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12 juillet 1835 - Numéro 28
 
 

 



 
 
    

SUR LE CONSEIL DES PRUD?HOMMES

De jeudi dernier.

Nous manquerions à tous nos devoirs si nous hésitions à appeler l?attention publique sur les actes vraiment extraordinaires que M. le président du conseil des prud?hommes s?est permis dans la séance de jeudi dernier. Pressés aujourd?hui par le temps, nous nous contenterons d?un simple exposé, la sagacité des lecteurs fera le reste.

D?abord signalons cette tendance du président du conseil à rétablir, pour toutes les causes qui intéressent les négocians, le huis clos toujours regretté par eux, mais que nous ne laisserons pas impunément rétablir tant que nous serons sur la brèche. C?est là notre mission et au risque de mériter encore les épithètes outrageantes qui nous ont été prodiguées en haut lieu, nous montrerons, à nos amis comme à nos ennemis, que nous sommes toujours ceux qui rédigèrent l?Écho de la Fabrique avant que l?honnête homme, dont a parlé M. Gasparin, nous eût remplacé. ? On peut nous calomnier, méconnaître nos services ; on ne nous fera jamais dévier de nos principes, ni faiblir dans leur défense.

La veuve Deviert réclame à Rivière père et fils les tirelles que, par sa délibération du 21 mai dernier, le conseil a déclaré être dues aux chefs d?atelier. Quoi de plus simple que de juger séance tenante ! S?il y a des comptes à régler : quoi de plus simple encore que de renvoyer pour le réglement de ces comptes devant des prud?hommes arbitres. Le président intervertit cet ordre rationnel, et il invite les parties à se rendre le lendemain à 11 heures au greffe? Pourquoi ? Nous le demandons et nous en avons le droit, pourquoi cette discussion à huis clos ? ? Mais les murs parleront et nous ne savons respecter le huis clos que lorsque la pudeur l?exige.

Voici qui est encore plus fort. ? La haine de la publicité, sauvegarde des ouvriers, se montre ici à nu. La cause de Picard contre Monterrat est appelée. Depuis tantôt six mois, un négociant abuse de la patience d?un ouvrier. Le conseil impartial devrait tout d?une voix flétrir une semblable conduite. Que dit son président ? Cette cause ne peut pas se discuter à la barre, et s?adressant au chef d?atelier : vous viendrez demain au greffe je vous donnerai une lettre d?invitation à M. Monterrat. En vérité voilà du nouveau. ? Parce que M. Monterrat ou tout autre négociant recule devant la publicité des débats, un fabricant ne pourra plus, lui, jouir du bénéfice de cette publicité. Et les prud?hommes fabricans n?ont pas protesté contre une pareille théorie. Ils se sont tus ; ils ont accepté la solidarité des paroles de leur président. Oh ! s?il leur est impossible de faire le bien qu?ils ne sanctionnent pas le mal par leur présence, et s?ils sont inutiles qu?ils aient le courage de donner leur démission?

Vient ensuite l?affaire Petilleul c. St-Olive. M. le président a trouvé M. St-Olive et lui a dit : vous pouvez venir tard, votre affaire ne sera appelée que sur la fin de l?audience. M. le président ne s?est pas souvenu que hors du tribunal il ne doit pas connaître le rôle d?audience. La cause est appelé : attendez dit à Petilleul M. le président, en lui annonçant sa conversation avec sa partie adverse. Mais M. St-Olive a abusé de la permission, il se fait attendre trop long-temps. Allez le chercher, dit encore M. le président à Petilleul, et le plus que complaisant chef d?atelier se fait le valet du conseil, il va chercher dans son magasin M. St-Olive. Ce dernier était sorti, et il s?est rendu au conseil pendant le temps que Petilleul est allé le chercher. En bonne justice il fallait attendre Petilleul. Non du tout ce n?est pas [3.2]ainsi que la chose se passe. Le président renvoie d?abord la cause à huitaine, et ensuite se reprenant il dit à St-Olive : « si l?on ne vous fait pas appeler de nouveau vous ne viendrez pas. » ? Nous laisserons les lecteurs sous l?impression de ce dernier trait de laisser aller insultant envers un chef d?atelier.

Prud?hommes fabricans ! Les ouvriers ont les yeux ouverts sur vous ; ils vous ont élu pour les défendre, et faire respecter leurs droits et leurs personnes. Faites votre devoir.

 

 

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