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3 mars 1832 - Numéro 19
 
 

 



 
 
    
NOUVELLES DIVERSES.

- On écrit de Rouen que, par suite des arrivages nombreux qui ont eu lieu ces jours derniers, il y a eu beaucoup d?activité, non-seulement dans le port, mais pour tout le commerce en général, et que par suite des expéditions qui se sont faites, tous les ouvriers sont occupés, mais que leurs salaires sont encore éloignés d?être suffisans.

- Depuis quelques jours, les fabricans de la ville de Bar ont vendu une assez grande quantité de toiles.
(Journal de la Meuse.)1

- Le traité de commerce entre la France et les Etats-Unis a été ratifié à Washington, par le sénat, le 27 janv.
(Précurseur.)

[5.1]- Le jeune comte Léon2, fils naturel de Napoléon et de Mlle de Plaigne, depuis comtesse de Luxbourg, a blessé fort dangereusement M. Hesse, capitaine anglais et l?un des aides-de-camp de Wellington.

L?affaire avait été provoquée par une querelle de jeu qui a eu lieu, à ce qu?on assure, au cercle des étrangers, rue Richelieu. Il y avait eu de part et d?autre des insultes si graves, que le combat devait être poussé jusqu?à mort. Depuis huit mois environ les témoins des deux parties s?occupaient des stipulations du duel, du choix des armes, etc. M. Renneval, ancien secrétaire intime de l?empereur, et tuteur du jeune homme ; MM. les généraux Gourgaud et Pajol3, M. le colonel Fournier, M. le chirurgien Larrey4, ont tous connu l?affaire avant qu?elle fût consommée.

Le jeune comte Léon a montré beaucoup de sang-froid et de fermeté de caractère. Il s?est porté sur le terrain avec la pensée de ne pas faire mentir son origine secrète. Du reste, toutes les personnes qui l?ont pu voir restent frappées de la ressemblance qu?il y a entre lui et Bonaparte, général de l?armée d?Italie, quand ses traits étaient encore amaigris et ses pommettes saillantes.

Nous apprenons à l?instant que le sieur Hesse est mort à Paris par suite de ses blessures.
(Précurseur.)

Une feuille de Xalapa dit qu?il existe actuellement au Mexique une femme âgée de 147 ans, qui a conservé toutes ses facultés excepté celle de l?ouïe, et qui est encore très-active et très-laborieuse. Quand on lui demande si elle a envie de mourir, elle répond : Oui, parce qu?il est temps que je me repose.

- Un double suicide a eu lieu la nuit dernière : M. Escousse5, déjà connu dans la littérature par son drame de Farruch-le-Maure, s?est asphyxié avec M. Lebras, jeune homme à peine âgé de 16 ans ; M. Escousse lui-même n?avait pas 20 ans.

Une vive amitié unissait ces deux jeunes gens ; tous deux mélancoliques, ils gémissaient souvent sur les misères de ce monde, et parlaient de la nécessité de le quitter ; enfin hier au soir Escousse écrivit à son ami : « Je t?attends à onze heures et demie, le rideau sera levé ; arrive, afin que nous précipitions le dénouement. »

En effet le jeune Lebras arriva à l?heure indiquée : du charbon était allumé et les deux amis expirèrent ensemble. On a trouvé sur une table, dans la chambre où gisaient embrassés les deux cadavres, la note suivante, écrite de la main d?Escousse : « Je désire que les journaux qui annonceront ma mort ajoutent cette déclaration à leur article : Escousse s?est tué parce qu?il ne sentait pas sa place ici, parce que la force lui manquait à chaque pas qu?il faisait en avant ou en arrière, parce que l?amour de la gloire ne dominait pas assez son ame, si ame il y a. 

Je désire que l?épigraphe de mon livre soit :

Adieu, trop inféconde terre,
Fléaux humains, soleil glacé ;
Comme un fantôme solitaire,
Inaperçu j?aurai passé ;
Adieu, vous, palmes immortelles,
Vrai songe d?une ame de feu,
L?air manquait, j?ai fermé les ailes,
Adieu ! »

Notes (NOUVELLES DIVERSES.)
1 Journal de la Meuse, feuille politique, littéraire, commerciale et agricole, hebdomadaire publié à Bar-le-Duc à partir de 1829.
2 Charles, Comte Léon (1806-1881), fils, illégitime, de Napoléon I et de Eléonore Denuelle de la Plagne.
3 Gaspard Gourgaud (1783-1852) et Pierre-Claude Pajol, tous deux grands généraux de Napoléon.
4 Dominique-Jean Larrey (1766-1842), ancien chirurgien-chef de l?armée de Napoléon I.
5 Victor Laserre dit Escousse. Il s?agit du drame en trois actes Farruck le Maure, 1831.

 

 

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