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29 avril 1832 - Numéro 27
 
 

 



 
 
    

extrait de la gazette médicale.

Nous publions les détails suivans, que nous recommandons à l’attention de l’autorité, et à la sollicitude publique ; car ils prouvent que le gouvernement ne saurait trop s’occuper de l’amélioration du sort des classes pauvres, et ils sont de nature à exciter de plus en plus la bienfaisance publique en leur faveur :

« Les premières victimes de l’épidémie, transportées à l’hôpital de la Pitié, ont été des ouvriers sans ouvrage depuis plus ou moins long-temps, exténués par la faim et la misère, manquant de vêtemens, habitant des chambres mal aérées, où ils étaient quelquefois entassés par douzaine. C’étaient des hommes abusant journellement de boissons alcooliques ou dévorés par des phlegmasies chroniques. Nous avons vu dans le service de M. Seny un homme qui, depuis neuf jours, n’avait pas introduit dans son estomac un seul morceau de pain, qui n’avait pris pour toute nourriture que quelques fragmens de pommes de terre frites, achetées sou à sou. Plus loin, dans le service de M. Bouillaud1, était aussi un homme manquant d’asile, qui passait les nuits dans un tas de fumier ; qui, le matin, pour réparer les pertes causées par une transpiration abondante, allait se désaltérer à la rivière, ou avalait plusieurs litres d’eau à la fois. Voilà les premières victimes du choléra, voilà les hommes qu’on a appelés avec raison la matière première des épidémies. En voyant cet affligeant tableau, il est impossible de ne pas se rappeler ces deux mots de Sydenham2, qui plaçait à la tête des causes du choléra épidémique de 1669 : Crapula et Ingluvies. Ce sont des adultes et surtout des vieillards qui ont été admis à la Pitié : le plus jeune des malades soumis aux observations, était âgé de 19 ans ; il n’a point succombé. Parmi les malades, s’est trouvé un homme déjà atteint du choléra aux grandes Indes. Quoiqu’il eût été assez gravement affecté, il est parvenu à échapper à cette nouvelle atteinte de choléra. »

Notes (extrait de la gazette médicale Gazette...)
1 Probablement Jean-Baptiste Bouillaud (1796-1881), grand médecin français de l’école de Paris, inspiré à la fois par Broussais et Laennec. Professeur de clinique médicale à la faculté de médecine, il va publier en 1832 son Traité du choléra morbus (voir ici Erwin H. Ackerknecht, La médecine hospitalière à Paris (1794-1848), Paris, Payot, 1986, p. 143-144).
2 Thomas Sydenham (1624-1689), grand médecin anglais, tenant de l’empirisme rationnel se fit plus particulièrement connaître pas ses études sur les épidémies à Londres en 1661 et 1675.

 

 

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