Retour à l'accueil
11 mars 1832 - Numéro 20
 
 

 



 
 
    
LITTÉRATURE.

Quelques observations de M. de Sellon1 en réponse à l’ouvrage de M. Urtis, avocat, « Nécessité du maintien de la peine de mort. »

« L’homme est susceptible de perfectibilité et par conséquent d’amendement. Dès lors, point de peine irréparable. Abolissons la peine de mort et remplaçons-la par la peine la plus grave qui suit. Qu’un système pénitentiaire, largement conçu, séquestre le coupable de la société et ne le lui rende que digne d’elle !… Les mœurs en deviendront graduellement plus douces et plus pures. Par le respect que la société tout entière aura montré pour la vie d’un de ses membres, nous aurons désarmé et le duelliste et l’assassin, parce que ce respect descendra de la loi dans les mœurs, non par le commandement du législateur, mais par la force de l’exemple. »

C’est ainsi qu’un philosophe genevois, M. de Sellon, a raisonné ; et non content de déposer dans un livre cette doctrine, il y a consacré sa vie. Appel aux puissances, appel aux jurisconsultes, aux savans, aux artistes, à toutes les classes de la société ; concours, prix décernés, tous les moyens ont été employés par lui pour arriver à ce but. Et quel but ! en fut-il un plus grand ? L’abolition de la peine de mort, le respect de la vie des hommes.

Il mérite la couronne murale le citoyen qui consacre sa vie au triomphe d’une aussi belle thèse. Du jour de l’abolition de la peine de mort datera l’ère de la vraie civilisation, M. de Sellon en sera l’apôtre.

L’ouvrage qui me sert de texte échappe à l’analyse, n’étant lui-même qu’un résumé de témoignages en faveur de l’abolition de la peine de mort et d’observations en réponse à M. Urtis, avocat à Paris, qui a cru devoir combattre la doctrine du philantrope de Genève.

Dans ces observations, M. de Sellon insiste particulièrement sur l’abolition de la peine de mort en matière politique. J’oserai plus que lui, et je demande à tout homme d’honneur, qu’il me réponde en son ame et conscience à cette question : Y a-t-il des crimes politiques ? je ne le pense pas ; je conçois bien les crimes contre les personnes, contre les propriétés : le meurtre, le vol, l’incendie, etc. Mais ce que je ne [7.1]conçois pas, c’est un crime politique. Il y a là un étrange abus des mots. Le mot crime politique appartient à un autre ordre de choses, à d’autres temps. Il appartient à une époque où il existait des crimes religieux. En effet, crimes religieux, crimes politiques sont corrélatifs. Depuis Voltaire, on ne parle plus des premiers ; pour eux, la peine de mort est abolie de fait, du moins dans l’Europe civilisée : pourquoi n’appliquerait-on pas aux seconds la même tolérance ? Ils ne doivent être punis que par l’exil ; mais si la hache du bourreau se lève, c’est un assassinat, c’est le plus fort égorgeant le plus faible.

Marius Ch.......

Notes (LITTÉRATURE.)
1 Jean-Jacques de Sellon (1782-1839), philanthrope suisse partisan de la cause abolitionniste. Il venait de publier chez Gruaz à Genève Quelques observations sur l’ouvrage intitulé Nécessité du maintien de la peine de mort, tant pour les crimes politique que pour les crimes privés (1831). Ce texte est donc contemporain du débat important sur le sujet en France, débat où intervinrent notamment Victor Hugo (Le dernier jour d’un condamné, 1829) et Lamartine (Contre la peine de mort, 1830).

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique