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11 août 1835 - Numéro 1
 

 



 
 
     

DE L'ORGANISATION DE LA SOCIÉTÉ.

[1.1]Le monde, c'est ce qui existe de toute éternité, et l'harmonie parfaite du monde, c'est Dieu, c'est la nature.

Des contrées peuvent devenir désertes, inhabitées, mais aussi d'autres deviennent florissantes et se chargent de populations.

Des révolutions peuvent arriver dans le globe et sur sa surface, des circonstances et des accidents peuvent forcer à des émigrations ; mais tout existe toujours, le théâtre est toujours le même ; mais, comme la scène est immense, les acteurs en occupent tantôt une partie, tantôt une autre.

L'homme commande aux animaux parce qu'il leur est supérieur par la raison, l'intelligence, et surtout par la parole.

L'homme tend continuellement à l'état de perfection, mais sa faiblesse l'empêche d'y arriver ; on dirait qu'une puissance invisible semble s'y opposer ; il vient un point où l'homme s'arrête, et le moindre choc suffit pour l'ébranler et souvent le précipiter dans le chaos d'où il est sorti.

Le monde ne périt pas ; mais chaque peuple vient briller à son tour sur la scène du monde, puis après, insensiblement, il passe de la lumière à l'obscurité, de l'état de civilisation à l'état d'abrutissement d'où il ne sort qu'après bien des siècles : ainsi, de même que l'homme naît, devient enfant, passe successivement à l?adolescence , à l?âge mûr , à la vieillesse, puis après meurt, de même chaque peuple naît, grandit, fleurit, prend de la force, vieillit et meurt. C'est une succession continuelle ; mais l'existence de chaque homme ou de chaque peuple est plus ou moins longue, plus ou moins brillante, selon que son organisation est plus ou moins forte, ou plus ou moins vicieuse, et selon qu'il abuse plus ou moins de sa force, selon qu'il fait un emploi plus ou moins sage de ses moyens, de ses ressources et de ses richesses.

L?histoire de chaque homme en particulier est donc en quelque sorte l'histoire de chaque peuple : ainsi, de même que les passions corrompent les hommes, de même elles corrompent les peuples ; comme les hommes, les peuples n'arrivent à un état plus doux ou plus civi­lisé qu'après de dures épreuves et de sévères leçons ; comme les hommes aussi, les peuples doivent donc s'entr'aider et se protéger contre toute attaque qui porterait une injuste atteinte aux droits de chaque homme ou de chaque peuple, droits qui sont imprescriptibles et pour l'un et pour l'autre.

L'éducation fait les hommes, comme les institutions font les peuples ; le but de l'éducation en général est d'instruire et de corriger, comme le but des lois en général doit être de corriger et punir. Mais les lois plus particulièrement ne doivent pas venger, car la vengeance naît des passions, de la faiblesse, de la lâcheté ; or on ne peut concevoir un pouvoir passionné, faible, lâche, vindicatif, et par conséquent injuste.

Avant tout, il est donc du devoir de la société de bannir de son sein tout élément de corruption tels que [1.2]la débauche, la misère, la mendicité, qui sont autant de plaies qui rongent son sein, comme il est du devoir de chaque père en particulier d'en garantir ses enfans. Ainsi la société doit être organisée de manière à rendre leur accès autant impossible qu'il est possible ; c?est pourquoi la loi, comme émanation de la volonté générale?du souverain, ne doit pas être dictée par les passions, mais bien par la raison, la philosophie et la justice.

Agités par les mêmes passions, les hommes sont partout les mêmes ; or la législation devrait être uniforme, universelle, et si cette uniformité n?existe pas, si les peuples ne sont aujourd'hui que ce qu'ils sont, chacun en particulier, la faute en est à ceux qui jusqu'à pré­sent ont fondé les institutions, comme les fautes et les désordres des enfans peuvent retomber sur les pères qui ont été assez coupables pour négliger l'éducation de leurs familles.

De là il suit que tout pouvoir doit répondre de l'ignorance et des vices d'un peuple, comme les pères de l'ignorance et des vices de leurs enfans.

Cette responsabilité est une conséquence naturelle de l'état de société, car elle est la garantie la plus indispensable de sa durée.

M. SAUZET1 ET LES OUVRIERS DE LYON.

M. Anselme Petetin, que la presse lyonnaise doit regretter éternellement, répondant à M. Bouvery sur la question de l'introduction des machines dans l'industrie, lui disait entr'autres paroles remarquables : « Pour obvier au malaise de l'industrie, il faut premièrement que le pouvoir se corrige de ses passions de parti.... il faut, en second lieu, qu'il devienne le résumé de tous les intérêts et de toutes les capacités du pays....., tout cela se fera quand le gouvernement sera peuple et non pas aristocrate ; tout cela se fera, quand le pouvoir n'aura d'autres intérêts que les intérêts des masses, d'autres passions que les sympathies nationales. ? Quand M. Bouvery, par exemple, représentera la population ouvrière, au lieu de M. Fulchiron, etc. » V. Echo de la Fabrique, 1832, 47.

Nous sommes à même, aujourd'hui, de faire une application directe du principe professé par l'ancien rédacteur en chef du Précurseur.

La Tribune Prolétaire, sous la foi du Courrier de Lyon et des autres journaux, a annoncé la nouvelle suivante :

23. Une commande de 500,000 f. vient d'être faite à la fabrique de soieries de Lyon par la liste civile.

24. Nous apprenons que par les sollicitations de M. Sauzet, député, cette commande a été réduite à la moitié, par décision du 1er du courant ; les autres 250,000 f. seront consacrés à venir au secours des propriétaires, victimes des événements d?avril.

Ce qui prouve, soit dit en passant, la nécessité d?un journal spécialement consacré aux intérêts de la classe ouvrière, c?est que aucune feuille politique, du nombre même de celles qui partagent l?opinion républicaine, n?a élevé la voix en faveur des ouvriers en soie de Lyon, et contre l?inconvenance, pour ne pas dire plus, commise à leur égard. Il ne nous était pas permis, alors, de la signaler cette inconvenance, quoique nous l?ayons [2.1]vivement ressentie ; nous nous sommes tûs : aujourd'hui, nous pouvons parler.

Le don fait par la liste civile à la fabrique de soieries de Lyon, lui était acquis ; on l'a insulté gravement, en lui ôtant le lendemain ce qu'on lui avait donné la veille. Eh ! comment, la liste civile, riche de douze millions, ne pouvait trouver ailleurs les 250,000 f. qu'il lui plaisait, si tardivement, d'accorder, à tître de secours, non pas à toutes les victimes des événements d'avril ; non pas aux veuves, aux orphelins, aux ouvriers, dont le modeste ménage a été détruit, mais aux propriétaires ; dont le malheur, quelque grand qu'il soit, ne saurait égaler celui du prolétaire réduit à la mendicité. Pourquoi cette avanie gratuite ? Serait-ce pour prouver aux ouvriers de Lyon que depuis les journées d'avril, on ne les craint plus. Ne cherchons pas de motifs à un acte aussi odieux, peut-être n?a-t-il été qu?irréfléchi : nous aimons à le croire ; mais occupons-nous de la moralité qui en résulte.

C'est aux sollicitations de M. Sauzet, député, que ce secours de 250,000 f., accordé aux propriétaires, victimes d'avril, est dû. Sans doute, M. Sauzet a été étranger à la détermination prise par la liste civile, de prélever ces 250,000 f. sur un fonds qui avait déjà reçu sa destination, et partant, devait être sacré pour elle. M. Sauzet a sollicité : Ne disons rien de ce rôle de solliciteur qui ravale le député au niveau d'un courtisan. M. Sauzet, comme homme politique, est jugé ; il sera peut-être ministre, voilà tout. Ne nous occupons de lui que dans cette circonstance ; il a sollicité : Pour qui ? on le voit desuite ; il a sollicité pour ses commettants, et M. Sauzet n'est pas l'élu de la classe ouvrière ; par sa profession, par sa fortune, par ses alliances, il appartient à la classe privilégiée. M. Sauzet, avocat et propriétaire, est l?élu des hommes du privilége et de la propriété ; il n'a que faire de s'enquérir de la classe ouvrière, il n'attend rien d'elle ; il ne lui a rien promis, ni rien demandé. De quoi se plaint-on ??Oh ! nous ne nous plaignons pas de M. Sauzet ; il ne pouvait, dans le milieu où il s'est posé, agir autrement. ? Mais nous le demandons à tout homme de bonne foi : Les intérêts de la classe ouvrière lyonnaise ont-ils été défendus, en cette circonstance ; évidemment non : et pourquoi ? ? C'est que MM. Fulchiron, Sauzet, Jars et consors sont censés représenter la ville de Lyon, tandis qu'ils ne représentent que leurs électeurs, et leurs électeurs ne sont pas les prolétaires. C?est que, à leur retour dans leurs foyers, MM. Fulchiron, Sauzet, Jars et consors dînent à la Préfecture et hantent les salons de l'aristocratie noble ou financière de Bellecour ou les Terreaux, peu importe.

Quelle différence, si, comme le disait M. Petetin, la classe ouvrière était représentée par un des siens, par un homme qui, au retour d'une session laborieuse, viendrait retremper son patriotisme dans le modeste atelier d'où ses confrères l'auraient fait sortir un moment, pour y rentrer avec la seule récompense d'avoir bien mérité de la patrie.

Une leçon est donnée au peuple ouvrier : voilà qui, selon nous, prouve, d'une manière irrécusable, le vice de la représentation actuelle, et la nécessité d'y apporter, le plutôt qu'il sera possible, un changement que sollicitent la justice et nos m?urs, et qui nous mettra, pour toujours, à l'abri de secousses violentes ; car la tribune publique, on l'a dit avant nous, est la soupape de sûreté du gouvernement.

L'enseignement qui résulte de ce que nous venons de dire ne doit donc pas être perdu, et c'est ainsi que les fautes mêmes des adversaires de l'émancipation de la classe ouvrière, tournent au profit de cette dernière. Il suffit que la presse, sentinelle vigilante, ne les laisse jamais passer sans en tirer le profit naturel pour ses doctrines. La liste civile, cédant aux sollicitations de M. Sauzet, et enlevant 250,000 f. qu'elle avait donné aux ouvriers de Lyon, pour les repartir aux clients de l?avocat-député, est le meilleur argument que nous puissions avoir pour demander l?admission des prolétaires à la représentation nationale. Ce sera notre réponse péremptoire à ceux qui nous accuseront de calomnier les pouvoirs de l?état et de ne pas nous en rapporter à eux pour le soulagement des classes souffrantes.

CONSEIL DES PRUD'HOMMES.

Séance du 30 juillet 1835.

[2.2]Vingt-une causes ont été appelées ; nous les raconterons brièvement. Le procureur, c'est-à-dire, l'agent de la caisse de prêts n'avait que deux petits procès il les a fait arracher ; sans doute il aura sa revanche. ? Faute d'avoir un compte écrit régulièrement M. Fortout, fabricant, a été condamné envers sa dévideuse, ceci doit être une leçon pour les chefs d'atelier. Des comptes en règle et un abonnement au journal, cela est indispensable pour eux. ? M. Durand Rion faisait appeler M. Fréderic. Ce dernier ne s'est pas présenté et il était juste de donner défaut contre lui ; mais le demandeur ne se présentait pas non plus, c'était il nous semble le cas d'arracher la cause ; le conseil dans sa sagesse en a décidé autrement et il a donné défaut au fils Rion, représentant son père, contre le fabricant peu mémoratif ou qui n'a pas reçu l'invitation. Nous ne pensons cependant pas que le greffier rédige le jugement au nom de Rion fils, et cependant s'il le rédige au nom du père qui était absent il commettra un faux. La Dlle Marmonnier qui ne se souciait plus de la vie de l'atelier et préferait la promenade et autres plaisirs de son âge au devoir de travailler, a été condamnée à payer 200 fr. au sieur Muriat, son maître, et elle ne pourra se replacer que comme apprentie. Que la leçon lui profite ainsi qu'a ceux ou celles qui tenteraient de l'imiter.?Malgré la rigueur de leurs réglemens ou peut-être à cause d'elle, Rivière frères, imprimeurs sur étoffes, ont obtenu contre Roussy, leur apprenti, la condamnation de 400 fr. pour dédit d'apprentissage. Cela les a mis de bonne humeur et ils ont pris défaut contre un autre apprenti Genévai. Beaucoup d'autres affaires entre maîtres et apprentis ont été appelées ; mais toutes sans importance réelle. Nous ne croyons pas devoir allonger inutilement cet article par le récit de ces difficultés qui ne méritent aucunement l'attention publique, car toutes se résument par ces mots mauvaise foi, insubordination ; c'est au conseil des prud'hommes à se montrer sévère pour mettre fin à ces contestations sans cesse renaissantes.

REDUCTEUR OU MECANIQUE

Avec laquelle on petit remplacer les cartons à la Jacquart par du papier continu sans enlaçage.

Le sieur Genod, acquéreur de ladite mécanique, ayant vaincu les difficultés qui empêchaient aux ouvriers qui ont le travail brusque, d'aller aussi vîte qu'avec la mécanique à la Jacquart seule, prévient MM. les chefs d'atelier qu'un métier ayant cette mécanique jointe à la Jacquart, est monté chez M. Girard, maître de dessin et mise en cartes, rue du Commerce, maison Mermet, au 1er, où on peut voir travailler et travailler soi même, tous les jours, depuis sept heures du matin jusqu'à deux heures, et depuis trois heures jusqu'à sept heures du soir.

Les changemens qu'on a faits n'ont point diminué les avantages considérables qu'offre cette mécanique, soit pour le négociant, soit pour le chef d'atelier et même aussi pour l'ouvrier.

L'ouvrier maintenant trouvera la marche du métier avec le réducteur, moins dure qu'avec la mécanique à la Jacquart seule, et pourra concevoir au premier coup-d??il comment marche cette mécanique, tous les mouvemens étant vus sans qu'on ait besoin de séparer le réducteur de la Jacquart.

Les dessins quoique sur papier peuvent durer une fois plus que les dessins sur carton.

Prix comparatifs du lisage sur carton et sur papier.

Cartons. 400 en lancé, le cent. 2 f. 50 c. ; enlaçage, 35 c. ? Total. 2 f. 85 c. ? Papier. 1 f. 40 c.

Idem. 400 brillantine, 3 f. ; enlaçage, 35 c. ? Total. 3 f. 35 c. ? Papier. 1 f. 80 c.

Idem. 600 lancé, 3 f. 75 c. ; enlaçage, 40 c. ?. Total. 4 f. 15 c. ? Papier. 1 f. 85 c.

[3.1] Idem. 600 brillantine, 4 f. 25 c. ; enlaçage, 40 c. ? Total. 4 f. 65 c. ? Papier. 2 f. 55 c.

Idem. 700 lancé, 5 f. ; enlaçage, 50 c. ?. Total. 5 f. 50 c. ? Papier. 2 f. 55 c.

Idem. 700 brillantine, 5 f. 50 c. ; enlaçage, 50 c. ? Total. 6 f. ? Papier. 2 f. 75 c.

Idem. 900 lancé, 6 f. 50 c. ; enlaçage, 60 c. ?. Total. 7 f. 10 c. ? Papier. 3 f. 30 c.

Idem. 900 brillantine, 7 f. ; enlaçage, 60 c. ? Total. 7 f. 60 c. ? Papier. 4 f. 20 c.

Copiage et repiquage.

Cartons. 400, 1 f. 75 c. ; enlaçage, 35 c. ? Total. 2 f. 10 c. ? Papier. 50 c.

Idem. 600, 2 f. 60 c.; enlaçage, 40 c. ? Total. 3 f. ? Papier. 60 c.

Idem. 700, 3 f. 25 c. ; enlaçage, 50 c. ?. Total. 3 f. 75 c. ? Papier. 1 f. 70 c.

Idem. 900, 4 f. 25 c. ; enlaçage, 65 c. ? Total. 4 f. 85 c. ? Papier. 2 f.

27, 28, 29 juillet 1830.

Il est passé le 5e anniversaire de ces journées héroïques où le peuple de Paris se levant comme un seul homme renversa la royauté, où le peuple des provinces répondit par ses acclamations aux acclamations de la capitale ; rien ne put protéger les Bourbons, ni l'antiquité de leur race se liant par d'honorables souvenirs au berceau de la France, ni leur débonnaireté, ni la reconnaissance pour les bienfaits de la paix, tout fut oublié..... la LIBERTÉ était en péril. Sublime et mémorable exemple ! Toute une famille royale captive est exilée... les pleurs de la fidélité monarchique coulent en silence, le peuple ne s'en offense pas, car il est magnanime ! Mais, généreux il est en même tems implacable. Il est trop tard, fait-il répondre à ceux qui viennent le solliciter au nom d'un répentir tardif.... et paisible autant que glorieux il retourne à ses travaux, attendant les fruits de sa victoire.

Aujourd'hui la plupart des héros de ces journées sont dans les fers. Juste retour des choses d'ici bas, dit la légitimité, ils expient une gloire coupable. Je vous comprends, mais je ne vous crois pas hommes du droit divin ! votre ironie est bien amère ! Oui : les c?urs patriotes sont brisés et le peuple se demande : qu'ont-ils donc à expier ? Est-ce que le roi des barricades n'est plus sur le trône ? ? Peuple tu comprendras un jour, et tu sauras pourquoi ces fêtes sont si mornes, tu t?étonnes de ne point voir d'enthousiasme. ? Eh ! pourquoi as-tu laissé périr le feu sacré. Dis : qu'as-tu fait de tes défenseurs ? Entonne donc avec nous l'hymne funèbre qu'un de ces jeunes citoyensi aujourd'hui captif, faisait entendre il y a déjà trois ans, et auquel il a donné le nom trop mérité de de profundis.

Pourquoi chanter quand gémit la patrie ,
Livrée aux mains de ministres pervers ;
Pourquoi chanter ? La liberté honnie,
Voit ses enfans expirer dans les fers.
Ah ! que des pleurs humectent nos paupières,
Que nos pensers suivent leur triste cours?
Amis des morts récitons les prières,
Pleurons sur les trois jours.

Pleurons, pleurons, car l'infâme doctrine
Dans ses réseaux tient le peuple géant,
Le rapétisse à sa taille mesquine,
Au canapé le fixe tout sanglant.
Est-ce bien lui si révéré naguères,
Lui si brillant de glorieux atours ;
Amis, etc.

Tu payas cher, peuple, ta tolérance,
Tu méprisais tes ennemis vaincus,
Tu sommeillas et la sainte alliance ;
Rit maintenant de tes folles vertus.
Tu fis trembler ces majestés altières,
Et te voilà le plastron de leurs cours.....
Amis, etc.

[3.2]O bonnes gens, dont la molle indolence,
Au statuquo se cramponne d'effroi :
Riez....., vantez le bonheur de la France,
Chantez sa gloire et buvez à son roi !
Nous qui croyons à des tems plus prospéres,
Réservons-leur nos chants et nos amours.
Amis, etc.

Ils revivront ! ils revivront ! sans doute ;
Mais gémissons sur la fatalité,
Qui détourna de son immense route
Le char si beau de la liberté.
Pour l'arracher aux fangeuses ornières,
Le ciel est-il notre unique recours.
Amis, etc.


i Amédée de Roussillac.

CHAMBRE DES PAIRS.

29 juillet. - M. Persil, ministre de la justice, donne lecture d'une ordonnance par laquelle la cour des pairs est appelée à connaître de l'attentat du 28.

NOUVELLES.

PARIS. La journée du 28 juillet a été signalée par un événement inattendu ensuite duquel le gouvernement a donné ordre de suspendre les fêtes. ? Une machine infernale, dirigée contre la famille royale, a causé de grands malheurs. Le maréchal Mortier, duc de Trévise, le général de la Chasse de Vérigny, le capitaine Villatte, aide-de-camp du maréchal Maison, MM. Rieussec, lieut.-colonel de la 8e légion, Prud'homme, Ricard, Léger et Benetter, grenadiers de cette légion ont été tués. ? Les généraux Heymès, Colbert, Pelet, Blin, le colonel Raffé ont été blessés. ? Le duc de Broglie a reçu une balle dans le collet de son habit. ?Le roi ni la famille royale n'ont éprouvé d'accident. Le cheval du roi a reçu une chevrotine dans le cou. ? L'auteur présumé de cet attentat a été arrêté ; il se nomme Gérard, mécanicien. ? Les chambres vont être réunies.

? On parle de déférer à la cour des pairs la connaissance de l'attentat du 28 juillet.

? Il paraît que la police prend prétexte de la machine infernale pour persécuter la presse. MM. Armand Carrel et Grégoire, du National, Eugène Raspail, du Réformateur, ont été arrêtés. ? Le Charivari a été saisi ; mandat d'arrêt a été décerné contre ses rédacteurs et contre M. Raspail, rédacteur en chef du Réformateur. La liberté de la presse ne saurait être solidaire de l'exagération de quelques hommes, pas plus que la religion, du fanatisme de quelques dévots.

? La plupart des évadés de Ste-Pélagie (prisonniers d'avril), sont arrivés en Belgique.

? M. Viennot, gérant du Corsaire, a été arrêté. ? M. Napoléon Gallois, rédacteur du Réformateur, l'a aussi été. Nous ne savons pas où s'arrêtera celle persécution contre la presse.

? L'auteur de cette parodie de l'attentat de nîvose, Jacques Gérard, a dit être natif de Lodève (Hérault). ? On le dit de l'opinion carliste.

? Le journal des Débats annonce que le roi a une écchymose au front, et qu'une saignée a paru nécessaire ; Le duc d'Orléans a aussi une contusion à la cuisse gauche ; une balle a atteint la croupe du cheval du prince de Joinville.

? Le colonel Raffé est mort.

? Il faut ajouter un grand nombre des victimes, à celles dont nous avons donné les noms, environ une quinzaine.

? Le célèbre romancier Pigault Lebrun, est mort le 24 juillet dernier, âgé de 82 ans, à la Selle, au-dessous de Bougival, route de St-Germain.

MARSEILLE. Nous avons le plaisir d'annoncer que le choléra diminue sensiblement de son intensité. ? Il paraîtrait même abandonner le littoral de la France; mais ne nous livrons pas trop tôt à la joie d'être débarrassés de ce fléau, et continuons d'employer toutes les mesures sanitaires possibles. ? L'autorité a de grands devoirs à remplir.

PARABOLE

A ceux qui veulent fuir le Choléra.

Azraïl, l'ange de la mort, passant auprès de Salomon sous une forme humaine, regardait fixement un homme qui était auprès de ce grand roi ; cet homme en demanda la cause à Salomon, qui lui dit que c'était l'ange de la mort. ? Ah ! seigneur, ordonnez au vent de m'emporter en Egypte, répondit-il presqu'anéanti d'effroi.? Le vent obéit à Salomon et Azraïl lui dit : il n'est pas étonnant que l'aspect de cet homme m'ait surpris, j'avais ordre de prendre dans un instant son âme en Égypte et je le trouvais près de toi.

MISERES PROLETAIRES.

une jeune fille.

[4.1]Emilie Babeuf, née à Lyon, devenue orpheline à l?âge de 20 ans, habitait à Paris, rue des Vieilles-Etuves-St-Honoré, n. 14, une petite chambre où elle travaillait de l'état de brodeuse, qu?elle avait appris dans un temps plus heureux.

Bien que ses dépenses fussent restreintes, la pauvre fille gagnait, à peine, de quoi s'entretenir et payer son modeste loyer. Pour vivre, il fallut engager les modiques dépouilles de ses parents et jusqu'à ses vêtements personnels. Le boulanger donne bien du pain pour ou deux jours, mais le troisième, il ne faut plus y retourner sans argent. Et pourtant, elle avait faim. Oh ! conçoit-on bien la douleur de la faim : Quatre sous eussent alors suffi à cette infortunée ; mais, sans ouvrage et sans crédit, il fallait les devoir au deshonneur ; car, à cette condition, plus d'une bourse avait été ouverte à l'intéressante Emilie. Plutôt mourir, avait-elle dit.

Il y a peu de jours, vers 6 heures du matin, dans un accès de désespoir, cette malheureuse s'est précipitée dans la Seine.

Un batelier s?est vite jeté à la nage, et a eu le bonheur de l?atteindre et de la ramener sur la berge, et par les soins de M. Lecouteux, médecin (le même qui sauva Léonide S., asphixiée, son amant l?ayant abandonné dans un état de misère)? elle a été rendue à la vie. - M. Chauvin, commissaire, a donné asile chez lui, à cette jeune et intéressante victime. Honneur et bénédiction à cet homme philantrope ! Que le sort d? Emilie soit assuré, maintenant ; qu'elle reçoive, enfin, la récompense de sa vertu ! elle devra une seconde existence à Dieu, qui l?a protégée au moment de périr, à l?homme généreux, que la vue du suicide consommé a ému ; mais que devra-t-elle à la société.

LECTURES PROLETAIRES.

Les prêtres: des Guanches (habitans autochtones des îles Canaries) disaient au peuple « le grand esprit Achamas a d'abord créé les nobles, les Achymenceys, auxquels il a distribué toutes les chèvres de la terre. Il créa ensuite les Plébeiens, les Achicaynas : cette race plus jeune eut la hardiesse de demander aussi des chèvres ; mais l'Étre-Suprême répondit que le peuple était destiné à servir les nobles et qu?il n?avait besoin d?aucune propriété.
Voyage pittoresque autour du monde. T. 1, p. 211.

Pourquoi deux mois de prison au dandy qui dans une nuit ôte à un enfant la moitié de sa fortune, et pourquoi le bagne au pauvre diable qui vole une poule avec les circonstances aggravantes.
Balzac. Le père Goriot2.

Je fuis l?espèce humaine, composée de victimes et de bourreaux, et si elle ne doit pas être meilleure, puisse-t-elle s?anéantir ! G. Th. Raynal.

N. D. R. Cette pensée, insérée dans l?Hist. Phil. et Polit. de Raynal, T. 4, Liv. 11, P. 238, se trouve textuellement dans Bélisaire, par Marmoutel, T. 2, G. 1293.

Que de sottises ne dirions-nous pas, si les anciens ne les avaient déjà dites avant nous. Fontenelle.

Tant de gens se diront citoyens de l'univers, qu?on retrouvera difficilement un citoyen de sa patrie ? La Dixmerie. La Sybille Gauloise4.

Du moment que la tyrannie n'ose frapper, son règne est fini. Delisle de Sales. Ma République5.

Que les hommes votent contre l'orgueil, ils ont raison ; l?orgueil est la tyrannie de la nature. Léonard. Thérèse et Faldoni6.

Théâtres.

Nous nous proposons de suivre, avec plus d'exactitude que pour le passé, la chronique théâtrale de Lyon. Si notre revue n'a pas bien souvent le mérite de l'àpropos, elle aura celui de la fidélité et d'une appréciation réfléchie et consciencieuse des jeux scéniques. Nous les envisagerons principalement sous le point de vue populaire où nous sommes placés. Notre prochain numéro donnera aux lecteurs une idée de la manière dont nous espérons remplir cette tâche, qui a aussi son utilité, pour l'instruction de la classe ouvrière, qu'il est temps d'appeler à une connaissance approfondie, même des choses futiles en apparence, afin que les distinctions aristocratiques s'effacent de plus en plus, et d'arriver à ce que rien ne distingue les hommes de l'atelier des hommes de salon.

CANCANS.

Pour célébrer les fêtes de juillet, à Lyon, on a posé la première pierre du palais de justice, on a dit une messe de morts, tiré des coups de fusil et ensuite un feu d'artifice. Tout cela est emblématique.

La prison pour les patriotes ; la messe de morts pour la révolution de juillet ; les coups de fusil pour ceux qui voudraient en faire une semblable et un feu d'artifice pour montrer que tout s'est en allé en fumée.

On va bâtir le palais de justice, on ne pouvait faire autrement, puisqu?on a construit la prison il faut bien la faire remplir et voilà pourquoi.

Le propriétaire d'un coq inculpé de tapage nocturne pour avoir chanté de trop grand matin a été condamné à 50 fr. d'amende par le juge de paix d'honfleur. Le juge dandin des plaideurs fit couper la tête au sien pour avoir chanté trop tard. Il résulte de ces deux jugemens contradictoires que les coqs vont être obligés d'entrer dans l'ordre de choses actuel et de prendre un juste-milieu. Cela n?est pas étonnant, ils ne feront que suivre l?exemple du Coq Gaulois, leur patron.

L?administration de L'union des Travailleurs se charge de servir, jusqu'à concurrence des abonnements perçus, les abonnés de la Tribune Prolétaire.

J. M. Legras, Gérant.

Annonces.

(1-1) a vendre un superbe atelier, le tout ou partie, composé de 10 métiers travaillant en différents genres, dont 8 mécaniques en 900, 2 en 1000 ; plus, une quinzaine de mécaniques de rechange, avec cent mille maillons de différentes qualités et plusieurs ustensiles.
On vendra également les lits des ouvriers.
On pourrait, au besoin, céder la location.
S'adresser à M. Bouillon, rue Tables-Claudiennes, n. 10 au 2e.

(2-1) a vendre un remisse de 110 portées, en 3/4, sur 8 lisses en coton d'Alsace. S'adresser au bureau.

(4-1) 10 centimes
Au profit des accusés d'avril,
Discours devant la cour des pairs
de
reverchon (Marc-Etienne)
S'adresser au bureau du journal.

(3-1) Nouvel annuaire de France, publié par la Société Nationale pour l'émancipation intellectuelle, mis en ordre et rédigé par M. Alexandre bret, ancien correspondant du National, membre de l?Institut Historique, professeur de belles-lettres. Prix : 75 centimes. A Paris, rue des Moulins, n° 18 ; à Lyon, rue de la Préfecture, n° 6, au bureau du journal des Connaissances Utiles et de la Revue de Lyon.

Notes (M. SAUZET ET LES OUVRIERS DE LYON. M. Anselme P...)
1 Il est fait référence ici au député du 1er arrondissement de Lyon, Paul Jean Sauzet (1809-1876), qui sera quelques mois plus tard ministre de la justice et des cultes du premier gouvernement Thiers.

Notes (LECTURES PROLETAIRES. Les prêtres: des Guanches...)
1 Il s?agit ici du Voyage pittoresque autour du monde, dirigé par Jules Dumont d?Urville (1790-1842) et rédigé par Louis Reybaud.
2 Référence au Père Goriot d?Honoré de Balzac (1834).
3 Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, publié en 1773 par Guillaume-Thomas Raynal (1713-1796) et Bélisaire (1767) de Jean-François Marmontel (1723-1799).
4 La Sybille gauloise a été publié en 1775 par Nicolas de la Dixmerie (1731-1791).
5 Référence à Ma République (1791), par Jean-Baptiste Delisle de Sale (1739 ?-1816).
6 Nicolas-Germain Léonard avait publié en 1783 Lettres de deux habitants de Lyon, contenant l?histoire de Thérèse et de Faldoni.

 

 

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