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13 mai 1832 - Numéro 29
 
 

 



 
 
    
ÉCONOMIE SOCIALE.1

impôts des portes et fenêtres.   

Dans un précédent article qui a été inséré dans le n° 23 de ce journal, j?ai dit que les impôts étaient par leur nature divisés en deux classes ; impôts directs, et impôts indirects. Je me propose de les examiner successivement.

Aujourd?hui, je traiterai de l?impôt direct établi sous le nom de « Contribution des portes et fenêtres. » Ce titre a quelque chose de bizarre. Il nous reporte au temps où le grand mérite d?un financier était d?inventer un nom pour un impôt à créer.

Il eût été, ce me semble, plus simple et plus rationnel, d?augmenter de quelques centimes la contribution foncière ; car, en définitif, quoique mis à la charge des locataires, cet impôt avancé d?abord par le propriétaire, est difficilement recouvré surtout pour les petites cotes. Le plaisant qui répondit au propriétaire qui voulait l?assujettir au payement de cette contribution : « Monsieur, murez les portes et fenêtres de votre maison et mettez écriteau, » en a montré tout le ridicule : en France le ridicule est mortel. L?impôt des portes et fenêtres sera supprimé, ou du moins modifié dans sa perception, car il est souverainement injuste d?imposer les choses de première nécessité, et l?air est nécessaire pour l?assainissement et la clarté des appartemens. En attendant, il convient de renfermer cet impôt dans les bornes que la loi lui a tracées. Il ne faut pas qu?un abus en engendre un autre.

L?impôt dont il s?agit a été établi par une loi du 4 frimaire au 7 ; mais il a été modifié par une autre loi du 4 germinal au 11, dont l?article 19 est ainsi conçu2:

« Les propriétaires des manufactures ne seront taxés que pour les fenêtres de leurs habitations personnelles et de celles de leurs concierges et commis, etc. »

Il y a deux sortes de manufactures : celles de grande exploitation dont les ouvriers sont réunis sous l??il d?un contre-maître, comme dans les fonderies, verreries, papeteries, etc. comme à la Sauvagère et ailleurs ; et celles de petite exploitation dont les ouvriers travaillent chez eux et font travailler en sous-ordre des compagnons ou apprentis. Les chefs d?ateliers pour la fabrique des étoffes de soie, sont dans ce dernier cas. Les grands manufacturiers [3.2]ont invoqué le bénéfice de la loi, et en ont joui ; pourquoi les petits manufacturiers ne le réclameraient-ils pas également ? Ce n?est que l?ignorance de leur droit qui a pu les en empêcher jusqu?à ce jour. Maintenant qu?ils en sont avertis, ils doivent s?adresser au conseil de préfecture, juge en premier ressort de ces sortes de contestations. La loi est égale pour tous. Dans le calcul du nombre de portes et fenêtres, il faut en distraire celles de l?atelier où se fabriquent les étoffes de soie. Il ne faut comprendre sur le rôle que les portes et fenêtres des appartemens servant à l?usage personnel du fabricant et de sa famille. Il n?y a pas, disait le sage Franklin, de petite économie.

Marius Ch......g.

Notes (ÉCONOMIE SOCIALE.)
1 L?auteur de ce texte est Marius Chastaing d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 La réforme de la fiscalité constitua l?une des ?uvres majeures de la Révolution. La plupart des impôts indirects (droits réunis) furent supprimés. La fiscalité directe fut assise sur la contribution foncière, la contribution mobilière et la patente. Un peu plus tard, sous le Directoire fut ajouté l?impôt sur les portes et fenêtres. L?ensemble compose ce que l?on baptisa les « quatre vieilles ».

 

 

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