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22 avril 1832 - Numéro 26
 
 

 



 
 
    

situation présente des ouvriers de lyon.1

La fabrique de Lyon qui semblait reprendre de l?activité, retombe d?une manière effrayante. On peut en juger par la différence du nombre de ballots de soie qui ont passé à la Condition : du 1er au 15 avril il n?y est entré que 160 ballots, à peu près le quart de la dernière quinzaine de mars. Ces résultats n?ont rien qui se rattache à la politique ; le fléau qui nous menace et qui ravage la capitale en est la seule cause. Si l?épidémie ne disparaît bientôt de nos contrées, si, au contraire, elle envahit notre ville, il faut s?attendre que la misère, s?unissant à ce terrible fléau, feront des ravages incalculables. Il est donc de notre devoir de faire un appel, soit aux gouvernans, soit à ceux qui par leur position sociale sont à même de faire du bien en faveur d?une classe qui doit intéresser et qui, d?un moment à l?autre, peut devenir la proie de tous les maux qui affligent l?humanité.

Il nous semble que l?autorité locale, qui connaît la position de la classe ouvrière de notre ville, pourrait faire [2.1]des démarches auprès du gouvernement, pour obtenir de prompts secours pour elle. Il nous semble qu?elle doit aviser au moyen de préserver cette cité, dont l?industrie manufactière est un principe vital pour la France, d?une destruction complète ; car, qui pourrait calculer les malheurs, sous les rapports industriels, que peut éprouver une population immense sans travail, et par conséquent sans pain, livrée au plus terrible des fléaux et mourant décimée par la misère et le choléra !?

L?épidémie ne nous a pas encore envahis ; mais son avant-coureur est la misère. Les ouvriers de Lyon, dont l?espoir commençait à renaître, se voient retomber dans une position pire que celle où ils étaient ; si on ne prend point tous les moyens pour les secourir, le découragement s?emparera d?eux, et cela pourrait hâter la présence du terrible fléau. Que le gouvernement fasse tous ses efforts pour éviter leur ruine totale, et nous et eux bénirons ceux qui préserveront notre ville de tant de calamités.

Il est une classe qui peut beaucoup sur le moral des travailleurs, c?est celle des négocians ; en s?imposant quelques sacrifices, en pensant que les ouvriers peuvent leur rendre un jour ce qu?ils feront aujourd?hui pour eux, en leur donnant enfin du travail sans en diminuer les prix, afin que les ouvriers puissent subvenir aux besoins de leur famille ; ils ne seront pas seulement humains, mais ils auront bien mérité de leurs contemporains, en préservant la cité la plus commerçante du royaume d?une décadence complète. Ce n?est pas quand le choléra fera ses ravages parmi nous, qu?il faudra penser aux préservatifs, c?est avant son apparition ; et le meilleur préservatif pour notre populeuse cité, c?est d?en écarter la misère, c?est d?adoucir le sort de ces milliers de familles qui ne vivent en travaillant que du jour à la journée ; c?est enfin en leur procurant le moyen d?éviter, par un travail régulier et un gain raisonnable, cet état de dénuement qui sert d?auxiliaire à l?épidémie.

Des personnes notables de notre ville parlaient un temps d?ouvrir des souscriptions, avec lesquelles on aurait fait fabriquer des étoffes de soie ; on parlait aussi d?une société qui voulait se former dans le but de donner de l?activité à la fabrique, en imposant à chaque sociétaire le devoir de porter pour vêtement de l?étoffe sortie de nos manufactures ; c?est aujourd?hui qu?on devrait mettre tous ces moyens à exécution. Ces moyens n?ont rien que d?honorable, et ceux qui prendraient l?initiative, seraient sûrs de la reconnaissance d?une immense population. La France entière ne tarderait pas de s?associer à cet ?uvre philantropique, et notre ville échapperait par là aux désastres qui la menace.

Nous invitons donc tous ceux qui peuvent contribuer à préserver les ouvriers de Lyon de tant de maux, d?unir leurs efforts. Que les autorités locales et le gouvernement emploient des moyens décisifs pour venir aux secours des malheureux ; que les riches secondent ces autorités dans leurs louables efforts, et on aura trouvé le meilleur préservatif, le meilleur état de salubrité en écartant la faim de la demeure des travailleurs, et ce sera peut-être le plus sûr moyen de préserver notre cité du choléra.

A. V.

Notes (situation présente des ouvriers de lyon. La...)
1 L?auteur de ce texte est Antoine Vidal d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

 

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