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18 mars 1832 - Numéro 21
 
 

 



 
 
    
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du 15 mars.

(présidée par m. guérin.)

Le sieur Guibaud, dont l’affaire a déjà paru au conseil, réclame au sieur Vuldy un défrayement ; ayant monté un métier de grenadine 5/4 pour une pièce, pendant laquelle il a cessé de matières, et chômé à la fin plus de dix jours, attendant une seconde pièce qui lui fut promise, et ensuite refuser par le sieur Vuldy ; il expose aussi au conseil que ce dernier n’a porté son déchet qu’à raison de 20 grammes par kilo, ayant l’habitude de porter le déchet à 30 grammes à ses autres maîtres. Le sieur Vuldy répond que, quant au déchet, il a des maîtres auxquels il ne le règle qu’à 15 grammes par kilo, et qui sont satisfait ; que cependant il a réglé des comptes où le déchet de grenadine est porté à 30 gram. par kilo, et se croit libre d’en user ainsi, et ajoute que s’il a fait chômer le sieur Guibaud, c’est qu’il croyait pouvoir le continuer.

Le conseil déclare qu’attendu que le sieur Guibaud a perdu beaucoup de temps et qu’il est en perte, le sieur Vuldy lui payera 20 fr. d’indemnité ; les parties demeurent ainsi conciliées.

Le sieur Pape réclame au sieur Francoz fils1 15 gram. par pièce, n’ayant point rendu de tirelle, ainsi que le poids des échantillons qu’il a rendu également à chaque pièce ; le sieur Francoz dit qu’il n’a pas l’usage, dans son magasin, d’accorder des tirelles, ni de peser les échantillons qui, pour la plupart, ne pèsent pas 5 grammes.

Le conseil décide qu’attendu qu’il est de règle et d’usage d’accorder 15 grammes chaque pièce pour les tirelles et 5 grammes pour les échantillons, le sieur Francoz doit se conformer aux réglemens en usage et payer à ses ouvriers les tirelles et les échantillons.

Le sieur Audifray, compagnon, réclame au sieur Favre le montant de la façon de sa première coupe, ne voulant plus continuer. Le sieur Favre se plaint au conseil du caprice de son ouvrier qui, ayant fini sa coupe, n’a pas seulement voulu faire 1/4 pour faire tirant, et est allé travailler ailleurs.

Le conseil condamne l’ouvrier à rentrer de suite, à finir sa pièce ou à perdre la façon de sa première coupe.

Une cause semblable à la précédente a eu lieu entre le sieur Drivon et son ouvrier, et ce dernier a été condamné à rentrer dans l’atelier et à finir sa pièce.

Le sieur Boulot, liseur, dont l’affaire avec les sieurs Roux et Jubin2 est très-embrouillée, avait été renvoyé pardevant M. Rey, qui, ayant découvert une erreur de 72 fr., avait cherché à concilier les parties, déclarant que les sieurs Roux et Jubin devaient payer 100 fr. de défrayement en sus des 72 fr. au sieur Boulot, attendu qu’il y a erreur dans les escomptes.

Le conseil, après avoir entendu les débats des deux parties, débats où il a été reconnu que le sieur Boulot avait été dupe de sa confiance envers le sieur Roux, maintient la conciliation proposée par M. Rey, déclarant que le tribunal de commerce est plus compétent que le conseil pour juger cette affaire.

Le sieur Mathelin expose au conseil qu’il a fabriqué [6.2]deux pièces de courant à bande de 60 aunes chaque pour le sieur Gentelet3, que pour la première pièce il a été obligé de faire la dépense des lissettes pour les bandes unies, et que la seconde pièce n’étant pas sur la même disposition, il a encore fait des dépenses pour rajuster son métier. Le sieur Gentelet ne pouvant plus continuer à lui donner de l’ouvrage, le sieur Mathelin demande au conseil de fixer le montant de son défrayement. Le sieur Gentelet répond qu’il ignorait que l’ouvrier fût obligé de faire des dépenses pour monter son article, que cet ouvrier s’est chargé de son ouvrage sans lui faire aucune observation ; que s’il l’eût cru obligé de faire des dépenses, il ne l’aurait pas occupé, ayant d’autres maîtres qui ont leurs harnais tout prêts.

Le sieur Gentelet désire connaître quelle est la jurisprudence du conseil à l’égard des défrayemens que les ouvriers réclament, désirant s’y conformer afin de n’avoir aucune difficulté avec les chefs d’ateliers qu’il occupe, étant prêt à se soumettre à tout ce que le conseil décidera ; mais qu’il croit, en fait, ne rien devoir à cet ouvrier, que c’est un malheur s’il se trouve en perte, et voudrait bien continuer à lui donner de l’ouvrage, mais que cela lui est impossible.

M. le président, après avoir recueilli les voix, déclare que le conseil a décidé qu’il n’y avait pas lieu à indemnité.

M. Gentelet, reconnaissant, d’après le compte de cet ouvrier, une perte réelle faite avec lui, l’invite à passer à son magasin pour recevoir un défrayement alloué volontairement, n’ayant point la prétention, dit-il, de constituer en perte ceux qui travaillent pour lui.

L’affaire de M. Gentelet nous suggère les réflexions suivantes sur les courans à bande unie : cet article étant très-peu suivi, et occasionant à l’ouvrier des dépenses de harnais et de montage, il nous semble que les négocians devraient fournir les lissettes aux chefs d’ateliers ; ces derniers alors, n’auraient à supporter que les frais d’appareillage et de remettage, et dans le cas où ils ne tisseraient qu’une pièce de 50 aunes, le négociant n’aurait à les défrayer que de ces menus frais. Nous pensons donc que cette habitude, qui est en usage chez beaucoup de fabricans d’unis, devrait être adoptée par les négocians qui font fabriquer cet article ; on éviterait beaucoup de contestations et les dépenses que les chefs d’ateliers supportent trop souvent, lors même que des défrayemens leur sont alloués, parce qu’ils ne sont jamais en rapport avec leurs pertes. Il y aurait donc économie, le négociant ayant la facilité de faire servir ces remisses à tous les ouvriers qu’il veut occuper, facilité que n’a pas le chef d’atelier, ses harnais pouvant rarement servir pour les autres fabriques, dont les dispositions sont différentes, et perd ainsi la moitié de la valeur de ses harnais, sans compter les nouveaux frais qu’il est forcé de faire pour travailler pour un nouveau fabricant. Dans le cas où les fabricans ne consentiraient pas à fournir les harnais, nous invitons les chefs d’ateliers à faire des conventions avant de monter les métiers, et de consulter notre 2e article des abus du montage de métiers, dans notre 16e numéro du 12 février.

prix courant des façons.

Ruban gros de Naples chiné uni, à double boîte, 2 et coups, l’aune : 45 c.
Rubans id. uni, N° 30. 2 et 4 coups : 55 c.
Rubans façonnés 2 lats, N° 30 : 60 c.
Rubans gros de Naples chiné quadrillé, N° 30, 2 l. : 60 c.
Rubans satins façonnés, 600, 2 l. N° 30 : 60 c .
Ceintures façonnées, 900, 2 l. N° 10 : 60 c.
Id. id. 900, 2 l. N° 12 : 60 c.
Id. id. 600, 2 l. N° 10 : 50 c.
Grenadine unie, 4/4 le carré : 90 c.

Notes (CONSEIL DES PRUD’HOMMES.)
1 Probablement François Francoz, marchand fabricant de soieries, 15 rue Saint-Catherine.
2 Les sieurs Roux et Jubin ; Maison Roux-Verand et Jubin (Jean-Marie), 15 rue Puits-Gaillot.
3 Pierre Gentelet, Maison Gentelet et Dubost, 16 quai Saint-Clair.

 

 

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