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6 mai 1832 - Numéro 28
 
 

 



 
 
    
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du mai.

(présidée par m. second.)

La séance est ouverte à six heures et demie. La salle était tellement encombrée, qu’il était impossible de circuler ; la chaleur était telle, que l’on se serait cru au mois d’août. Tout le monde semblait réclamer un autre local, ce que, dans l’intérêt de la santé publique, l’autorité ne saurait refuser. Une cinquantaine de causes au moins étaient inscrites au rôle. Les suivantes ont offert quelque intérêt.

Ont comparu les sieurs Gourd et Lachapelle, dont l’affaire avait été renvoyée pardevant M. Estienne, pour s’informer en quelle qualité le sieur Gourd était entré dans le magasin du sieur Lachapelle, et ce qu’il pouvait y gagner.

Le sieur Gourd reproduit sa même demande d’un appointement pour le service qu’il a fait dans le magasin, en qualité de commis garçon de peine, disant avoir quitté son atelier dans l’espoir de s’avancer ; que le sieur Lachapelle lui avait même promis une augmentation de ses appointemens au bout de six mois.

Le successeur du sieur Lachapelle répond qu’il ignore si un appointement avait été promis par son prédécesseur, et dit n’avoir gardé le sieur Gourd que dans l’espoir de l’avancer.

M. le président observe au négociant que l’avancement dont il parle n’existe pas, puisqu’il lui refuse son appointement, et prononce le jugement suivant :

Attendu que le sieur Gourd a servi dans le magasin en qualité de garçon de peine, et d’après les renseignemens pris par M. Estienne, condamne le négociant à payer un appointement, à raison de 600 fr. par an, au sieur Gourdi.

[6.2]La dame Gendon, ourdisseuse, dont l’affaire avec le sieur Laquais avait été renvoyée pardevant M. Estienne, a de nouveau été débattue, et le jugement suivant a été rendu :

Attendu qu’il y a un an que le livre a été réglé au prix de 2 fr. 50 c. le kil. pour toutes les soies quelle que soit leur qualité, et qu’il n’y a que huit jours que le sieur Laquais prétend qu’il a fait erreur, le conseil le condamne à payer le prix convenu à la dame Gendon.

Le sieur Argout, graveur, la dame Barrat et le sieur Croizier comparaissent de nouveau devant le conseil, qui, après avoir entendu les parties et ensuite le rapport de M. Estienne, d’où il résulte que le graveur ne peut pas perdre son travail, déclare que la dame Barrat payera la somme de 40 fr. au sieur Argout, à titre de défrayement, et que ce dernier restera possesseur de sa gravure.

Le sieur Damiron expose au conseil qu’il a monté deux métiers au sieur Hugues, qu’il comptait lui continuer long-temps, ayant fait des dépenses considérables pour faire lire le dessin.

Le sieur Hugues répond qu’il était bien libre de refuser de continuer l’ouvrage du sieur Damiron, puisque ce dernier ne voulait pas payer un prix raisonnable. L’ouvrage offrant des difficultés, n’ayant fait que 8 schalls et ayant attendu trois semaines un dessin, pour l’enlaçage duquel il a dépensé 32 fr., il demande que cette dépense lui soit remboursée. Le sieur Damiron nie avoir refusé une augmentation, dit au contraire que vu la difficulté de l’ouvrage et les pièces qu’il avait fait chiner exprès pour ce métier, il entrait dans ses intérêts d’accéder à une demande d’augmentation, mais que le sieur Hugues avait remplacé son ouvrage par un autre sans le prévenir, et se trouvait ainsi en perte. Le sieur Hugues répond que les chefs d’ateliers n’ont pas intérêt, lorsqu’ils ont monté des métiers, de refuser de continuer lorsque l’ouvrage est faisable, mais que les ouvriers refusant de travailler ces matières, il avait averti long-temps d’avance le sieur Damiron qu’il ne pourrait pas continuer.

Attendu que le sieur Hugues a refusé l’ouvrage du sieur Damiron, le conseil le déboute de sa demande.

Le sieur Mille et quatre de ses élèves sont présens à la barre du conseil ; le sieur Mille dit que c’est une cabale de ses élèves contre lui, que le sieur Ch… faisait tout ce qu’il pouvait afin de sortir de son atelier, qu’il en avait son rapport au commissaire de police, et que cet élève étant allé travailler ailleurs, le maître chez lequel il s’était présenté l’avait averti ; il demande que son apprenti rentre chez lui et fasse sa tâche : il y a 3 ans et demi qu’il est chez lui ; l’apprenti prétexte ne pouvoir faire sa tâche, son poil étant en mauvais état.

Attendu que l’élève n’a pas fini son apprentissage, le conseil déclare qu’il doit rentrer dans l’atelier de son maître, faire sa tâche et se comporter honnêtement envers lui, et adresse les mêmes remontrances aux autres élèves du sieur Mille, qui venaient se plaindre que le sieur Mille ne leur donnaient pas assez de vin.

Plusieurs causes de ce genre ont paru devant le conseil, et M. le président s’est vu dans la nécessité d’adresser de durs reproches aux élèves, leur disant que dans le cas où ils continueraient à ne pas faire leur devoir, le conseil se chargerait de leur infliger les peines qu’ils mériteraientii.

 

 

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