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3 mars 1832 - Numéro 19
 

 




 
 
     

[1.1]Une souscription est ouverte au bureau de l’Echo de la Fabrique en faveur des blessés, des veuves et des orphelins des trois journées de novembre. Nous en appelons à toutes les ames généreuses, à ces cœurs philantropes qui ont secouru l’infortune jusque sur des rives étrangères, et dont l’humanité ne manquera pas de venir au secours de leurs concitoyens malheureux.

LYON.1

Le Courrier de Lyon qui parfois a un style qui n’est pas des plus élégans, surtout lorsqu’il traite nos heureux de gobe-mouches des cafés2, ne laisse pas d’avoir assez de force dans ses expressions quand il s’agit de mettre en pratique la fameuse maxime de Basile. Lisez dans son n° du 27 février la belle tirade qui commence ainsi : Chez tous les peuples et dans tous les siècles les courtisans ont été en horreur. On croira à ce début, que l’article en question se ressent de l’école philosophique du 18me siècle: pas du tout. On commence à pérorer ainsi, pour injurier plus tard quelques honorables citoyens, dont le crime, aux yeux des patrons du Courrier, est de penser que les ouvriers, les travailleurs, sont pour quelque chose dans l’organisation sociale, et qu’on ne doit point les traiter comme messieurs du Courrier traitent leurs valets suisses ou allemands.

Naguères Le Courrier disait, pour justifier M. Fulchiron que, dans son improvisation rapide il n’avait pas distingué les ouvriers en soie des ouvriers terrassiers et maçons, etc. Mais voilà que le Courrier, qui se plaît dans ses [1.2]éternelles divagations, compare quelques jours après les ouvriers en soie de 1830 aux terroristes de 1793, à ces hommes coiffés d’un bonnet rouge et armés d’une pique. Ici il n’y a pas eu improvisation rapide, les écrivains de la bonne presse disent les avoir vus, de nos jours, un fusil dans une main, une navette dans l’autre ; c’est, nous croyons, assez désigner les ouvriers en soie. Voilà ce qu’on appelle être conséquens ! Le Courrier stygmatise tous ceux qui provoquent à la haine ; au moins lui, il ne réveille jamais de tristes souvenirs ; c’est ce qu’on appelle jeter un voile sur le passé et chercher à harmoniser deux classes séparées un moment par l’intérêt.

Le Courrier voit une puissance dans la rue ; c’est-à-dire il y voit la classe industrielle ; on flatte, dit-il, cette puissance ; flatter le peuple, quelle horreur !... c’est avec le knout qu’on doit lui parler, car selon le Courrier rien n’est plus méprisable que l’homme qui va visiter l’artisan dans son atelier, dans son échoppe !

Oh ! que ces mots d’ateliers et d’échoppes plaisent aux écrivains du Courrier de Lyon ! comme ils les répètent avec cette ironie mordante et fine qu’on leur connaît ! Comme ces mots humilient les honorables citoyens que la feuille par excellence attaque ! Une échoppe ! un atelier ! que c’est flétrissant ! Celui qui va les hanter ne mérite pas de figurer dans ces bals qui font tant de bien à la classe ouvrière ; car il faut que les riches dansent pour qu’elle soit heureuse, et quand les rafraîchissemens sont abondans et la musique délicieuse, elle peut bien se passer d’un morceau de pain. Une échoppe ! un atelier ! riches, n’approchez pas de là, on y prend le choléra-morbus de la popularité… C’est là que le prolétaire gagne le peu de [2.1]pain que l’égoïste ne peut lui arracher ; c’est là qu’il voit naitre et grandir sa famille au sein d’une éternelle misère : c’est enfin là où le pauvre réduit à mendier, trouve encore l’aumône qu’on lui a refusée à la porte d’un salon qu’un valet à fermée brusquement sans s’enquérir si le malheureux a été renversé sur le seuil.

Sans doute, il faut des ateliers et des échoppes pour que messieurs du Courrier de Lyon soient oisifs et puissent jouir de tous les délices de la vie ; mais il faut que ceux qui les habitent soient marqués du sceau de la réprobation, comme étant des êtres nés pour servir à la fortune et aux besoins de quelques frélons.

Le Courrier semble faire un crime à un honorable citoyen qui ne va pas quêtant la popularité dans les ateliers, mais à qui les ouvriers en soie savent gré de ses bonnes intentions, d’avoir fait disparaître une grille qui séparait les chefs d’ateliers des gens de son magasin. Le Courrier lui fait tenir un langage qu’il cherche en vain à rendre ridicule, et qui, selon nous, est tout naturel, car nous croyons, avec ce fabricant recommandable, qu’un ouvrier, un chef d’atelier méritent quelques égards, et qu’il n’y a point d’hommes au-dessus d’eux. Le Courrier ajoute, qu’en vertu de ce principe d’égalité, cet honorable citoyen doit admettre ses domestiques à sa table et dans son salon. Ici les écrivains du Courrier montrent le bout de l’oreille ; pour eux, un chef d’atelier est comparable à un domestique : nous ne voyons pas qu’il puisse y avoir analogie entre un chef d’atelier indépendant et maître chez lui, qui travaille et peut au besoin chasser de sa maison le fabricant qui oserait l’injurier, avec ces êtres à plaindre, sans doute, qui sont soumis aux caprices des grands qui les payent, et qui ne peuvent avoir ni liberté ni volonté. Le chef d’atelier est reconnu citoyen, il paye l’impôt et jouit de ses droits civils et politiques. Le domestique est exclu de tout droit, les lois modernes l’ont même écarté des rangs de la garde citoyenne, et l’assemblée nationale refusa une pension a la veuve de J. J. Rousseau, parce qu’elle avait épousé un domestique de M. de Girardin.

Nous prions les patrons du Courrier d’être dorénavant plus justes envers les ouvriers ; ils peuvent, s’ils le trouvent bon, raisonner leurs domestiques avec le knout ou la cravache, mais nous les invitons d’être un peu plus conséquens envers cette classe nombreuse et probe qui peuple les échoppes et les ateliers.

POLICE CORRECTIONNELLE

Le mercredi, 22 du mois dernier, les nommés Biellet, F Sapin et trois autres jeunes gens, tous des Broteaux, ont paru devant le tribunal de police correctionnelle, comme prévenus d’avoir fait partie des bandes armées dans les journées de novembre : M. le procureur du Roi demandait leur renvoi sous la surveillance de la haute police, par application de l’article 100 du Code pénal, mais à l’audience il est résulté des débats qu’il ne pouvait leur être adressé aucun reproche ; cependant au lieu de se désister des poursuites, M. Français, substitut, a décliné l’incompétence du tribunal, et s’appuyant sur la loi de décembre 1830, il a demandé le renvoi des prévenus devant la cour d’assises. Les défenseurs des accusés, MM. Perras et Chanay, ont soutenu que, dès qu’il ne résultait des débats aucune charge contre leurs cliens, il y avait lieu de les renvoyer de la prévention et non de les pousser sur les bancs des assises ; ils ont demandé subsidiairement que, conformément à l’art. 131 du Code d’instruction criminelle, le tribunal ordonnât [2.2]la mise en liberté des prévenus, à la charge par eux de se représenter devant les juges compétens. Après une longue délibération, le tribunal a prononcé son incompétence et a ordonné la mise en liberté des cinq prévenus. Ainsi a censé la captivité d’hommes contre lesquels le ministère public, malgré toutes ses recherches inquisitoriales, n’a pu trouver aucune charge ; les portes de leur prison se sont ouvertes, c’est un bonheur ; mais qui les indemnisera des longs jours passés dans des cachots malsains ! qui leur fournira maintenant du travail ! qui leur offrira, dans un avenir meilleur, un adoucissement à l’amertume dont on les a abreuvés, aux maux dont on les a accablés ! Hommes du pouvoir, mettez moins d’empressement dans vos poursuites, apportez-y plus de discernement, plus de maturité, et vous n’assumerez pas sur vous une effrayante responsabilité, et vous échapperez à la haine d’un grand nombre de nos concitoyens.
(Communiqué.)

DU RENVOI PAR LE CONSEIL DES PRUD’HOMMES DEVANT DES ARBITRES.1

Le conseil des prud’hommes, accablé de travaux par une infinité de causes, ne peut point prononcer ses arrêts séance tenante, lorsqu’il s’agit de régler des écritures, de vérifier les prix sur un ouvrage rendu depuis longtemps, ou de fixer celui d’un article de goût peu connu ; dès-lors il est forcé de renvoyer les parties plaignantes pardevant des arbitres, afin que les causes soient mûrement examinées, et, nous le disons avec plaisir, les arbitres, membres eux-mêmes du conseil, remplissent religieusement leur mission, et rendent leurs décisions avec justice et fermeté. Pourtant nous devons signaler un vice qui s’est glissé avec l’arbitrage dans le conseil des prud’hommes. Les séances sont publiques et ses jugemens sont prononcés par le président à haute et intelligible voix ; les conciliations sont aussi prononcées publiquement ; il n’en est pas de même du renvoi pardevant les arbitres. Les résultats, quelquefois très-intéressans pour la classe ouvrière, restent ignorés. A Dieu ne plaise que nous voulions suspecter ici ni la justice ni l’impartialité des arbitres, et, comme nous l’avons dit plus haut, nous savons qu’ils remplissent ce devoir, qui certes n’est pas sans désagrémens avec une probité sévère. Mais il nous semble qu’on pourrait rendre leurs décisions publiques.

Voici, selon nous, comment on pourrait parvenir à faire connaître au public, justiciable du conseil, les arrêts, conciliations et autres actes rendus par les arbitres-prud’hommes, à la séance qui suivrait le renvoi : le sécretaire du conseil lirait publiquement les décisions des arbitres, et, par là, les ouvriers et les fabricans sauraient à quoi s’en tenir sur certains prix, usages et règlemens, qui causent les nombreux différens qui s’élèvent dans la fabrique d’étoffes de soie. C’est seulement une opinion que nous nous permettons d’émettre, pensant que le conseil des prud’hommes la prendra en considération, et méritera de nouveau la reconnaissance de la classe ouvrière et de notre industrieuse cité.

ABUS.1

réglement des comptes.

Les abus qui résultent du défaut de la non-exécution du balancement des comptes sur toutes les pièces, sont nombreux, et en occasionnent une foule d’autres de [3.1]tous genres ; d’abord, 1° parce que lorsque les comptes n’étant pas réglés, toutes les pièces, l’ouvrier, ainsi que le négociant, restent en suspend sur le résultat de la balance ; 2° l’ouvrier, qui est en avance de matières, n’ose point en réclamer le montant, malgré ses pressans besoins, son avance n’étant point constatée par le réglement des comptes, de matières ou d’argent ; 3° si les matières que l’ouvrier emploie sont humides ou de qualité inférieures, il ne peut s’apercevoir de l’énormité de son solde qu’au réglement définitif ; 4° lorsque le négociant a une vingtaine de pièces à régler, gardant le livre une quinzaine de jours par devers lui pour cette opération, il en prive le chef d’atelier, qui ne peut reconnaître les matières qu’il reçoit dans cet intervalle de temps ; 5° l’ouvrier, à qui un nombre de pièces sont restées à régler, ainsi qu’à porter en façon, se trouve souvent en solde, soit par erreur ou toute autre cause impossible à découvrir ; 6° il est indispensable que l’ouvrier soit présent lorsque l’on règle ses comptes, rien ne devant être écrit sur les livres que d’un commun accord. Ainsi l’on ne persuadera jamais un ouvrier à qui l’on a, par négligence, laissé ses comptes en désordre pendant une année, et qui, après le dépôt durant quinze jours de son livre chez le négociant pour le régler en définitif, se trouve en solde, qu’il n’est point trompé, et qu’il n’est point victime de la négligence des commis du fabricant.

Les règles que nous proposons sont suivies par plusieurs honnêtes négocians qui en ont l’habitude depuis de longues années, qui sont eux-mêmes surpris de la négligence d’un trop grand nombre d’entre eux à ce sujet, et de l’absence d’un réglement général qui devrait être adopté par toutes les maisons de commerce.

Nous nous résumons, en disant que, pour rétablir la confiance mutuelle qui doit exister entre le commerçant et l’ouvrier, but auquel doivent tendre tous les amis de la justice et de l’humanité, les règles que nous avons indiquées doivent être généralement suivies, et les comptes, s’ils ne peuvent être réglés, doivent du moins être additionnés à toutes les pièces, lesquelles devraient être en même temps portées à façon ; qu’à défaut par le négociant de tenir ses compte en règle, les erreurs provenant de l’irrégularité de la tenue des livres, seront à sa charge, comme étant seul chargé d’écrire sur les livres, et responsable de tous les actes de la comptabilité.

AU RÉDACTEUR.

Monsieur,

J’ai lu dans plusieurs Nos de votre estimable journal des articles relatifs aux sociétés industrielles. J’entre pleinement dans vos vues ; car, selon moi, toute société doit tendre aujourd’hui à l’amélioration de la classe prolétaire, à rendre l’homme meilleur en le mettant en contact avec ses semblables, et à relever son ame abattue par de longues années de misère.

Je ne crois pas que les anciennes sociétés de bienfaisance puissent atteindre ce but, quoique je sois loin d’en vouloir faire la critique, mais il faut aujourd’hui des sociétés qui donnent de l’émulation, dont les statuts disent à l’homme que c’est par le travail seul qu’il peut sortir de la position difficile où il se trouve placé, et non par quelques bons qu’on lui délivrera quand il sera malade, secours tardifs qui ne font que prolonger la misère sans l’écarter.

Vous avez dit, Monsieur le Rédacteur, que chacun avait le droit de proposer un mode d’association selon sa conscience ; je vais vous soumettre un projet longtemps [3.2]médité par moi et quelques amis qui ont déjà versé la première mise de fonds. Le voici :

1° Une société sera formée sous le nom de Cercle industriel ; la réception sera de 5 fr. et la cotisation mensuelle de 1 fr. par mois ; ces sommes seront converties en une caisse de prêt, où tout sociétaire pourra emprunter jusqu’à concurrence de 100 fr. Le réglement déterminera les clauses de l’emprunt ; pour être reçu, il faudra être présenté par deux sociétaires et être reconnu de bonnes vie et mœurs ; la somme prêtée portera intérêt, lequel intérêt sera joint aux fonds de la caisse et en augmentera le capital. Ainsi, non-seulement le sociétaire trouvera un sûr moyen de se procurer des fonds pour l’aider, soit dans une entreprise, soit dans un temps mauvais, mais encore ce sera pour lui une caisse d’épargne, où il verra, chaque année, augmenter son capital particulier.

Ne voulant pas, Monsieur le Rédacteur, abuser par trop de détails de votre bonté, nous ferons connaître sous peu, par un réglement, toutes les clauses de la société du Cercle industriel.

Agréez, etc.

F. C.

AU MÊME.1

Monsieur,

Votre tâche est grande et belle ! continuez d’être à sa hauteur, sans vous laisser décourager ni intimider par les croassemens du Courrier de Lyon. Qu’importe les dénonciations de ce plat valet du juste-milieu ! Vous soutenez la cause du peuple ; le peuple est derrière vous, ne croyez pas à son ingratitude, il ne s’éloigne que de ceux qui le délaissent après s’être servis de lui comme d’un marche-pied pour monter aux honneurs. Si Démosthènes, Philipise, Athènes, l’abandonnent, qu’y a-t-il d’étonnant ?

Défenseurs de la classe prolétaire, c’est-à-dire de l’immense majorité des hommes, ce titre est assez beau pour que vous n’en briguiez pas d’autres.

Les questions sociales sont graves ! qui le nie ? est-ce une raison pour les laisser irrésolues, non ; la lumière se doit point rester sous le boisseau.

Le genre humain est parqué en deux castes que le Journal des Debats, dans son article saturé de la haine la plus vivace, a montrées prêtes à se ruer l’une contre l’autre : les riches et les pauvres. Evitez par votre parole puissante et amie ce conflit dont les promoteurs pourraient bien être, hélas ! des premières victimes. Que la classe propriétaire moins superbe, appelle à elle celle prolétaire ; la transition sera plus facile.

Que l’instruction se hàte de pénétrer le corps social, et de l’imprégner de lumières. Que le prolétaire adoucisse ses maux, et ouvre son ame aux clartés de la science. L’homme intelligent est moins brutal, mais aussi qu’on n’oublie pas qu’à côté et au dessus des besoins moraux, s’agitent les besoins physiques. Que le prolétaire soit vêtu et nourri.

Arrière l’aumône qui dégrade, la charité trop sublime pour être autre chose qu’un vain mot ; arrière la philantropie, charité douteuse, vêtue d’ostentation ! mais du travail et un gain proportionné au labeur. La société doit-elle moins à l’artisan dans son échoppe qu’au négociant dans son comptoir ? A l’un du luxe, j’y consens, mais à l’autre le nécessaire, et pourquoi pas de l’aisance ! en résumé que le premier écu ne soit pas incomparablement plus difficile à gagner que le dernier millioni.

[4.1]Continuez donc à parler au pauvre de son indigence, à l’ouvrier de son salaire. Ce n’est pas là les appeler à la révolte ni proclamer la loi agraire, c’est préparer la voie de justice dans laquelle le genre humain s’apprête à marcher. S’il est juste et permis de rappeler ses droits à l’homme politique, comment ne serait-il pas juste et permis de rappeler ses besoins à l’homme social. Les besoins sont-ils moins sacrés que les droits ?

Je suis, etc.

Marius Ch....


i J. J. Rousseau a dit que le premier écu était plus difficile à gagner que le dernier million.

AU MÊME.

Monsieur,

Dans votre dernier N° vous avez parlé de l’insouciance de quelques chefs d’ateliers relativement à l’élection du nouveau conseil des prud’hommes ; sans vouloir vous blâmer sur ce que vous avez avancé, je crois que ce n’est pas seulement les chefs d’ateliers que vous auriez dû accuser d’insouciance, mais aussi ceux qui sont chargés de la rectification des listes.

Les électeurs devraient être inscrits d’office et chacun se reposait sur cette mesure ; car personne n’ignore que tous les noms et domiciles des chefs d’ateliers possédant quatre métiers sont au secrétariat de la mairie, et qu’on sait bien les trouver quand il s’agit du logement militaire ou de toute autre charge ; eh bien ! on les a omis par centaine. Les chefs d’ateliers ont eu recours à des tiers pour faire opérer des rectifications ; on a fait encore un nombre infini d’omissions, et moi je pourrais au besoin nommer au moins vingt chefs d’ateliers possédant quatre métiers depuis dix ans, qui ne figurent point sur les listes électorales. Je puis vous citer encore un fait assez frappant : ceux qu’on a chargés de faire les visites domiciliaires pour constater la possession de quatre métiers, sont venus chez moi et ont laissé mon voisin qui en possède cinq et qui reste au même étage.

Voilà, Monsieur, de la manière que se sont faites les listes ; ainsi, n’accusez pas tant d’insouciance les chefs d’ateliers, et un peu plus ceux que l’autorité a chargés de l’inscription des électeurs.

Il me semble que l’ordonnance privant les 9/10mes des chefs d’ateliers du droit d’élire leurs juges, on aurait dû chercher à réunir le plus grand nombre possible d’électeurs à quatre métiers, afin de prouver aux premiers qu’il y aurait eu impossibilité de conférer ce droit à tous les chefs d’ateliers en général. Mais on exclut par l’ordonnance ceux qui ne possèdent que 2 et 3 métiers, et on n’inscrit que les deux tiers de ceux qui en possèdent quatre. Je crois, Monsieur, que ceci est plus que de l’insouciance.

Si vous croyez mes réflexions de quelque utilité, vous pouvez les insérer dans votre prochain N°.

Agréez, etc.

A. P. L.

AU MÊME

Monsieur,

Plusieurs chefs d’ateliers désireraient, dans l’intérêt général de la fabrique, que votre journal renfermât de temps à autre une indication sommaire des prix courans qui se payent dans les divers magasins ; je pense que cette mesure ne pourrait qu’être avantageuse, et j’espère que vous voudrez bien adopter cette idée, en ayant soin toutefois de n’insérer que les prix dont vous auriez la certitude matérielle.

Recevez, etc.

Une société de chefs d’ateliers.

Note du Rédacteur. - Nous nous proposions de donner [4.2]dans notre feuille les prix courans des étoffes de soie, et notre correspondant vient de nous décider ; ainsi, à compter de notre prochain N°, avant la colonne d’annonces, nous insérerons les prix courans des étoffes par catégorie d’articles, prix qui seront ceux des meilleures maisons de commerce.

On compte en ce moment, à Lyon, près de 5 mille métiers sans ouvrage, et l’on en compte en même temps 8 à 900 qui sont montés et pour lesquels il manque d’ouvriers compagnons pour les faire mouvoir.

Une légère augmentation du prix des façons a été faite dans divers articles

Nous avons reçu de M. Cocq, fabricant, une lettre en réponse à celle de M. Pelosse, que nous insérerons dans notre prochain N°, l’abondance des matières nous forçant à la renvoyer.

L’affaire de MM. les fabricans contre l’ex-préfet Du Molart, a été renvoyée d’accord au 20 mars. Il sera plaidé sur l’incompétence fondée sur ce que l’écrit incriminé a été publié à Paris, et que c’est sans sa participation qu’il a été réimprimé à Lyon.

ACADÉMIE DE LYON.

enseignement mutuel.
cours normal.

La société pour l’instruction élémentaire de Lyon et du département du Rhône

Donne avis

Que le 12 mars prochain il sera ouvert, dans une des salles du palais Saint-Pierre, un cours normal gratuit d’enseignement mutuel.

Les candidats des deux sexes qui désireront se faire inscrire et prendre connaissance des conditions nécessaires pour l’admission, pourront se présenter tous les jours, de midi à deux heures, chez M. Chevrolat, président de la commission exécutive, rue des Capucins, n° 16.

Lyon, le 20 février 1832.

Le président de la société, Terme.1

Vu, le Recteur de l’Académie, Dutreit.

NOUVELLES DIVERSES.

- On écrit de Rouen que, par suite des arrivages nombreux qui ont eu lieu ces jours derniers, il y a eu beaucoup d’activité, non-seulement dans le port, mais pour tout le commerce en général, et que par suite des expéditions qui se sont faites, tous les ouvriers sont occupés, mais que leurs salaires sont encore éloignés d’être suffisans.

- Depuis quelques jours, les fabricans de la ville de Bar ont vendu une assez grande quantité de toiles.
(Journal de la Meuse.)1

- Le traité de commerce entre la France et les Etats-Unis a été ratifié à Washington, par le sénat, le 27 janv.
(Précurseur.)

[5.1]- Le jeune comte Léon2, fils naturel de Napoléon et de Mlle de Plaigne, depuis comtesse de Luxbourg, a blessé fort dangereusement M. Hesse, capitaine anglais et l’un des aides-de-camp de Wellington.

L’affaire avait été provoquée par une querelle de jeu qui a eu lieu, à ce qu’on assure, au cercle des étrangers, rue Richelieu. Il y avait eu de part et d’autre des insultes si graves, que le combat devait être poussé jusqu’à mort. Depuis huit mois environ les témoins des deux parties s’occupaient des stipulations du duel, du choix des armes, etc. M. Renneval, ancien secrétaire intime de l’empereur, et tuteur du jeune homme ; MM. les généraux Gourgaud et Pajol3, M. le colonel Fournier, M. le chirurgien Larrey4, ont tous connu l’affaire avant qu’elle fût consommée.

Le jeune comte Léon a montré beaucoup de sang-froid et de fermeté de caractère. Il s’est porté sur le terrain avec la pensée de ne pas faire mentir son origine secrète. Du reste, toutes les personnes qui l’ont pu voir restent frappées de la ressemblance qu’il y a entre lui et Bonaparte, général de l’armée d’Italie, quand ses traits étaient encore amaigris et ses pommettes saillantes.

Nous apprenons à l’instant que le sieur Hesse est mort à Paris par suite de ses blessures.
(Précurseur.)

Une feuille de Xalapa dit qu’il existe actuellement au Mexique une femme âgée de 147 ans, qui a conservé toutes ses facultés excepté celle de l’ouïe, et qui est encore très-active et très-laborieuse. Quand on lui demande si elle a envie de mourir, elle répond : Oui, parce qu’il est temps que je me repose.

- Un double suicide a eu lieu la nuit dernière : M. Escousse5, déjà connu dans la littérature par son drame de Farruch-le-Maure, s’est asphyxié avec M. Lebras, jeune homme à peine âgé de 16 ans ; M. Escousse lui-même n’avait pas 20 ans.

Une vive amitié unissait ces deux jeunes gens ; tous deux mélancoliques, ils gémissaient souvent sur les misères de ce monde, et parlaient de la nécessité de le quitter ; enfin hier au soir Escousse écrivit à son ami : « Je t’attends à onze heures et demie, le rideau sera levé ; arrive, afin que nous précipitions le dénouement. »

En effet le jeune Lebras arriva à l’heure indiquée : du charbon était allumé et les deux amis expirèrent ensemble. On a trouvé sur une table, dans la chambre où gisaient embrassés les deux cadavres, la note suivante, écrite de la main d’Escousse : « Je désire que les journaux qui annonceront ma mort ajoutent cette déclaration à leur article : Escousse s’est tué parce qu’il ne sentait pas sa place ici, parce que la force lui manquait à chaque pas qu’il faisait en avant ou en arrière, parce que l’amour de la gloire ne dominait pas assez son ame, si ame il y a. 

Je désire que l’épigraphe de mon livre soit :

Adieu, trop inféconde terre,
Fléaux humains, soleil glacé ;
Comme un fantôme solitaire,
Inaperçu j’aurai passé ;
Adieu, vous, palmes immortelles,
Vrai songe d’une ame de feu,
L’air manquait, j’ai fermé les ailes,
Adieu ! »

Moscou. La fabrication des tissus cotons et des tissus soie, forme la principale branche de l’industrie de cette ville, ainsi que du gouvernement de Kalouga. L’accroissement de cette industrie est digne de remarque. [5.2]On ne comptait, en 1822, dans ce district manufacturier, que 40,000 métiers ; en 1829, le dénombrement a porté au double le nombre de ces métiers, divisés en trois catégories, savoir : 60,000 métiers à tisser le coton, 16,000 pour la soie et 4,000 pour la laine. On a calculé qu’elles peuvent produire ensemble 1,080,000 pièces. On y compte aussi 27 manufactures de toiles peintes, et un grand nombre de filatures de coton.

- Dans un relevé statistique présenté à l’Académie agricole-manufacturière et commerciale, par M. César Moreau1, président du conseil d’administration de l’Académie, on trouve que la ville de Londres, dont la longueur est de 6 lieues de France, et de la largeur de quatre lieues et demie, renferme 1,100 établissemens destinés à l’éducation, 98 établissemens de bienfaisance, 73 maisons de santé, 12 maisons de police, 49 maisons de détention pour dettes, 13 prisons, 31 tribunaux, 93 établissemens religieux ou scientifiques, 580 pharmacies, 300 médecins, 1,180 chirurgiens, 15 bains publics, 530 commissaires-priseurs, 1,150 avocats, 3,480 agens d’affaires, 131 notaires, 763 libraires, 352 relieurs, 450 imprimeurs, 360 cabinets de lecture, 140 ouvrages périodiques, 410 établissemens de gravures, 4,550 copistes, 2,000 femmes entretenues, 25,000 femmes publiques, 150 maisons de jeu, 4,300 tavernes, 1,800 bouchers, 2,100 boulangeries.
(Constitutionnel.)

- Les derniers recensemens de la population de l’Angleterre, du pays de Galles et de l’Ecosse, donnent pour résultat : Angleterre, 13,089,338 ; pays de Galles, 805,236 ; Ecosse, 2,365,857 ; armée, marine, etc, 277,017. Total : 16,537,398 ames.
(Moniteur du Commerce.)

- Un chirurgien qui a observé le choléra dans l’Inde, écrit au Courrier, que la maladie qui vient de se déclarer dans Londres est loin d’être de la même nature et d’avoir des effets aussi violens et aussi meurtriers.
(National.)

CONSEIL DES PRUD’HOMMES

Séance du 1er mars.

(présidée par m. guérin.)

A six heures et demie la séance est ouverte ; un grand nombre de causes ont été débattues ; celles qui ont offert le plus d’intérêt sont les suivantes :

Le sieur Bocquin, apprêteur, réclame au sieur Chanton le montant de sa facture, sur laquelle ce dernier veut lui faire un rabais. Le sieur Chanton dit que cet apprêteur lui a rendu plusieurs tabliers qui ont été déchirés chez lui, et qu’il se croit en droit de retenir le montant de la valeur de ces tabliers. L’apprêteur dit que dans le nombre des mouchoirs ou tabliers qu’il a apprêtés, ainsi qu’un de ses confrères, avec qui il s’était arrangé pour lui aider, le sieur Chanton étant très-pressé, il s’est rencontré plusieurs parties de l’étoffes qu’il était obligé de tenir tirant pour apprêter, qui, brûlées par l’impression, s’étaient déchirées, et qu’il ne pouvait être responsable de pareils accidens ; qu’au fait, lorsqu’il a rendu les tabliers, il ne lui a été fait aucune observation a cet égard, ce qui est une preuve que l’on n’avait pas alors l’intention de lui faire supporter cette perte, et que l’on ne lui a parlé de lui faire payer les tabliers que lorsqu’il a été pour recevoir le montant de sa facture. Le sieur Chanton présente au conseil des tabliers qui paraissent [6.1]effectivement s’être déchirés par la tension de l’apprêt.

Le conseil, considérant que l’apprêteur n’est qu’un ouvrier à façon, déclare qu’il ne peut, dans aucun cas, perdre la valeur des tabliers, mais bien celle de sa façon sur tous les tabliers qui sont déchirés. Les parties demeurent ainsi conciliées.

La dame Olagnon, dont la cause avait été renvoyée pardevant arbitres, réclame au sieur Chazon le montant de son compte, réglé par les arbitres, qui ont pris des informations vers un autre négociant qui fait fabriquer cet article, d’où il résulte que les 480 schals en contestation pour le prix, doivent être portés à 20 c., ainsi que le réclamait la blanchisseuse, qui présente de nouveau son livre, qui a été ainsi réglé par les experts. Le sieur Chazon établit pour moyen de défense, les mêmes raisons qu’il a déjà avancées, disant que les mouchoirs coton ne se blanchissait pas, et qu’il ne paye pour les apprêter que deux cent. 1/2 par schals, que même il en avait fait apprêter à un prix inférieur. La dame Olagnon répète ce qu’elle a déjà plusieurs fois avancé, qu’elle n’est que blanchisseuse de schals, et qu’après les avoir blanchis elle avait payé 5 cent. pour les faire apprêter. Le sieur Chazon montre des schals coton, qui ne sont pas les siens, pour prouver que l’on ne blanchit pas les schals où il entre du coton. La dame Olagnon dit que les mouchoirs présentés ont été blanchis, et que l’on blanchit indistinctement les mouchoirs coton et laine. Le sieur Chazon demande que la dame Olagnon lève la main pour affirmer qu’elle a blanchi lesdits schals, et n’a point reçu la somme de 25 fr. qu’il dit lui avoir donnée sans l’avoir marquée sur son livre. La dame Olagnon lève la main avec assurance, disant qu’elle les lèverait bien toutes les deux.

Le conseil, attendu que le sieur Chazon ne s’est point présenté pardevant M. Estienne, à qui la cause avait été renvoyée, et que les arbitres ont appelé un tiers avec eux afin de juger avec connaissance de cause, a déclaré que les 480 schals en contestation doivent être payés 20 cent. pièce, ayant été blanchis et dégraissés ; condamne le sieur Chazon à payer ce prix à la dame Olagnon, et aux frais.

Le sieur Parpillon expose au conseil que la dame Notin qu’il fait appeler, a été condamnée par le conseil, il y a 15 mois, à lui payer de suite la somme que son fils lui devait, s’étant arriéré sur ses tâches, qu’il avait accordé au sieur Notin une quinzaine de jours pour le payer, et qu’il y a plus de quinze mois qu’il attend. La dame Notin dit qu’il y a un an que son fils s’est enfui de chez son maître, et qu’elle ignore totalement ce qu’il est devenu, n’en ayant jamais eu de nouvelles, malgré toutes les recherches qu’elle a faites pour le découvrir. Le maître de son côté réclame encore l’exécution de ses engagements, ne voulant point les résilier sans une indemnité. La dame Notin se refuse à tout payement, disant qu’elle a des enfans, et son mari malade, et qu’il lui est impossible de payer.

Le conseil renvoie la cause à deux mois afin que la mère puisse trouver son fils.

La dame Valette expose au conseil qu’elle a monté deux métiers de schals au sieur Ajac1, qui fait défaut, lesquels lui ont coûté plus de 500 fr. ; que, lorsque ses métiers ont été montés, le sieur Ajac a écrit sur son livre qu’il ne s’engageait pas à lui donner plus d’une pièce sur sa disposition, elle fait aussi observer qu’une augmentation de 5 c. par mille, lui a été faite, parce que le premier prix était au-dessous du cours.

Le conseil, attendu que le sieur Ajac fait défaut, [6.2]a renvoyé l’affaire à une audience prochaine et engagé le chef d’atelier à travailler.

Le sieur Guibaud réclame au sieur Vuldy2, un défrayement, ayant monté exprès pour lui un métier de grenadine en 5/4, sur la promesse que ce dernier lui avait faite de lui continuer son métier pendant long-temps, que c’est sur cette promesse qu’il a acheté beaucoup de harnais pour ne fabriquer qu’une pièce de quatre-vingts aunes. Le sieur Vuldy répond à cette demande : qu’il n’est pas d’usage d’accorder des défrayemens pour des métiers à lisses.

L’affaire a été renvoyée pardevant M. Second.

Une dévideuse expose au conseil que n’ayant pas d’ouvrage, elle a été forcée de travailler pour son oncle qui n’a consenti à lui donner du travail, qu’à condition qu’elle accepterait en payement, au prix de 20 fr., une robe que sa femme avait portée, et qu’elle déviderait la soie au prix de 1 fr. 50 c. la livre. Plus tard, son oncle voulait encore lui faire prendre un mouchoir en paiement ou ne lui payer la soie qu’à raison de 1 fr. 25 cent. ; elle montre un roquet de la soie qu’elle a dévidée, demandant au conseil de fixer le prix du dévidage. L’oncle a répondu pour sa défense qu’il avait fait ainsi ses conventions avec sa nièce, et que chacun était bien libre de les faire comme il l’entendait. Le conseil a déclaré qu’il n’était pas d’usage de payer avec des nippes, les ouvriers que l’on occupait, que l’oncle devait reprendre la robe, et payer la soie, en argent, au prix de 1 fr. 50 c.

Un ouvrier qui devait une somme à un chef d’atelier, laquelle somme avait écrite sur son livret, s’est endetté de nouveau chez son second maître. Le conseil a déclaré que le plus ancien créancier devait être payé le premier par le maître qui l’occupe.

A comparu ensuite le sieur Peillon, moulinier, dont l’affaire avec le sieur Collet-Capitan avait été renvoyée pardevant arbitres ; lesquels se sont transportés sur les lieux, afin de constater les dépenses que le sieur Peillon a faites pour monter un moulinage appartenant au sieur Collet-Capitan, qui, par leurs conventions, s’était engagé à fournir continuellement de l’ouvrage au sieur Peillon. Le sieur Collet, n’ayant pu fournir des matières au sieur Peillon, a été condamné par le conseil, sur le dire des arbitres, à payer un défrayement de 600 fr. au sieur Peillon, et ce dernier à rendre les moulins.

Nous regrettons que l’espace nous manque pour donner les détails de cette affaire, qui a excité l’attention de l’auditoire.

AVIS.

On vient d’arrêter à Villefranche un sourd et muet inconnu, paraissant atteint d’idiotisme.

Signalement. Agé d’environ 24 ans, taille 1 mètre 702 millimètres, cheveux et sourcils bruns, front couvert, yeux bruns, nez gros et épaté, bouche grande, menton court, visage ovale, teint blême, peu de barbe. Il est vêtu d’une veste et d’un pantalon bruns, d’une blouse en toile bleue fermant sur la poitrine, avec des boutons en cuivre ; il porte une chemise blanche et une cravate rouge, est coiffé d’un vieux chapeau de feutre noir, et chaussé en gros sabots.

Les personnes qui pourraient donner des renseignemens sur cet individu, sont priées de les adresser à la préfecture du Rhône, division de la police.

LITTÉRATURE.1

[7.1]M. Berthaud vient de publier sa 5me satire d’Asmodée ; sous l’emblème de deux enfans, dont l’un serait légitime et l’autre bâtard, il a peint la classe propriétaire et celle prolétaire. Les riches et les pauvres.

O ! voyez-les passer ! tous deux à la même heure
Surgirent du néant dans la même demeure ;
Tous deux, liés encore à l’invisible main
Qui les remit ensemble aux lois du genre humain,
Apparurent un jour, et leurs lèvres jumelles
Au nom des mêmes droits pressèrent deux mamelles.
Rien sur leurs membres nus n’indiquait au regard
Que l’un fût légitime et l’autre né bâtard.
Tous deux, en ce moment où nul homme ne pense
A disputer un don que le hasard dispense,
Avaient droit d’espérer une part du butin
Qu’au sol universel a légué le destin.
Et si, lancés tous deux sur une aride plage.

Une louve eût nourri ces enfans au berceau.


L’un n’eût pas dit à l’autre en le marquant au front :
Travaille, prolétaire, et ronge ton affront !


Mais, partageant entr’eux et travaux et plaisirs,
L’abondance commune eût comblé leurs désirs.


Le peuple humilié pourrait voir à la fin
Que le bâtard c’est lui qui souffre et meurt de faim.

Cette satire, je ne crains pas de le dire, est supérieure, par la profondeur des pensées et le style, à ses quatre aînées. Vires acquirit eundo.

Marius Ch........

COUPS DE NAVETTE.

L’espoir d’une augmentation sur nos façons nous avait fait supprimer nos coups de navette le dimanche, mais ne pouvant pas vivre avec ceux que nous passons pendant six jours, nous en passerons quelques-uns le septième.

Le bruit courait, ces jours derniers, qu’une femme était tombée dans l’eau ; plusieurs ouvriers sont allés voir à Pierre-Bénite si c’était la mère Curiale.

Si les fabricans mettaient l’argent des cages d’ouvriers en augmentation de façons, ces derniers pourraient acheter une armoire ; le menuisier y trouverait compensation.

Le tarif est contre la charte, nous ne savons pas contre qui est la mercuriale.

On verra ce soir au bal le père Tarif en domino noir, et la mère Curiale en domino bleu.

Le Commerce a sa mosaïque, la Glaneuse ses glanes, l’Echo ses coups de navette, le Courrier de Lyon ses coups de seringue.

ANNONCES DIVERSES.

[7.2]cabinet d’affaires contentieuses et de commerce,

Rue du Bœuf, n° 5, au 2me.

M. Marius chastaing se charge, 1° de la rentrée amiable ou judiciaire des sommes dues, à quel titre que ce soit, à Paris, dans les départemens et à l’étranger ; 2° du réglement des faillites ou suspensions de payemens, convocation de créanciers, etc. ; 3° de la défense devant les tribunaux de commerce, justices de paix, prud’hommes et police municipale ; 4° de tous arbitrages et liquidations ; 5° de la passation de tous actes sous-seing privé ; 6° de la régie et location des maisons en ville ; 7° de la correspondance générale au sujet de toutes affaires litigieuses ; 8° du placement de fonds par hypothèque, en viager ou autrement, et même par billets ; 9° des achats de créances, de l’avance des frais devant les tribunaux ; 10° et enfin de la vente des propriétés mobilières et immobilières.

Nota. Si la stabilité peut inspirer de la confiance, on observera que ce cabinet existe depuis près de dix ans sans interruption.

roussy, breveté,

Rue des Marronniers, n° 5, au 2me sur le derrière,

Prévient le public que par suite des nombreuses recherches qu’il a faites, il est heureusement parvenu à inventer et perfectionner un nouveau Régulateur, déjà avantageusement connu sous le nom de Régulateur-contomètre, ainsi nommé par la commission d’industrie et de mécanique, pour sa simplicité et sa grande justesse. Les avantages que ce nouveau procédé est destiné à rendre à la fabrique de Lyon, sont incalculables ; car avec le Régulateur-contomètre, qui n’a pas de compensateur, l’ouvrier peut, 1° sans changer la roue ou le pignon, tisser tous les genres d’étoffes, dans toutes les réductions, depuis 20 jusqu’à 750 coups au pouce inclusivement ; 2° fabriquer, sans couper, le plus grand aunage possible sans être gêné au travail, l’étoffe ne faisant que passer sur le rouleau, et pouvant se rouler ou se mettre en caisse à volonté ; 3° être toujours sûr de son aunage, par l’agrément et la combinaison ingénieuse d’une roue qui, par son mouvement, marque l’aunage et sonne toutes les aunes. Le sieur Roussy, à qui une médaille d’argent a été décernée par la société d’encouragement, qui a reçu les suffrages les plus flatteurs de ladite société et des négocians qui ont eu connaissance de son mécanisme, prévient qu’il fait confectionner ses régulateurs par un mécanicien avantageusement connu, et qu’il est en mesure de fournir aux personnes qui l’honoreront de leur confiance à un prix très-modéré.

lampe météore.

Le sieur galland fils, ferblantier, rue des Farges, n° 112, prévient le public qu’il est l’inventeur de la Lampe météore, qu’il vient de déposer au conseil des prud’hommes qui, par ce dépôt, l’a autorisé à en conserver la propriété pendant cinq ans. Cette lampe, qui se fabrique de diverses formes, en fer-blanc, étain et cuivre, offre de grands avantages ; d’abord elle ne donne aucune ombre, sa clarté est du double de celles qui ont été en usage jusqu’à ce jour ; mais, ce qui la rend indispensable aux chefs d’ateliers, c’est qu’elle ne consomme qu’une once et demie ou 45 grammes d’huile en sept heures.

Ses dépôts sont :

Chez MM, Bel, négociant, rue des Capucins, n° 7 ;
Paquet, épicier, rue Vielle-Monnaie , n° 27 ;
Schuslre, plieur, rue Donnée, n° 4, au 4me ;
Mougeol, menuisier, rue Belle-Lièvre, près la place de la Trinité ;
Galland aîné, ferblantier, place du Plâtre, n° 4 ;
Peyzaret, rue d’Orléans, n° 7, aux Broteaux.

en vente   

Au Bureau de l’Echo de la Fabrique,

réplique de m. bouvier du molart aux récriminations insérées dans les journaux ministériels du 6 janvier.

[8.1]rapport fait à m. le président du conseil et au ministre du commerce, par deux chefs d’ateliers

Ce rapport, de 8 pages format in-4° imprimé sur beau papier et caractères cicéro neuf, sera déposé dans tous les lieux désignés pour l’abonnement au journal, ou chacun pourra se le procurer pour le prix de 50 cent. destinés au soulagement de blessés, des veuves et orphelins des trois journées de novembre.

l. david,
mécanicien breveté

Place de la Croix-Paquet, au bas de la côte Saint-Sébastien

Prévient le public qu’il est l’inventeur des mécaniques simplifiées à dévider et à faire les canettes, qui se font très-bien par son procédé, même à autant de bouts qu’on désire. Les canettes à un seul bout y sont prises à la flotte, et évitent le dévidage ; mais rien n’est comparable à l’avantage que procurent ses mécaniques à ceux qui emploient du coton, de la fantaisie et de la laine, où avec ses mécaniques ou ses rouets une personne peut, en six heures, faire autant d’ouvrage que deux canetières. L’inventeur, à qui une médaille a été décernée avec mention honorable par la société d’encouragement, confectionne ses mécaniques à la volonté de l’acheteur, dans toutes les dimensions, et également de tous les nombres de guindres, soit de formes longues, rondes et à fer-à-cheval, ou à volonté ; on peut exécuter deux ou trois de ces opérations à la fois. Le sieur David, pour se mettre à la portée des circonstances, a diminué ses prix, qui étaient déjà très-modérés.

(Voir notre N° du 19 février.)

AVIS.

On demande plusieurs jeunes gens capables de se présenter convenablement à domicile pour prendre des souscriptions à un ouvrage d’un grand mérite et d’un intérêt presque général ; ils seront employés dans divers départemens, et devront fournir un cautionnement de 100 fr. en espèce.
S’adresser au Directeur de la Bourse militaire, galerie de l’Argue, escalier L.

- Un Jeune Homme, connaissant parfaitement la fabrique d’étoffes de soie unies et façonnées, ainsi que celle des étoffes coton, laine et Thibet, desire se placer pour commis dans un magasin, ou pour contre-maître dans un atelier. Il donnera tous les renseignements désirables.
S’adresser au Bureau du Journal.

- On demande une devideuse, à gage ou à ses pièces, dans un bon atelier.
S’adresser à M. Sibuet, grande rue de la Croix-Rousse, n° 95.

On desire placer 5 à 6,000 fr. par hypothèque.
S’adresser au Bureau du Journal.

On demande un ouvrier pour des schals 6/4, chez M. M. Perret, rue des Tables-Claudiennes, n° 17.

On demande des ouvriers et ouvrières pour occuper des metiers de courans, de crêpes zéphyrs façonnés et unis, mouchoirs, etc.

[8.2]On demande des apprentis et apprenties pour la fabrication des velours et autres etoffes.

- On demande un ouvrier pour un métier de schals au quart, paye 60 c. le mille.

- On désire acheter 8 navettes de rubans.
S’adresser au Bureau du journal.

Un Jeune Homme de 31 ans, sachant lire et écrire, desire trouver une place de garçon de peine. Il donnera tous les renseignemens désirables. S’adresser au Bureau du journal.

A vendre, un Pliage. S’adresser au Bureau du Journal.

A vendre, une bonne mécanique ronde de M. Chatillon. Plusieurs métiers neufs de velours unis, ensemble ou séparément.
S’adresser rue Casati, n° 1, au premier.

A vendre, un Régulateur de force moyenne, avec deux roues de rechange, chez M. Chaboud, rue du Chapeau-Rouge, n° 4, au rez-de-chaussée.

A vendre, un atelier de six métiers en velours façonné et uni, avec beaucoup d’ustensiles et accessoires.
S’adresser chez M. Drivon cadet, côte des Carmélites, à la barrièree de fer.

A vendre, un atelier de quatre métiers travaillant, soit en velours unis et façonnés, gros de Naples, et armures avec ustensiles et accessoires. On traitera aussi de la vente du mobilier ; le tout à juste prix.
S’adresser au Bureau du Journal.

A vendre, 3 peignes en 45 portées 11/24.
S’adresser au Bureau du Journal.

A louer, Appartement ayant place pour quatre métiers, avec la jouissance d’un clos, à Saint-Genis, sur le chemin de Vourle, hameau de Néve, maison Poncet, anciennement Chrétien.
Le propriétaire ferait toutes les avances désirables.

A louer, pour la St- Jean, de très-beaux Appartemens de diverses grandeurs, propres pour ateliers, très-clairs et disposés à neuf, dans une situation des plus agréables, très-rapprochés de la ville, au centre de la Guillotière, rue de Chabrat, n° 8. S’y adresser.

AVIS ESSENTIEL.

Un bureau d’indication, spécialement consacré aux intérêts de la fabrique, est réuni à celui du journal.

MM. les abonnés ne paieront que 10 cent. par ligne pour leurs insertions ; on traitera de gré à gré avec les autres personnes.

Les articles comportant plus de 15 lignes subiront une diminution sur la totalité.

Dans ce bureau on recevra :

1° Les demandes faites, par les maîtres, d’apprentis des deux sexes, ou par les apprentis des deux sexes pour trouver des places convenables ;

2° Les mêmes demandes à l’égard des ouvriers ou ouvrières ;

3° Celles de MM. les négocians qui auraient besoin de bons maîtres pour tous les genres d’étoffes.

Notes (LYON.)
1 L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 On voit ici à l’œuvre, par la mise en italique ou, parfois, en petites majuscules, l’entreprise de désignation et de réappropriation par les journalistes de L’Echo de la Fabrique des mots et termes qui servaient alors à (dis-)qualifier les canuts (Sur ce point voir J. Rancière, introdution à A. Faure et J. Rancière (eds.), La parole ouvrière, ouv. cit.). Ce travail connaîtra une nouvelle extension lorsqu’à l’automne 1832 le journal ouvrira un grand concours ouvert à ses lecteurs pour trouver un nouveau terme générique - alternatif au trop connoté « canut » -  permettant de désigner et rassembler ainsi tous les ouvriers en soie de la « fabrique » (numéro 53, 28 octobre 1832).

Notes (DU RENVOI PAR LE CONSEIL DES PRUD’HOMMES DEVANT DES ARBITRES.)
1 L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (ABUS.)
1 L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (AU MÊME.)
1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (ACADÉMIE DE LYON.)
1 Jean-François Terme (1791-1847), médecin de formation, il sera plus tard maire de Lyon entre 1840 et 1847 et député du Rhône, centre-droit, de 1842 à 1847. Voir A. Robert et G. Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, ouv. cit, tome 5, p. 371.

Notes (NOUVELLES DIVERSES.)
1 Journal de la Meuse, feuille politique, littéraire, commerciale et agricole, hebdomadaire publié à Bar-le-Duc à partir de 1829.
2 Charles, Comte Léon (1806-1881), fils, illégitime, de Napoléon I et de Eléonore Denuelle de la Plagne.
3 Gaspard Gourgaud (1783-1852) et Pierre-Claude Pajol, tous deux grands généraux de Napoléon.
4 Dominique-Jean Larrey (1766-1842), ancien chirurgien-chef de l’armée de Napoléon I.
5 Victor Laserre dit Escousse. Il s’agit du drame en trois actes Farruck le Maure, 1831.

Notes (-  Moscou . La fabrication des tissus cotons et...)
1 César Moreau (1791-1860), à l’origine de la Société française de statistique universelle, il publia à partir de début 1831 le Journal de l’industrie, agricole, manufacturière et commerciale. Il est l’auteur de nombreux annuaires et aperçus statistiques sur les principales grandeurs économiques et démographiques de la France, mais aussi de l’Angleterre et de la Russie. Il avait publié, à Londres, en 1826 un opuscule sur Rise and Progress of the Silk Industry in England, From the Earliest Period to the Present Time.

Notes (CONSEIL DES PRUD’HOMMES)
1 Il s’agit de Jean François Ajac, marchand-fabricant domicilié 6 rue des Capucins.
2 Pierre Vuldy, marchand-fabricant de soieries, 11 rue des Capucins.

Notes (LITTÉRATURE.)
1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

 

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