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29 avril 1832 - Numéro 27 |
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[1.1]Ceux de MM. nos Abonnés, dont l’abonnement est expiré, au 31 avril, sont priés de vouloir bien venir le renouveler, s’ils ne veulent point éprouver de retard dans l’envoi de notre Feuille, ne pouvant continuer d’envoyer recevoir à domicile.
LYON.
L’installation du conseil des prud’hommes n’a pu avoir lieu jeudi, ainsi que nous l’avions annoncé. Le sieur Reyre ayant donné sa démission, une nouvelle convocation aura lieu incessamment, afin d’élire un membre pour le remplacer.
La société est partagée en deux classes1, les prolétaires et les hommes de la propriété ; voilà ce qu’on ne cesse de répéter aujourd’hui ; nous l’avons dit aussi pour nous servir des termes usités ; mais telle n’était pas notre conviction. En effet, ne serait-ce pas faire injure à ceux que nous défendons, d’avouer qu’il existe une classe au-dessus d’eux, et que la fortune établit une prééminence entre les hommes ? Nos lois condamnent cette erreur, et puisque tous les citoyens sont égaux devant elles, le pauvre et le riche ne forment donc pas deux classes distinctes dans le même peuple. Notre opinion sera même approuvée par tous les hommes sensés qui possèdent des propriétés, et nous sommes peu jaloux de plaire à ceux dont la manière de voir est un anachronisme du siècle. Sans doute, la société est partagée en deux classes ; mais c’est moralement ; c’est-à-dire, les hommes probes, économes, travailleurs, et ceux qui dissipent et finissent souvent par forfaire à l’honneur. Dans ces deux classes sont pêle-mêle les riches et les pauvres, les prolétaires et les hommes de la propriété. Mais il ne s’en suit pas de là que dans les prolétaires il y ait plus d’inconduite [1.2]ou plus de perversité que dans les hommes de la propriété ; c’est pourtant ce que le Courrier de Lyon a voulu prouver dans son N° du 22 avril ; il dit que le pauvre se croit dispensé de toute reconnaissance, dans le cas même où sa misère ne vient que de sa faute ; et qui lui a prouvé que la misère du pauvre ne vient que de sa faute ? Doit-il accuser des milliers d’individus parce qu’il se trouvera une centaine de dissipateurs ?… Les magistrats, dans leurs actes publics, n’ont-ils pas avoué que l’état des ouvriers était précaire, malheureux ? Et le Monarque lui-même, par ses dons, par ses commandes, n’a-t-il pas reconnu l’état de souffrance de nos manufactures ? Serait-ce parce qu’après six ans de malaise, pendant un mois, les travailleurs avaient eu l’espoir de voir finir leur misère, espoir qu’une épidémie vient de détruire, que l’on peut dire que le prolétaire est malheureux par sa faute ? Le Courrier de Lyon ne se rappelle sans doute plus des paroles mémorables d’un honorable député, qui disait que les ouvriers de Lyon gagnaient de vingt-huit à trente-deux sous… Si nous défendons le pauvre avec zèle et fermeté, nous ne serons jamais les champions des hommes à inconduite. Nous blâmerons celui qui, ne gagnant que 2 fr. par jour, va les dissiper et laisse une famille dans la dernière misère ; mais s’il est de tels hommes dans les prolétaires, et certes ils ne sont pas nombreux, heureusement pour l’humanité, il en est aussi dans une classe opulente qui, vivant en dissipateurs, ruinent par leur inconduite leurs commanditaires, et finissent par une banqueroute. Les Mathéo, les Kessner ne sont pas des prolétaires ; mais ceux-ci ont un avantage, celui de n’avoir pas besoin de recourir à la bienfaisance. On va plus loin, on accuse le pauvre de n’avoir point de reconnaissance ; et quel est l’être plus reconnaissant que le prolétaire ? quel est l’être qui se plaît mieux que lui à signaler un bienfait dont il a été l’objet ? qui mieux que lui rend [2.1]justice à l’homme qui ne cherche point à le tyranniser, à vivre aux dépens de sa propre existence ? avec quel plaisir il prononce ces mots simples, mais énergiques : C’est un bon fabricant ! Le Courrier de Lyon dit que les prolétaires, après s’être livrés à des spéculations, s’ils échouent, préfèrent vivre du pain de l’aumône, plutôt que de rentrer dans leur première condition ; il est vrai que les prolétaires n’ont pas, comme les hommes tombés de la fortune, la ressource des places, mais ils n’ont pas besoin aussi du pain de l’aumône ; ils savent que c’est un pain qu’on jette au malheureux, souvent en l’humiliant ; c’est du travail qu’ils demandent ; du travail assez rétribué qui les mettent à même de pourvoir à l’existence de leur famille, et non pas une œuvre de charité. Ils savent aussi quand il le faut rentrer dans leur première condition, ils reprennent leur travail avec courage, et ne finissent pas, comme beaucoup d’opulences déchues, par un suicide… Au reste, la meilleure preuve contre les assertions du Courrier, c’est de voir les ouvriers se résigner à leur sort et ne désirer que la paix. S’il en était autrement, nous répéterions avec lui qu’il n’y aurait pas de société possible.
des associations en général. Le peuple anglais est le plus avancé de tous les peuples dans le système des associations. Naturellement sombres et pensifs, ces insulaires semblent ne trouver de plus grand plaisir que celui de faire partie des associations philantropiques. Pour se trouver à une assemblée, ils oublient leurs affections, et même leurs intérêts particuliers ; leur seul désir est celui de contribuer de tous leurs moyens au bien-être de leur nation, et partant de leurs compatriotes. De cet esprit d’association, sont nées ces grandes entreprises industrielles et commerciales qui mettent les Anglais à même d’exporter leurs produits dans tout l’univers. De même, et à l’exemple des commerçans, les industriels ont formé des associations sous divers titres. La ville de Londres compte plusieurs de ces sociétés ; chacune d’elles a son journal qui est son organe particulier, et traite de ses intérêts ; l’une d’elles, enfin, compte plus de cent mille sociétaires. Depuis son existence, elle a pourvu aux besoins de tous ses membres, et en même temps, elle a réalisé un fond de réserve de plusieurs millions. Le journal de cette société, compte 25 mille abonnés environ. Des sociétés semblables sont établies dans toutes les villes industrielles, et pour chaque industrie. A Manchester, ville manufacturière qui, par sa population et son commerce, peut être comparée à Lyon, on compte plusieurs associations de ce genre ; la plus nombreuse est celle des ouvriers tisseurs, qui est aussi parvenue à amasser un fonds de réserve considérable. Elle a aussi son journal spécial qui compte près de 4,000 souscripteurs. Les moyens de correspondance et de communication de ces sociétés, sont si bien réglés que, dans quelques heures, tous ceux qui en font partie, sont instruits des nouvelles qui peuvent les intéresser. Le gouvernement a toujours favorisé ces associations, il les regarde comme un besoin naturel et une source indispensable de prospérité pour le paysi. On se ferait difficilement une idée des améliorations qu’ont introduites les associations, soit pour le perfectionnement [2.2]de l’industrie, soit sur le moral et le bien-être des individus. Lors de l’apparition du choléra-morbus, à Londres, des membres des sociétés s’assemblèrent, et résolurent unanimement de faire tous leurs efforts, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour arrêter ce fléau destructeur. Chaque assemblée nomma de suite plusieurs membres, et de différens quartiers, pour aviser à tous les moyens de propreté et de salubrité, que pouvait exiger l’intérieur des bâtimens. On rapporte même, que plusieurs de ces membres poussèrent leurs soins jusqu’à faire des visites dans les tavernes, où ils engageaient amicalement les habitués de ces lieux, à ne pas faire des excès, mais à prendre toutes les précautions possibles pour se garantir de l’épidémie, et leur en indiquaient les moyens. C’est à ces soins tous paternels, si bien distribués et si bien entendus que, sans nul doute, la ville de Londres qui est un tiers plus peuplée que Paris, doit le peu de ravages qu’a fait le choléra ; puisque dans cette ville, l’épidémie a enlevé moins de monde en trois mois, que dans une semaine à Paris ii. Ainsi, les associations sont le soutien de la nation anglaise, et peut-être que sans ce principe, ce pays serait livré à l’anarchie. Aussi les lords, les commerçans et enfin tous les philantropes encouragent-ils les associations de tout leur crédit, et les regardent comme le seul moyen d’assurer la prospérité de leur pays.
i Nous ne voulons point parler de ces administrations de bienfaisance, établies dans tout le royaume, et pour lesquelles l’état perçoit un impôt, sous le nom de taxe des pauvres. Cette taxe, indispensable en Angleterre, par la cherté des vivres, répugnerait au caractère français. ii Sans doute, nous ne devons pas être les imitateurs serviles des Anglais, mais, lorsque l’intérêt de notre pays commande que nous recherchions tout ce qui peut le préserver du fléau qui le menace, nous ne devons point craindre d’emprunter à nos voisins, ce qui peut nous être utile à cet égard. Nous pouvons donc assurer, que depuis la nouvelle de l’invasion du choléra, plusieurs personnes avaient conçu, à Lyon, des idées semblables à celle des Anglais. Au moyen d’une faible rétribution des habitans de chaque quartier, on pourvoirait aux dépenses d’assainissemens, lavages et arrosages d’eau chlorurée, ou tout autre préservatif commandé par les intendans sanitaires. Par ces associations, les hommes les plus zélés et les plus philantropes se feraient un devoir de faire exécuter toutes les mesures d’assainissemens, telles que réparations des pompes et des fontaines, des égouts d’éviers et des latrines, qui pour la plupart, dans les maisons habitées par les ouvriers, sont encore des lieux dégradés et infects, capables d’engendrer tous les germes de l’épidémie.
On lit dans la Gazette du Lyonnais du 22 avril les lignes suivantes1: « Un député qui se trouvait, il y a peu de jours, à Lyon, et qui n’avait pas attendu la fin de la session pour déserter Paris, interrogé sur ce qu’il pensait du choléra-morbus, a répondu : C’est un impôt que Dieu lève sur le sang des prolétaires. » Nous reproduisons ces lignes sans y croire ; et nous défions même la Gazette du Lyonnais de prouver ce qu’elle avance. Que cette feuille ne croie pas avec de telles insinuations rallier à elle les classes populaires ; les hommes pensent aujourd’hui, et chacun se rappelle les précédens de la feuille jésuitique, ainsi que les œuvres de ses admirateurs.
Le journal Le Revenant1 publie l’extrait d’une lettre de Lyon ; cet extrait est rapporté par la Gazette du Lyonnais. Nous allons le reproduire à notre tour, pour montrer jusqu’à quel point sont fines les plaisanteries de ces deux feuilles. Il s’agit des canuts de Lyon (ce sont les propres expressions du Revenant), et voici ce qu’il dit : « Depuis l’invasion du choléra-morbus, à Paris, la population se porte en foule et en pélerinage à la montagne sur laquelle est située l’église de Notre-Dame de [3.1]Fourvières. La classe ouvrière s’y fait surtout remarquer par la ferveur de ses sentimens religieux. « Mon Dieu ! s’écrient les braves canuts, dans leurs prières, et tout haut, nous n’avons pas chassé notre roi ni notre archevêque, nous n’avons pas pillé les églises ni renversé les croix. Mon Dieu, ayez pitié de nous, et préservez-nous de la peste de Paris. » Voilà le langage que les feuilles d’un régime passé prêtent à nos ouvriers en soie, à ces hommes assez éclairés pour reconnaître de faux amis, qui les trouvent religieux aujourd’hui, et qui sous les missions du gouvernement déchu les traitaient d’impies, de réprouvés. Sans doute nos ouvriers sont religieux, mais sans superstition ; ils rougiraient de mettre en action les momeries qu’on leur prête, et si les feuilles des jésuites s’amusent à les montrer ridicules, qu’elles sachent que leurs patrons et elles seront toujours pour la classe industrielle de Lyon, des objets dignes de mépris. Nos ouvriers en soie restent dans leurs ateliers, et ne vont pas en foule à Notre-Dame de Fourvières accuser leurs frères de Paris ; ils sympathisent trop avec eux !
Le dragon qui a été retiré de la Saône le 20 du courant, n’avait aucune contusion, ni rien qui puisse faire croire qu’on eût employé la violence à son égard, il n’avait pas non plus les mains attachées derrière le dos ; tout donne lieu de croire (puisqu’il est connu qu’il était ivre le soir de sa disparition) qu’en voulant satisfaire quelques besoins, il sera tombé à l’eau. La blouse dont il s’était servi pour sortir du quartier, était passée par-dessus sa tête et presque sortie, mais il n’avait pu dégager le poignet droit, ce qui fait croire qu’il aura cherché, étant dans l’eau, à se débarrasser de cette blouse, afin de pouvoir gagner le bord à la nage.
(2me article.) Depuis notre article de dimanche dernier, nous avons reçu la revue de Westminster d’avril, qui, sous le titre de Commerce de France, contient une critique sanglante de la commission, du rapporteur et du rapport de la loi des céréales ; il confirme vertement ce que nous avons dit de M. le baron Charles Dupin2, le père des ouvriers, et de nos honorables, l’élite du pays. Nous traduisons ici la conclusion de cette critique saine et éclairée. « Mais à quoi bon se plaindre et se lamenter de l’ignorance en pareilles matières. La lumière, dans ces sortes de sujets, doit venir d’en-bas et non d’en-haut. Elle n’est jamais descendue d’une chambre de députés au peuple ; toutes les chambres ont raisonné à contre-sens sur des choses qui, depuis 20 ans, étaient devenues banales pour le peuple. Ce ne sera que lorsque la masse des classes moyennes et laborieuses sera aussi éclairée sur ses intérêts généraux que particuliers, que cessera le système d’impositions établi sur cette singulière conviction, qu’il est d’intérêt public de payer le blé (ou le pain) cher et de l’importer par des bâtimens aussi très-chers… « Les nations, ainsi que les hommes, n’acquièrent l’expérience et le bon sens qu’avec le temps ; en attendant, il faut qu’ils souffrent. » L’économiste anglais a bien raison ; il faut vingt ans pour que les besoins nouveaux qu’éprouve le pays soient satisfaits par ses représentans. Serait-ce donc qu’ils sont moins éclairés que les masses. Non certainement, puisqu’ils en sont l’élite ; mais c’est qu’il est rien qu’un changement, qu’une amélioration dans les lois qui règlent [3.2]les intérêts matériels, ne nuise à un certain nombre de citoyens. Or, les citoyens que l’abolition d’un monopole, la diminution d’un droit d’entrée, gêne ou dérange momentanément, sont généralement les grands propriétaires, les gros manufacturiers ; or, la chambre, en France comme en Angleterre, de quoi se compose-t-elle ? suivez le raisonnement, et vous aurez la solution de ce problème : « Comment se fait-il que les représentans d’un pays soient les derniers à en comprendre les besoins ? » En ce moment, par exemple, il serait de la plus haute importance de suivre l’Angleterre dans la voie libérale qu’elle a si largement ouverte, en admettant, moyennant des droits, tous les articles des manufactures françaises et en réduisant les droits sur nos vins. Le ministère français en comprend l’avantage et l’opportunité ; mais il n’ose de crainte de s’aliéner messieurs les monopolistes qui peuplent la chambre des députés ; cependant il faut enfin qu’il se décide, qu’il opte entre les masses qui souffrent et quelques exceptions qui profitent ; il faut qu’il entre, vis-à-vis de l’Angleterre, dans la voie de réciprocité, ou qu’il s’attende a voir prohiber par elle, avec toute justice, les soieries françaises, dont l’introduction est vivement attaquée par les fabricans anglais. La fabrique de Lyon semblait renaître, lorsque le choléra est venu rompre brusquement ses relations avec la capitale, où toutes les consommations aboutissent ; au même moment, les nouvelles de l’Amérique du nord ont enlevé tout espoir de travail pour ce pays ; que la faiblesse ou l’imprévoyance du gouvernement nous laisse fermer le débouché de l’Angleterre, et nos fabriques sont ruinées, et nos ouvriers, par milliers, seront obligés d’émigrer ou de mendier leur pain. Nos honorables, au lieu de gaspiller leur temps en discours interminables sur des questions personnelles ou même de mysticisme constitutionnel, eussent dû s’occuper davantage des intérêts matériels du pays, les seuls qui intéressent directement les travailleurs. Dans un prochain article, nous montrerons comment le gouvernement français pourrait non-seulement empêcher la prohibition de nos soieries par l’Angleterre, mais encore obtenir d’elle une réduction de droits qui augmenterait nos exportations. Z.
projet d’association de m. benjamin rolland. (troisième article.) Il faudrait voir avec indifférence tout ce qui tend à améliorer le sort des travailleurs, pour rejeter le mode d’association de M. B. Rolland, d’autant plus que ce n’est qu’un projet et que son auteur, dont on ne peut révoquer en doute la pureté des intentions, ne prétend point l’imposer tel qu’il est et sans restrictions aux ouvriers. M. Rolland, de qui nous connaissons toute la pensée, n’a pas cette prétention ; il présente son projet aux ouvriers, convaincu qu’il peut être un remède contre cet état de détresse qui les accable trop souvent par les cessations de commerce ; mais il leur laisse le soin de le mettre plus tard en harmonie avec leurs intérêts, et personne ne lui disputera au moins d’allier la modestie à une ame généreuse. Le projet de M. B. Rolland offre plus d’avantages que n’ont offert jusqu’à ce jour les sociétés dites de bienfaisance. Dans ces dernières en général tout est mesquin et précaire ; il faut être malade, et malade dangereusement pour obtenir des secours. Selon nous, le but de toute association tendant à préserver les travailleurs de [4.1]la misère, ne doit point attendre l’état de maladie pour venir au secours de l’industriel ; au contraire, c’est lorsque, jouissant de la santé, il est sans travail qu’il faut le secourir, et vous le préserverez souvent des maladies qui l’affligent. Voilà ce que le projet d’association de M. B. Rolland a prévu. Ce n’est pas seulement un sociétaire malade qu’il veut soulager, il veut que l’industriel manquant momentanément du travail trouve des secours qui le mettent à même d’attendre un temps meilleur ou d’entreprendre de nouveaux ouvrages. Il veut aussi que l’homme travailleur, économe et probe trouve une récompense à sa bonne conduite, c’est ce que M. Rolland a pensé en créant dans son projet des prix d’encouragement pour les ouvriers. Tous ces avantages, quoique nombreux, peuvent se réaliser par le mode d’association proposé ; la création des sociétaires honoraires payant et ne recevant pas, sera d’un grand secours pour la caisse, et deviendra la pierre angulaire de la société. Tout en rendant justice à M. B. Rolland, nous avions dû avec conscience signaler dans deux articles quelques vices que semblait nous présenter son projet, et nous lui rendions justice sur le fond. Mais aujourd’hui que nous savons que M. B. Rolland veut le soumettre à la révision des sociétaires, nous ne saurions trop le recommander aux ouvriers de Lyon. Ce mode d’association peut produire un grand effet dans notre ville manufacturière, et en l’adoptant, les industriels ne craindront plus à l’avenir d’être sans travail, et par conséquent sans ressources. Notre voix est désintéressée ; mais c’est parce que nous sommes persuadés que ce mode d’association fera un grand bien à la classe ouvrière, que nous le recommandons à ceux de qui nous sommes les organes. Déjà M. B. Rolland a obtenu un bon nombre de signatures, et nous annonçons avec plaisir que celle de M. Gasparin, préfet du département, est celle qui figure en tête. Nous invitons MM. les chefs d’ateliers à se transporter chez M. Rollandi. Nous connaissons assez ses vues philantropiques, pour penser qu’il se fera un plaisir de donner tous les renseignemens possibles sur son projet d’association. A. V.
i Rue des Deux-Angles, n° 4.
AU RÉDACTEUR.
Monsieur, Dans votre N° du 25 mars dernier, vous avez inséré un article extrait du Mouvement, journal qui a succombé sous les exigences du pouvoir. Cet article, dû à la plume éloquente et patriotique de M. Laurent, de Grenoble, ancien rédacteur du Globe, devait me servir de jalon dans la route que je me propose de parcourir, et qui a pour but l’émancipation de la classe prolétaire. Je viens, dans le même intérêt, vous soumettre un article du Sémaphore de Marseille, lequel se coordonne parfaitement avec celui précité, et lui sert en quelque sorte de corollaire. Vous observerez combien, depuis quelque temps, les questions sociales sont devenues à l’ordre du jour. Auprès d’elles, les questions politiques sont reléguées sur le second plan. Un grand débat se prépare, et la presse, greffier vigilant, enregistre les pièces du procès. On commence à sentir la vérité de ce que je vous ai dit dans une précédente épître : « A côté et au-dessus des besoins moraux s’agitent les besoins physiques. » Agréez, Monsieur, etc. Marius Ch……g.
[4.2]Extrait du Sémaphore de Marseille. de la législation. Comme tous les élémens sociaux, la législation a subi des modifications successives, que les savans ont observées avec une patience et une érudition auxquelles nous devons quelques milliers d’in-folio. Mais, il faut le dire, la marche générale n’a pas été jugée ; on n’a pas même songé à examiner si la législation, obéissant à une force unique, était toujours dirigée vers le même but. Les philosophes, les historiens et les jurisconsultes, appréciant les faits d’une manière isolée, ont vu mille mouvemens en sens inverse, des progrès et des pas rétrogrades, là où une observation plus attentive montre une marche toujours constante vers un point toujours identique. Les législations orientales nous sont peu connues ; cependant il paraît qu’elles avaient pour objet d’enchaîner l’homme à la caste, afin de le préserver de la liberté du désert et de l’indépendance du sauvage. Alors le législateur était le prêtre. Revêtu d’un pouvoir immense, il protégeait la faiblesse des premiers liens sociaux contre les excitations d’un individualisme barbare. Il faisait servir son omnipotence religieuse à la formation d’une règle morale sous l’influence de laquelle les masses asservies se livraient à des travaux utiles, trouvaient les premiers procédés de l’agriculture, et créaient les arts et métiers. La propriété n’existait pas encore ; le sol était divisé en trois grandes parts : l’une, exempte de tout impôt, appartenait aux prêtres ; la seconde fournissait aux rois de quoi soutenir leur dignité ; l’autre formait l’apanage des guerriers. Les masses étaient de véritables troupeaux sur ces terres, les cultivant et n’ayant droit à aucun produit. La législation forçait chaque individu de rester dans sa caste et de suivre la profession de son père. En Grèce et à Rome on voit apparaître la propriété ; mais elle est accompagnée de l’institution de l’esclavage. Les esclaves sont employés aux champs et dans les ateliers. Il est certain que cet état social est plus avancé que la caste. L’individualité est plus développée, il y a plus d’émulation. Dans le régime des castes, il n’y a qu’un seul entrepreneur de travaux, qui est l’état ; dans le régime de l’esclavage, tous les propriétaires d’esclaves sont entrepreneurs et ont intérêt à produire. Pourtant il faut reconnaître que les législations grecque et romaine ne contenaient presque aucune disposition propre à faire prospérer l’industrie et à favoriser la production. En effet, le but de l’association était surtout l’industrie guerrière, et la législation devait avoir un caractère presque exclusivement guerrier. Cependant peu à peu on voit la condition des esclaves s’améliorer par la concession d’un pécule ; plus tard, les affranchissemens se multiplient, soit que l’esclave se rachète de ses deniers pécuniaires, soit que le maître lui donne volontairement la liberté ; enfin les affranchis, à la seconde ou troisième génération, sont assimilés complètement aux hommes libres. Chez les peuples modernes, grâce aux bienfaits du christianisme, l’esclavage de la personne disparaît complètement ; il ne reste plus que l’esclavage de la glèbe, et dès lors le serf du moyen âge, malgré la rigueur de sa condition, se trouve dans une position plus favorable que l’esclave grec ou romain. Il y a un dieu, un nom, une famille, une patrie. Le serf travaille, et le fruit de son travail lui appartient, du moins en partie ; bientôt son industrie lui fournit les moyens de se racheter les redevances seigneuriales, il devient libre de ses actions, et il acquiert lui-même une propriété ou se livre à l’industrie manufacturière. Les communes se forment par l’aggrégation de ces hommes libres ; elles sont affranchies [5.1]de toute juridiction seigneuriale par les rois de France ; et les hommes productifs parviennent à être comptés pour quelque chose dans l’organisation sociale. Pour mieux se défendre contre l’institution militaire, l’industrie s’organise en corporations, maîtrises et jurandes. Elle se met sous la protection des croyances catholiques, alors toute-puissantes parce qu’elles étaient progressives. Chaque corporation prend pour patron un saint. Ce système industriel était sans doute imparfait, puisqu’il tendait à exploiter chaque branche d’industrie en monopole, et à traiter le consommateur comme l’homme d’armes avait traité le vilain ; mais en présence de l’association féodale et militaire, ces associations de travailleurs pacifiques étaient un pas immense dans la voie de l’émancipation industrielle. A mesure que ces combinaisons nouvelles se produisaient, la législation se modifiait, mais avec une certaine difficulté ; car c’est une chose très-remarquable que, depuis l’apparition du christianisme, la législation ne fait que constater le progrès au lieu de le produire. Dans l’esprit général du droit romain, la propriété était difficilement transmissible, les biens immeubles avaient une prééminence très-grande sur les meubles, et la loi veillait sur les premiers avec une sollicitude toute particulière. Cet état de choses se perpétua assez long-temps, et le système féodal n’était pas de nature à le modifier. Cependant plus les propriétés sont facilement transmissibles, plus l’industrie a d’élémens de succès, plus la production a de chances favorables. Or, qu’est-il arrivé dans le moyen âge ? Les propriétés immobilières se trouvant en général dans la main des non-producteurs, sont restées soumises aux mêmes dispositions, ou du moins à des dispositions fondées sur le même esprit ; mais les producteurs, possesseurs des biens mobiliers, ont cherché à constituer leur nouvelle propriété de la manière la plus propre à augmenter leur bien-être ; en conséquence, ils l’ont rendue transmissible avec autant de célérité que de sûreté ; ils en ont par cela même augmenté la valeur en la rendant beaucoup plus productive. La force de l’habitude et du préjugé conservera longtemps encore les prérogatives de la propriété immobilière ; mais enfin il a fallu céder à la nécessité et se rendre à l’évidence. Une protection toute particulière, des lois et des tribunaux spéciaux, ont donné à la propriété mobilière une importance nouvelle ; il n’est plus resté aux propriétaires terrien qu’une prééminence d’amour-propre et la jouissance de certains droits politiques. Enfin, de notre temps, ce dernier avantage a presque entièrement disparu ; le directeur de manufacture marche l’égal du propriétaire de château ; tel maître de forges vote au grand collège où le petit bourgeois n’a pas accès ; et maintenant un crédit bien établi à la bourse procure une existence sociale aussi avantageuse que la possession de quelques arpens de terre entourant un manoir surmonté de la giroutte féodale. De ce court aperçu historique, nous croyons pouvoir conclure que la tendance sociale en général, et la tendance législative en particulier, ont toujours été la production de la plus grande somme d’utilité possible. Seulement la nature de l’utilité a varié ; pendant long-temps elle fut principalement guerrière ; mais le phénomène principal est la décroissance du principe militaire, à laquelle correspond l’augmentation de la production positive, c’est-à-dire l’importance progressive de l’industrie agricole et manufacturière. Aujourd’hui les sentimens sociaux sont arrivés à un tel état de perfectionnement, que l’industrie guerrière et la production négative qui [5.2]en résulte ne sont presque plus nécessaires ; aussi toute la tendance sociale est vers la production positive, c’est-à-dire la création de la richesse consommable. Ainsi se trouve justifié le système de Bentham1. Ainsi se trouve démontrée notre assertion, que le but du contrat social est la consommation, et par conséquent la production. D’où l’on tire ce légitime corollaire, que la législation ne saurait avoir d’autre objet que de favoriser et d’augmenter la production ; que pour cela elle doit s’adresser à l’intérêt personnel et accorder de plus en plus à chaque producteur une part de produits proportionnée à son travail ; qu’enfin l’unique critérium pour apprécier la bonté ou le vice d’une disposition législative consiste à examiner si elle conduit à un résultat favorable à la production de la richesse sociale.
extrait de la gazette médicale. Nous publions les détails suivans, que nous recommandons à l’attention de l’autorité, et à la sollicitude publique ; car ils prouvent que le gouvernement ne saurait trop s’occuper de l’amélioration du sort des classes pauvres, et ils sont de nature à exciter de plus en plus la bienfaisance publique en leur faveur : « Les premières victimes de l’épidémie, transportées à l’hôpital de la Pitié, ont été des ouvriers sans ouvrage depuis plus ou moins long-temps, exténués par la faim et la misère, manquant de vêtemens, habitant des chambres mal aérées, où ils étaient quelquefois entassés par douzaine. C’étaient des hommes abusant journellement de boissons alcooliques ou dévorés par des phlegmasies chroniques. Nous avons vu dans le service de M. Seny un homme qui, depuis neuf jours, n’avait pas introduit dans son estomac un seul morceau de pain, qui n’avait pris pour toute nourriture que quelques fragmens de pommes de terre frites, achetées sou à sou. Plus loin, dans le service de M. Bouillaud1, était aussi un homme manquant d’asile, qui passait les nuits dans un tas de fumier ; qui, le matin, pour réparer les pertes causées par une transpiration abondante, allait se désaltérer à la rivière, ou avalait plusieurs litres d’eau à la fois. Voilà les premières victimes du choléra, voilà les hommes qu’on a appelés avec raison la matière première des épidémies. En voyant cet affligeant tableau, il est impossible de ne pas se rappeler ces deux mots de Sydenham2, qui plaçait à la tête des causes du choléra épidémique de 1669 : Crapula et Ingluvies. Ce sont des adultes et surtout des vieillards qui ont été admis à la Pitié : le plus jeune des malades soumis aux observations, était âgé de 19 ans ; il n’a point succombé. Parmi les malades, s’est trouvé un homme déjà atteint du choléra aux grandes Indes. Quoiqu’il eût été assez gravement affecté, il est parvenu à échapper à cette nouvelle atteinte de choléra. »
Fin et résumé du discours du docteur Broussais1. Je passe maintenant au traitement et à l’époque de la prédisposition. Lorsqu’une personne affectée d’irritabilité du canal digestif voit le choléra s’établir, elle doit commencer par diminuer ses alimens, par les diminuer au moins de moitié. C’est le traitement prophylactique. Il faut manger peu de végétaux. Je ne dis pas qu’il faille s’en priver absolument, mais il faut en manger fort peu. Se nourrir avec des œufs et des viandes blanches, ne pas boire dans l’intervalle des repas en grande quantité, et seulement si la soif vous prend. Il faut être très-modéré sur ce point. Il faut éviter toute fatigue violente ou extraordinaire, éviter les communications sexuelles, qui déterminent facilement la maladie chez les sujets faibles, éviter surtout de sortir des règles qu’on s’est imposées, et ne céder à aucune invitation ni à aucune occasion. Je connais déjà un grand nombre de gens qui s’étaient préservés jusqu’à présent de la maladie, et qui ayant eu le malheur de céder à [6.1]une invitation, ont été le lendemain cholériques, et quelquefois sont morts peu d’heures après. Il faut aussi, à moins que l’on n’ait beaucoup de courage et de fermeté de caractère, éviter l’aspect des cholériques, parce que les contorsions de la physionomie de ces malheureux ont quelque chose de terrible ; il faut être exercé à l’observation des malades pour contempler de sang-froid un pareil spectacle. Il faut aussi se priver de fruits, et se priver le plus possible de laitage. Ceci n’est pas absolu ; il est des personnes qui digèrent parfaitement le lait ; celles-là ne sont pas obligées d’y renoncer. Il en est d’autres que le lait dérange constamment, et à qui il occasionne presque toujours la diarrhée, il est même des personnes qui considèrent le café au lait comme leur purgatif diurne ; ces personnes doivent s’en abstenir. Je sais que ces personnes disent : Si je ne prends point de café au lait, je n’irai point à la selle. Hé bien ! je leur réponds : ne prenez pas votre café au lait, ne dussiez-vous aller à la selle de huit jours. Il faut éviter de se fâcher, ceci peut avoir beaucoup d’inconvéniens ; il faut surtout trouver dans son moral des ressources pour se prémunir contre la terreur ; car, si cette maladie est formidable lorsqu’on lui a laissé faire des progrès, il est bien certain qu’attaquée à son début avec énergie, on peut en faire une des maladies les moins nuisibles pour l’espèce humaine. Le choléra-morbus est, en un mot, une des maladies qui peuvent le mieux prouver la puissance de la médecine. Si tous les médecins de Paris étaient d’accord sur cette question là, vous verriez des prodiges, la France se distinguerait parmi toutes les nations, elle aurait, pour ainsi dire, arrêté le choléra ; mais cela n’est pas possible. Désirer l’uniformité de pensée, c’est une chimère, une utopsie à laquelle aucun homme raisonnable ne peut se livrer. Lorsque la maladie débute par quelques symptômes précurseurs, c’est vraiment l’instant du triomphe. Lorsqu’un malade commence à avoir une petite diarrhée ; lorsque, sans cause comme sans motif quelconque, un homme qui avait habituellement une selle par jour ou tous les deux jours, sent tout-à-coup son ventre se relâcher au milieu de la nuit, et qu’après l’évacuation des matières stercorales il voit sortir une espèce de matière muqueuse et blanchâtre, croyez que cet homme est attaqué au premier degré du choléra. Dans cette situation, il est très-facile de le guérir, et c’est ce que j’ai éprouvé. Il y a des médecins qui se contentent de prescrire de l’eau-de-vie, des astringens, le diascordium, le simarouba, le ratanhia, et de prescrire des lavemens et autres choses semblables. Ils recommandent aussi de diminuer la nourriture. Ce sont là de demi-moyens. Allez vite au but, retranchez la nourriture. Faites appliquer des sangsues à l’anus si la douleur est au bas-ventre, et à l’épigastre si la douleur est à l’estomac. Faites des saignées abondantes s’il le faut, faites prendre de la glace, et vous êtes sûr de la guérison, à moins que vous n’ayez à faire à des sujets dont les viscères sont détériorés d’avance, car il faut toujours faire exception de ces cas-là. Je vous l’ai dit, et je le répète, c’est une éternelle vérité : les personnes qui ont d’anciennes altérations organiques, surtout si elles sont âgées, vous ne pouvez vous flatter de les guérir avec cette facilité-là ; mais quand il y a possibilité de réussir, vous y parviendrez. Il y a beaucoup plus de prudence à leur imposer deux ou trois jours de ce régime-là qu’à leur permettre du poulet au riz et un peu de soupe. Soyez sévère et ne vous relâchez pas de vos prescriptions, car si vous autorisez trois bouchées, le malade en prendra quatre ou cinq, et tout le fruit de vos efforts sera perdu. Voilà, Messieurs, ce que l’état actuel de mes connaissances et de mes idées sur le choléra me permet de vous dire ; et je serai fort heureux si vous pouvez en tirer quelque avantage. Cette improvisation a été suivie des plus vifs applaudissemens. - Un journal de New-Yorck, de l’an dernier, contient ce qui suit : « Il y a environ 12 ans, l’équipage de la frégate française l’Aréthuse, qui avait jeté l’ancre devant Annapolis, fut attaqué du choléra. Le remède suivant fut employé avec le plus grand succès : de l’eau de riz avec beaucoup de sucre et un peu de landanum bue à de très-fortes doses. Sur 140 personnes malades, une seule succomba. »
Extrait d’une lettre du 12 avril (Toulon), par un soldat du 66e de ligne, 3e bataillon, 2e compagnie. « Le 14 février nous nous sommes mis en mer. Le vaisseau la Caravane qui nous a reçus ne pouvant contenir qu’un demi-bataillon, nous n’avons embarqué que quatre compagnies. Le deuxième jour, le capitaine du vaisseau croyant le vent favorable, fit lever l’ancre. Nous devions aller rejoindre en Italie les deux premiers bataillons de notre régiment. A peine 24 heures s’étaient-elles écoulées après notre départ, que le vent le plus [6.2]terrible fit craindre un naufrage ; le bâtiment balançait dans tous les sens jusqu’à nous forcer de nous cramponner aux cordages, au parapet du pont, et tout ce qui nous pouvait retenir. Nous avons passé deux nuits affreuses, dont le souvenir me glace encore d’effroi. Un coup de vent battit si fort les flancs du navire à plusieurs reprises, que la grande voile plongea de chaque côté six pieds dans l’eau, et le navire ne reprit son aplomb qu’après un balancement de plus de sept heures ; tout roulait dans le navire avec un fracas épouvantable : des tonneaux de viandes salées, des barils d’eau se brisaient après s’être détachés de leurs places. La cuisine, renversée, ne fut rétablie le lendemain matin qu’après avoir long-temps cherché les ustensiles égarés. Des rangs de boulets de 24 et 36, qui sont placés entre deux bornes assez étroites pour les empêcher de rouler, se sont tout-à-coup échappés, et n’ont pu être saisis qu’avec la plus grande peine après avoir blessé quelques militaires. Il fallait pomper des heures entières à cause des lames d’eau qui s’élevaient de temps en temps. Pendant une minute, ces lames d’eau étaient si fréquentes, que les matelots crurent que nous coulions à fond : deux d’entr’eux ne purent s’empêcher de s’écrier : Mes amis, il faut donc se résoudre à périr… Si nous ne sommes point allés rejoindre le régiment à Ancône, ce n’est pas tant par la contrariété du vent que par un contre-ordre qui nous fut donné après le mouillage du vaisseau par un autre bâtiment qui nous est venu rejoindre en parlementaire. Notre colonel Combe, après avoir passé en jugement pour avoir fait débarquer son régiment sans ordre ministériel, a été dernièrement destitué, et doit être, à ce qu’on dit, remplacé par le lieutenant-colonel du 38e de ligne ; en attendant, nous sommes commandés par notre lieutenant-colonel Barthélemy… Le 19 du courant, nous devons partir pour Oran. »
NOUVELLES DIVERSES.
Plusieurs rapports ayant annoncé que le Palais-Royal, les passages éclairés par le gaz et le voisinage des gazomètres avaient été, jusqu’à présent, préservés du choléra, M. le préfet de police a fait vérifier ces observations qui ont été reconnues exactes. L’on attribue au gaz seul cette heureuse exception, qui n’est peut-être que momentanée, et qui peut être aussi le résultat de plusieurs autres causes. Cependant, ce fait semble mériter une attention toute particulière. M. le préfet l’a signalé à la commission de salubrité. Paris, 21 avril. - Mme Enfantin, mère du père suprême de la religion saint-simonienne, est décédée hier. Il y avait près de six cents personnes rassemblées pour assister au convoi, tant le monde paraissait curieux de connaître la cérémonie de la nouvelle religion. Tous les curieux ont été désappointés. Le corbillard a ouvert la marche, et était suivi du père Enfantin et du sacré collège, en habit de flamme d’enfer. Il n’y a pas même eu de discours sur la tombe, comme tout le monde paraissait s’y attendre. C’était entièrement l’image de la mort, - A Paris, on s’est extasié à la vue de 3 bœufs, parmi lesquels on a choisi le bœuf gras, du poids de 3,000 livres. Les bœufs fleuris, promenés à Rouen ces jours derniers, étaient plus extraordinaires encore ; car ils pesaient, l’un 3,800, et l’autre 3,600 livres. Ces deux monstrueux quadrupèdes avaient été achetés à la foire de Fleurie-de-Bernay, où ils avaient obtenu la prime. Saint-Brieux. Un cultivateur de la commune du Vieux-Bourg, près de Quintin, a trouvé 32 marcs 4 onces d’or dans le champ qu’il labourait. Le titre de cet or, allié d’argent, et qui n’est pas le même pour toutes ses pièces, peut-être porté, terme moyen, à neuf cent seize millièmes (22 karats), ce qui, à 772 fr. le marc, donne une valeur de 25,090 fr. à ce trésor enfoui et si heureusement découvert. [7.1]- On vient de découvrir, dans les mines de l’Oural, un nouveau minéral, auquel M. Hesse a donné le nom d’ouvavorité. Ce minéral appartient probablement au genre des grenats ; sa forme, autant qu’on peut en juger par les cristaux forts petits qui ont été trouvés, est un dodécaède rhomboïde ; il est d’un beau vert, semblable à celui des plus belles émeraudes ; traité au chalumeau, il ne perd rien de sa couleur ni de sa transparence. La dureté, la belle couleur et la transparence de ce minéral lui assurent une place parmi les pierres précieuses. - Dans tout le midi de la France on a éprouvé, il y a quelques jours, un froid assez vif, accompagné de neige. Nismes. - Malgré la présence du choléra à Paris et la suspension des commandes, notre fabrique continue à travailler. Nous avons eu, dans le milieu de ce mois, le temps le plus favorable à la végétation de la vigne et du mûrier, dont la feuille commence à se développer. Nous venons d’éprouver un changement subit de température, la neige couvre toutes les montagnes de nos environs, et fait craindre que quelques gelées blanches ne détruisent l’espoir de la récolte prochaine ; il suffit pour cela d’une seule matinée. Il y a eu une petite gelée blanche qui n’a point fait de mal ; on ne s’en plaint presque pas. Chalons-sur-Marne. - Les laines peignées au-dessous de 6 f. 50 c. la livre se demandent assez, bien que les qualités au-dessus soient calmes et sans acheteurs. La mortalité des moutons qui périssent en grand nombre de la pourriture dans notre département, maintiendra probablement le prix de toutes les laines à la tonte prochaine. Les plies, blousses, sont toujours recherchées pour la fabrication des flanelles. Egypte. (Renseignemens commerciaux.) On regarde la dernière récolte de coton comme l’une des meilleures qu’on ait pu souhaiter. S’il fallait en croire les assertions de ceux qui ont peut-être envie de se faire illusion, elle ne s’élevait pas à moins de 4 ou 500 mille quintaux. L’administration du commerce a accordé une diminution considérable sur le prix des cotons ; elle les donnait, en novembre, à dix talaris et demi le quintal, ce qui répond à 55 fr. environ. (Nouvelliste.)1
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Dans la séance du samedi 21 avril, le sieur Botto présente au conseil son livre de compte, avec les sieurs Pingeon et Mandrillon, sur lequel il y a plusieurs chiffres refaits. Le conseil ayant reconnu le fait, s’est vu forcé de faire une sévère morale au sieur Pingeon, et l’a condamné à rectifier ses erreurs, à régler les comptes du sieur Botto, et à le payer de suite. Le sieur Botto nous rapporte que lorsqu’il fut lundi chez le sieur Pingeon, réclamer son payement, il fut reçu avec des injures ; on fut même jusqu’à le prier de passer la porte. Jeudi, le sieur Botto fut de nouveau chez le sieur Pingeon, où de nouvelles disputes s’élevèrent, à la suite desquelles des agens de police, avertis par le sieur Pingeon, parurent chez lui pour arrêter le sieur Botto. Ces agens, après avoir entendu l’ouvrier, et reconnaissant la justice de sa réclamation, engagèrent à leur tour le sieur Pingeon à régler le livre, et à payer le sieur Botto. Ce n’est que de cette manière qu’il a pu obtenir son payement. Séance du jeudi 26 avril. (présidée par m. guerin.) La séance a été ouverte à six heures et demie ; l’emplacement réservé aux auditeurs était tellement encombré, qu’ils pouvaient à peine se mouvoir. Quoique les croisées fussent ouvertes, on étouffait de chaleur. Les causes qui ont offert quelque intérêt sont les suivantes : Le sieur Veillas réclame aux sieurs Pellin et Bertrand, 5 fr. 15 cent., provenant d’erreur de compte, soit sur quatre mouchoirs qui n’ont pas été portés à façon, soit sur le déchet du thibet qui n’a été marqué qu’à 12, au lieu de 18 deniers. Le sieur Pellin dit que la somme pour laquelle il est appelé, ne vaut pas la peine de paraître [7.2]devant le conseil, mais qu’il se présente pour défendre un principe, et dit qu’il y a plus d’un mois qu’il a réglé les comptes du sieur Veillas, et demande la prescriptioni. Le conseil, après avoir examiné les chiffres et le compte des mouchoirs qu’ont rendus les pièces, ne reconnaît point d’erreur, mais déclare en même temps que les comptes seront revus, et les déchets portés comme le conseil l’a ordonné. Le sieur Bouillon est chargé de la vérification des comptes, attendu qu’il n’y a jamais de prescription pour les erreurs. La dame Gendon, ourdisseuse, réclame le solde de ses comptes, que le sieur Laquais, négociant, refuse de lui porter au prix dont il avait l’usage de lui payer. Le sieur Laquais dit être convenu de payer le prix de 2 fr. 25 c. les pièces qu’il fait ourdir sur les soies cuites, mais ne prétend point payer ce prix sur les soies crues. La dame Gendon présente son livre au conseil, et demande que le prix dont elle est convenue et qui lui a été payé précédemment, lui soit continué. Le sieur Laquais dit que c’est par erreur que ce prix a été marqué sur les livres, et demande une expertise. L’affaire est renvoyée pardevant M. Estienne. Les autres causes étaient des différends entre les maîtres et leurs apprentis ; ces derniers ont été conciliés, devant rentrer dans l’atelier, obéir et respecter leurs maîtres.
i Après ce mot de prescription, et quelqu’autres propos virulens du sieur Pellin, l’auditoire s’est permis des murmures improbateurs et des éclats de rire. M. le président s’est vu forcé de recommander au public la modération et le respect dû au conseil ; tout le monde s’est rendu à son invitation, et le plus grand silence a régné jusqu’à la fin de la séance.
PRIX COURANT DES FAÇONS.
Crêpe zéphir, à bordure, 5/4, le carré : 3 fr. Schalls riches, 5/4 au quart, 8 à 10 lats, le mille : 60 c. Idem, 6/4, id., 3 lat, id. : 70 c. Mouchoirs soie fond sergé, à bordure, 2/3 le carré : 80 c. Bayadère, 5/4, 40 c. au pouce, le carré : 1 fr. 60 c. Id., 6/4, id., id. : 2 fr. 50 c. Id., 4/4, id., id. : 80 c. Rubans marabou, m. 600. N° 30, l’aune : 65 c. Id., N° 16, id. : 55 c. Rubans satins, m. 900. N° 30, id. : 45 c. Id. unis chinés. id. id. : 45 c. Rubans fond taffetas, 900, 2 lats, id. : 55 c. Id., id., 600, 2 lats, id. : 45 c. Ceintures, m. 900, 8 bouts. N° 10 et 12, l’aune : 70 c. Id., m. 600, 4 bouts. id., id. : 60 c. Draps de soie façonnés, gros noir, 12 ch., id. : 1 fr. 20 c. Id., id., 10 ch., id. : 1 fr. 20 c. Draps de soie unis, 70 portées doubles, 1/2 id., l’aune : 1 fr. 40 c. Id., id., triples, 11/24, id. : 1 r. 60 c. Id., id., doubles, 11/24, id. : 1 fr. 30 c. Id., 60 p., id., 11/14, id. : 1 fr. 20 c. Id., id., simples, 11/24, id. : 1 fr. 10 c. Id., 56 p., doubles, 11/24, id. : 1 fr. 15 c. Id. rayés, id., id., 21/24, id. : 1 fr. 25 c. Id. gros noir, 46 p., simples, 11/24, id. : 90 c. Satin fort, gr. noir, 120 p., doubles, 1/2, id. : 2 fr. 90 c. Satin turc, 2 bouts, 77 p. simples, 11/24, id. : 80 c. Lustré noir fin, 100 p. simples, 7/8, id. : 1 fr.40 c. Id. gros noir, 70 p., id., 5/8, id. : 80 c. Taffetas parapluie, 54 p., id., 7/12, id. : 75 c. Id., 58 p., id., 5/8, id. : 85 c. Turquoises, souple, 60 p., doubles, 1/2, id. : 1 fr. 30 c. Id., gr. noir, id., id., 1/2, id. : 1 fr. 20 c. Id., id., 50 p., id., 11/24, id. : 1 fr. 20 c. Gros de Naples, 6 b. 46 p., id., 11/24, id. : 95 c. Id., 2 b. 40 p., id., 11/22, id. : 65 c. Id., 3 b. id., id., 11/24, id. :70 c. Id., 4 b. id., id., 11/24, id. : 80 c. Id. gros noir, 1 b. 35 p., simples, 7/16, id. : 50 c.
LITTÉRATURE.
[8.1]le journalisme. Qui aures habent audiunt. Le temps ou l’on appelait un journaliste folliculaire, n’est pas loin de nous. Sous cette injure vieillie, le pouvoir déguisait la haine qu’il lui portait. C’est à la même époque qu’un avocat-général apostrophait Paul-Louis Courrier1 par ces mots : Vil pamphlétaire. Le malin vigneron loin de s’en croire insulté s’en fit un titre d’honneur, et enrichit la littérature d’un genre nouveau qu’on n’avait pas jusques-là osé avouer, le pamphlet. Aujourd’hui la profession de journaliste est reconnue, et le journalisme prend son rang parmi les pouvoirs de l’état. La révolution de juillet 1830, ayant mis en évidence des hommes courageux, y a beaucoup contribué. Ce serait néanmoins une erreur de croire que ce n’est que depuis elle que le journalisme a acquis une si grande importance. Sa puissance était sentie, juillet l’a seulement révélée. Un court aperçu va le prouver. C’est en 1631, sous le règne de Louis XIII, que le médecin Théophraste Renaudot2 importa et fit connaître en France la Gazettei, qui à son origine ne fut consacrée qu’au récit des nouvelles publiques. A son exemple, Denis de Sallo3, conseiller au parlement, publia en 1664, sous le faux nom d’Hédouville, le journal des savans, père des différens journaux littéraires. Il est bien vrai de dire qu’à cette époque le journalisme était dans l’enfance, et ne pouvait prévoir les hautes destinées qui l’attendaient. 1789 vint, et la liberté émancipa la chaire du journaliste. Toutes les opinions éprouvèrent le besoin d’une représentation écrite et journalière. Si le Moniteur, impassible greffier, se contenta d’enregistrer les faits et discours de chaque jour, d’autres journaux se chargèrent du soin d’endoctriner les masses, de parler aux passions un langage qu’elles voulussent écouter. Mirabeau, Gorsas, Condorcet, Camille Desmoulins, Marat4 et autres députés publièrent des feuilles périodiques, que Paris et la province dévoraient. Comme on le voit, des députés ne craignaient pas d’attacher leurs noms à un journal, sachant bien que par là, ils créaient un véhicule puissant à leurs opinions. Ils ne crurent pas, eux ni leurs collègues, qu’il y eût incompatibilité entre des fonctions publiques quelqu’élevées qu’elles fussent, et la profession de journaliste ; enfin, ils ne sacrifièrent pas à ce Teutatès de nos jours, qu’on appelle le dieu des convenances. Au contraire, ils élaboraient, ils consignaient dans leur journal les opinions, les améliorations que plus tard ils allaient essayer de faire prévaloir à la tribune. Le journalisme eut donc une grande influence, mais il la partageait avec la brochure. Sous le règne brillant du soldat d’Arcole et des Pyramides, la presse fut muette… Le géant tomba, et les Bourbons, obligés de capituler avec la France, lui offrirent une charte en échange de sa gloire impériale ; ils consentirent à passer sous les fourches caudines de la liberté de la presse. Bientôt leur haine contre elle se réveilla ; ils crurent l’anéantir en la courbant sous le joug des lois fiscales. Heureuse erreur ! En soumettant à un impôt, à un cautionnement la tribune du journaliste, ils l’élevèrent au rang d’une propriété. En assujettissant le propriétaire à signer [8.2]comme gérant, ils firent faire, bien malgré eux, un pas immense aux Français vers le courage civil, le seul, on l’avoue, qui leur manque. De cette époque date la puissance des journaux. Qu’on le dise sans crainte et sans détour, un quatrième pouvoir est venu s’ajouter à ceux qui régissaient l’état. À cette même époque, et lors des lois illibérales qu’enfantait le génie ministériel de la restauration, il fut proposé de faire paraître certains journaux sous les auspices de quelques pairs ou députés. C’était revenir au principe de 1789, c’était marcher vers un but fécond en résultats politiques et savans. Une inconcevable prud’hommie s’opposa à la réalisation de cette pensée généreuse ; j’espère qu’on y reviendraii56. Un journal signé Lafayette, Dupont-de-l’Eure7, Dupin, ou Berryer8, un journal dont tous les articles seraient signés par l’auteuriii ou le gérant, aurait une importance bien mieux sentie. Protégée par l’inviolabilité du gérant, la presse aurait ses coudées franches. Pour l’attaquer, les gens du parquet y regarderaient à deux fois. Content de jeter cette idée en avant, j’appelle les journaux politiques à l’exploiter, et je termine par une dernière réflexion. On m’a demandé la définition d’un journal, j’ai répondu : c’est un bouclier, un javelot, un miroir, une arène, une table rase. Bouclier, un journal sert d’armes défensive ; javelot, il sert à l’attaque ; miroir, il réfléchit les opinions ; arène, il leur ouvre un champ libre ; table rase, il reçoit et conserve leur expression diverse ; mais pour qu’il ne faillise pas à cette haute mission, il faut que le gérant soit un homme connu, jaloux d’exploiter sa propriété au profit et pour la défense de ses principes dans quelque rang politique ou social qu’il se trouve ; car, je le répète, la fonction de journaliste s’allie à toutes les autres. Marius Ch.....g.
i Les gazettes étaient depuis long-temps connues à Venise où l’on payait una gazetta, petite pièce de monnaie pour les lire, d’où leur nom est venu. ii Le général Bachelu a publié un compte rendu à ses commettans. Cabet, de la Côte-d’Or, a suivi cet exemple qui devrait être plus généralement suivi. iii On a fait la remarque, qu’en général les articles des journaux libéraux étaient signés. Le Globe avait adopté cet usage.
COUPS DE NAVETTE.
Il se fait beaucoup de souscriptions pour les maux qui viendront (peut-être), et point pour les maux qui existent. Si l’on prenait autant de précautions pour détruire la concurrence qu’on parait en prendre pour se préserver du choléra, la misère ne serait pas si contagieuse. Le choléra-morbus est, pour quelques-uns, ce que la misère est pour d’autres ; les gens en meurent, et on ne veut pas y croire. Les mots les plus faciles sont souvent très-pénibles à prononcer pour certaines personnes ; on cite un démissionnaire qui a resté douze jours avant de pouvoir dire non. La peur de faire un peu de bien, en disant oui, A fait dire à cet honorable non.
AVIS.
A vendre, pour cause de départ, un petit Fonds de librairie, avec abonnement pour lecture, situé dans un beau quartier. S’adresser au Bureau du Journal.
Notes (La société est partagée en deux classes , les...)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (On lit dans la Gazette du Lyonnais du...)
L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (Le journal Le Revenant publie l’extrait...)
Le Revenant, fut publié à Paris en 1832-1833.
Notes (L’ANGLETERRE.)
L’auteur de ce texte est François Barthélemy Arlès-Dufour d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). Prenant la suite de Jean-Antoine Chaptal (De l’industrie française, 1819) hostile au libéralisme de Jean-Baptiste Say, Charles Dupin dans plusieurs volumes, dont notamment Situation progressive de la France (1827) avait défendu la formule d’esprit protectionniste des « forces productives et commerciales » pour soutenir le travail français. Parlementaire depuis 1827, il sera au début de la Monarchie de Juillet rapporteur de la loi sur les céréales. En 1836 encore, lors de la discussion de la loi des douanes, il se montrera hostile à la liberté commerciale absolue.
Notes ([4.2] Extrait du Sémaphore de Marseille ....)
Jeremy Bentham (1748-1832), figure principale de l’utilitarisme, était bien connu des journalistes de L’Echo de la Fabrique. Au moment où étaient rédigées ces lignes, John Bowring était sur le point d’arriver à Lyon où il allait rencontrer les principaux tenants du « radicalisme » local (voir numéro du 6 mai). Bowring, un des proches de Bentham et ancien rédacteur de la Westminster Review, était également en correspondance avec Arlès-Dufour qui célèbrera les idées de Ricardo, Smith et Bentham dans ses articles pour le journal des canuts. Fin juillet 1832, c’est Marius Chastaing qui rédigera la nécrologie de Bentham le classant dans le « panthéon des bienfaiteurs de l’humanité » pour s’être consacré « à la réforme de la législation » (L’Echo de la Fabrique du 29 juillet 1832).
Notes (extrait de la gazette médicale . Nous publions...)
Probablement Jean-Baptiste Bouillaud (1796-1881), grand médecin français de l’école de Paris, inspiré à la fois par Broussais et Laennec. Professeur de clinique médicale à la faculté de médecine, il va publier en 1832 son Traité du choléra morbus (voir ici Erwin H. Ackerknecht, La médecine hospitalière à Paris (1794-1848), Paris, Payot, 1986, p. 143-144). Thomas Sydenham (1624-1689), grand médecin anglais, tenant de l’empirisme rationnel se fit plus particulièrement connaître pas ses études sur les épidémies à Londres en 1661 et 1675.
Notes (Fin et résumé du discours du docteur...)
François Joseph Broussais (1772-1838), médecin chef du Val-de-Grâce et professeur à la faculté de médecine de Paris. Sa « médecine physiologique » défendait une conception de la maladie fondée sur les réactions inflammatoires, réactions qu’il convenait d’éteindre par diètes et saignées. Son système sera mis en échec lors de l’épidémie de choléra de 1832. (E. H. Ackerknecht, La médecine hospitalière à Paris, ouv. cit., chapitre 6).
Notes (NOUVELLES DIVERSES.)
Probablement Le Nouvelliste, puis Journal politique du soir et du matin ; propagateur des doctrines constitutionnelles, publié à Paris entre février 1832 et juin 1833.
Notes (LITTÉRATURE.)
Paul-Louis Courrier (1772-1825), traducteur et pamphlétaire français surtout connu pour son anticléricalisme d’origine à la fois métaphysique et politique. Théophraste Renaudot (1584-1653), médecin ordinaire de Louis XIII, créateur en 1631 de La Gazette. Denis de Sallo (1626-1669), à l’origine du Journal des Sçavans, publié pour la première fois en 1665. Références ici aux journaux révolutionnaires créés par : Mirabeau (1749-1791), Le courrier de Provence (1789-1791) ; Condorcet (1743-1794), Journal d’instruction sociale (1793) ; Jean Paul Marat (1743-1793), L’Ami du peuple (1789-1793), Camille Desmoulins, Les révolutions de France et de Brabant (1789-1791) ; Antoine Joseph Gorsas (1751-1793), Le Courrier de Paris dans les provinces. Gilbert Désiré Bachelu (1777-1849), général de brigade de Napoléon, sera entre 1830 et 1834 député du Jura, votant avec la gauche dynastique. Etienne Cabet (1788-1856), avocat, homme politique, journaliste et doctrinaire ; député de la Côte d’Or en juillet 1831, membre de l’opposition radicale, publia une Histoire républicaine de la révolution de 1830 et fonda Le Populaire. Exilé en Angleterre de 1834 à 1839, il publiera peu après le Voyage en Icarie. Jacques Charles Dupont de l’Eure (1767-1855), député de l’Eure de 1817 à 1848, opposant constant au conservatisme, un court moment ministre de la justice sous Louis-Philippe (1830) puis rapidement dans l’opposition. Pierre-Antoine Berryer (1790-1868), député de Haute-Loire puis des Bouches du Rhône au début de la Monarchie de Juillet. Légitimiste et opposant radical au régime de Louis-Philippe.
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