Retour à l'accueil
22 avril 1832 - Numéro 26
 
 

 



 
 
    
EXTRAIT DE L’INTENDANCE SANITAIRE.

moyens de se préserver du choléra-morbus    

Un air pur est le premier moyen préservatif de la maladie. Voilà pourquoi partout où elle a régné, elle a commencé [3.2]et elle a été plus terrible dans les quartiers et les maisons les plus malpropres.

1° On doit balayer exactement les appartemens, et les débarrasser de toute espèce d’immondices et même des hardes hors de service, des meubles usés et inutiles, des linges sales qui les encombrent et répandent des exhalaisons malsaines.

2° On évitera d’y nourrir des poules, des pigeons, des tourterelles, des lapins, des cochons de mer ; on y élèvera le moins possible des chiens et des chats. Dans les maisons qui ont des écuries, on enlèvera le fumier tous les trois ou quatre jours.

3° On grattera et on lavera les carreaux couverts de boue. Toutefois on évitera l’humidité, et après le lavage, on allumera du feu dans l’appartement pendant un heure ou deux.

4° Il est encore utile de faire du feu chaque jour pendant quelques heures dans les chambres humides, les rez-de-chaussée, les arrière-boutiques où le soleil ne pénètre jamais. Ceux qui se servent de poêles dans ces lieux humides et obscurs, sont invités à ne pas les enlever, et à y faire du feu chaque jour, même pendant l’été. On les placera dans les cheminées, pour que la chaleur soit moins incommode. C’est un des meilleurs moyens de renouveler et de purifier l’air.

5° On ne fera pas sécher de linge dans les appartemens.

6° On ne laissera pas les fenêtres ouvertes pendant la nuit, mais on renouvellera l’air en ouvrant les fenêtres et les portes à plusieurs reprises dans le milieu du jour.

7° Ces moyens ne suffiraient pas dans les endroits malpropres depuis long-temps, dans ceux où l’on exerce quelque profession capable de corrompre l’air, dans ceux encore où beaucoup de personnes sont rassemblées ; il faut dans ces cas se servir de chlorures, comme nous l’indiquerons à la suite de cet avis.

8° On tiendra les latrines propres et exactement bouchées ; on nettoiera soigneusement chaque jour les vases de nuit ; on lavera à grande eau les éviers, les plombs, les conduits des eaux ménagères et pluviales.

9° La lumière du jour est nécessaire à la santé ; les appartemens les plus éclairés sont les plus sains : on tiendra donc constamment les vitres claires et transparentes. Il serait bien de passer un lait de chaux sur les murs des chambres qui n’ont pas été blanchis depuis long-temps.

10° On ne s’exposera pas aux variations de l’atmosphère ; on ne se promènera pas dans les soirées fraîches et humides, et a plus forte raison pendant la nuit.

11° On quittera le plus tard possible les habits d’hiver. On entretiendra la chaleur aux pieds, par des bas de laine qu’on changera au moins une fois par semaine ; au ventre, par un corset de flanelle ou de tricot, ou au moins par une large ceinture d’étoffe de laine. Ces objets devront être lavés tous les quinze jours.

12° L’usage de poser les pieds nus sur le sol en sortant du lit, de marcher nu-pieds est dangereux dans tous les temps, mais surtout pendant que le choléra existe.

13° Les vêtemens de laine seront tenus propres, car ils s’imprègnent aisément de sueur et de poussière.

14° On changera de linge au moins une fois par semaine.

15° On lavera les toiles de paillasse, et l’on renouvellera la paille s’il est possible. On fera carder les matelas, ou au moins on les exposera à l’air chaque jour pendant quelques heures ; le même soin est recommandé pour les couvertures, qui de plus devront être [4.1]battues fréquemment. On supprimera les rideaux des alcôves.

16° On lavera tous les matins avec l’eau de savon tiède les pieds, les jambes, les mains et la figure : ce soin est de première nécessité.

17° La manière de se nourrir est plus importante encore. Une nourriture composée exclusivement d’herbages et de légumes affaiblirait le corps ; une nourriture composée seulement de viandes fatiguerait l’estomac. Il convient donc de mêler ou d’alterner ces différens alimens.

18° L’usage trop répété de la salade, des radis, des fruits et autres crudités est dangereux.

19° On s’abstiendra de la viande des animaux trop jeunes. Celle des veaux, des agneaux, et surtout des chevreaux tués peu de jours après leur naissance, est nuisible.

20° Les viandes salées de bœuf ou de cochon ne seront prises qu’en très-petite quantité. Il en sera de même du poisson salé et des fromages fermentés.

21° Le pain doit être bien levé et bien cuit. Le pain rassis est préférable au pain frais. Ce dernier est indigeste.

22° Les haricots, les fèves, les poids, les lentilles sont difficiles à digérer, quand ils ne sont pas en purée.

23° II est dangereux de manger beaucoup à la fois. On devra surtout manger peu au repas du soir. Mais nous ne saurions trop recommander de diminuer la quantité des alimens, ou de se mettre à une diète absolue, dès qu’on sentira quelque malaise.

24° Les boissons demandent aussi beaucoup d’attention. Il convient de boire un peu de vin mêlé à l’eau pendant les repas. Les vins acides sont nuisibles. Il en est de même des vins tournés.

25° Le café n’est nécessaire qu’à ceux qui en ont pris l’habitude et dont l’estomac a besoin de cet excitant.

26° Les personnes dont l’estomac supporte difficilement le lait, doivent s’en priver.

27° Le vin, la bière, les liqueurs pris hors des repas sont nuisibles à l’estomac et dérangent la digestion.

28° L’habitude qu’ont beaucoup de gens de boire à jeun de l’eau-de-vie ou du vin blanc est surtout dangereuse, quand on n’y joint pas au moins un morceau de pain.

29° Les excès dans l’usage des boissons sont de tous les plus funestes. Le choléra frappe surtout les ivrognes, ceux qui mangent beaucoup, et ceux qui, même par occasion ou par entraînement, commettent un seul excès de ce genre.

30° L’eau elle-même ne doit pas être prise en trop grande quantité. Pour se désaltérer, on fera bien de ne pas la boire froide, quand on est en sueur. On y mêlera une cuillerée de vinaigre ou d’eau-de-vie par pinte.

31° La bonne eau doit être claire, fraîche ; elle doit bien cuire les légumes et bien dissoudre le savon. L’eau du Rhône est en général préférable à celle des pompes et des puits.

32° L’exercice convient toujours à la santé. Chacun devra donc continuer ses travaux, en évitant seulement une trop grande fatigue. Les dimanches et les jours de fête, les habitans doivent aller respirer l’air des lieux élevés et bien aérés.

33° Le calme de l’esprit est un des meilleurs préservatifs. Il faut donc ne pas s’abandonner à la crainte. Elle serait d’ailleurs peu fondée, puisque le choléra n’a jamais atteint plus d’un individu sur cent, dans les lieux où l’on a pris les mesures nécessaires…

[4.2]34° On se préservera de toutes les grandes émotions : on a vu avec quelle rapidité le nombre des cholériques s’est accru pendant les désordres qui ont affligé dernièrement la capitale.

35° En résumé : un air pur, la propreté du corps et des appartemens, des alimens et des boissons de bonne qualité, une grande sobriété dans leur usage, un exercice modéré, le calme de l’esprit, tels sont les seuls moyens de se préserver du choléra et de diminuer ses ravages quand il existe.

Emploi des Chlorures.

1° On met une forte cuillerée à bouche de chlorure de chaux sec en poudre sur une assiette, en ayant soin de bien l’étendre ; on prépare ainsi plusieurs assiettes, et l’on en place une ou deux dans chacune des pièces, des appartemens, suivant leur grandeur et le nombre des personnes qui y habitent.

2° Le chlorure de chaux mis dans les assiettes est renouvelé tous les jours, celui qui a déjà servi est jeté dans de l’eau ; il faut pour la moitié d’un sceau d’eau ordinaire employer tout le chlorure contenu dans cinq ou six assiettes. On arrose et on lave avec cette eau les latrines, les cuisines et éviers, les escaliers, cours, entrées des maisons, ainsi que les rues ; on en jette aussi sur les murs des rez-de-chaussée. Les divers locataires d’une même maison doivent s’entendre pour se partager l’arrosage indiqué ci-dessus.

On peut encore se servir de cette eau pour se laver les mains ; mais il faut alors avoir soin de se les laver de nouveau, tous les soirs en se couchant, avec de l’eau dans laquelle on a mis quelques gouttes de vinaigre.

3° Le chlorure de chaux liquide ne doit pas être employé pour assainir l’air ; on ne s’en sert que pour les arrosages, et pour désinfecter le plancher des appartemens, les latrines, cuisines et éviers, le sol des cours, les murs de maisons, etc.

4° Le chlorure de soude ou liqueur de Labarraque sert essentiellement au lavage des différentes parties du corps exposées à l’air, et notamment des mains et du visage. Pour le lavage des mains, il faut en mettre une cuillerée à bouche dans un verre d’eau ordinaire ; pour se laver le visage, il ne faut en mettre qu’une demi-cuillerée à café ; et enfin pour se rincer la bouche, on n’en met que quelques gouttes dans un verre d’eau ordinaire.

5° Il faut réunir le plus possible les habits, vêtemens, et surtout ceux qui sont en laine, dans un cabinet où l’on place une ou deux assiettes de chlorure de chaux sec qu’on renouvelle tous les jours.

Les membres réunis des intendances sanitaires et des conseils de salubrité de Lyon et du département.

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique