AU RÉDACTEUR.
Suite de la lettre de M. B. Rolland.
(Voir notre dernier N°).
C’est nous qui, entre un nombre égal de fabricans et d’ouvriers, viendrons peser avec l’impartialité la plus désintéressée de tout le poids de le justice, pour faire [5.1]pencher la coupe dans laquelle nous trouverons la raison.
C’est ainsi que se feront les lois de l’association ; c’est ce conseil législatif dans lequel vous, nous, les fabricans siégeront, qui interprétera les articles réglementaires qui laisseraient accès à la discussion, qui révisera les comptes-rendus ; voilà toute sa tâche.
A la direction active appartient l’application de la loi de l’association.
Si à présent vous remarquez le renvoi relatif à l’art. 21 du projet de réglement, vous conviendrez qu’il distingue de la manière la plus positive les attributions de la commission centrale et celles de la direction active.
Si vous considérez aussi que cette direction active est confiée aux comités d’arrondissement, de section, de quartier, qu’elle s’étend même aux assesseurs de quartiers, et comment sont composés ces comités, je doute que vous persistiez dans l’opinion que l’industriel y soit primé par l’aristocratie.
Du reste, permettez-moi de relever cette expression ; je la crois très-mal appliquée à propos d’une œuvre de bienfaisance, dans laquelle tous les citoyens qui y participent sont égaux par le sentiment qui les réunit et qui doit leur inspirer une confiance réciproque ; en grâce, un peu d’abandon ! Ne voyez pas dans chaque chose, dans chaque intention, autre chose que ce qu’il y a réellement.
J’établis quatre classes de sociétaires honoraires ; je l’ai fait pour que tout citoyen qui aime son pays, qui aime son semblable, puisse, quelle que soit sa fortune, participer à cet œuvre, l’expérience ne confirmera que trop ma prévision, les plus faibles contributions, celles qui viendront de ceux qui possèdent le moins, seront celles qui arriveront en plus grand nombre. Pouvez-vous alors redouter l’influence de gens qui, pour la plupart, sont dans une position semblable à la vôtre, qui tiennent à vous par vocation, par intérêt, par rapports d’habitude, de goût, de fréquentation, c’est impossible ! Ce que vous redoutez, et je le répète ? c’est une crainte mal fondée, c’est l’influence que pourraient exercer les fabricans sur l’administration. Eh bien ! je ne crains pas d’avancer que ceux qui s’associeront à cette institution, seront justement ceux en qui vous avez le plus de confiance, ceux qui méritent votre estime, et ce n’est pas ceux-là que vous craindrez d’admettre pour conseils.
Cette crainte, pour être convenable, n’est pourtant pas justifiée, et je m’estimerais heureux si je pouvais parvenir à la détruire, ce serait une chose raisonnable et un grand acheminement vers le bien-être social, vers la prospérité publique.
Je vous serai reconnaissant, Monsieur, si vous faites insérer cette lettre dans votre journal, ce sont des objets d’intérêt local qui devraient absorber exclusivement toutes les colonnes du vôtre et de plusieurs autres, beaucoup trop préoccupés de discussions absolument étrangères et le plus souvent très-indifférentes à leurs lecteurs, et, au risque d’un houra, je ne crains pas de dire qu’il n’en est pas un seul auquel ce reproche ne puisse s’appliquer.
Il y aurait un rôle superbe à jouer pour un journaliste ; honneur à celui qui saura le comprendre, qui saura l’étudier, qui saura le soutenir avec calme, constance et courage !
J’ai l’honneur d’être, etc.
B. Rolland.
AU MÊME.
Monsieur,
Votre estimable journal signale chaque jour les abus dont on se sert pour accabler les chefs d’ateliers, et les [5.2]tenir dans cet état de détresse où ils sont plongés depuis si long-temps. Je crois remplir un devoir sacré en venant signaler à mon tour un abus que je ne sais comment qualifier. Voici le fait :
Dimanche dernier, un chef d’atelier que je nommerai au besoin, me pria d’examiner son livre, afin de s’assurer s’il n’y avait point d’erreur. Jugez, Monsieur, de ma surprise lorsque je vis sur ce livre que le sieur Cocq, fabricant, avait fait 14 pesées sur un même dessin, et la même pièce, dans quatre rendues, qui faisaient un nombre de 14 mouchoirs.
Je voudrais demander à M. Cocq pourquoi lorsque les ouvriers lui rendent plusieurs schalls, il ne les pèse pas tous à la fois ; si c’est par spéculation, j’en suis fâché pour lui, car ce ne serait pas très-bien agir ; si c’est par habitude de sa maison, il me semble qu’il devrait réformer cet abus dans l’intérêt des chefs d’ateliers et pour éviter le blâme qu’il s’attire.
Agréez, etc.
J. B. J.