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15 avril 1832 - Numéro 25
 
 

 



 
 
    
INSTRUCTION POPULAIRE.1

Dans plusieurs articles, nous avons démontré l?avantage des écoles lancastriennes sur les vieilles méthodes. Nous avons prouvé, par des exemples, aux pères de famille, que le sacrifice de deux années dans ces écoles mettrait leurs enfans à même de prendre part à tous les avantages qu?offre à l?homme la civilisation. Si l?on peut appeler sacrifice ce devoir que l?on contracte en donnant le jour aux enfans, devoir sacré qui doit être inné dans le c?ur d?un bon père.

Nous avons fait un appel aux classes industrielles ; nous avons eu assez de franchise pour leur dire que la négligence était la seule cause par laquelle les enfans manquaient aux écoles ; car nous en avons eu la triste preuve, et nous nous sommes élevés contre cette insouciance, qui prive tant d?êtres du bienfait de l?instruction et la société de talens qui restent enfouis dans l?ignorance.

Aujourd?hui c?est à MM. les professeurs que nous allons nous adresser : eux aussi accusent la classe industrielle de négligence, et ils ont raison ; car beaucoup d?entr?eux se vouent à l?instruction avec une persévérance digne des plus grands éloges ; mais malheureusement il n?en faut qu?un seul pour faire décrier une méthode par le peu de soins qu?il donne à ses élèves ; et voilà ce qui a fourni souvent des armes aux ennemis de l?enseignement mutuel.

Nous avons souvent par goût visité les écoles lancastriennes de Lyon, et nous avons trouvé qu?en général les élèves ne travaillaient pas assez long-temps. Le travail devrait être de dix heures par jour, cinq heures le matin et cinq heures le soir, du moins en été. Nous voudrions que jamais les professeurs ne laissassent à des moniteurs généraux la direction de plusieurs heures de travail, et c?est pourtant ce qui arrive souvent. Un professeur ne doit jamais s?absenter de sa classe ; car c?est de sa surveillance que dépendent les progrès que doivent faire les élèves. C?est par de telles négligences que dans quelques quartiers on a discrédité l?enseignement mutuel, parce que trop négligés les élèves n?avaient pas profité des bienfaits de la méthode. Les professeurs doivent savoir que pour qu?une nouvelle méthode soit adoptée, quand bien même elle est reconnue supérieure aux anciennes, il faut qu?elle fasse des prodiges, tant sont difficiles à déraciner les préjugés et les vieilles routines.

Nous voudrions aussi qu?on exerçât davantage la mémoire des élèves : il nous semble qu?on pourrait leur faire apprendre une leçon tous les jours et la leur faire réciter le soir ; selon nous, cultiver la mémoire d?un élève, c?est le rendre apte à toutes les sciences ; nous en avons vu d?heureux résultats dans plusieurs classes, [4.2]notamment dans celles de MM. Germain et Laugier. Chez M. Germain, nous avons vu des élèves de 12 à 13 ans faire des prodiges ; il est vrai que le professeur sacrifie jusqu?à sa santé pour les progrès de l?instruction ; mais aussi les parens des élèves lui rendent une éclatante justice.

Dernièrement, nous visitâmes l?école lancastrienne de M. Arnaud, clos Dumont, à la Croix-Rousse, nous fûmes frappés de la mémoire de ses élèves ; plusieurs d?entr?eux, interrogés par nous à livre ouvert, récitaient toutes les phrases d?un Télémaque prises au hasard. Nous passâmes à l?orthographe des mots, et toutes les réponses furent on ne peut plus satisfaisantes ; ces élèves avaient tout au plus 8 à 10 ans. M. Arnaud travaille beaucoup et doit devenir l?un des professeurs en réputation de notre ville.

Si tous les professeurs agissaient comme ceux que nous venons de citer, les détracteurs des écoles lancastriennes seraient depuis long-temps réduits au silence. Mais, malgré la surveillance active de la commission élémentaire, il en est qui négligent leur école et discrédite par cela le mode d?enseignement.

Nous disons toute notre pensée avec franchise, parce que, partisans des idées nouvelles, nous sommes assurés que les écoles mutuelles bien régies rempliront le but que se proposent les honorables citoyens qui se vouent à l?instruction populaire, et porteront dans cette partie intéressante de la population qu?on appelle prolétaire, cette instruction dont elle a été privée jusqu?à ce jour, et qui fait la grandeur et la prospérité des états.

A. V.

Notes (INSTRUCTION POPULAIRE.)
1 L?auteur de ce texte est Antoine Vidal d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

 

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