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25 mars 1832 - Numéro 22
 

 




 
 
     

[1.1]Une souscription est ouverte au bureau de l’Echo de la Fabrique en faveur des blessés, des veuves et des orphelins des trois journées de novembre. Nous en appelons à toutes les ames généreuses, à ces cœurs philantropes qui ont secouru l’infortune jusque sur des rives étrangères, et dont l’humanité ne manquera pas de venir au secours de leurs concitoyens malheureux.

LYON.1

du projet d’association pour les ouvriers en soie,
Par M. Benjamin Rolland.

Partisans nés des associations, nous voudrions les voir introduire dans toutes les branches de l’industrie. Nous devions donc méditer le projet de M. Benjamin Rolland, et c’est ce que nous avons fait. Déjà dans deux articles nous avions prouvé que nous connaissions parfaitement les statuts de la société protestante de secours mutuels, à la fondation de laquelle, comme M. Benjamin Rolland, nous avons participé. Nous avions démontré que ce qui est un bien dans la société protestante, peut devenir très-pernicieux dans celle des ouvriers en soie, et notre mission semblait terminée à ce sujet. Mais aujourd’hui qu’un écrivain estimable, tant sous les rapports du talent que par l’intérêt qu’il prend au sort des travailleurs, lui prête son appui dans le Précurseur, journal dont nous nous faisons gloire de partager les opinions en faveur des classes industrielles, nous devons revenir de nouveau sur ce mode d’association.

[1.2]Ce n’est point pour le plaisir de faire de l’opposition que nous prenons la plume ; le bonheur de la classe que nous défendons et que nous défendrons toujours avec persévérance, voilà ce qui nous guide. Nous rendons justice à M. Benjamin Rolland et à M. Th. de S...... ; le premier a dans son projet des pensées grandes et généreuses, dignes enfin du philantrope qui les a élaborées ; le second, n’écoutant que le bien de l’humanité auquel il a si généreusement voué ses talens, l’a adopté, parce que, ne jugeant les hommes que d’après son cœur, il n’a pas cru que la perversité pût un jour souiller un si bel œuvre.

On parle toujours d’égalité, et toujours on cherche à faire des distinctions ; pourquoi dans le projet d’association de M. Benjamin Rolland veut-on établir une aristocratie ; n’est-ce pas en établir une que de composer une commission centrale par sept membres honoraires, où siégeront seulement deux industriels ? La commission centrale, y est-il dit, pourra s’adjoindre seize membres qui seront pris par nombre égal de fabricans et d’industriels ; ainsi, la majorité restera toujours aux honoraires, qui pourront interpréter le règlement comme bon leur semblera, et disposer à leur gré des secours à allouer.

A Dieu ne plaise que nous voulions d’avance condamner les intentions ; mais quand on fonde une société, on doit penser autant à l’avenir qu’au présent ; et les hommes honorables qui se mettront aujourd’hui à la tête de l’association, peuvent, avec le temps, être remplacés par d’autres qui n’auront pas leurs vues philantropiques ; alors il se pourrait que l’industriel qui réclamerait le [2.1]prix de son travail avec justice et fermeté, serait, plus tard, privé du bénéfice voulu par le règlement ; et victime de l’influence, il verrait toutes ses espérances déçues. Voilà ce qu’il faudrait éviter, et nous ne voyons rien dans le projet de M. Benjamin Rolland qui puisse atteindre ce but.

On nous objectera que la commission centrale n’accordera les secours que sur le rapport des commissions d’arrondissement, composées d’industriels ; mais la commission centrale n’en aura pas moins le droit de les refuser, si elle a les mêmes attributs que celle de la société protestante. Nous ne sommes point exclusifs, nous acceptons la participation des membres honoraires dans la gestion de la société, mais à nombre égal d’industriels et de fabricans, ou autres ; et nous ne voyons pas pourquoi les prolétaires seraient toujours à l’index.

Si 2,000 chefs d’ateliers sont sociétaires et versent chacun 3 fr. par mois, cette cotisation formera un capital de 72,000 fr. par an ; que la société ait 200 honoraires qui verseront chacun 100 fr. par an, la société n’obtiendra, par eux, qu’une somme de 2,000 francs ; ainsi, ceux qui verseront 2,000 fr. auront la majorité dans la commission centrale au détriment de ceux qui en verseront 72,000. On nous dira que les honoraires donnent et ne reçoivent pas ; eh bien ! cet un œuvre philantropique, et pour qu’il soit plus grand, plus sublime, qu’ils en laissent la direction à une commission centrale composée de huit industriels et huit honoraires, présidée, si on le trouve bon, par un magistrat ; mais tant que l’égalité ne présidera pas à la formation des commissions, tout système d’association sera impossible.

Nous eussions désiré que M. Benjamin Rolland se fût expliqué sur ce qu’il appelle travail supplémentaire ; sans doute, sa pensée a été de créer des maisons de commerce qui, dans un moment de cessation forcée, occuperaient les ouvriers en soie en leur faisant gagner une journée proportionnelle à leurs besoins ; car, s’il n’en était pas ainsi, nous croyons qu’il ne serait pas nécessaire d’appartenir à une société pour chercher du travail autre que celui auquel on est habitué, ou pour aller porter une balle de terre aux fortifications.

Au reste, que M. Benjamin Rolland fasse dans son projet quelques concessions en faveur de la classe prolétaire ; que l’égalité préside à la formation des comités, et nous prédisons qu’il aura atteint le but si long-temps désiré par tous les hommes qui ne pensent qu’à l’amélioration du sort des travailleurs.

Nous terminons en rendant justice aux vues élevées et généreuses de M. Benjamin Rolland ; son projet, à part quelques défauts que nous avons signalés, est l’œuvre d’un homme de bien, qui peut fermer l’abîme qui menace d’engloutir depuis long-temps la classe industrielle de notre cité.

A. V.

des améliorations à apporter à la fabrique.   

Quoique les travaux aient repris, qu’une légère augmentation ait été faite dans quelques articles, et que le fabricant ait vu sa position s’améliorer depuis un mois, on ne peut se dissimuler que la crise qui a affligé notre industrie est profonde, et que chaque instant peut la voir renaître. Il est patent pour tous que de nouvelles secousses anéantiraient le peu d’activité qui nous reste, et que les petites étoffes unies, par exemple, ne peuvent pas long-temps soutenir la concurrence du dehors. Il importe donc, au suprême degré, de rechercher quels [2.2]remèdes on pourrait apporter au mal, et par quels moyens on pourrait prévenir de nouveaux désastres.

Nous croyons qu’une des grandes causes de la décadence de notre industrie, est le manque d’union entre ceux qui l’exploitent. L’égoïsme a totalement détruit la confiance qui devrait régner, pleine et entière ; il empêche toute amélioration d’avoir lieu. Chacun, en effet, agit isolément, au hasard, sans direction, sans avoir de but fixe, si ce n’est celui de l’intérêt ; point de grandes pensées, point de vues larges, point d’améliorations sur une grande échelle. Et comment cela serait-il possible, avec les cachotteries, les petites jalousies, les sentimens étroits qui dominent généralement l’esprit de commerce ? L’homme ne devient meilleur que par le contact obligé de ses semblables ; isolé, il n’est capable de rien par lui-même ; en société, il veut et peut de grandes choses. Nous sommes donc convaincus que le premier moyen pour amener des améliorations successives, est la cessation de l’esprit d’égoïsme et d’isolement dans lequel chacun se débat, et que pour parvenir à ce but, il y aurait une voie possible. Ce serait :

1° La réunion de tous les fabricans, au moins tous les deux mois en assemblée générale. On y discuterait les hauts intérêts de la fabrique, des questions de douanes, de primes, de culture de soie, etc. etc. Un bureau serait élu chaque année, et procès-verbal tenu de chaque séance.

2° La réunion au moins une fois par mois de tous les fabricans du même article ; elles auraient lieu à des jours différens, afin que les individus, ayant plusieurs genres de fabrication, pussent assister à toutes. On s’y entretiendrait des moyens de perfectionnement à appliquer aux branches moins avancées ou souffrantes ; on y spécialiserait, en un mot, ce qu’on aurait généralisé dans les assemblées de tous les deux mois. Des questions à résoudre pourraient y être choisies et soumises ensuite à l’assemblée générale, qui déterminerait une prime à accorder à leur solution.

3° Une cotisation annuelle serait faite entre tous les fabricans, à l’effet de produire un capital, dont la rente serait affectée aux essais divers de machines ou procédés dont la découverte pourrait être utile, et qui d’ordinaire ne peuvent être employés faute de fonds nécessaires pour leur confection première.

4° Enfin, on admettrait dans toutes les réunions mensuelles les chefs d’ateliers qui voudraient en faire partie, et dont les connaissances toutes spéciales pourraient produire les effets les plus heureux dans l’intérêt général.

On sent facilement combien de semblables mesures seraient utiles et praticables. Elles auraient pour résultat immédiat de donner à tous les fabricans un amour de leur bien-être réciproque, une espèce de confraternité, de solidarité de réussite, qui ne leur manque que parce qu’ils s’évitent au lieu de se rechercher ; chacun se croirait obligé d’apporter à la masse le tribut de ses lumières ; les procédés les plus économiques, les plus fructueux naîtraient sous leurs efforts réunis ; d’un autre côté, les fonds applicables aux inventions, laisseraient le champ libre aux imaginations industrielles, et les effets les plus inattendus pourraient en surgir ; enfin le contact habituel des ouvriers et des fabricans leur apprendrait à s’aimer, à s’estimer les uns les autres, et révélerait une foule de capacité qui meurent impuissantes à se faire jour. La fabrique de Lyon, mue alors par un même esprit, animée d’une même tendance, prendrait une vie nouvelle ; nous croyons ces moyens efficaces, et appelons sur eux l’attention et les observations des manufacturiers de notre ville.

Léon F.........

L’UN ET L’AUTRE.1

[3.1]Deux hommes nés parmi nous jouissent de la même fortune ; ce ne sont pas deux prolétaires, ce sont deux hommes de la propriété. Tous deux croient leurs opinions bonnes ; ces opinions n’ont rien de politique ; elles n’ont trait qu’à des intérêts purement matériels. Chacun d’eux pense que la société sera en péril si on n’abonde pas dans son sens ; cependant l’un a raison, et l’autre a tort : nous allons les traduire à la barre du peuple, chacun fera sa harangue, et nous verrons de quel côté seront les sympathies. (Le peuple écoute attentivement.)

L’un : Le peuple doit être satisfait, l’esclavage est aboli ; il est notre égal devant la loi, quoique nous soyons au-dessus de lui par la fortune ; voilà, certes, une assez large part. Le peuple, ce sont les prolétaires, c’est-à-dire ceux qui doivent travailler du matin au soir sans relâche pour gagner leur pain ; et comme nous les faisons travailler, ils nous doivent des égards… J’appelle des égards cette soumission respectueuse que le pauvre doit au riche. (Légers murmures.)

L’orateur poursuit : Le peuple ne doit penser qu’à travailler ; condamné à cela par sa position, toute autre idée est subversive de l’ordre social. L’industriel doit être attaché à son art et ne rien voir au-delà ; à nous seuls, à qui la fortune a légué l’instruction, appartient le droit de penser au-dehors de notre magasin, de notre comptoir. (Murmures.)

Si les prolétaires, les travailleurs se plaignent de leur peu de gain, qu’ils ne se trompent point, ces plaintes, loin de les adoucir, aggravent leurs maux ; il vaudrait mieux subir une réduction de bonne grâce ; et quand nous verrions qu’ils ne peuvent plus donner du pain à leurs familles, alors notre philantropie… (Les murmures redoublent.) Alors, dis-je, notre philantropie ne manquerait pas de venir à leur secours.

Les travailleurs, comme je l’ai déjà dit, ne sont plus esclaves ; ils ont en horreur, sans doute, tout état de servitude, pourtant ils nous doivent soumission, car nous sommes leurs chefs naturels. (Violens murmures, interruption.) Oui, nous sommes leurs chefs naturels, et de nous dépend leur existence ; tant qu’ils ne nous regarderont pas comme tels, tant qu’ils se croiront réellement nos égaux, ce ne sera que collisions, et la société sera en péril. (La violence des murmures empêche l’orateur de poursuivre.)

L’autre : Dans l’organisation sociale, il faut des riches et des pauvres, c’est-à-dire, des prolétaires et des hommes de la propriété, ce sont deux classes indispensables, dont les intérêts sont liés, et qui, par conséquent, doivent s’aimer entr’elles ; car de là dépend la grandeur et la prospérité de la patrie : je dis de la patrie, car si le peuple ne peut lui donner de l’or, comme nous il rehausse sa gloire par son industrie, et lui offre souvent quelque chose de plus précieux ; il lui donne son sang… (Applaudissemens.)

Pourquoi mépriserions-nous les travailleurs, ces hommes laborieux qui font mouvoir nos capitaux ? Serait-ce parce que, maltraités par la fortune, ils sont obligés de venir nous demander du travail ? Eh bien ! c’est ce travail qui nous fait passer notre vie au sein de l’abondance ! Le pauvre et le riche, le travailleur et le commerçant, quoique dans une position différente, sont deux frères, et s’ils n’ont pas eu le même héritage, ils n’en doivent pas moins s’aimer entr’eux… (Les applaudissemens redoublent.)

Ceux qui veulent partager les citoyens en deux camps sous les noms de prolétaires et d’hommes de la propriété, [3.2]sont les vrais ennemis de l’ordre et de la paix. (Assentiment général.)

L’industriel est un homme libre ; il est l’égal du banquier, du commerçant ; celui qui ne pense pas ainsi, fait un anachronisme de quatre siècles. (Applaudissemens mêlés de bravos !)

Je n’ai jamais mendié la popularité dans les ateliers, dans les échoppes. Mais je crois que la vertu habite tout aussi bien dans les ateliers, dans les échoppes que dans les salons. (L’enthousiasme est à son comble.) Que ceux qu’une vaine fierté dirige fassent parade de leur fortune, de leur grandeur ; pour moi, je me fais gloire d’être populaire. (Bravos redoublés.)

Ainsi raisonnent deux hommes de la propriété ; ces deux hommes sont représentés par deux feuilles périodiques de notre ville. Nous laissons aux travailleurs, aux prolétaires, à la masse enfin des citoyens, le soin de juger lequel à raison de l’un ou de l’autre.

A. V.

ABUS1

du payement a jour fixe.

Parmi les nombreux abus de notre fabrique, il en est un en usage dans quelques maisons de commerce, que l’on peut compter dans la catégorie de ceux qui pèsent le plus sur les chefs d’ateliers. Que l’on se figure une maison de commerce occupant 60 chefs d’ateliers, ayant le barbare usage de ne payer ses ouvriers qu’à jour fixe ; de combien de dégoûts, d’amertumes, d’humiliations et de souffrances, ne sont-ils pas abreuvés les malheureux qui, malgré toute l’activité qu’ils ont pu mettre à fabriquer leur ouvrage, ne peuvent réussir à le rendre au négociant qu’après le jour fixé pour le payement ; qui, malgré leurs pressans besoins et leurs sollicitations, pour avoir leur salaire, n’obtiennent pour toute réponse que ces mots : l’usage de notre maison est de ne donner de l’argent que tel jour, à telle heure, et nous ne voulons pas déroger. Souvent nous avons vu, après une aussi désespérante réponse, des larmes s’échapper aux mères de famille qui avaient cru en exposant ainsi publiquement leurs besoins, obtenir au moins un à-compte. Ainsi, trompé dans son attente, l’ouvrier est obligé de vendre ou de mettre en gage ses harnais.

Enfin, arrive le jour après lequel chacun soupire : l’on se rend de bonne heure dans la bienheureuse cage, d’où, après avoir langui deux ou trois heures, serrés une trentaine les uns contre les autres, étouffant de chaleur et d’ennui, l’on voit venir le caissier qui, mesurant d’un œil important le nombre des demandeurs, dit, en murmurant entre ses dents, la ménagerie est bien pleine, et répond ensuite à la demande de chacun : Je suis bien fâché, mais je ne puis vous donner que la moitié de ce qui vous revient. C’est ainsi que l’on fait faire au chef d’atelier, qui a soldé ses ouvriers, une douzaine de courses et perdre beaucoup de temps pour obtenir le solde, souvent très-minime, qui lui revient.

Aujourd’hui, la justice et l’harmonie doivent présider aux relations des chefs d’ateliers avec leurs négocians, un semblable abus ne saurait se perpétuer plus long-temps. L’humanité et les lois le condamnent. Le salaire de l’ouvrier doit lui être soldé quand il le désire, aussi bien que le billet à ordre du négociant lorsqu’il est échu. Nous croyons donc qu’un maître-ouvrier qui serait forcé, pour un semblable abus, de citer un négociant à la barre du conseil des prud’hommes, ce dernier y serait condamné à payer de suite.

[4.1]Honneur à ces négocians probes qui tiennent un caissier toujours prêt non-seulement à satisfaire les demandes des ouvriers, mais à les prévenir dans leurs besoins en leur offrant de l’argent toutes les fois qu’ils rendent leurs étoffes ! Ces maisons, dis-je, par leurs bons procédés, méritent la reconnaissance des ouvriers, autant que celles qui abusent de leur misère méritent le blâme.

AU RÉDACTEUR.

Monsieur,

J’ai lu dans votre dernier Numéro une lettre signée Martinon. Je ne connais nullement l’homme qui a eu la générosité de signaler un trait d’égoïsme qui n’a pas d’exemple. C’est, selon moi, rendre un grand service à deux classes qui ne peuvent exister l’une sans l’autre, je veux dire les chefs d’ateliers et les fabricans. Ces derniers doivent être charmés de voir mettre sur la sellette les sangsues du commerce, qui, après avoir épuisé le pauvre ouvrier jusqu’à la dernière goutte de son sang, vont flairant celui de leurs confrères.

Honneur au chef d’atelier courageux qui, le premier, a rompu en visière avec ces hommes cupides ! Qu’il ait de nombreux imitateurs, et bientôt notre industrie redeviendra florissante comme par le passé ; car il ne faut pas se dissimuler que s’il existe des hommes qui, selon l’expression du poète, boivent la sueur au front du prolétaire, il en est aussi qui, doués de beaucoup de probité, ont lu la lettre de M. Martinon avec plaisir et lui savent gré de sa franchise.

Je vous préviens, Monsieur le Rédacteur, que nous avons fait vœu, plusieurs chefs d’ateliers, de vous signaler tous les abus de ce genre qui viendront à notre connaissance ; et, à l’exemple de M. Martinon, nous nous signerons en toutes lettres.

J’ai l’honneur d’être, etc.

M. T. Say.

AU MÊME.

Monsieur,

II est d’usage dans toutes les maisons de commerce d’écrire sur les livres des chefs d’ateliers, soit les déchets, soit les tirelles. Eh bien ! savez-vous quelle petite manœuvre est employée par un fabricant d’étoffes de goût ? au lieu de marquer les tirelles à ses ouvriers, il les invite très-poliment à passer dans le magasin, et là on fait faire à l’ouvrier un reçu sous seing privé de ses tirelles ; on le paye et tout est fini : voilà, Monsieur, un sûr moyen d’empêcher les chefs d’ateliers de montrer leurs livres à leurs confrères.

J’ai accepté ces conditions, me réservant toutefois de signaler de telles turpitudes dans votre estimable journal.

J’ai l’honneur, etc.

Legras.

AU MÊME.

Monsieur,

Je vous prie, dans l’intérêt des travailleurs, d’insérer dans votre prochain N° la note suivante :

Les mouchoirs grenadine unis 4/4 que MM. Depoully1 et Godemard2 payent 80 c., ne sont payés chez MM. Flechet3 et Dourlat que 60 c. ; et les mouchoirs grenadine unis 3/4, que les premiers payent 50 c., ne sont payés chez MM. Pin et Perret4que 40 c., ce qui fait une grande [4.2]différence pour le chef d’atelier et l’ouvrier. Cette disproportion des prix doit en même temps gêner la spéculation de l’honnête fabricant.

Je l’honneur, etc.

Frédéric fils.

COUR D’ASSISES.

Lundi 19, la cour d’assises avait à connaître une cause assez remarquable. Le sieur Claude-Henri Reynard avait été condamné par contumace, en 1819, par les assises du Rhône, pour faux en écritures. Quelques mois après, il se fit recevoir dans les rangs de l’armée sous le nom de Muzard. Resté au service pendant 13 ans, sa bonne conduite l’avait élevé au grade de maréchal-des-logis-chef dans l’ex-garde royale ; au mois de juillet 1830, son corps ayant fait sa soumission, il fut employé par le général Gérard dans plusieurs missions délicates. Enfin, lors du voyage du Roi en Alsace, le général Gérard, devenu maréchal, reconnut le soldat fidèle, et le souverain attacha à sa boutonnière le signe des braves. Cette faveur fut le signal de son infortune.

Reynard, reconnu sous un faux nom, fut traduit devant un conseil de guerre et condamné à 5 ans de fers. Ses juges et l’état-major appuyèrent son pourvoi en grâce.

Avant tout, le ministre a voulu que Reynard purgeât sa contumace sur l’accusation de faux. C’est ainsi qu’il comparaissait devant le jury.

Sur la plaidoirie de Me Hodieu, Reynard a été acquitté à la grande satisfaction de l’auditoire que ces débats avaient vivement ému.

Dufour et Capel, condamnés l’un à 5 ans, l’autre à 6 ans de travaux forcés, pour vol commis la nuit par escalade et avec effraction, ont subi, mercredi 21, la peine de l’exposition et du carcan.

Le 21 mars, Etienne Boul, accusé de cris séditieux, a été acquitté par le jury.

Le sieur Glas vient d’être mis en liberté. La chambre du conseil a déclaré qu’il n’y avait pas lieu à poursuivre.

NOUVELLES DIVERSES.

Une décision de M. le directeur-général des postes supprime le timbre de 35 c. pour les reconnaissances au-dessous de 10 fr.

Les mémoires du Maréchal Ney, publiés par sa famille, paraîtront vers le 20 avril.

Marseille. - Les achats en coton continuent d’être très-actifs, et ont porté principalement sur ceux d’Amérique.

Les soies obtiennent toujours un écoulement rapide ; sur une quarantaine de balles vendues la semaine dernière, il s’en trouvait une vingtaine de brousses à grands et petits poils.

Rouen. - Tous les articles de rouenneries continuent à être vivement recherchés, mais sans hausse, ce qui ne peut être attribué qu’à l’encombrement occasionné par la nullité trop prolongée des affaires. Il paraît certain que l’augmentation si désirable pour le bien-être de l’ouvrier ne tardera pas à se réaliser.

Tarare. - Les mousselines se sont bien vendues, et les prix de façons ont augmenté ; les fabricans ont rappelé les ouvriers qui avaient quitté cette ville pour chercher de l’occupation ailleurs, en leur proposant une augmentation de salaire.

Bordeaux. - La foire annuelle de mars a été continuée jusqu’au 20 de ce mois ; toutes les boutiques ont été occupées, ce qui n’avait pas eu lieu depuis long-temps ; les droits de plaçage ont été diminués. Il s’est beaucoup vendu, soit en gros, soit en détail. En général, les marchands sont satisfaits.

- La souscription des femmes du département de la Moselle, en faveur des Polonais, a produit 8,621 fr. 72 c.

- Depuis la loi du 14 juillet 1821, les ports de Bordeaux et de Bayonne n’avalent jamais été ouverts aux importations des grains étrangers. Le prix des mercuriales est déjà connu a Toulouse, à Marseille, [5.1]à Lyon et à Gray ; d’où il résulte le prix moyen de 24 fr. 62 c. ; ainsi, il y a certitude que l’importation sera permise en avril prochain. L’abondance des grains dans l’entrepôt de Marseille, à Toulon et à Port-Vendre, fera refluer des approvisionnemens dans tout le Midi ; on s’attend à de nombreuses expéditions de l’étranger aussitôt que l’admission sera permise.

La circonstance, autant que rare de l’ouverture des ports de Marseille et de Bordeaux, laissera disponibles pour les départemens intérieurs du Midi, toutes les ressources dont on craignait d’épuiser le Gers, la Haute-Garonne, l’Aude, etc.

ENSEIGNEMENT MUTUEL.

Société d’instruction élémentaire du département du Rhône.

MM. les Actionnaires de la Société sont invités à se réunir aujourd’hui dimanche 25, à midi précis, dans le palais des Arts, salle de la Bourse, pour y entendre le compte-rendu des travaux de l’année 1831.

Lyon, le 13 mars 1832.

Le président de la commission executive,

Chevrolat.

ENSEIGNEMENT GRATUITi

Le 10 avril, à six heures et demie du matin, l’on ouvrira un cours de comptabilité gratuit en 20 leçons. L’on y joindra quelques connaissances économiques, qui sont d’une haute importance dans le commerce et l’industrie.

Une méthode nouvelle et lumineuse, qui est destinée à rendre les études plus faciles et moins longues, la méthode de Condillac1, dite méthode naturelle, étant enseignée à l’Université de France, l’on en fera l’application à ce cours, qui lui devra sa clarté et sa briéveté.

La valeur monétaire est la matière propre de la comptabilité. Il a donc paru convenable d’en offrir l’analyse à l’occasion de l’enseignement de cet art. Et comme l’argent qui la constitue a pour représentatifs la lettre de change et les billets au porteur, l’on se trouvera naturellement amené à exposer encore l’analyse de la lettre de change, ainsi que la théorie des banques de circulation, qui ont créé les billets au porteur ; ce qui complétera l’exposition du système monétaire dans l’état de perfectionnement auquel il a été porté de nos jours.

Mais puisque l’argent est une espèce de richesse, il faudra, pour en achever l’analyse, y rattacher celle de la richesse en général, ou du moins sa définition ; et c’est ainsi que, par l’enchaînement des idées, l’on passera ensuite à la considération de la balance et de la liberté du commerce, comparées l’une à l’autre ; qu’observant encore quelques autres causes générales qui agissent aussi puissamment sur cette source de la richesse publique, l’on remarquera parmi elles les variations fluctueuses que les oscillations du mouvement commercial apportent sans cesse dans le rapport général de l’argent avec les autres espèces de richesses : variations qui se transmettent aux fortunes privées comme à la fortune publique, et dont, par conséquent, il nous importe doublement de connaître les lois.

Toutes ces idées fondamentales qui se trouvent dispersées dans de volumineux ouvrages, et ne pourraient être recueillies qu’avec beaucoup de temps et de peines, [5.2]seront ici présentées avec ordre dans le court espace de deux séances, où, par ce rapprochement, elles se prêteront les unes aux autres une lumière et une force qu’elles ne sauraient avoir isolément.

Ainsi donc seront mises à la portée des jeunes gens qui se destinent au commerce, des connaissances qui sont indispensables pour s’en expliquer les vicissitudes, les souffrances ou la prospérité, et sans lesquelles le commerçant est exposé à se voir le jouet des événemens, dont il ne sait ni prévoir, ni calculer les chances ou les influences diverses.

D’ailleurs, offrant dans leur ensemble un aperçu du système de la circulation des valeurs, qui est l’objet de la comptabilité, ces connaissances seront encore, sous ce rapport, très-convenablement placées en tête de ce cours.

Pour y être admis, il est nécessaire de se faire inscrire, quai St-Clair, n° 9, au 4e étage.


i Ce cours est essentiellement gratuit. Cependant, pour retenir les personnes que cette condition pourrait en éloigner, elles auront, dans la dernière séance, la faculté de déposer secrètement ce qu’il leur plaira pour les ouvriers malheureux ou sans travail. Ce prix sera reçu des personnes qui ne voudront pas assister gratuitement à ce cours.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du 22 mars.

(présidée par m. second.)

La séance, ouverte à six heures et demie, a présenté peu de causes à juger ; le plus grand nombre était, par l’absence des parties, ou retiré du rôle, ou renvoyé par défaut.

Les causes qui ont offert quelqu’intérêt, sont les suivantes :

L’affaire des sieurs Solary et Ollier, qui précédemment avait été conciliée par le conseil, qui avait déclaré que le sieur Ollier, pour la résiliation de l’acte d’apprentissage de son fils, devait payer au sieur Solary la somme de 100 fr. avec facilité.

Le conseil, après avoir de nouveau entendu les parties a déclaré que la précédente conciliation était passée en jugement.

Les sieurs Virch, Leroy et Jeannin, ouvriers imprimeurs sur étoffes, travaillant tous trois chez le sieur Copier, se plaignent qu’on leur retient leur livret, ayant déclaré sortir de son atelier. Le sieur Copier présente au conseil un engagement qu’il a fait avec le sieur Virch, par lequel ils se sont engagés récriproquement, 1° le maître à payer son ouvrier par année, qu’il ait ou non de l’ouvrage pour l’occuper ; 2° l’ouvrier à rester chez lui une année, pendant laquelle il doit faire tous les genres d’impression auquel son maître aura à l’occuper. Le sieur Copier demande aussi que ses deux autres ouvriers fassent leur huitaine comme d’usage, et s’occupent, pendant ce temps, à travailler ; et il ajoute que ces ouvriers ne sortent de chez lui que parce qu’il est forcé de faire des élèves pour satisfaire ses commettans. Le conseil engage les ouvriers à souffrir des élèves parmi eux, en disant qu’ils sont bien contens aujourd’hui d’avoir appris cet état, et concilie les parties, déclarant que sieur Virch doit finir ses engagemens, et les sieurs Leroy et Jeannin travailler pendant leur huitaine de rigueur.

Le sieur Genet réclame aux sieurs Besset et Bouchard un défrayement : 1° pour avoir été forcé de travailler avec un dessin en mauvais état ; 2° avec un autre dessin qui lui fut ensuite fourni, et qui était pareillement en mauvais état, et sur lequel on changea onze cents cartons, sans compter ceux que le sieur Genet fut ensuite obligé de changer. Le sieur Meyrel, commis, chargé [6.1]de représenter les sieurs Besset et Bouchard, convient qu’étant absent, le sieur Genet a pu être retardé de huit jours de ses travaux, qu’il a reçu des cartons en mauvais état, dont il en a ensuite fait réparer un grand nombre. Le sieur Genet expose au conseil qu’il a monté à vil prix, aux sieurs Besset et Bouchard, un métier de mouchoirs colombiens 6/4, de 200 portées de chaîne, et que les pertes que lui a fait éprouver le sieur Meyrel, en refusant de lui faire repiquer entièrement le dessin, ne seraient pas couvertes par la somme de 200 francs ; il réduit ensuite sa demande à la somme de cent francs.

Le conseil, attendu qu’il est constant que les cartons qu’a reçus le sieur Genet étaient en mauvais état, qu’il a été forcé de rester huit jours sans travailler, et a perdu beaucoup de temps, condamne les sieurs Besset et Bouchard à payer la somme de 80 fr., à titre d’indemnité et de défrayement, au sieur Genet.

La séance a été terminée par le sieur Favre qui a obtenu un jugement par défaut contre le sieur Givors.

PRIX COURANT DES FAÇONS.

Crêpe de Chine façonné, 5/4, le carré : 2 fr. 25 c.
Idem, 4/4, id. : 1 fr. 40 c.
Mouchoir marabou façonné, à bordure, 4/4, le carré : 1 fr. 90 c.
Mouchoir popeline coton fin façonné, 3/4 : 1 fr. 50 c.
Idem popeline façonné, à bordure, 4/4, id. : 1 fr.
Mandarine façonnée, 24 pouces, l’aune : 1 fr. 75 c.
Cravatte, gros de Naples uni, 31 pouces, le carré. : 1 fr.
Idem, id. chiné, 31 pouces, id. : 1 fr. 20 c.
Gros de Naples gros grain, 7/12, l’aune : 1 fr.
Idem, 3/4 id. : 1 fr. 40 c.
Idem chiné, 40 p. 18 pouces, id. : 1 fr. 95 c.
Idem quadrillé, 18 pouces, id. : 1 fr. 70 c.
Gros de Berlin, 18 pouces, id. : 1 fr.
Poud de soie uni, id. id. : 1 fr. 90 c.
Satin, gros noir, uni, 15/16, id. : 1 fr. 90 c.
Satin, noir fin, uni, 7/8, id. : 2 fr.
Petit satin, coul. Div., uni, 11/24, id. : 2 fr. 60 c.

SOCIÉTÉ DU BAZAR POLONAIS.

8me et 9me listes des souscripteurs à la médaille.

Lyon.- MM. Gallois, directeur du Journal du Commerce, pour une médaille ; l’Ecuyer fils-aîné, 1 ; Cochard, membre de l’académie, 1 ; Cochard fils, négociant, 1 ; Bonnefond, directeur de l’école des beaux-arts, 1 ; Etienne Rey, professeur, idem, 1 ; Thierrat, idem, 1 ; Chenavard, idem, 1 ; Tainturier, 1 ; Aguettant, 1 ; Willam-Halt, 1 ; F. Lecoq, 1 ; Fontan, 1 ; Sébastien Comte, 1 ; James, 1 ; Plantin, 1 ; Blanchard, 1 ; Maujé, 1 ; Delaplanche, 1 ; Lagarde, 1 ; Maillot, 1 ; Ferrand, 1 ; Charles Gauthier 1 ; Denamps, 1 ; J.-Bape Dime, 1 ; Gorgeret, 1 ; Perras, 1 ; Blanc-St-Bonnet, 1 ; Robert, 1 ; anonyme, 1 ; Flasseur, 1 ; Rivoyre, 1 ; Pignard, 1 ; anonyme, 1 ; Jules Saum, 1 ; MM. les officiers composant le corps du génie, 15.

Limonest.– MM. Louis Perras , 1 ; François Farge , capitaine de la garde nationale, 1.

Venissieu (Isère). – MM. Etienne Sandier, maire, l ; Charles Devilette, 1 ; Joseph Gerin, 1 ; Antoine Garapon, 1 ; Christe Sembet, 1 ; Joseph Parent, 1 ; Jean Sembet, 1 ; Jean Gouchon, 1 ;.

Saint-Bonnet-de-Mûres. – MM. J.-Bapte Dorel, maire, 1 ; Joseph Roux, 1.

Mion (Isère). - M. Claude Trux, 1.

Lyon. - MM. Dessalle, officier en retraite, pour une médaille ; Thimonnier fils, huissier, 1 ; le comte de Guidi, 1 ; Bresson, architecte, 1 ; Odry, 1 ; Morel, 1 ; Trenay, 1 ; Morel, 1 ; J.-Bapte Cognard, 1 ; Rousset père, commissaire-priseur, 3 ; Rousset fils aîné, idem, 1 ; Rousset jeune, idem, 1 ; Antoine Rousset, négociant, 1 ; Jacques Jobert, commissaire-priseur, 1 ; Etienne Rhenter, idem, 1 ; Guillaume Spierenael, chef de bureau à la préfecture du Rhône, 1 ; Louis Bonnet, avoué, 1 ; Hippolyte Roux, avoué, 1 ; Hilaire Carrand aîné, 1 ; Jourdan, médecin, 1 ; Joseph Clerc, 1 ; Fidèle-Auguste Petit, 1 ; Rand, capitaine en retraite, 1 ; Faure, médecin, 1.

Faubourg de Vaise. – MM. Bruchon, pharmacien, pour une médaille ; Pupet, 1 ; Laroche, docteur-médecin, 1 ; Alexandre Guichannet, docteur-mèdecin, 1 ; Bidreman, 1 ; Francoz, 1 ; S.-A. Maurin, 1 ; Cazot fils, 1 ; Lenseigne, 1 ; Gautier, 1 ; anonyme, 1 ; anonyme, 1 ; anonyme, 1.

[6.2]Saint-Didier (Mont-d’Or). - M. Chabois , 1.

Bourg (Ain). – MM. Hippolyte Laplatte, libraire, pour une médaille ; Derognat, licencié en droit, 1 ; Rossand, ancien notaire, 1 ; Aimé Quinson, négociant, 1 ; un prolétaire, 1 ; Julien Regimbal, entrepreneur, 1 ; Frédéric Dufour, rédacteur du Courrier de l’Ain, 1 ; Alexandre Chicod, 1 ; Ebrard Hugon fils, 1 ; A. Briquet, 1 ; Eugène Martin, caissier à la recette générale, 1 ; Edgar Quinet, homme de lettres, 1.

Talissieu. - M. Charles Moroy, étudiant en droit.

Chambéry (Savoie). - MM. Cuillery-Dupont, pour deux médailles ; et plusieurs anonymes qui, pour cause, n’ont pas cru devoir se nommer, 22.

6me et 7me listes des offrandes en argent.

Lyon. - M. Fulchiron, député du Rhône, a fait verser 100 fr. ; M. Plagne, 4 fr. 85 c. ; M. Claude Rival, 7 fr. 90 c. ; Mme veuve Imbert, 14 fr. 20 c. ; M. Mestre a versé, au nom de la commission des habitans de l’ouest, la somme de 18 fr. 90 c. provenant d’un réglement de compte entr’eux.

Certifié : Le Secrétaire de la Commission exécutive,

Sylvain Blot.

5me liste.

souscription

En faveur des veuves, des orphelins et des blessés des trois journées de novembre.

MM. Thevenin et Gonon, épiciers : 8 fr. 40 c.
Bret, pour les chefs d’ateliers de Saint-George : 10 fr.
Total : 18 fr. 40c.

Le restant des souscriptions de l’association faites par les chefs d’ateliers du quartier de l’arrondissement des Chartreux, montant à la somme de 288 francs, vient d’être partagé entre 11 blessés et 4 veuves, domiciliés dans ledit quartier.

VARIÉTÉS.1

Nous avons extrait du Mouvement2, dans son N° du 2 mars dernier, l’article qu’on va lire, en ayant eu soin d’élaguer tout ce qui pourrait se rattacher à la politique. Cet article est dû à la plume éloquente de M. Laurent3, avocat de Grenoble, l’un des fondateurs du Globe, ancien rédacteur du Journal de l’Isère4.

« Partout, dans la lutte incessante de la liberté humaine contre le privilège et l’oppression, nous voyons apparaître, aux grandes époques d’affranchissement, l’aristocratie moyenne, qui sait si bien invoquer aujourd’hui les lumières du siècle, les bienfaits de la civilisation, l’esprit philosophique, le génie du progrès, pour faire descendre à son niveau tout ce qui la domine, de par la tradition et le préjugé, et qui oublie ensuite sa kirielle libérale, pour ne plus parler que du danger des innovations et de son besoin de repos, d’ordre et de stabilité, dès que le désir d’élévation et l’amour de l’égalité se manifestent au-dessous d’elle.

L’apparition périodique de ce phénomène social, dans le développement de l’humanité, est, du reste, facile à expliquer.

Tandis que les masses populaires, sous le nom d’esclaves ou de serfs, de plébéïens ou de roturiers, supportent impatiemment le joug d’une caste privilégiée, et qu’elles se débattent avec éclat ou s’agitent en secret pour briser leurs chaînes, toutes les douleurs, toutes les positions ne sont pas égales dans les rangs de la multitude asservie. La souffrance, la misère, l’oppression, ont aussi leur hiérarchie. Il y a des premiers et des derniers [7.1]là même où tout semble nivelé par la détresse commune, parce que là encore est la nature humaine avec toutes ses diversités, ses variétés, ses inégalités. Les plus forts, les plus intelligens, les plus audacieux et les moins pauvres exercent une supériorité réelle, et forment une véritable aristocratie parmi leurs compagnons d’infortune, d’humiliation et d’esclavage. Ils combattent en tête des classes opprimées, et leur contact immédiat avec les classes oppressives, quoique toujours revêtu de formes plus ou moins hostiles, les rapproche davantage des mœurs, des idées et des besoins de l’ennemi dont ils convoitent la condition plus heureuse. Aussi, à chaque bataille décisive, les vainqueurs du privilège se montrent-ils plus jaloux de le déplacer que de le détruire, et la foule victorieuse ne tire d’abord qu’un profit indirect et lointain de ses efforts et de ses triomphes. On peut dire alors qu’elle n’a fait que changer de maîtres. Cette révolution pourtant, bien que superficielle ou incomplète, ne reste pas sans influence sur l’amélioration de son sort. La distinction des races est dépouillée du prestige qui servait de fondement à l’aristocratie, et qui en faisait toute la force. L’esclave, en passant sous la domination de l’affranchi, s’il n’a pas trouvé le terme de son avilissement et de ses souffrances, a fait du moins un pas immense vers la liberté. Un même sang coule maintenant dans ses veines et dans celles de son maître ; et le principe des deux natures n’est plus là comme une barrière insurmontable pour s’opposer à son entrée dans la vie sociale et à son élévation dans la cité.

II faut en dire autant du prolétaire qui, délivré du patronage onéreux du baron féodal, et condamné à servir de nouveaux seigneurs sous le titre de bourgeois, sent augmenter ses espérances d’émancipation complète, en songeant que le préjugé de la naissance n’établit plus un abîme infranchissable entre lui et ses chefs, dont il est du moins l’égal d’origine, quelle que soit d’ailleurs la différence des dispositions et des fortunes...

La bourgeoisie, défendant la cause du tiers-état contre la noblesse, le clergé et le trône, dans les états-généraux, à l’assemblée constituante, à la convention, et sur les champs de bataille de la république et de l’empire, depuis Lecoq et Marcel, jusqu’à Mirabeau, Robespierre et Napoléon, la bourgeoisie représente alors l’affranchi romain aux beaux jours du tribunat et de la conquête du monde, commençant aux Gracques et finissant à Marius et à César...

L’affranchi antique et le parvenu moderne ont encore cela de commun, qu’ils n’aperçoivent aucun progrès nouveau au-delà de leur propre élévation. L’un croit les masses humaines fatalement et perpétuellement condamnées à l’esclavage dont le poids a cessé de peser sur lui ; l’autre prononce avec hauteur et dédain que la classe innombrable des prolétaires est inévitablement et pour toujours destinée à travailler et à pâtir, à se plaindre et à payer. Tous les deux, ivres d’orgueil et saturés de jouissances, voudraient que le génie de l’humanité, satisfait de les avoir promus aux sommités sociales, s’endormît avec eux à ce faîte de leur puissance et de leur félicité. Ils lui demandent de suspendre son vol rapide, d’interrompre son œuvre d’émancipation ; puis, prenant leur désir pour un arrêt irrévocable, ils lui disent : Tu n’iras pas plus loin !...

L’esclave a obtenu cependant que cet arrêt fût cassé, et le prolétaire est en instance. L’issue du procès ne saurait être douteuse. Ici le passé répond de l’avenir, et la prophétie se présente comme un reflet éclatant de l’histoire... ».

Nous en acceptons l’augure, et cet article que nous [7.2]avons transcrit avec un plaisir indicible, servira de jalon dans la route que nous nous proposons de parcourir.

COUPS DE NAVETTE.

On demandait à un homme de loi pourquoi il y aurait neuf prud’hommes marchands et seulement huit ouvriers. C’est, répondit-il, pour qu’il y ait autant de raison d’un côté que de l’autre.

Une contestation très-vive s’était engagée entre un fabricant et un ouvrier ; ce dernier raisonnant un peu haut, le fabricant prend l’aune et lui crie : vous taisez-vous !… l’ouvrier saisissant aussitôt un poids de balance, lui répond : si vous m’aunez, je vous pèse. La réconciliation eut lieu avant l’échantillage.

Oraison d’un ouvrier.

Notre père qui êtes aux Capucins, que la conscience vous advienne ; que votre volonté soit modeste dans vos comptes comme dans vos prix ; donnez des façons pour vivre en travaillant ; pardonnez nos besoins factices comme nous vous pardonnons nos courses inutiles ; ne nous laissez pas succomber sous le poids de nos veilles, et délivrez-nous de la concurrence en vous contentant d’un petit bénéfice.

Ainsi soit-il.

ANNONCES DIVERSES.

en vente,

Chez Baron, libraire, rue Clermont,

Relations des événemens qui se sont passés à Grenoble pendant les journées des 11, 12 et 13 mars 1832. Prix : 1 fr.

en vente   

Au Bureau de l’Echo de la Fabrique,

Au profit des blessés de novembre,

exposition descriptive de la fabrique de rubans de saint-étienne,
par
s. drivon

réplique de m. bouvier du molart aux réciminations insérées dans les journaux ministériels du 6 janvier

De la nécessité d’une augmentation des prix de fabrication des étoffes, comme moyen d’assurer la prospérité du commerce, par J. A. B., chef d’atelier. Prix : 1 fr.

Rapport fait à M. le Président du conseil et au Ministre du commerce, par deux chefs d’ateliers.

[8.1]dictionnaire historique
Ou histoire abrégée des hommes qui se sont rendus célèbres par leur génie, leurs talens, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes, depuis le commencement du monde jusqu à nos jours
,
Par A. X. de Feller.

Huitième édition, revue avec soin, augmentée de plus de deux mille articles, et formant 20 vol. in-8° de 500 pages environ, caractères petit romain, deux colonnes.

On recevra un volume par mois. Prix : 4 fr. le volume.

On souscrit, sans rien payer d’avance, à la Direction de la Bourse militaire, galerie de l’Argue, escalier L, au 1er, et au bureau de cette Feuille.

pour 20 sous   

[15] On peut gagner le superbe château d’Arceuil, à une lieue de Paris, valant 200,000 fr. Clôture définitive et sans remise le 27 courant dans les dépôts en ville, et le 28 à la Direction de la Bourse militaire, galerie de l’Argue, escalier L.

l. david,
mécanicien breveté
,

Place de la Croix-Paquet, au bas de la côte Saint-Sébastien,

[7] Prévient le public qu’il est l’inventeur des mécaniques simplifiées à dévider et à faire les canettes, qui se font très-bien par son procédé, même à autant de bouts qu’on désire. Les canettes à un seul bout y sont prises à la flotte, et évitent le dévidage ; mais rien n’est comparable à l’avantage que procurent ses mécaniques à ceux qui emploient du coton, de la fantaisie et de la laine, où avec ses mécaniques ou ses rouets une personne peut, en six heures, faire autant d’ouvrage que deux canetières. L’inventeur, à qui une médaille a été décernée avec mention honorable par la société d’encouragement, confectionne ses mécaniques à la volonté de l’acheteur, dans toutes les dimensions, et également de tous les nombres de guindres, soit de formes longues, rondes et à fer-à-cheval, ou à volonté ; on peut exécuter deux ou trois de ces opérations à la fois. Le sieur David, pour se mettre à la portée des circonstances, a diminué ses prix, qui étaient déjà très-modérés.

(Voir notre N° du 19 février.)

roussy, breveté,

Rue des Marronniers, n° 5, au 2me, sur le derrière,

[8] Prévient le public que par suite des nombreuses recherches qu’il a faites, il est heureusement parvenu à inventer et perfectionner un nouveau Régulateur, déjà avantageusement connu sous le nom de Régulateur-contomètre, ainsi nommé par la commission d’industrie et de mécanique, pour sa simplicité et sa grande justesse. Les avantages que ce nouveau procédé est destiné à rendre à la fabrique de Lyon, sont incalculables ; car avec le Régulateur-contomètre, qui n’a pas de compensateur, l’ouvrier peut, 1° sans changer la roue ou le pignon, tisser tous les genres d’étoffes, dans toutes les réductions, depuis 20 jusqu’à 750 coups au pouce inclusivement ; 2° fabriquer, sans couper, le plus grand aunage possible sans être gêné au travail, l’étoffe ne faisant que passer sur le rouleau, et pouvant se rouler ou se mettre en caisse à volonté ; 3° être toujours sur de son aunage, par l’agrément et la combinaison ingénieuse d’une roue qui, par son mouvement, marque l’aunage et sonne toutes les aunes ; 4° l’étoffe n’étant comprimée dans aucune de ses parties, les brocards brochés, dorures, y conservent tout leur relief, et sont à leur dernière perfection. Le sieur Roussy, à qui une médaille d’argent a été décernée par la société d’encouragement, qui a reçu les suffrages les plus flatteurs de ladite société et des négocians qui ont eu connaissance de son mécanisme, prévient qu’il fait confectionner ses régulateurs par un mécanicien avantageusement connu, et qu’il est en mesure de fournir aux personnes qui l’honoreront de leur confiance à un prix très-modéré.

[8.2]buffard,
plieur en tous genres
,

[10] Plie les poils de peluche au fil, grande place de la Croix-Rousse, n° 23, au 2e étage.

lampe météore.

[9] Le sieur galland fils, ferblantier, rue des Farges, n° 112, prévient le public qu’il est l’inventeur de la Lampe météore, qu’il vient de déposer au conseil des prud’hommes qui, par ce dépôt, l’a autorisé à en conserver la propriété pendant cinq ans. Cette lampe, qui se fabrique de diverses formes, en fer-blanc, étain et cuivre, offre de grands avantages ; d’abord elle ne donne aucune ombre, sa clarté est du double de celles qui ont été en usage jusqu’à ce jour ; mais, ce qui la rend indispensable aux chefs d’ateliers, c’est qu’elle ne consomme qu’une once et demie ou 45 grammes d’huile en sept heures.

Ses dépôts sont :

Chez MM. Bel, négociant, rue des Capucins, n° 7 ;
Paquet, épicier, rue Vielle-Monnaie, n° 27 ;
Schuslre, plieur, rue Donnée, n° 4, au 4me ;
Mougeolle, menuisier, rue Belle-Lièvre, près la place.
Galland aîné, ferblantier, place du Plâtre, n° 4 ;
Peyzaret, rue d’Orléans, n° 7, aux Broteaux

AVIS.

[13] Un Jeune Homme, connaissant parfaitement la fabrique d’étoffes de soie unies et façonnées, désire se placer pour commis dans un magasin, ou contre-maître dans un atelier, il donnera tous les renseignemens désirables. S’adresser au Bureau du Journal.

- On demande des métiers de maître pour hernani.

- On demande des métiers de maître en velours unis.

- On demande des apprentis et apprenties pour la fabrication des velours et autres étoffes.

- On demande un ouvrier pour un métier de schals 5/4, au quart, payé 60 c. le mille.
S’adresser au bureau du Journal.

[12] A vendre, un métier de courant complet, ayant une mécanique en 600.
S’adresser chez M. Granjon, rue Juiverie, n° 16.

[2] A vendre, un atelier de 6 métiers en velours façonné et uni, avec beaucoup d’ustensiles et accessoires.
S’adresser chez M. Drivon cadet, côte des Carmélites, à la barrière de fer.

[16] A vendre, deux métiers à la Jacquard, Mécaniques en 400, avec un métier 6/4, monté en crêpe de Chine uni.
S’adresser chez M. Oray, cabaretier, rue Tholozan.

[14] A vendre, un métier de peluches pour chapeaux avec ses ustensiles, étant prêt à travailler.

[3] A vendre, un atelier de 4 métiers travaillant, soit en velours unis et façonnés, gros de Naples, et armures avec ustensiles et accessoires. On traitera aussi de la vente du mobilier ; le tout à juste prix.

[1] A vendre, pour cause de départ, un atelier de 4 métiers de schals en très-bon état, et ayant les accessoires propres au travail, avec un bel appartement à louer, dans l’un des plus beaux quartiers de la ville. On traiterait aussi avec l’acquéreur de la vente du mobilier.
S’adresser au Bureau du Journal.

[4] A louer, pour la St-Jean, de très-beaux Appartemens de diverses grandeurs, propres pour ateliers, très-clairs et disposés à neuf, dans une situation des plus agréables, très-rapprochés de la ville, au centre de la Guillotière, rue de Chabrol, n° 8. S’y adresser.

[5] A louer, Appartement ayant place pour 4 métiers, avec la jouissance d’un clos, à Saint-Genis, sur le chemin de Vourle, hameau de Nève, maison Poncet, anciennement Chrétien.
Le propriétaire ferait toutes les avances désirables.

AVIS. Les adresses seront délivrées gratis aux ouvriers.

Notes (LYON.)
1 L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (L’UN ET L’AUTRE.)
1 L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). Début mars 1832 le sous-titre de L’Echo de la Fabrique avait changé et le journal était désormais industriel et littéraire. La mention de la dimension littéraire renvoyait au souci de « l’amélioration morale » des travailleurs, à leur éducation. Le littéraire renvoie également à un second aspect. L’Echo de la Fabrique, s’inspirant en particulier de La Glaneuse et, en partie pour contourner censure et procès, commence à brouiller les différences entre langage politique et langage non-politique. L’expression des idées politiques commence alors à adopter des formes inédites : poèmes, satires, parodies, charades, feuilletons. Voir notamment, J. D. Popkin, Press, Revolution and Social Identity in France, ouv. cit., chapitre 3.

Notes (ABUS)
1 L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (AU MÊME.)
1 Maison Auguste et Charles Depouilly, 11-12, rue des Capucins.
2 Auguste Godemard, 19, rue des Capucins.
3 Marchand fabricant, 29, rue Vieille Monnaie.
4 Maison Pain (Antoine) et Perret (Pierre), 6, rue Romarin.

Notes (ENSEIGNEMENT GRATUIT)
1 Etienne Bonnot, abbé de Condillac (1714-1780). Référence ici aux idées présentées en particulier dans son Traité des sensations (1754). Selon Condillac, les principales facultés mentales se formaient à partir des sensations primitives. Ses idées ouvraient la voie à une science de la pédagogie et allaient conduire à l’application de nombreux principes de l’éducation nouvelle.

Notes (VARIÉTÉS.)
1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Le Mouvement, journal des besoins nouveaux fut publié d’octobre 1831 à mars 1832. Il sera absorbé par La tribune
3 Probablement Paul-Mathieu Laurent (dit Laurent de l’Ardèche) (1793-1877).
4 Probablement le Courrier de l’Isère. Journal constitutionnel de Grenoble, lancé en 1819.

 

 

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