Les Anglais qui cherchent tous les moyens pour prévenir les désastres que pourrait amener un trop grand accroissement de population, ont senti ce qu’avait d’utile un bon système de colonisation, soit pour les individus, soit pour la métropole ; aussi, le gouvernement encourage-t-il tout ce qui tend à ce but, et de riches capitalistes ne craignent point de fournir des fonds pour de pareilles entreprises.
Nous lisons dans les feuilles anglaises les documens suivans :
« On porte le nombre des personnes qui ont émigré dans les six premiers mois de 1831 à 66,588, dont 15,724 sont allées aux Etats-Unis, 43,383 aux colonies anglaises de l’Amérique septentrionale, 58 au cap de Bonne-Espérance, et 423 à la terre de van Diemen. »
Londres. « Il vient de s’embarquer 250 jeunes femmes anglaises sur le bateau à vapeur pour les conduire à bord d’un vaisseau qui était au bas de la Tamise, et destiné pour Hobart-Town, capitale de la terre de van Diemen. Cette troupe d’émigrantes est une acquisition précieuse pour cette colonie, où le sexe masculin est surabondant dans la proportion de 7 à 1. La dépense de leur voyage est payé par le gouvernement ; tout a été préparé pour rendre à ces jolies émigrantes le passage aussi confortable que possible. Elles étaient toutes joyeuses et paraissaient partir sans regret. Les femmes sont surabondantes en Angleterre ; elles ne trouvent aucune occupation qui puisse leur fournir une honnête existence, et le gouvernement favorise leur émigration, qui aura le double avantage d’augmenter la génération d’une colonie, et d’enlever à la débauche les jeunes filles de pauvre famille.
La population de la colonie de van Diemen, en 1831, en comprenant ses neuf établissemens, était de 17,731 ames, dont 11,916 hommes et 5,715 femmes. »
[3.2]Ces documens nous ont suggéré quelques réflexions que nous soumettons à la sagacité des gouvernans, ainsi qu’à tous les hommes qui, par la position sociale, sont à même d’aider le développement d’un bon système colonial, qui ouvrirait une nouvelle carrière à cette surabondance de population dont on se plaint.
Il nous semble, puisqu’on ne cesse de le répéter, qu’en France il y a trop de bras et que la misère va toujours croissant, qu’un bon système de colonisation pourrait remédier à tous ces maux2. Alger, par exemple, qui n’est que très-peu éloigné de la métropole, et dont les terres sont aussi immenses que fécondes, pourrait nous être d’une grande utilité. A Dieu ne plaise que nous pensions que le gouvernement dût jeter sur cette plage des individus sans ressource et comme déportés. Car, jusqu’à ce jour, aller à Alger, c’est pour le peuple presqu’aussi flétrissant que d’aller au bagne…
Si le gouvernement adoptait lui-même une marche féconde en bons résultats pour la colonisation, des milliers d’individus qui traînent dans la métropole une existence malheureuse, iraient avec joie sur cette nouvelle terre, où ils verraient un terme à leurs maux.
Non-seulement les individus qui émigreraient y trouveraient la prospérité, mais la métropole y gagnerait considérablement ; et cette terre inculte, parce qu’elle n’était sillonnée que par des esclaves, deviendrait sous les bras d’hommes libres la plus féconde de l’univers. Aux produits d’Europe, se joindraient ceux des trois autres parties du globe, car on sait aujourd’hui qu’on peut acclimater à Alger les produits de l’Asie et de l’Amérique. Ainsi, bientôt notre colonie nous fournirait ces marchandises qu’on va chercher à des milliers de lieues, affrontant les périls et avec des frais énormes, tandis qu’avec Alger, vraiment colonisé, tout se ferait, et culture et commerce par des mains françaises.
Nous pensons que le gouvernement, qui reconnaît toute l’importance de notre possession, adoptera un système de colonisation en harmonie avec les besoins du pays, et donnera à ceux qui se résigneront à quitter leur mère-patrie, tous les moyens d’établissement et de prospérité dont il peut disposer, alors Alger et Marseille se tendront la main, et feront un commerce qui vivifiera non-seulement nos provinces méridionales, mais la France entière.
A. V.