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1 avril 1832 - Numéro 23
 
 

 



 
 
    
ÉCONOMIE SOCIALE.1

de l’impôt.

Suite. (Voyez N° 21, 18 mars.)

Dans mon précédent article, je crois avoir établi qu’impôt et droit civique étaient, en quelque façon, synonymes, d'où j'ai tiré la conséquence que la classe prolétaire, ne jouissant d'aucun droit, devait en être affranchie. J'ai cité M. Monthyon, et la nomenclature intéressante qu'il a faite des impôts, considérés sous un point de vue moral. J'ai dit que son opinion, ainsi exposée, était la condamnation énergique de notre système actuel d'impôts. Il me reste à le prouver. La tâche est facile.

Sous quelque dénomination qu'on perçoive l'impôt, il faut le classer eu deux grandes divisions, impôt direct et impôt indirect.

Dans la première série, se trouvent placés tous ceux qui ont un chiffre connu, et sont recouvrés directement au domicile du contribuable par le percepteur. Ils atteignent la propriété sous le titre d'impôt foncier, de contribution des portes et fenêtres, de contribution mobilière ; ils atteignent la personne sous le titre d'impôt personnel, de contribution des patentes.

Dans la seconde série, se trouvent tous les autres impôts, et, il faut le dire, ce sont les plus onéreux. L'instinct du peuple l’a bien senti, car il n'a jamais pardonné au système d'impôt que l'empire nomma droits-réunis, et que la restauration conserva sous la dénomination de contributions indirectes, après avoir promis leur suppression. Soyons vrais, le prolétaire est celui qui a le plus à souffrir de cet impôt. Par lui, la vie est rendue trop chère à l'ouvrier ; par lui, cet ouvrier ne peut plus vivre en travaillant, à moins que son salaire n'augmente à proportion. Eh ! voyez combien cet impôt est injuste, il écrase l'indigent, il effleure l'homme aisé, il épargne l'homme riche. L'impôt indirect ne devrait frapper que le luxe ; alors, comme l'a dit M. Monthyon, il serait moral et philosophique ; mais, au contraire, il n'atteint que les besoins journaliers de la vie ; il est donc immoral et barbare. Dans cette même classe, se rangent les autres impôts indirects qui pèsent sur le sel et le tabac, objets de première nécessité, et dont tant de populations demandent chaque jour l'abolition. Enfin, il faut y comprendre aussi la loterie, ce chancre rongeur qui dévore la société, et dont la morale et la religion s'affligent.

Anathème donc à ce système d'impôts indirects dont rien ne compense l'odieux. Législateurs, laissez là les questions ardues qui vous divisent, et venez au secours de la société qui va périr ; car elle chancèle sur sa base.

Cependant, dira-t-on, il faut des impôts. Oui, sans doute, mais il faut qu'ils soient justes, et il n'y a de justice que dans l'impôt direct ; mais il faut que cet impôt soit assis sur une base équitable, et surtout qu'il soit inhérent à la qualité de citoyen ; il faut qu'il soit la conséquence du droit de cité. Alors sera diminué d'autant le nombre des prolétaires, et s'ils entrent dans la cité, nul d'entr'eux ne se refusera à l'acquit des charges nécessaires pour la soutenir ; mais vouloir exiger de l'argent de celui qui n'est pas citoyen, ou du moins qui n'en exerce aucun droit, ce serait souverainement ridicule, si ce n'était impolitique et atroce.

Je me résume : les impôts indirects, en tant qu'ils ne frapperont pas sur les objets de luxe, doivent être [4.1]supprimés et remplacés par des impôts directs, et ceux-ci ne peuvent être établis qu’à la charge de conférer des droits civiques et politiques. Jusque-là, il y aura perturbation dans l’ordre social.

Spart.....

Notes (ÉCONOMIE SOCIALE.)
1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

 

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