. par an, payables en souscrivant, par une remise sur Paris, Lyon ou Mulhouse.
On s’abonne à Mulhouse, chez M. Crussard fils, gérant ; à Lyon, chez M. Baron, libraire, rue Clermont. La 1re livraison a paru en mai dernier.

Notes (LECTURE PROLÉTA IRES. ( Suite , v. 1835, n....)
1 Jean-François de la Harpe (1739-1803), auteur en 1740 de Philoctète.
2 Référence ici à Gabriel Legouvé (1764-1812), auteur en 1797 de Les Souvenirs, la Sépulture et la Mélancolie.
3 Il s’agit ici de la femme de lettre, Antoinette des Houlières (1638-1694).
4 André-Jacques Coffin-Rony, auteur en 1808 de Theana et Lorenzo, Histoire italienne.
5 Il est fait ici mention de plusieurs ouvrages majeurs de Germaine de Staël-Holstein (1766-1817) ; notamment, De l’Allemagne (1810), Corinne, ou l’Italie (1807) et Mémoires sur la vie privée de mon père ; par Mme la Bonne de Stael-Holstein, suivis des mélanges de M. Necker (1818).
6 Référence ici à Auguste-Hilarion de Kératry (1769-1859), et au  poème Lysus et Cydippe (1801).

Notes (LE REFRAIN DES OUVRIERS. Chantons, chantons dans...)
1 Paul de Kock (1791-1871), romancier et auteur dramatique français.

 

 

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