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11 mars 1832 - Numéro 20 |
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[1.1]Une souscription est ouverte au bureau de l’Echo de la Fabrique en faveur des blessés, des veuves et des orphelins des trois journées de novembre. Nous en appelons à toutes les ames généreuses, à ces cœurs philantropes qui ont secouru l’infortune jusque sur des rives étrangères, et dont l’humanité ne manquera pas de venir au secours de leurs concitoyens malheureux.
Un journal de notre ville, dont les sympathies ne sont pas très-vives pour la classe prolétaire, le Courrier de Lyon, enfin, disait, il y quelques jours, que les magasins ne pouvaient exister sans ces cloisons appelées à juste titre cages ; il faut, disait-il, que les commis puissent travailler sans être gênés par la foule. Tel était à peu près le sens de ses paroles. Jusques-là c’est bien ; que les commis soient séparés des ouvriers, rien de mieux, mais que ces derniers ne soient point enfermés comme des oiseaux de proie, comme des bêtes fauves dans une cage étroite sans être aérée et quelquefois d’une malpropreté dégoûtante… Que les chefs d’ateliers, hommes libres comme le commerçant, ne soient point entassés comme sur un vaisseau négrier, lorsqu’ils viennent au magasin demander de l’ouvrage ou le montant de leur travail. Que les commis, qui, par une erreur quelquefois de jeunesse, se croient au-dessus des ouvriers, ne marchent point nonchalamment autour du magasin, en frédonnant un air de Zampa ou de la Muette2, tandis que des pères de famille, des vieillards, [1.2]pressés les uns contre les autres et suffoqués faute d’air, étouffent dans la bienheureuse cage. Que les chefs d’ateliers soient séparés des employés de la maison, que leur importe, mais qu’une cage de huit pieds carrés, où est un banc de six places soit reservé à quarante et quelquefois à cinquante personnes ! que ces personnes, soit par négligence, soit par la mauvaise volonté des gens de la maison, restent enfermées dans ce lieu insalubre quelquefois trois à quatre heures ! c’est ce que nous devons signaler, c’est contre cette violation de l’humanité que nous devons nous élever avec force. Il est un moyen de tout concilier, moyen que commandent la philantropie et nos mœurs : que les négocians aient un appartement à part séparé du magasin, mais vaste et aéré ; que les chefs d’ateliers soient appelés les uns après les autres dans le magasin, au moins les amours-propres n’auront point à rougir, le malheureux ne montrera pas sa misère à tout le monde, et les secrets du ménage, car la misère en est un, ne seront point divulgués. On a dit que tous les magasins en général avaient des cages ; nous pourrions au besoin citer vingt maisons de commerce où jamais ces cloisons n’ont existé, et les honorables citoyens qui, en les faisant disparaître, ont donné lieu à la feuille de la presse par excellence de mettre en usage ses petites injures, sont assurés de la reconnaissance de la classe industrielle qui certes vaut bien celle des écrivains du journal aux deux cent mille francs. Nous souhaitons que ces hommes de bien aient de [2.1]nombreux imitateurs ; car on doit au chef d’atelier autant d’égards qu’à un commissionnaire, il ne mérite pas plus que lui d’être enfermé dans une cage, et d’avoir le ridicule de n’être vu qu’à travers une grille. Les hommes sont égaux, a dit le pacte social : ainsi, respect aux malheureux, des égards pour tous, voilà ce que nous ne cesserons de réclamer et ce que la philantropie et les lumières du siècle ne manqueront pas d’accorder à la classe industrielle.
Faites donc des fruits convenables à la repentance. Matt. ch. iii. C’était au bout du faubourg de la Guillotière, à la même place où il y a dix-sept ans et un jour, je vis passer l’homme des siècles sous l’habit d’un soldat. Ce jour fut le plus beau de ma vie ; celui que je vais citer était digne aussi d’occuper une place dans ma mémoire ; mais hélas ! si le premier fut tout réalité, le second ne fut qu’un rêve… Bercé par un songe séduisant, je voyais une foule immense se diriger du côté de la plaine de Sainfonts. Au lieu de la monotonie des déguisemens, chacun paraissait tel que la nature l’avait traité bien ou mal, seulement un costume représentait l’esprit et les mœurs des voyageurs se rendant au Repentir ! ce mot de repentir n’était pas non plus vide de sens, ou le signal de nouvelles folies ; chacun paraissait pénétré de la nécessité du voyage et avançait vers la plaine sacrée, croyant y trouver le fleuve d’oubli. J’étais attentif, car cette scène me paraissait incompréhensible. Bientôt commença la marche des voyageurs avec autant d’ordre qu’en mettent les disciples de Dominique, lorsque, pour délasser les majestés castillannes, ils donnent en représentation un petit auto-da-fé. Le premier que je vis passer était un pauvre prolétaire, je le reconnus à sa ressemblance avec un mouton, il était si maigre et tellement tondu qu’il inspirait de la pitié ; il allait au Repentir, parce que n’ayant jamais osé réclamer le prix de son travail, deux générations de fabricans s’étaient enrichis à ses dépens, tandis que lui, pauvre et devenu vieux, il n’avait que les souvenirs de sa jeunesse et ceux cent fois plus pénibles de ses mille et une complaisances. Après le prolétaire venaient quelques signataires d’un certain tarif. Les habits qu’ils portaient étaient d’un si beau vert qu’ils ressemblaient à des perroquets ; chacun avait une paire de ciseaux à la main et rognait les bords d’un livre de compte ; devant eux marchait une vieille femme qui paraissait aveugle, elle portait une bannière sur laquelle on lisait : Mercuriale. Et les habillés de vert la suivaient la tête baissée en murmurant entre leurs dents : minimum ! minimum ! minimum ! A peine ceux-ci eurent-ils passé, qu’une longue file d’homme les suivit. Une si grande diversité régnait dans leurs costumes qu’on aurait pu croire, tout-à-coup, que la nature avait rassemblé là ce qu’elle a de plus rare en volatiles et quadrupèdes. Je les comptai, ils étaient juste cent huit. Devant eux était un homme frais et vermeil portant d’énormes balances, mais par malheur cet homme était boiteux et les balances penchaient toujours du même côté ; dans l’un des bassins on voyait un rouleau de papier où on lisait ces mots : Procès contre Dumolart, au profit des malheureux ouvriers. Tous n’avaient pas la même physionomie, quelques-uns semblaient [2.2]faire peu de cas du voyage ; mais d’autres ne cessaient de répéter avec cet accent qui pénètre l’ame : repentir ! repentir ! Vint ensuite une espèce de rêveur ; il avait pour costume une robe semblable à celles des frères de St-Jean-de-Dieu ; on l’eût pris pour un moine, mais sur ce costume religieux il avait un habit de député ; en effet, ce personnage l’était. Sur une large bande qui lui servait d’écharpe, était gravé en lettre d’or : Je ne représente que la propriété. Sa marche semblait forcée, mais un prolétaire, sous le costume de la vérité, le piquait avec un aiguillon et lui montrait du doigt le Repentir, en lui disant : Il n’y a pas eu conspiration contre la propriété, il n’y a pas eu pillage ni dévastation. Des éclats de rire partaient de toutes parts à l’approche d’un groupe qui s’avançait en désordre. Sa marche était le symbole de l’esprit de ceux qui le composaient : l’un avançait d’un pas, l’autre reculait de deux, enfin un troisième se mettait à courir. C’étaient les écrivains d’un journal déjà fameux par ses divagations. La contenance de ces pauvres diables vêtus d’un frac autrefois noir, portant à leurs chapeaux la dépouille d’un aigle de Crémieux, ne dénotait point des écrivains, et on ne les eût point reconnus si l’un d’eux n’avait porté un roseau sur lequel était perchée une pie qui ne cessait de répéter : Courrier de Lyon ! Courrier de Lyon ! c’était cette exclamation qui provoquait les éclats de rire ; ils devinrent si bruyans qu’ils me réveillèrent en sursaut ; et ce beau rêve, ce rêve si séduisant s’évanouit.
DE L’INSTRUCTION POPULAIRE. 1
Dans un pays où le pouvoir est absolu, l’homme né sous la verge de l’esclavage ne croit pas se devoir tout entier à cette terre qui l’a vu naître, et que les peuples libres appellent patrie. Pourvu que de ses bras il ait contenté celui qui le tient dans un état de servage et qu’il ait de quoi assouvir sa faim, il croit avoir rempli ses devoirs d’homme, et ne pense nullement à acquérir du talent qu’il ne pourrait mettre à profit. Dans un état libre, en France par exemple, il en est autrement, les hommes de toutes les classes se doivent à la société, à la patrie. Le peuple qui, par son industrie, a porté sa gloire au plus haut degré, n’a pas encore assez fait pour elle. Aujourd’hui ce n’est plus un problème, c’est une vérité démontrée que, pour qu’une nation soit grande et heureuse, il faut qu’elle soit instruite. Nous appelons instruite une nation dont chaque citoyen connaît son droit, les lois de son pays, et peut, au besoin, se présenter devant le magistrat qui oserait les enfreindre. Nous ne rêvons pas un peuple de savans discutant sur des mots, nous voulons l’instruction telle que l’avaient comprise et Lancastre et Pestalotzi, telle que la comprennent aujourd’hui ces honorables citoyens qui se vouent parmi nous à l’instruction populaire. La France renferme dans son sein tous les élémens d’instruction. Mais, comme nous le disait naguères et judicieusement un philantrope : Si les écoles manquent à la population, la population manque souvent aux écoles. Sans doute que le peu de gain que fait aujourd’hui la classe industrielle est une des causes qui font manquer les élèves aux écoles, et nous concevons qu’une famille, plongée dans la misère, songe peu à l’instruction de ses enfans ; cependant elle a tort selon nous ; ne voyant pour ces enfans qu’un avenir pénible, elle doit chercher à leur donner le seul moyen de sortir de cet état de détresse, soit que l’enfant reste citoyen, soit qu’il [3.1]devienne soldat, et le moyen le plus sûr d’en sortir, c’est l’instruction ; elle élève l’ame, rend l’homme propre aux emplois, au commerce et le fait devenir meilleur, parce qu’il connaît mieux ses devoirs de citoyen et de père de famille. Bien des personnes allèguent que le temps étant mauvais, ils ont besoin de leurs enfans. Nous allons répondre à toutes ces objections avec la franchise qui nous caractérise ; car, selon nous, parler avec fermeté de l’instruction à la classe qui nous a confié sa défense, c’est encore la servir. Nous avons aujourd’hui les écoles lancastriennes où un élève âgé de 8 à 10 ans peut, dans deux années, et c’est le terme le plus long, apprendre tout ce qu’il faut à l’homme du peuple, à l’industriel, c’est-à-dire, lire, écrire, calculer, avoir même de notions de mathématiques et de dessin linéaire. Mais le peuple, nous l’avouons, néglige l’instruction, cette source d’un bonheur à venir, et c’est par cela même qu’un père est pauvre qu’il doit faire instruire son enfant, parce que ce sera le seul héritage qu’il lui laissera, et qui, certes, vaut bien quelquefois celui de la fortune. On allèguera la misère ! et que peut contre elle un enfant de 7 à 8 ans ? ne mangera-t-il pas aussi bien son morceau de pain sur le banc des écoles que dans la rue ? On dira qu’on l’occupe, c’est-à-dire qu’on captive l’enfant de 7 ans tout le jour pour lui faire confectionner ce qu’une personne ferait dans une heure ; mais il aide !… et ce devoir que vous avez contracté envers cet enfant en lui donnant le jour, ne vous commande-t-il pas de faire pour lui quelques sacrifices ? Vous êtes pauvres, vous ne lui donnerez point de dot, ah ! donnez-lui au moins ce que vous pouvez lui léguer, l’instruction ! Notre langage paraîtra sévère à quelques personnes. Si nous nous élevons avec force contre le peu d’instruction de la classe industrielle, c’est que nous sommes pénétrés que la négligence seule écarte beaucoup d’enfans des bancs des écoles ; c’est que nous sommes pénétrés que l’homme, dans le siècle où nous vivons, ne peut être heureux, s’il n’est instruit ; et celui qui écrit ces lignes, né prolétaire, bénit la mémoire de son père, parce qu’il lui a donné le peu d’instruction qu’il faut à l’homme civilisé. A. V.
Dans votre numéro du 5 février dernier j’ai réclamé contre le péage que perçoit l’hospice de Lyon sur chaque personne qui entre, soit qu’elle veuille aller voir un parent, un ami malade, soit qu’elle veuille consulter le chirurgien-major dont l’appartement se trouve dans une aile reculée des bâtimens. Ma lettre était conçue dans la forme du doute et dans l’intérêt de la classe pauvre, principalement appelée à payer cet impôt que je crois arbitraire. Le Journal du Commerce l’a répétée avec l’observation jointe par vous, qu’il a approuvée, et par laquelle vous proposiez de remplacer cette perception illégale par un bassin dans lequel chacun déposerait une offrande volontaire. Ainsi l’administration des hospices a été bien et dûment avertie. Pourquoi garde-t-elle un silence dédaigneux ? elle a tort ou raison ; mais dans un cas comme dans l’autre, elle doit une réponse cathégorique. Qu’elle prenne garde. Son silence ne peut être interprété que comme un aveu de son impuissance à justifier cet impôt. Elle s’expose à le voir refuser, et par suite, à se voir traduite devant les tribunaux ; car le nouvel Hampden2 qui se refusera à payer sera sans doute arrêté comme perturbateur, mais il faudra bien ensuite [3.2]motiver cette arrestation ; il aura droit de rendre plainte contre ceux qui l’ordonneraient, contre ceux qui l’exécuteraient ; il pourrait même se croire en état de légitime défense. L’administration doit chercher à éviter un pareil conflit, et elle ne le peut que par une mesure prompte et décisive. Il est dit dans les saintes écritures : « Malheur à celui par qui arrive du scandale ! » J’oublie qu’il n’y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ; mais en criant fort et long-temps, celui qui ne veut pas entendre et qui cependant n’est pas sourd, finit par entendre. C’est ce que j’espère. Agréez, etc. Marius Ch……
Vous connaissez M. de Crac de Colin d’Harleville1. Vous savez que dans une scène M. de Crac et son fils renchérissent sur le mensonge afin de s’arracher ces mots : Ce n’est pas vrai. Eh bien ! ces mensonges ne sont rien en comparaison de ceux mis en usage par deux journaux de cette ville, la Gazette et le Courrier de Lyon. La première de ces feuilles, dans sa tendresse jésuitique pour les ouvriers, fait un tableau des misères qui accablent la classe industrielle, qui n’est pas très-vrai, en portant le nombre des métiers inoccupés à dix mille. Mais voilà que le Courrier, pour lui répondre, montre les ouvriers ayant d’un commun accord résolu de ne travailler que la moitié de la semaine. Chaque journée, dit-il, rapporte au moins dix francs. Bienheureux ouvriers ! vous vous plaignez et vous gagnez dix écus dans trois jours… Si l’éloquent M. Fulchiron avait su cela, il n’aurait pas dit à la tribune que vous gagnez de 28 à 32 sous ; mais il était réservé au Courrier de Lyon, de mettre votre gain au grand jour. Nous nous abstenons de toute réflexion de peur que, par une faute de typographie, le Courrier ait voulu dire dix sous par jour au lieu de dix francs ; car nous pourrions au besoin citer certains articles qui n’offrent pas un gain plus élevé aux ouvriers.
En Angleterre, lors des élections pour la chambre des communes, les candidats, après avoir mis publiquement les suffrages à tel ou tel prix, mettent en pratique, dans un cas désespéré, un moyen assez étrange : ils font placer à la porte d’une taverne un gros écriteau portant ces mots : Ici on boit et mange gratis si l’on veut voter pour tel baronnet. Et bien ! savez-vous les bruits qui circulent ? On prétend que parmi nous des hommes moins fortunés, sans doute, et ne pouvant pas faire de grands sacrifices, n’en offrent pas moins le petit dîné et la fine bouteille pour obtenir les suffrages des ouvriers en soie afin d’être nommés prud’hommes ; pourtant, selon nous, le titre de prud’homme n’est pas sans désagrément et le siège du conseil n’est pas rembourré de roses… En Angleterre, c’est l’ambition qui fait faire des sacrifices à la fortune pour obtenir des suffrages. Avis aux électeurs du conseil des prud’hommes… Les petites ambitions sont autant à craindre que les grandes, mais il est un moyen de déjouer les petites manœuvres de quelques quêteurs de suffrages. Que les électeurs s’entendent entre eux, qu’ils ne choisissent pour candidats que des hommes vraiment fermes, incapables de cabales, ne fléchissant jamais devant les considérations et surtout désintéressés ; c’est le point essentiel : ceux-ci ne recherchent point les suffrages et les méritent d’autant mieux qu’ils ne les mendient point.
[4.1]- La session de la cour d’assises, pour le 1er trimestre 1832, s’ouvrira lundi prochain, 12 mars, et se terminera le mardi 28 du même mois. Vingt affaires y seront portées ; savoir : le 12, vols qualifiés ; le 13, viol et vols qualifiés ; le 14, faux en écritures de commerce, et vols avec effraction dans des églises ; le 15, délit de la presse ; le 16, faux en écritures, fabrication et distribution de médailles séditieuses ; le 17, vol sur un grand chemin, avec violence, coups et blessures ; le 19, faux en écritures privées, délit de la presse ; le 20, vol avec violence sur un officier de la garde nationale blessé, cris séditieux ; le 21, extorsion de billets, cris séditieux ; le 22, vols à l’aide de fausses clés ; le 23, meurtre ; le 24, meurtre d’une femme enceinte et de son enfant ; le 26, le 27 et le 28, vol de la malle-poste, sur un chemin public avec violence.
AU RÉDACTEUR
Monsieur, La fondation de l’Echo de la Fabrique se rattache, sans nul doute, aux dissentimens survenus entre les fabricans et les ouvriers en soie. Ce journal répond à un besoin de la société, préexistant mais mal compris et partant mal défini jusqu’à ce jour. Sous ce rapport, vous avez noblement rempli la tâche que vous vous étiez imposée. Maintenant que par la sagesse et la vigueur de ses doctrines, l’Echo a pris une grande extension et est devenu populaire, votre intention est-elle de vous renfermer dans la spécialité de votre origine, ou d’étendre votre sollicitude sur toute la classe ouvrière ? Dans le premier cas, vous n’auriez fait, il me semble, que remplacer l’égoïsme individuel par celui de caste, non moins funeste. En effet, le sage Fénélon disait qu’il fallait préférer sa famille à soi-même, ses concitoyens à sa famille, et le genre humain à ses concitoyens. Ainsi, je crois votre mission plus grande : un immense horizon est devant vous ; soyez le défenseur de la classe prolétaire ; quelques-uns de vos articles semblent déjà annoncer ce but. Si donc votre intention est d’être utile, non-seulement aux ouvriers en soie (quoiqu’ils soient et doivent continuer d’être vos cliens de prédilection), mais encore aux prolétaires de tout état, ce qui cimentera d’autant l’alliance désirable entre tous, je vous offre ma coopération désintéressée. C’est dans l’enceinte de la justice de paix, tribunal populaire, que je veux conduire vos lecteurs. Je vous rendrai un compte sommaire des affaires qui présenteront quelqu’intérêt, non pas de cet intérêt que la renommée exploite, mais de celui qui est par son application journalière utile à tous les individus. Je me permettrai aussi des excursions aux tribunaux de commerce et de police correctionnelle et municipale. Quelques observations judiciaires viendront rompre la monotonie de ces comptes-rendus. Combien d’abus ignorés n’attendent que la publicité de la presse pour disparaître ! Si ma proposition vous agrée, etc. Un légiste prolétaire.
AU MÊME.
Monsieur, J’ai lu, Monsieur, dans votre feuille du 26 février, un article signé Pelosse, ouvrier en schals, que j’ai employé une seule fois à la fabrication d’une pièce de 31 aunes, et qui a été l’occasion de circonstances assez désagréables pour lui aussi bien que pour moi-même. Au récit qu’il a fait, et qui n’est pas d’une exactitude irréprochable, j’ai à répondre sommairement que mes démarches auprès de l’administration municipale n’ont point été de diriger contre lui des soupçons offensans, mais bien de rechercher comment un des schals fabriqués [4.2]par cet ouvrier avait pu figurer sur les épaules d’une dame dans la promenade publique lorsqu’aucun d’eux n’avait été vendu par des marchands au détail, de Lyon. Ce qu’il me sera facile de prouver : un sentiment mêlé d’étonnement et de curiosité me fit aborder cette dame avec tous les égards auxquels elle avait droit, en lui demandant où elle avait fait l’emplette de son schal ; elle eut la bonté de m’indiquer une madame Feudon, demeurant rue des Quatre-Chapeaux, qui le lui avait fait payer 60 fr., c’est-à-dire à 10 ou 15 fr. au-dessous du prix que je les livre moi-même au détail. Une différence aussi choquante m’engagea à en informer l’administration qui me fit prier la dame qui portait le schal à lui fournir tous les renseignemens qui se rattachaient au fait de l’emplette, et sur ses indications la dame Feudon fut invitée à se rendre chez le commissaire central ; là, elle confirma que le schal avait été, par elle, vendu au prix de 60 fr. et sur une nouvelle question déclara qu’elle l’avait acheté d’un Juif au prix de 50 fr. Une telle réponse loin d’être satisfaisante était de nature au contraire à engager M. le commissaire à poursuivre ses investigations. En conséquence le mari de Mme Feudon, mandé à son tour, confirme tous ces faits et produit une facture acquittée d’un individu inconnu, qui lui avait livré le schal à 50 fr. C’est après ce commencement d’instruction et alors seulement que M. le commissaire me fit appeler pour savoir le nom de l’ouvrier qui avait fabriqué pour moi le schal vendu par le Juif ou tout autre individu à M. Feudon. C’est alors que j’ai dû nommer le sieur Pelosse, et que M. le commissaire a cru de son devoir d’adresser le sieur Feudon et le sieur Pelosse à M. le juge d’instruction. Il résulte donc de l’exposé que je viens de tracer que dans les démarches volontaires et obligées qui résultent de mon fait, il ne s’en trouve aucune qui ait même l’apparence d’une dénonciation dirigée contre le sieur Pelosse, et d’un acte attentatoire à sa réputation. Les informations judiciaires auxquelles il a pu être soumis n’ont eu lieu ni sur ma demande, ni même à l’aide d’insinuations dont j’aurais été l’auteur. Certes l’obscurité qui règne encore sur les rapports qui se sont établis entre M. et Mme Feudon et le Juif ou l’individu mystérieux qui a acquitté la facture au prix de 50 fr. a dû suffire à M. le juge d’instruction pour vouloir remonter jusqu’au nom de l’ouvrier. Quant à moi, j’ai dû subir avec la plus scrupuleuse exactitude la compulsion de mes livres qui ont prouvé qu’aucun de mes schals, ainsi que je l’avais allégué, n’avait été vendu à Lyon à l’époque où j’eus l’occasion d’en voir un, revêtant les épaules d’une dame à la promenade. Je désire, Monsieur, que le sieur Pelosse soit satisfait des explications auxquelles sa lettre a donné lieu de ma part. J’ai l’honneur de vous saluer. Cde Cocq. Note du Rédacteur. Nous nous empressons d’annoncer que M. Cocq s’est présenté dans notre bureau afin de nous déclarer qu’on avait trouvé le voleur ; c’est le sieur Feudon qui a volé le schal chez M. Paturle. Nous insérons avec plaisir la justification et de l’ouvrier et du fabricant.
AU MÊME.
Monsieur, La dame Valette ayant soumis au conseil des prud’hommes un exposé de la plus grande fausseté, d’après l’article inséré dans votre [5.1]journal de dimanche 4 courant, je crois devoir vous faire connaître que sa réclamation n’est aucunement fondée ; qu’elle en impose, qu’elle manque de bonne foi en cherchant à tromper la sagesse du conseil par une assertion mensongère. J’établis la vérité du fait par des preuves convaincantes pour vous prier de vouloir bien leur donner la publicité sur votre prochain journal. Lorsqu’on donna à la dame Valette la disposition de son métier, on la prévint que l’on ne s’engageait que pour une pièce ; cette observation a été écrite derrière sa disposition, et elle lui fut renouvelée lorsqu’elle reçut ladite pièce, et non long-temps après comme elle prétend le dire. T., employé dans la maison Ajac. Note du Rédacteur. Nous n’avons aucune raison pour révoquer en doute la véracité de la lettre ci-dessus ; cependant nous connaissons d’autres chefs d’ateliers sur les livres desquels on a inséré la même condition, sans qu’ils en aient été prévenus d’aucune autre manière que par la lecture de leurs livres.
AU MÊME.
Monsieur, La lecture de votre dernier Numéro m’a fait faire quelques réflexions que je vais vous soumettre, vous priant de les insérer dans votre estimable journal. Le nombre des métiers que vous dites être sans ouvrage, ainsi que celui que vous donnez sans ouvriers, me paraissent exagérés. En supposant que ce dernier nombre soit exact, je crois qu’on ne doit attribuer ce manque d’ouvriers qu’au prix, plus que minime, des façons. Le même nombre d’ouvriers existe toujours, mais ils se livrent à d’autres travaux qui leur donnent le moyen de subsister ; aussi beaucoup sont-ils retirés à la campagne, d’autres travaillent aux fortifications, attendant une augmentation de salaire qui les mette à même de pouvoir vivre du fruit de leur travail. Ainsi, Monsieur, c’est le prix qui manque et non l’ouvrage. Vous avez parlé d’une légère augmentation ; je voudrais bien connaître les honorables négocians qui augmentent le prix des façons, pour faire rougir ceux qui, malgré les commissions qu’ils reçoivent et les métiers qu’ils voient couverts, osent encore les diminuer. Je voudrais aussi, Monsieur le Rédacteur, vous demander, calembourg et plaisanterie à part, si vous pourriez vous enquérir des causes qui ont empêché le conseil des prud’hommes d’établir la mercuriale promise par l’autorité locale et gouvernementale en remplacement du tarif. Vous obligeriez celui qui a l’honneur d’être, etc. A. P. L. Note du Rédacteur. Nous avons annoncé dans notre dernier Numéro une légère augmentation ; mais nous sommes persuadés que ce n’est pas cinq centimes par aune qui peuvent rendre l’aisance à la classe ouvrière, et nous sommes de l’avis de notre correspondant, quand il dit que, si les bras manquent, la cause en est dans le vil prix des façons. Un ouvrier, sans doute, préfère gagner 2 fr. aux fortifications, que de ne gagner, en travaillant 18 heures par jour, que de 75 cent. à 1 fr. Quant à la mercuriale, nous renvoyons notre correspondant au compte rendu de la séance du conseil des prud’hommes inséré dans notre numéro de ce jour.
NOUVELLES DIVERSES.
La détresse du commerce des soieries en Angleterre est telle, que la chambre des communes a cru devoir s’occuper des moyens d’y remédier. (Messager.) - Londres. Hier au soir, un comité a été nommé par la chambre des communes, pour rechercher par quels moyens on pouvait venir [5.2]au secours du commerce des soieries, qui est dans un état de détresse. On espère que cette combinaison produira quelques avantages ; mais si la détresse du commerce des soieries continue, il sera difficile, pour le comité, de découvrir les moyens d’améliorer telle ou telle branche particulière de ce commerce. (Courrier.) - Le choléra continue à Londres ; on craint qu’il ne soit déjà à Bristol, et que cette maladie y ait été importée par un homme qui, il y a quelques temps, avait amené un vaisseau de Bristol à Londres. - Un arrêté de la cour royale de Dijon, saisie sur l’appel du procureur du Roi, a renvoyé absous douze gardes nationaux qui avaient refusé de faire partie du corps mobilisé sur Lyon. La mobilisation a été regardée comme illégale. (Globe.) - Rouen. La marchandise en fabrique y a été vivement demandée cette semaine ; mais il est reconnu que la dernière halle a été moins bonne que la précédente ; on ne peut encore préciser ce qui s’est vendu en moins. Les prix sont toujours les mêmes. - Elbeuf. Notre place a été visitée, le mois dernier, par un grand nombre d’acheteurs, qui n’ont pas pu trouver à compléter leur assortiment ; quelques achats ont aussi été faits pour l’exportation. On évalue à plus de dix mille le nombre des pièces de drap de 18 à 20 aunes qui ont été écoulées depuis un mois. La draperie fine, qui souffrait depuis long-temps, est demandée dans les prix de 24 à 30 fr. Plusieurs couleurs manquent. Malgré cette activité de vente, les prix n’ont pas subi de hausse.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Séance du 8 mars. (présidée par m. guérin.) A six heures et demie la séance est ouverte ; un grand nombre de causes ont été appelées ; celles qui ont offert le plus d’intérêt sont les suivantes : La dame Vial réclame au sieur Vucher, sur une pièce de gros de Naples, le prix de 65 cent. par aune, que ce dernier lui a promis, et ne veut plus maintenant lui payer que 60 cent. Le sieur Vucher répond qu’il peut avoir promis ce prix, mais qu’il ne s’en rappelle pas, et ne se croit pas obligé de tenir sa promesse, puisqu’elle n’a pas été écrite sur son livre. Le conseil déclare, qu’attendu que le prix n’est pas marqué sur le livre, le sieur Vucher doit payer 65 cent. par aune, comme il a promis. Le sieur Château expose au conseil qu’il a fait des engagemens avec deux ouvriers imprimeurs, pour les occuper pendant un an, à raison de 4 fr. 50 cent. par jour, et qu’aujourd’hui, ces ouvriers refusent de tenir leurs engagemens, et continuent à travailler chez le sieur Robin. Le sieur Robin prenant la parole, dit qu’il a porté plainte au procureur du Roi, contre le sieur Château, comme coupable de tentative d’embauchage de ses ouvriers. Le conseil a renvoyé la cause, après les conclusions du procureur du Roi. Le sieur Bouvery expose au conseil qu’ayant reçu dans son atelier, il y a 3 mois, le fils de la dame Petit, en qualité d’apprenti, avec laquelle il n’a pas encore fait des conventions, il se trouve victime de sa bonne foi, d’après la conduite de son élève qui est sorti de sa maison. La dame Petit répond que son fils savait déjà lancer, et qu’elle n’était pas d’accord avec le sieur Bouvery, sur la durée de son apprentissage. Le conseil déclare qu’attendu qu’il n’y a point d’engagemens de passés, la dame Petit doit payer la nourriture de son fils au sieur Bouvery, à raison de 50 cent. par jour, c’est-à-dire la somme de 45 fr. Le sieur Chazon, dont l’affaire avec la dame Olagnon avait paru jugée, réclame le rapport de M. Etienne qui avait été nommé arbitre, et qui était absent jeudi dernier. Le sieur Etienne fait son rapport qui confirme parfaitement le précédent arrêté. [6.1]Le conseil déclare, par l’organe du président, qu’il confirme son précédent jugement ; il fait aussi observer que le conseil a le droit de juger jusqu’à la concurrence de 500 fr., et condamne le sieur Chazon à payer la somme de 114 fr. et les frais de suite à la dame Olagnon, sans que cette dernière soit tenue de lui donner caution. Le sieur Voleyre, chef d’atelier, et les sieurs Delesse et Armand viennent d’accord, demander au conseil, à quel taux doit être fixé le déchet des matières bourre de soie. Le président répond que le conseil a fixé le déchet à 18 deniers par livre. Le sieur Figaras réclame aux sieurs Delore et Benazet un défrayement sur trois métiers qu’il a montés à ses derniers ; il fait au conseil le compte détaillé des dépenses qu’il a faites, du temps qu’il a perdu par la faute des négocians et du peu de façon que lui ont produit ses métiers, lesquels n’ont été montés que sur la promesse qui lui a été faite, que l’article lui serait continué long-temps, que souvent on lui a donné des pièces autres que celles qui lui avaient été promises, et que les matières qu’il a employées étaient de qualité inférieure. Le sieur Delore répond à son tour qu’il a perdu sur l’étoffe que le sieur Figaras lui a fabriquée, et que souvent il avait témoigné à ses employés le désir d’en terminer avec le sieur Figaras. Il est à remarquer que, dans la séance de jeudi 1er mars, le sieur Figaras avait présenté une pièce au conseil, avant de la rendre au sieur Delore, afin qu’il fût constant qu’elle était bien fabriquée ; ce qui a été reconnu par le conseil. L’affaire a été renvoyée pardevant M. Rey qui a concilié les parties qui sont restées d’accord à la somme de 30 fr. pour défrayement, que les sieurs Delore et Benazet doivent payer au sieur Figaras. Le sieur Manat, dont le conseil a ordonné la rentrée chez son maître, produit un certificat de médecin, constatant que l’état de veloutier est nuisible à sa santé. Le maître dit que depuis que son élève a été forcé de rentrer chez lui, il était devenu insupportable et faisait tout ce qu’il pouvait pour s’en aller, et il observe encore que son apprenti a été trouvé hors de chez lui par un commisairere de police. Cet apprentissage avait été convenu pour 4 ans, et il reste encore 2 ans et 6 mois à l’apprenti pour se libérer. Le conseil a condamné l’apprenti à rentrer chez son maître ou à lui payer la somme de 150 fr. Le sieur Coissard, dont l’affaire avec le sieur Michel a déjà paru devant le conseil, qui avait concilié les parties, et avait déclaré que le prix de l’étoffe crêpe de Chine devait être payé 90 cent. le mouchoir de 38 pouces, au lieu de 90 cent. l’aune, le sieur Coissard expose que depuis la conciliation le sieur Michel n’a pas réglé son livre, tel que le conseil l’avait entendu. Il réclame en outre sur une pièce de thibet 4/4, le prix de 1 fr. 50c. ; prix inférieur à celui que l’on payait cette étoffe, à l’époque où elle a été fabriquée ; laquelle n’a été portée en façon que depuis quelques jours, au prix de 1 fr. 25 cent. et se plaint en outre qu’il a reçu de la laine mouillée, qu’il a fait constater le fait, et qu’ayant employé les matières telles qu’il les avait reçues, le sieur Michel a fait sécher ses coupes avant d’en marquer le poids, s’étant contenté de balancer les comptes de cette manière, sans lui marquer de déchet : que sur son métier de crêpe de Chine, le déchet lui avait été porté toutes les pièces à 30 gr. par kilo, et que lorsque son livre a été reglé, on lui a diminué la moitié de son déchet. M. le président déclare que dans les crêpes de Chine, plusieurs maisons ont l’usage de n’accorder que 15 gr. par kilo, ce qu’il trouve raisonnable, et que le déchet de la laine a été fixé par le conseil, à 45 gr. par kilo. Il déclare aussi que lorsque les parties ne seront pas d’accord [6.2]sur les prix, le conseil s’enquerra du prix des principales maisons de commerce, et que c’est de cette manière que sera fixée la mercuriale. Les parties sont renvoyées pardevant M. Bouillon pour régler les comptes.
PRIX COURANTS DES FAÇONS. 1
Grenadine unie, 5/4 le carré, 1 fr. 40 c. Grenadine id. 4/4, id. 80 c. Grenadine à bordure lancée, 3/4, 90 c. Genadine unie, 3/4, 50 c. Châlis à tringue, 5/4 le carré, 2 fr. 50 c. Châlis unis, 3/4 l’aune, 1 fr. 25 c. Schals au quart, 6/4 le mille, 65 c. Id. id. 5/4 id., 60 c. Schals corps plein, 6/4 id., 50 c. Id. id. 5/4 id., 42 c. 1/2. Crêpe de Chine façonné, 5/4 le carré, 2 fr. Id. id. 4/4 id., 1 fr. 20 c. Id. unis, 4/4, id., 90 c. Velours façonné, ciselé, 1 lat. - 11/24 l’aune, 6 fr. 50 c. Id. fond satin, coupé, lisses et corps 11/24, 8 fr. 50 c. Id. unis, plein, 2 poils, l’aune, 6 fr. Peluches pour chapeaux, l’aune, 3 fr. Courans riches, à bande, 11/24, l’aune, 1 fr. Id. ord., 11/24 id., 80 c. (La suite au prochain Numéro.)
LITTÉRATURE.
Quelques observations de M. de Sellon1 en réponse à l’ouvrage de M. Urtis, avocat, « Nécessité du maintien de la peine de mort. » « L’homme est susceptible de perfectibilité et par conséquent d’amendement. Dès lors, point de peine irréparable. Abolissons la peine de mort et remplaçons-la par la peine la plus grave qui suit. Qu’un système pénitentiaire, largement conçu, séquestre le coupable de la société et ne le lui rende que digne d’elle !… Les mœurs en deviendront graduellement plus douces et plus pures. Par le respect que la société tout entière aura montré pour la vie d’un de ses membres, nous aurons désarmé et le duelliste et l’assassin, parce que ce respect descendra de la loi dans les mœurs, non par le commandement du législateur, mais par la force de l’exemple. » C’est ainsi qu’un philosophe genevois, M. de Sellon, a raisonné ; et non content de déposer dans un livre cette doctrine, il y a consacré sa vie. Appel aux puissances, appel aux jurisconsultes, aux savans, aux artistes, à toutes les classes de la société ; concours, prix décernés, tous les moyens ont été employés par lui pour arriver à ce but. Et quel but ! en fut-il un plus grand ? L’abolition de la peine de mort, le respect de la vie des hommes. Il mérite la couronne murale le citoyen qui consacre sa vie au triomphe d’une aussi belle thèse. Du jour de l’abolition de la peine de mort datera l’ère de la vraie civilisation, M. de Sellon en sera l’apôtre. L’ouvrage qui me sert de texte échappe à l’analyse, n’étant lui-même qu’un résumé de témoignages en faveur de l’abolition de la peine de mort et d’observations en réponse à M. Urtis, avocat à Paris, qui a cru devoir combattre la doctrine du philantrope de Genève. Dans ces observations, M. de Sellon insiste particulièrement sur l’abolition de la peine de mort en matière politique. J’oserai plus que lui, et je demande à tout homme d’honneur, qu’il me réponde en son ame et conscience à cette question : Y a-t-il des crimes politiques ? je ne le pense pas ; je conçois bien les crimes contre les personnes, contre les propriétés : le meurtre, le vol, l’incendie, etc. Mais ce que je ne [7.1]conçois pas, c’est un crime politique. Il y a là un étrange abus des mots. Le mot crime politique appartient à un autre ordre de choses, à d’autres temps. Il appartient à une époque où il existait des crimes religieux. En effet, crimes religieux, crimes politiques sont corrélatifs. Depuis Voltaire, on ne parle plus des premiers ; pour eux, la peine de mort est abolie de fait, du moins dans l’Europe civilisée : pourquoi n’appliquerait-on pas aux seconds la même tolérance ? Ils ne doivent être punis que par l’exil ; mais si la hache du bourreau se lève, c’est un assassinat, c’est le plus fort égorgeant le plus faible. Marius Ch.......
SOCIÉTÉ DU BAZAR POLONAIS. 1
Sixième liste des souscripteurs à la médaille. LyoA.-F. Villemain (1790-1870), homme politique et critique littéraire, député puis pair de France au tout début de la monarchie de Juillet.. MM. André Favre, pour une médaille ; Bontoux, 1 ; de Mauduite, 1 ; Antoine Vachet, 2 ; François Moureaux, 1 ; Pierre Finet, 1 ; Joanni Bellaton, 1 ; Louis Schmit, 1 ; Benoît Maigre, 1 ; Charel, 1 ; Madame Lortet, 1 ; Chanay, 1 ; D. F. Laverlochère, 1 ; Imbert, 1 ; Berthaud, 1 ; Grillat, 1 ; Lereuille, 1 ; Favaut fils, 1 ; Reidon, 1 ; Napoly, 1 ; Charignon, 1 ; Bidremann, 1 ; Simon aîné, 2 ; Simon jeune, 1 ; Ancel-Roy, 1 ; Bugey, 1 ; Faure, 1 ; Gubian, 1 ; Chantre, 1 ; Tollet, 1 ; Rivière, 1 ; Adam, 1 ; Jomain, 1 ; Franck, 1 ; J. Nant , 1 ; Piogey, 1 ; Garcin , 1 ; Glaize, 1 ; Rambaud, 1 ; Vidal, 1 ; Forcheron, 1 ; Bouchet, 1 ; Aguettant, 1 ; Henry Culhat, 1 ; Claude Villard, 1 ; Mme Couet, 1 ; un anonyme, 1 ; un anonyme, 1 ; Jacques Paches, 1 ; Godemard, 2 ; Drut, 1 ; L. Faure, 1 ; R. Bodin, 1 ; Girardet, avocat, 1 ; Grassot, 1 ; Meynard, 1 ; Adrien de Villas, 2 ; le colonel Verner, 1 ; Mioche, 1 ; Bause père, 1 ; Jacques Bernard, 1 ; Richan, 1 ; Daram, 1. Lagneux. M. Masson, vérificateur de l’enregistrement et des domaines, 1 médaille. Quatrième liste des offrandes en argent. Lyon. MM. Dupont, 5 fr. F. Contesse et Ray, 2 fr. Les ouvriers de MM. Rivière frères (montant d’une collecte faite entre eux), 50 fr. Les commissaires du banquet donné aux Polonais, le jeudi 16 février (excédant des recettes sur les dépenses), 135 fr. Les commissaires du banquet donné aux Polonais sur la terrasse Gayet, le 15 février (excédant des recettes sur les dépenses), 150 fr. 60 cent. Falsan, 5 fr. Certifié : Le Secrétaire de la commisson exécutive, Sylvain BLOT.
COUPS DE NAVETTE.
L’ouvrier ne sait pas compter, disent les fabricans, et jeudi soir plusieurs de ces messieurs n’ont pas voulu comprendre que quand 36 pouces valent 90 c. 44 doivent valoir 1 fr. 10 c. Une jeune ouvrière nous disait, ces jours derniers, quand votre journal n’a pas des coups de navette je crois qu’il en manque un morceau ; il ressemble à une pièce à laquelle le fabricant a coupé le chef en coupant les nœuds. Un ancien commissionnaire disait à un fabricant : Les pièces que vous me vendiez autrefois étaient plus propres, mieux nettoyées, pourquoi cela ? C’est, répondit le fabricant, parce que l’ouvrier est obligé de laisser à la pièce ce qu’il mettait aux tirelles.
ANNONCES DIVERSES.
[7.2]Il appert d’un acte de société en nom collectif, quant au sieur Joachim Falconnet, et en commandite à l’égard des autres associés, en date, à Lyon, 12 février 1832, fait en triple exemplaire sous seing privé, et en marge de l’un desquels est la mention suivante, enregistré à Lyon, le 25 février 1832, f° 198, R. C. 2, 3 et 4, reçu 5 f. 50 c. signé Chopin, et a été déposé chez Me Coron, notre. II a été formé une société pour la continuation de la publication de l’Echo de la Fabrique, journal industriel et littéraire de Lyon et du département du Rhône ; la raison sociale est Falconnet et Ce, demeurant à Lyon, rue Tholosan, n° 6. Le capital de la société, en valeur fournie, est de 60 actions de 50 fr. chacune, représentant un capital de 3,000 fr. La société a commencé le 12 février 1832 ; sa durée est illimitée. L’extrait de l’acte a été enregistré le 25 février 1832, par Guillot qui a reçu 1 fr. subvention 10 c. et a été déposé au greffe du tribunal de commerce, le 15 février 1832, et enregistré le 2 mars 1832, signé d’Aigueperse, greffier, qui a reçu 4 fr. 50 c. 1/2 subvention, 12 c. 1/2, et signé Trolliet.
dictionnaire historique, Ou histoire abrégée des hommes qui se sont rendus célèbres par leur génie, leurs talens, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes, depuis le commencement du monde jusqu’à nos jours, Par A. X. de Feller Huitième édition, revue avec soin, augmentée de plus de deux mille articles, et formant 20 vol. in-8° de 500 pages environ, caractères petit romain, deux colonnes. On recevra un volume par mois. Prix : 4 fr. le volume. On souscrit, sans rien payer d’avance, à la Direction de la Bourse militaire, galerie de l’Argue, escalier L, au 1er, et au bureau de cette Feuille.
pour 20 sous On peut gagner le superbe château d’Arceuil, à une lieue de Paris, valant 200,000 fr. Les billets se vendent à la Direction de la Bourse militaire, galerie de l’Argue, escalier L. La clôture est pour le 22 de ce mois.
roussy, breveté, Rue des Marronniers, n° 5, au 2me, sur le derrière, Prévient le public que par suite des nombreuses recherches qu’il a faites, il est heureusement parvenu à inventer et perfectionner un nouveau Régulateur, déjà avantageusement connu sous le nom de Régulateur-contomètre, ainsi nommé par la commission d’industrie et de mécanique, pour sa simplicité et sa grande justesse. Les avantages que ce nouveau procédé est destiné à rendre à la fabrique de Lyon, sont incalculables ; car avec le Régulateur-contomètre, qui n’a pas de compensateur, l’ouvrier peut, 1° sans changer la roue ou le pignon, tisser tous les genres d’étoffes, dans toutes les réductions, depuis 20 jusqu’à 750 coups au pouce inclusivement ; 2° fabriquer, sans couper, le plus grand aunage possible sans être gêné au travail, l’étoffe ne faisant que passer sur le rouleau, et pouvant se rouler ou se mettre en caisse à volonté ; 3° être toujours sur de son aunage, par l’agrément et la combinaison ingénieuse d’une roue qui, par son mouvement, marque l’aunage et sonne toutes les aunes ; 4° l’étoffe n’étant comprimée dans aucune de ses parties, les brocards brochés, dorures, y conservent tout leur relief, et sont à leur dernière perfection. Le sieur Roussy, à qui une médaille d’argent a été décernée par la société d’encouragement, qui a reçu les suffrages les plus flatteurs de ladite société et des négocians qui ont eu connaissance de son mécanisme, prévient qu’il fait confectionner ses régulateurs par un mécanicien avantageusement connu, et qu’il est en mesure de fournir aux personnes qui l’honoreront de leur confiance à un prix très-modéré.
[8.2]lampe météore. Le sieur galland fils, ferblantier, rue des Farges, n° 112, prévient le public qu’il est l’inventeur de la Lampe météore, qu’il vient de déposer au conseil des prud’hommes qui, par ce dépôt, l’a autorisé à en conserver la propriété pendant cinq ans. Cette lampe, qui se fabrique de diverses formes, en fer-blanc, étain et cuivre, offre de grands avantages ; d’abord elle ne donne aucune ombre, sa clarté est du double de celles qui ont été en usage jusqu’à ce jour ; mais, ce qui la rend indispensable aux chefs d’ateliers, c’est qu’elle ne consomme qu’une once et demie ou 45 grammes d’huile en sept heures. Ses dépôts sont : Chez MM. Bel, négociant, rue des Capucins, n° 7 ; Paquet, épicier, rue Vielle-Monnaie, n° 27 ; Schuslre, plieur, rue Donnée, n° 4, au 4me ; Mougeolle, menuisier, rue Belle-Lièvre, près la place. Galland aîné, ferblantier, place du Plâtre, n° 4 ; Peyzaret, rue d’Orléans, n° 7, aux Broteaux
AVIS.
Une petite fille de 13 ans, visage ovale, cheveux bruns, s’est enfuie hier, à 11 heures, de chez ses parens ; elle était vêtue d’une mauvaise robe d’escot vert, d’une serrette d’indienne sans dentelle et chaussée en sabots. Les personnes qui pourraient en donner des renseignemens, sont priées de les adresser à M. Raibard, rue Masson, n° 59, au 2me étage. - Un Jeune Homme, connaissant parfaitement la fabrique d’étoffes de soie unies et façonnées, ainsi que celle des étoffes coton, laine et Thibet, désire se placer pour commis dans un magasin, ou pour contre-maître dans un atelier. Il donnera tous les renseignements désirables. S’adresser au Bureau du Journal. - On demande une dévideuse, à gage ou à ses pièces, dans un bon atelier. S’adresser à M. Sibuet, grande rue de la Croix-Rousse , n° 95. - On demande un ouvrier pour des schals 6/4, chez M. Perret, rue des Tables-Claudiennes, n° 17. - On demande des ouvriers et ouvrières pour occuper des métiers de courans, de crêpes zéphyrs façonnés et unis, mouchoirs, etc. On demande des apprentis et apprenties pour la fabrication des velours et autres étoffes. - On demande un ouvrier pour un métier de schals au quart, payé 60 c. le mille. A vendre, pour cause de départ, un atelier de 4 métiers de schals en très-bon état, et ayant les accessoires propres au travail, avec un bel appartement à louer, dans l’un des plus beaux quartiers de la ville. On traiterait aussi avec l’acquéreur de la vente du mobilier. S’adresser au Bureau du Journal. A vendre, un Fonds en pleine activité, pour la fabrication des fers à velours. S’adresser chez M. Bertholon, rue petit David, n° 5, au 4me. A vendre, un carrête mécanique à rouleaux et à roulettes, ayant la facilité de s’ajuster à volonté, chez M. Merduel, montée St-Barthélemy, n° 30, où les pareils sont en activité. A vendre, un Pliage. S’adresser au Bureau du Journal. A vendre, une bonne mécanique ronde de M. Chatillon. Plusieurs métiers neufs de velours unis, ensemble ou séparément. S’adresser rue Casati, n° 1, au premier. A vendre, un atelier de 6 métiers en velours façonné et uni, avec beaucoup d’ustensiles et accessoires. S’adresser chez M. Drivon cadet, côte des Carmélites, à la barrière de fer. A vendre, un atelier de quatre métiers travaillant, soit en velours unis et façonnés, gros de Naples, et armures avec ustensiles et accessoires. On traitera aussi de la vente du mobilier ; le tout à juste prix. S’adresser au Bureau du Journal. A louer, pour la St-Jean, de très-beaux Appartemens de diverses grandeurs, propres pour ateliers, très-clairs et disposés à neuf, dans une situation des plus agréables, très-rapprochés de la ville, au centre de la Guillotière, rue de Chabrol, n° 8. S’y adresser.
Notes (LYON.)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). Zampa ou la fiancée de Marbre, opéra créé en 1832 par Ferdinand Hérold (1791-1833) ; La muette de Portici, opéra créé en 1828 par Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871).
Notes (LA JOURNÉE DU REPENTIR.)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (DE L’INSTRUCTION POPULAIRE.)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (SUR L’HOSPICE DE LYON.)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). En 1637, alors qu’une partie de la gentry et de la bourgeoisie anglaises s’opposait à la politique économique et sociale de Charles I, John Hampden, ancien député, préféra passer en justice plutôt que de payer le ship-money. Cette taxe instituée en 1635 pour équiper la flotte de guerre et ne touchant initialement que quelques ports et régions maritimes avait été généralisée arbitrairement à tout le royaume.
Notes (Vous connaissez M. de Crac de Colin...)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). Jean-François Collin d’Harleville (1755-1806), poète comique ; sa comédie, M. de Crac dans son petit castel fut présentée et publiée une première fois en 1791-1792.
Notes (PRIX COURANTS DES FAÇONS.)
Les canuts n’étaient pas dupes du fait que la mercuriale, dont ils constataient le retard dans l’établissement, constituait sans doute un leurre inventé par les autorités pour faciliter l’abandon sans heurt du tarif. Significativement la rubrique « Coups de navette » du numéro précédent insistait sur cet aspect : « Le bruit courait, ces jours derniers, qu’une femme était tombée dans l’eau ; plusieurs ouvriers sont allés voir à Pierre-Bénite si c’était la mère curiale » (voir numéro 19). Dans les numéros du 11, 18 et 25 mars, les journalistes de L’Echo de la Fabrique vont publier les tableaux des prix courants des façons pour rendre, au contraire, effectives la mesure et l’observation, même a posteriori, d’un prix moyen ou normal des façons sur la place de Lyon.
Notes (LITTÉRATURE.)
Jean-Jacques de Sellon (1782-1839), philanthrope suisse partisan de la cause abolitionniste. Il venait de publier chez Gruaz à Genève Quelques observations sur l’ouvrage intitulé Nécessité du maintien de la peine de mort, tant pour les crimes politique que pour les crimes privés (1831). Ce texte est donc contemporain du débat important sur le sujet en France, débat où intervinrent notamment Victor Hugo (Le dernier jour d’un condamné, 1829) et Lamartine (Contre la peine de mort, 1830).
Notes (SOCIÉTÉ DU BAZAR POLONAIS.)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
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