Retour à l'accueil
6 mai 1832 - Numéro 28
 
 

 



 
 
    

Le célèbre Bowring1, qui a apporté à Paris les souscriptions des Anglais en faveur des victimes de juillet, est depuis quelques jours à Lyon. Cet étranger a non-seulement visité les personnes notables de notre ville, mais il a aussi voulu voir les industriels, et s?informer de leur état, de leur gain et de leur manière de vivre. Ce philantrope se plaît à donner des instructions sur les progrès des ouvriers anglais, leur manière de travailler et leur instruction morale.

Il rapporte que les manufactures de soieries anglaises, établies à Londres et autres villes, sont à peu près montées sur le même pied que les nôtres. Le plus grand nombre des ouvriers vont chercher les matières chez le fabricant pour les travailler à leur domicile.

M. Browing rend justice au génie inventeur des artistes lyonnais, et convient de la supériorité de nos fabriques pour les nouveautés, ouvrages de goût, et pour la beauté et la fraîcheur de nos couleurs. « L?Angleterre, nous a-t-il dit dans un entretien particulier, vous enviera encore long-temps votre supériorité pour les façonnés ; mais nous fabriquons les étoffes unies aussi belles qu?à Lyon, seulement elles nous reviennent plus cher.

Et dans l?intérêt des deux nations, mon opinion bien prononcée, est que l?Angleterre ne doit point prohiber vos soieries. Elle devrait plutôt en diminuer encore les droits, bien que cela fût préjudiciable aux manufacturiers de cette partie. La France devrait également nous ouvrir des débouchés, et diminuer les droits [3.1]énormes qui pèsent sur nos fers et autres produits manufacturés ; ces droits équivalent à une prohibition.

Je suis partisan de la liberté du commerce, et je verrai avec peine que, par l?obstination du gouvernement français à ne pas diminuer les droits qui pèsent sur nos produits, le gouvernement anglais, contre sa volonté, soit forcé de prohiber vos soieries. Ce serait un grand malheur? »

Sans doute ce serait un grand malheur si, dans l?état de détresse où se trouve notre fabrique, par suite de l?épidémie qui ravage la capitale, nos soieries venaient à être prohibées par l?Angleterre. Plusieurs demandes ont été présentées à ce sujet au gouvernement anglais par les principaux fabricans de soieries de cette nation. Les ministres leur ont accordé la formation d?un comité, composé des membres de la chambre des communes ; leur but est de demander de nouveau la prohibition des soieries françaises. M. Ellis, membre du parlement, est pour la prohibition entière, ainsi que les membres du comité de son opinion. MM. Morison et Hume2 veulent, au lieu d?une prohibition, diminuer les droits, afin de balancer les avantages des contrebandiers.

Nous aimons à croire que par les traités et les relations amicales qui existent entre la France et l?Angleterre, nous n?aurons rien à redouter d?une semblable prohibition. Le ministre du commerce ne doit point ignorer l?état précaire de nos manufactures, et nous pensons qu?il saura intervenir auprès du gouvernement anglais, et nous maintenir la libre exportation ; elle est dans ce moment d?un intérêt vital pour notre cité.

Notes (Le célèbre Bowring Bowring , qui a apporté...)
1 L?auteur de ce texte est Joachim Falconnet d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). John Bowring (1792-1872), proche de Bentham dont il va éditer ultérieurement les ?uvres complètes, était l?un des éditeurs de la Westminster Review (1824), le principal organe de l?opinion radicale. Linguiste, écrivain, économiste et homme politique, il avait séjourné à Lyon en 1832 . Il publiera en 1834 dans le second Report (s) on the Commercial Relations Between France and Great Britain, commandé par le Board of Trade, de longs développements sur l?industrie de la soie française et surtout sur la fabrique de Lyon. Sur Bowring, voir notamment J. Youings, Sir John Bowring, Aspects of his Life and Career, The Devonshire Ass., 1993.
2 Joseph Hume (1777-1855), homme politique anglais proche des Radicaux, instigateur de nombreuses réformes au début des années 1830 s?exprimant contre les Corn Laws et en faveur de la réforme électorale.

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique