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20 mai 1832 - Numéro 30
 

 




 
 
     
AVIS.

[1.1]Les souscripteurs dont l’abonnement est expiré le 15 mai, sont priés de venir le renouveler s’ils ne veulent pas éprouver du retard dans l’envoi du Journal.

LYON.

Mercredi dernier, trois prud’hommes-fabricans et trois prud’hommes-ouvriers se sont transportés auprès de M. le maire, afin d’obtenir un local plus vaste pour les séances du conseil. Leur demande a été accueillie par ce magistrat, qui leur a accordé la salle d’Henri IV, avec promesse de la faire réparer pour la rendre propre à sa nouvelle destination.

Tout porte à croire que le nouveau conseil siégera jeudi prochain.

L’ANGLETERRE.1

(4me article.)

Dans notre premier article du 22 avril, nous disions :

« Le Courrier s’extasie sur ce qu’une révolution complète va s’opérer législativement.

Nous le souhaitons du fond de l’ame ; mais nous connaissons trop le pays et les abus qui le rongent, pour croire que leur redressement puisse s’opérer sans commotion. Les privilèges qui font la puissance et l’influence de l’aristocratie anglaise, lui donnent une force dont elle fera certainement usage pour les défendre…

Nous croyons trop au progrès, pour penser que les luttes auxquelles la loi de réforme ouvre l’arène, soient sanglantes comme les nôtres ; mais nous connaissons trop aussi l’esprit de caste, de privilège, pour penser qu’il lâche sa proie sans combattre. »

[1.2]La résistance de l’aristocratie est arrivée plutôt que nous ne le pensions. Car nous ne l’attendions qu’à l’attaque d’un de ses principaux priviléges, la loi sur les grains, le droit d’aînesse, les dîmes du clergé, etc. Nous ne sommes pas gens à nous morfondre et nous étendre en théories sottes et vaines sur un fait accompli ; il est accompli, nous l’acceptons comme tel, et nous sommes certains de découvrir l’opportunité de son accomplissement.

Si la loi de la réforme eût passé, comme lord Grey2 avait la bonhomie de le croire, la crise ne serait pas moins venue, mais l’état d’angoisse et d’incertitude du pays eût été plus long, et par conséquent plus nuisible à ses intérêts et à son bien-être ; peut-être même par des demi-concessions des quasi-libertés, l’aristocratie serait-elle parvenue à tromper et abuser encore le peuple ; maintenant c’est impossible ; elle a tiré l’épée et jeté le fourreau. Malheur à elle ! au jeu terrible des révolutions comme à celui de la guerre, les masses finissent toujours par l’emporter.

Eh ! que l’on vienne maintenant nous dire qu’un roi constitutionnel n’a liberté que pour faire le bien !

Voyez Guillaume d’Angleterre3, il dépendait de lui de faire passer la loi et toutes celles qui devaient assurer le repos du pays ; il ne l’a pas fait ; il préfère le lancer dans la carrière des révolutions, si funeste aux peuples et aux rois, que de déplaire à ses bâtards, à son frère Cumberland que l’Angleterre et l’Europe méprisent, à sa femme, petite princesse allemande, que l’Angleterre a accueillie en lui assurant généreusement, sa vie durante, un apanage de 2 millions 500 mille francs !

L’expérience n’est donc rien pour les sommités ! Holy-Rood n’est-il donc un enseignement que pour les peuples !

Heureusement que l’humanité profite de toutes les expériences, et que les grandes fautes aussi bien que [2.1]les grandes actions, servent à accélérer sa marche progressive. Le but que nos prévisions d’hommes peuvent lui assigner, est l’association universelle des peuples. Eh bien ! qui ne voit dans ce qui se passe en Angleterre, un pas immense vers ce but ! Les aristocraties peuvent seules ralentir la marche, parce qu’elles profitent et vivent des privilèges et monopoles qui désunissent les peuples, et les empêchent de commercer, de s’entendre, de s’aimer, de s’associer ; mais leur règne va finir, car la plus forte, la plus puissante a froidement commencé son suicide, sa folie est providentielle.

Nos lecteurs comprendront qu’il nous siérait mal, dans un pareil moment, de continuer à les entretenir des relations commerciales des deux peuples ; avec un ministère composé d’hommes qui détestent ces relations, parce qu’ils y voient l’instrument de destruction de leur puissance, il faut attendre ; leur règne ne peut être long. Dieu est grand et le peuple anglais est fort.

L’ère glorieuse et féconde de 89 se lève pour l’Angleterre ; elle doit être pour elle moins sanglante et plus courte qu’elle ne le fut pour nous ; car elle a notre exemple, et ses peuples sont plus avancés. Mais de toute manière la crise sera douloureuse et les intérêts matériels du pays souffriront ; car les révolutions les plus douces dérangent des millions d’existences et troublent la société. La France d’autrefois se serait réjouie des embarras et des malheurs qui menacent l’Angleterre ; la France d’aujourd’hui s’en attriste et s’en inquiète ; c’est que partout règne déjà ce sentiment de solidarité de tous les peuples, qui est le germe de l’esprit de famille qui doit un jour les unir tous.

Voyez une famille bien unie, lorsqu’un de ses membres s’élève par de grandes actions ou s’avilit par de mauvaises, tous les autres se sentent grandir ou flétrir en lui. Eh bien ! la famille humaine, dont tous les peuples sont membres, sera de même. Vous souvient-il, amis, des trois journées ! vous souvient-il de l’enthousiasme que les peuples d’ Europe et des Amériques manifestèrent, la plupart malgré leurs gouvernans : eh bien ! ces peuples, ils se sentaient grandir en leur nobles frères de France ! Mais si ce sentiment fit tressaillir tous les membres de la famille humaine, n’oublions pas qu’il porta jusqu’au délire l’enthousiasme des peuples de la Grande-Bretagne. Quarante villes se levèrent spontanément et envoyèrent des députés et de l’argent à Paris, demandant que des députés de France leur fussent aussi envoyés, afin que les deux peuples pussent ainsi communiquer. Notre gouvernement, à la demande du ministère Wellington4, eut la faiblesse de refuser, et les députations déjà formées ne partirent pas.

Ce sera une belle page dans l’histoire des peuples que celle où on lira l’énergique et fraternelle conduite du peuple anglais envers son plus ancien et plus redoutable ennemi.

A nous, peuple de France, à bien remplir notre page lorsque le peuple d’Angleterre nous fera grandir par les grandes choses auxquelles il se prépare, et qu’il va sans doute accomplir.

Z.

DES ABUS DANS LA FABRIQUE D’ÉTOFFES DE SOIE.1

Depuis qu’un nombre d’abus scandaleux ont été introduits, par la rapacité, dans la fabrique d’étoffes de soie de Lyon, branche d’industrie qui, à elle seule, vivifie notre cité, nos manufactures sont tombées dans une décadence complète. Et si l’on ne met bientôt fin [2.2]à ce manège d’égoïsme, la chute de cette fabrique sera prochaine et pour ne plus se relever. Ce n’est pas seulement notre opinion que nous émettons ici, c’est aussi celle de tous les commerçans consciencieux. L’autorité elle-même a reconnu ce que nous avançons, en provoquant une nouvelle organisation du conseil des prud’hommes sur des bases plus larges et mieux en harmonie avec nos besoins manufacturiers.

Le nouveau conseil a été créé, selon nous, pour réformer les abus ; car quels seraient ses attributs, et pourquoi cette nouvelle organisation, s’il n’avait d’autres droits que l’ancien ? ce ne serait qu’une mystification, et c’est ce que nous ne croyons pas. Cependant une feuille sémi-officielle de cette ville a déjà avancé que les prud’hommes n’auraient pas le droit d’établir une nouvelle jurisprudence, ni d’établir des prix courans. Cette feuille peut avoir rêvé cela à elle seule ; et nous croyons qu’on laissera au nouveau conseil le droit de faire légalement tout ce qui pourra améliorer le sort de la classe industrielle, et porter un peu d’aisance dans nos ateliers.

En attendant qu’il puisse s’occuper de ses travaux, nous allons signaler les abus qu’il doit faire disparaître, et qui, selon nous, sont autant de plaies pour les prolétaires, et souvent un motif de ruine pour le fabricant, dont le cœur est droit et les sentimens généreux.

Il est un abus le plus onéreux pour les chefs d’ateliers, sur lequel le conseil des prud’hommes a enfin ouvert les yeux. Nous voulons parler du montage des métiers. En effet, comment pourrait-on faire comprendre à un homme, étranger à la fabrique et partant à ses abus, qu’un chef d’atelier fait souvent pour 100 fr. de frais pour monter un nouvel article, et qu’au bout d’une pièce on lui couvre son métier ; que cette pièce se monte 200 fr., qu’il a donné 100 fr. à son ouvrier, qu’il a eu pour 20 f. de dévidage ou de cannettage et qu’il perd, par conséquent, 20 fr. en ayant logé et fait travailler chez lui un ouvrier pendant deux mois. Voilà pourtant ce qui arrive chaque jour, et ce que beaucoup de fabricans feignent de ne pas comprendre…

Le pauvre, dit-on, est né pour travailler ; mais est-il écrit dans quelques lois divines ou humaines qu’il ne doit point avoir de repos, et qu’après avoir travaillé toute la journée, il doit continuer pendant la nuit ? tel est pourtant le sort des ouvriers de Lyon ; une commission presse-t-elle ? vite le fabricant de dire qu’il faut passer les nuits. Mais l’ouvrier est-il, comme dans toutes les autres industries, rétribué en sus pour ce travail extraordinaire ? pas du tout ; il n’a que le prix courant de son article ; et après avoir passé plusieurs nuits, la commission étant remplie, il reste sans ouvrage ; voilà ou en est réduit l’industriel : travailler nuit et jour et souffrir de misère, c’est ainsi que, depuis beaucoup d’années, il traîne sa pénible existence.

Un autre abus qui est très-pernicieux pour les ouvriers, est celui des écritures. En ne posant, soit au compte d’argent, soit à celui des matières, que des chiffres en colonne, l’ouvrier qui quelquefois est obligé de laisser son livre au magasin, peut être victime de sa confiance. A Dieu ne plaise que nous prétendions accuser la masse des fabricans d’être dans le cas de se rendre coupables d’un pareil acte ; mais pourtant nous pouvons affirmer que nous avons eu entre nos mains des livres où plusieurs chiffres avaient été refaits. Il nous semble que pour éviter toute défiance et toute contestation à ce sujet, on pourrait écrire en toutes lettres, soit les sommes d’argent, soit le poids des matières, et mettre les chiffres en colonne pour servir seulement aux additions. Nous voudrions aussi qu’il ne fût pas permis à un [3.1]employé de magasin de régler un livre en l’absence du chef d’atelier, parce que le livre réglé étant une chose jugée, il est urgent que les deux parties soient en présence afin de discuter leurs droits. Il en est de même du prix des façons, qui ne devrait jamais être marqué en l’absence des travailleurs.

Nous aurions encore beaucoup d’abus à signaler, tels que le laçage des cartons qui, de toute justice, ne doit point être à la charge du chef d’atelier, puisque le dessin et les cartons appartiennent au fabricant ; le payement à jour fixe qui fait que beaucoup d’ouvriers sont obligés de montrer à nu leur misère, après avoir porté à un usurier ou au Mont-de-Piété leurs effets, pour avoir de quoi attendre le jour marqué pour le payement.

Nous attendons tout du nouveau conseil des prud’hommes. Nous pensons que chefs d’ateliers et fabricans, ils seront unanimes pour faire cesser cet état de choses qui, comme un ver rongeur, dévore peu à peu la classe industrielle. Mais si nous étions trompés dans notre attente, notre voix ne cesserait de réclamer, au nom de la justice et de l’humanité, l’abolition des abus qui ont ruiné et ruinent encore notre fabrique.

A. V.

DE L’ÉGALITÉ SOCIALE.1

Le mendiant est au banquier ce que le cul-de-jatte est à l’Antinoüs.

Jésus-Christ proclama l’égalité morale des hommes. Par lui commença l’émancipation de la classe prolétaire. Le principe de l’égalité politique a été conquis en 1789 ; mais là ne saurait s’arrêter le progrès de cette loi de justice qui doit restituer aux enfans d’Adam une part égale dans l’héritage commun. Il manque à la société l’adoption d’un nouveau principe, celui de l’égalité sociale. Faiblement contesté en droit peut-être, parce que ses ennemis craignent de l’aborder, ce principe est en quelque sorte à créer en fait. La révolution de juillet 1830 n’aura pas été stérile si, comme tout le fait présumer, elle en amène le triomphe.

Apôtre inconnu, mais fervent de la cause populaire, je vais essayer d’entrer dans cette route ardue. D’autres m’y suivront bientôt, plus forts et plus puissans, ils arriveront au but que je ne fais qu’indiquer ; je n’en serai pas jaloux ; il me suffira d’être le précurseur d’un nouveau Christ, appelant les hommes à l’égalité sociale, comme l’ancien Christ les avait appelés à l’égalité morale, et les tribuns de 89 à l’égalité politique.

L’on naît spirituel ou idiot, beau ou laid, ce sont des accidens de la nature. Que le talent, que la beauté jouissent de leur supériorité, mais que là s’arrête le privilége. Donné par la nature, il est immense et incontesté. Naître pauvre ou riche, ce sont des accidens de la société2. De quel droit la société viendrait-elle se substituer à la nature ?

Que l’homme soit donc ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être, qu’il soit l’égal de l’homme, que chaque citoyen soit l’égal d’un autre citoyen : qu’importe la profession, qu’importe la richesse. Le négociant qui a cent mille francs, n’est-il pas l’égal de celui qui a un million ? Pourquoi le chef d’atelier qui a dix mille francs ne serait il pas l’égal d’un négociant qui en a cent mille, et enfin pourquoi l’ouvrier qui n’a que son salaire ne serait-il pas l’égal du chef d’atelier ?

On m’accusera de radicalisme, j’accepte l’injure si c’en est une, oui je suis niveleur. Mais, à la différence [3.2]des niveleurs de 93, je demande au lieu d’une égalité de misère qui abaisserait le riche au niveau du pauvre, je demande une égalité de bien-être qui élève le pauvre au niveau du riche. Il faut, il en est temps, que le même banquet reçoive tous les membres de la même famille3, quelque diverse que soit leur fortune. Les proverbes sont la sagesse des nations, et il y a bien longtemps que le peuple a dit dans son langage simple et énergique : Il n’y a pas de sot métier.

L’égalité sociale sera un fait accompli le jour où le maçon, le banquier, le cordonnier, le fashionable, avec plus ou moins d’avantages physiques et moraux, mais jouissant de la même considération et de la même aisance, iront ensemble au café Tortoni, à l’opéra. Le frère ne méprisera plus son frère.

Je développerai ce système, mais pour prévenir dès à présent toute interprétation fâcheuse, je déclare que je l’asseois sur deux pivots, 1° le nécessaire ; 2° l’instruction ; et, dans un prochain article, je traiterai de ces deux bases du nouvel édifice social.

Marius Ch......g.

RÊVERIES.1

Que l’homme qui méprise la fortune doit être considéré ! Celui-là au moins est incorruptible ; il ne vendra pas sa conscience pour un peu d’or, ou pour figurer à une table splendide ! Simple dans ses mœurs comme dans ses manières, s’il est appelé à rendre la justice, il ne l’embrouillera pas dans un fatras de mots insignifians. Il l’a rendra avec conscience, parce qu’il ne veut pas que la balance de Thémis lui serve de bassin ou doit tomber le dernier sou du pauvre, afin de, lui, thésauriser.

Que l’homme doit être honoré quand il obtient les suffrages de ses concitoyens ! quand il est appelé à défendre leurs droits ! que de zèle il doit apporter dans la mission qui lui a été confiée. Il ne doit songer qu’à l’intérêt de ses commettans. Il ne doit penser qu’à provoquer des améliorations pour la classe qui l’a délégué ; et si par malheur cet homme est dominé par une seule pensée d’intérêts dans le cours de ses travaux, s’il croit que l’enceinte d’un tribunal soit pour lui le chemin de la fortune, cet homme est indigne de la position où l’a placé la confiance de ses concitoyens.

Pour moi, si les travailleurs m’avaient élu pour défendre leurs droits, je me vouerais à ma mission avec zèle, fermeté et désintéressement.

Si j’étais prud’homme, ce ne serait point le modique appointement qu’on m’allouerait qui me ferait ouvrir les yeux ; et j’accepterais tout aussi bien ce poste honorable s’il n’était rétribué qu’avec quelques cents francs de gratification.

Si j’étais prud’homme, ce ne serait point une poignée de main de MM. tels ou tels, qui me ferait oublier mon devoir. Impassible comme le dieu Terme, ne connaissant que le droit, je ferais rendre à César ce qui appartient à César ; mais aussi je ferais rendre à l’ouvrier ce qui appartient à l’ouvrier.

Si j’étais prud’homme, je voudrais que tous les fabricans donnassent des tirelles. Elles sont dues de droit, puisque c’est une matière que l’ouvrier a reçue et qui lui a été pesée ; je ne vois pas pourquoi on refuserait de se rendre à ce qui est de toute justice.

Si j’étais prud’homme, je proposerais d’établir une jurisprudence, afin que le conseil ne marchât pas toujours [4.1]à tatons, je la voudrais juste, ne froissant les intérêts de personne. Je voudrais qu’on établit un déchet fixe pour chaque article, et que, faisant un tableau du tout, le conseil n’eût qu’à consulter ce tableau dans les différends qui s’élèveraient a ce sujet.

Si j’étais prud’homme, je voudrais que chaque membre du conseil pût interroger les ayant-cause, parce que le président peut, par erreur involontaire, mal poser une question, et l’ouvrier, peu habitué à la barre d’un tribunal, peut mal répondre ; de là peut enfin s’en suivre une sentence injuste rendue par un conseil qui n’aurait pas été assez éclairé. Je voudrais qu’il y eût plusieurs grandes audiences par semaine ; car je ne crois pas qu’on puisse, dans l’espace de trois à quatre heures, entendre quelquefois cinquante causes, et bien se pénétrer du droit de chacun, quand même ces causes ne seraient pas bien compliquées.

Si j’étais prud’homme, je voudrais obtenir que le conseil jugeât que le laçage des cartons fut à la charge du fabricant, puisqu’ils lui appartiennent. Je voudrais qu’on fixât un défrayement pour le montage des métiers ; défrayement fixe, afin que le chef d’atelier et le fabricant sussent à quoi s’en tenir, lorsqu’il s’agirait de monter un nouvel article.

Si j’étais prud’homme, je ne dévierais point de la route que l’honneur m’aurait tracée, et je ne ferais point de concessions avec l’injuste… Mon mandat étant de défendre les industriels contre les empiétemens de la classe fortunée, je me rendrais digne par tous les sacrifices de la haute mission qui m’aurait été confiée.

Si j’étais prud’homme… Ici le rêveur rentra en lui-même : il jouissait d’une honnête aisance, et avait hérité de son père d’une maison fort agréable ; mais les appartemens n’étant pas très-vastes, ne pouvant contenir que trois métiers… Il promena ses regards autour de cet atelier où son père avait vécu et où lui vivait en paix ; un soupir lui échappa en pensant qu’il ne serait jamais prud’homme.

Nous lisons les passages suivans dans le Courrier de Lyon du 13 mai :

« Nous pensons que dans une cause entre un fabricant et un ouvrier, qui présente quelque doute, quelqu’équivoque, il doit y avoir préférence pour les intérêts du dernier, toutes choses paraissant égales d’ailleurs, sous le rapport de la bonne foi.

S’il n’a pas été convenu, par écrit ou de toute autre manière, qu’un ouvrier serait chargé de l’enlaçage des cartons de dessin pour une étoffe façonnée, cette dépense doit être supportée par le fabricant.

Lorsqu’un chef d’atelier a fait des frais pour établir la fabrication d’un article nouveau, suivant la disposition donnée par une maison de fabrique, et qu’il n’y a aucune convention particulière à cet égard, si le métier ainsi monté ne tisse qu’un nombre d’aunes insuffisant pour indemniser l’ouvrier, indépendamment du produit de son travail journalier, il faut qu’une partie de ces frais retombe à la charge du fabricant, qui seul doit être passible de ses erreurs ou de ses essais.

Si le prix de façon d’une étoffe n’a pas été réglé d’avance entre le chef d’atelier et le fabricant, en cas de contestation, le conseil des prud’hommes doit le fixer lui-même, conformément à celui qui est payé par les premières maisons de fabrique, d’après des indications prises au moment du jugement. »

[4.2]C’est bien ! très-bien ! Messieurs du Courrier de Lyon ! Nous voilà parfaitement d’accord. La seule différence qui existe entre nous, c’est que notre feuille ne déroge jamais de ses principes, et que la vôtre ressemble tant soit peu à certain embellissement mobile que l’on place au-dessus d’un pavillon… Aujourd’hui vous convenez des abus qui existent dans la fabrique, vous voulez que le conseil des prud’hommes les fasse disparaître. Dans votre N° du 10 mai, vous disiez le contraire, et vous vouliez faire de ce conseil une réunion d’automates. Pour Dieu ! nous vous en prions ! comme vous ne dites pas deux fois la même chose, mettez un jour une bande rouge et un jour une bande noire à votre feuille, et dites à quelle marque nous reconnaîtrons le vrai Courrier de Lyon.

Notre impartialité nous fait un devoir d’insérer la lettre suivante, laissant toutefois aux chefs d’ateliers le soin de réfléchir sur la véracité des faits.

AU RÉDACTEUR.

Monsieur,

Nous vous prions d’insérer dans votre prochain N° la lettre que nous vous adressons, en réponse à la déclaration dirigée contre nous, et aux réflexions qu’elle vous a suggérées dans votre N° de dimanche dernier.

On vous a dit que nous ne payions que 60 c. le mille les schalls indiens, pendant que MM. Chaninel et Monet, St-Olive et Germain, le payent 85 c.

Mais vous a-t-on fait connaître en même temps que nous avions des dessins payés jusqu’à 1 f. le millei ? ce qui aurait suffi pour vous démontrer que sous la même dénomination sont compris plusieurs genres, qui paraissent au premier aperçu plus payés les uns que les autres et qui, au résultat, ne sont ni plus ni moins avantageux.

Nous allons vous faire toucher au doigt la preuve de ce que nous avançons :

Chez le sieur Cusinii, qui a monté successivement jusqu’à sept métiers pour nousiii, il y en a qui sont payés, les uns à raison de 60, les autres à raison de 70 à 75 c. le mille ; et, qui plus est, le même dessin exactement est payé 60 c. sur un de ses métiers, et 70 c. sur un autre : et, à la fin de la semaine, chaque métier a rendu à peu près autant, et pour mieux démontrer que cette différence de prix n’est souvent qu’illusoire, et que les dessins payés 1 fr. le mille, sont quelquefois ceux dont les ouvriers se soucient le moins, le sieur Arnaudiv, qui a 3 métiers pour nous à 60 c., nous a offert à plusieurs reprises, notamment la semaine dernière, son 4e métier, dont la façon lui est payée à raison d’un franc le mille par une autre maison.

En définitive, si ces différences donnent quelquefois lieu à des réclamations de la part des ouvriers qui ne s’en rendent pas assez compte, les chefs d’ateliers, qui comprennent mieux leurs intérêts, savent que ce ne sont souvent que des leurres dont leur expérience leur a appris à se méfierv.

En toute chose il faut considérer la fin.

[5.1]Voici une preuve de cette vérité, nous espérons qu’elle sera concluante.

Le premier atelier que nous avons occupé pour cet article que nous ne traitons que depuis environ un an, est celui du sieur Colonel vi, il se compose de 6 métiers, sur lesquels, dans l’intervalle de 1,724vii journées de travail pour les 6 métiers réunis, il s’est fait pour 11,285 fr. de façon, soitfr. 55 c. par jour sur chaque métierviii.

Pour nous venger de la dénonciation que vous avez accueillie un peu légèrement, nous ne voudrions qu’une chose, ce serait de pouvoir donner de l’ouvrage, payé de la sorte, à tous ceux qui viennent nous en demander.

Nous terminons, Monsieur, en disant que pendant les neuf ans d’existence que compte notre maison, si nous avons eu quelquefois l’occasion de rendre service à des ouvriers, nous n’avons jamais eu la crainte de nous entendre faire par aucun d’eux le reproche que vous vous êtes cru autorisé à nous adresser, d’avoir profité de leur état de gêne pour les faire travailler à rien, et d’avoir spéculé sur leur misère.

Nous ne craignons pas d’avancer que tous nos chefs d’ateliers protesteraient, au besoin, contre une si injurieuse inculpation.

Nous avons l’honneur, etc.

Cinier et Fatin.


i Chez M. Gray, rue Tholozan, et chez M. Colonel, clos Dumont, un mouchoir où il entre 15,000 coups, est payé 15 fr.
ii Rue Flesselle, n° 6, au 3e.
iii Tous les chefs d’ateliers que nous citons n’ont que des 1,200 en 57 pouces de largeur.
iv Rue Flesselle, n° 6, au 2e.
v Hâtons-nous de dire que cette observation est faite d’une manière générale.
vi Il est à propos de faire remarquer que l’atelier que nous citons a été occupé avant nous par la maison Chaninel et Monet, que les dispositions de métiers n’ont pas cessé d’être à sa convenance, et que, malgré cette prétendue différence dans la manière de payer, cet atelier nous est resté. Or, il serait difficile de faire croire au plus crédule qu’un chef d’atelier à qui nous avons compté, en moins d’un an, 11,285 fr. pour façon de 6 métiers, soit à notre discrétion.
vii Dans ce nombre, sont compris tous les jours, depuis celui de la première rendue de chaque métier, le dimanche seul excepté.
viii Nous vous ferons remarquer que, pour le prix des façons, nous ne faisons jamais de différence entre nos chefs d’ateliers.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du 17 mai,

(présidée par m. guerin-philippon.)

La séance est ouverte à 6 heures et demie.

Parmi les nombreuses causes qui ont été appelées, et que le défaut d’espace nous empêche de rapporter, nous avons remarqué les suivantes :

Le sieur Marion, marchand-fabricant de tulle bobin, avait été condamné par le conseil à payer au sieur Viannet, son contre-maître, la somme de 800 fr. à titre de dommages-intérêts. Le sieur Marion en rappela de ce jugement pardevant le Tribunal de commerce, qui confirma la sentence des premiers juges et résilia les engagemens. Le sieur Viannet a fait appeler de nouveau son chef pour une demande en bénéfice sur trois apprentis, comme ils étaient convenus par les conventions passées entre lui et le sieur Marion, de la moitié de 500 rachs pour chaque élève, ce qui fait une somme de 600 fr. ; plus, 34 fr. 25 c. pour 50 et quelques rachs que le sieur Viannet a laissés fabriqués en sortant de chez le sieur Marion, et 99 journées, à raison de 6 fr. par jour, que le sieur Viannet a perdues par suite du procès.

Le défenseur du sieur Marion prend la parole et plaide dans le sens de non-recevoir. Attendu, dit-il, que le Tribunal de commerce a interjeté l’appel incident du sieur Viannet, et qu’il a résilié les conventions, il pense que son client est dégagé par ce jugement de tout recours de la part du demandeur.

Le défenseur du sieur Viannet, dans une longue allocution, combat le non-recevoir, et prétend que le dernier [5.2]jugement n’a fait que confirmer la sentence des premiers juges en ce qui concerne les dommages-intérêts, et n’a rien préjugé sur les comptes à régler entre les parties.

Après une longue délibération, le conseil a prononcé en ces termes :

« Attendu que la somme de 800 fr. allouée au sieur Viannet, n’est que pour ses honoraires, le conseil renvoie les parties pardevant les membres du conseil, section de bonneterie et de tulle, pour régler les comptes. »

Le sieur Lacombe se plaint qu’on vient prendre son élève à volonté dans son atelier, ce qui lui cause une perte réelle, puisque son métier est la moitié du temps sans travailler.

L’élève répond que sa mère est malade, et qu’étant très-pauvre, il est obligé de la servir ne pouvant payer une garde. M. le président rappelle à ce jeune homme les devoirs d’un apprenti. Vous avez des engagemens de passés, lui dit-il, et ce n’est pas en étant chez vos parens que vous les remplirez. Le conseil ordonne que l’élève rentrera chez son maître et travaillera sans interruption.

La veuve Buisson réclame au sieur Tranchard, fabricant, des tirelles et une augmentation sur ses façons de 15 c. On lui a marqué sa pièce à 75 c., tout en lui en ayant promis 90 c. Le sieur Tranchard répond que l’ouvrage n’est pas bien fabriqué, et que quant aux tirelles n’en donnant jamais, il ne veut point en accorder à la dame Buisson : ce n’est pas une raison, Monsieur, lui dit le président : comme les tirelles sont dues de droit, et que cela est adopté, vous devez les donner comme les autres. Le conseil renvoie l’affaire pardevant M. Estienne.

La dame Varrin réclame au sieur Arnaud, fabricant, 5 c. par aune sur ses façons, sa pièce était marquée sur le livre à 70 c. ; mais les chiffres ayant été refaits et une rature ayant eu lieu, il ne se trouve plus sur le livre que 65 c. Le sieur Arnaud dit qu’il y a plus d’un mois de ce fait, et que par conséquent il y a prescription (ici l’auditoire murmure). M. le président dit au sieur Arnaud que le Tribunal ne reconnaît point de prescription ; et, prenant un ton sévère, il ajoute : Le conseil reconnaît qu’il y a eu rature sur le livre ; un fabricant ne doit jamais se permettre de pareils actes. (Vive approbation dans l’auditoire). Le conseil prononce ainsi sont arrêt :

« Attendu que le prix de 70 c. avait été marqué sur le livre de l’ouvrier ; considérant qu’une rature a eu lieu, et que le conseil n’admet point les ratures, le sieur Arnaud payera les façons à 70 c. l’aune. »

Le sieur Dumolard, élève du sieur Berthon, a quitté l’atelier de son chef il y a environ trois ans, et a été chez ses parens où il a travaillé la terre. Le sieur Berthon s’est abstenu de toute poursuite, mais néanmoins il a conservé les engagemens passés avec ledit apprenti. Aujourd’hui le sieur Dumolard le fait comparaître pour demander que les engagemens soient résiliés. Le sieur Berthon demande un défrayement.

Le conseil rend l’arrêt suivant :

« Attendu que trois ans se sont écoulés sans que le sieur Berthon ait élevé aucune réclamation, mais considérant que le sieur Dumolard, son élève, s’est enfui de chez lui après avoir demeuré dans son atelier comme apprenti, résilie les engagemens ; réservant au sieur Berthon le droit de poursuivre l’élève en dommages-intérêts s’il reprend, dans quel temps que ce soit, la fabrique d’étoffes de soie ».

Le sieur Legras a monté un métier de mouchoirs pour les sieurs Giraud et Bedard. Il a fait pour 35 fr. de frais, [6.1]et ses façons ne se sont montées qu’à 60 f. ; ayant donné 30 fr. à l’ouvrier, il se trouve donc en pure perte après avoir prélevé les frais de dévidage et de cannettage. Il était convenu avec le fabricant que sa première pièce lui serait payée à 90 c. le mouchoir ; cependant elle n’a été marquée qu’à 70 c. ; ce n’est que sur son observation que le premier prix a été rétabli. La seconde pièce n’a été marquée qu’à 80 c., et la troisième à 55 c. Il demande que cette dernière soif portée, comme la précédente, à 80 c., et demande en sus un défrayement pour son montage de métier. Le sieur Legras expose sa demande avec clarté. Le sieur Bedard répond que le sieur Legras devait être prévenu des prix ; car, dit-il, le sieur Legras manie trop bien la parole à ce sujet. Si je manie bien la parole, répond ce dernier, je me suis aperçu que vous ne maniez pas mal la plume… Le sieur Bedard consent à un défrayement, à condition qu’il fera lever la pièce. Le sieur Legras demande 36 fr. de défrayement. Le conseil concilie ainsi les partie.

Attendu que la première pièce a été d’abord portée sur le livre à raison de 90 c. le mouchoir, ce prix demeurera établi. Quant à la seconde pièce, les parties sont restées d’accord à 80 c. La troisième sera levée du consentement des parties, et les sieurs Giraud et Bedard payeront au sieur Legras la somme de 35 francs à titre d’indemnité.

La séance est levée à 9 heures.

Noms des ayant-causes qui ont fait défaut : Mlle Grenet, MM. Bariot, Sorlet, veuve Barrat , MM. Riche et Raymond, Bellon, Garnier.

VARIÉTÉS.

Mœurs japonaises. - Quand il est question de marier une fille au Japon, les parens de la future stipulent des présens et un douaire que paye le prétendant, et que la future remet à ses parens sans aucune réserve. Ainsi, plus un père à de filles, et des filles jolies, plus il est riche. Le mariage se célèbre sur une montagne où l’on dresse une tente magnifiquement ornée, si les futurs sont opulens. Sous cette tente l’on voit un autel sur lequel est posée la statue du dieu A-Mida, le tout environné de lampes ardentes. Un prêtre, debout à côté de l’idole, marmotte à la hâte quelques prières et donne la bénédiction nuptiale, accompagnée de grandes acclamations. Les contractans tiennent une torche à la main ; la femme allume la sienne aux lampes qui brûlent devant le dieu protecteur du mariage, et le mari prend le feu de son épouse pour allumer sa torche… On fait un présent au dieu A-Mida (dont le prêtre seul profite) ; mais pendant que le ministre exerce ses fonctions, les gens de la noce brisent les joujoux dont la mariée amusait son enfance, et l’on immole un buffle au dieu A-Mida, dont une partie est consumée par le feu, tandis que l’autre est mangée par le prêtre et ses compagnons.
(The Olio.)

Tombuctou. - René Caillié1, voyageur français, né en 1800, partit de Bordeaux avec 60 fr. dans sa poche, et sans le secours de personne, livré entièrement à lui-même, il fit ce qu’aucun européen n’avait encore pu faire avant lui ; il atteignit sain et sauf la fameuse ville de Tombuctou, dont l’existence avait toujours été un problème. Il revint par le Sahara et la Barbarie, après avoir effectué son voyage durant les années 1828, 1829 et 1830.
(The Selictor.)

[6.2]Verre. - Ce fut, dit-on, environ mille ans avant J. C., que des marchands de vitres, qui traversaient la Phénicie pour se rendre en Egypte leur patrie, découvrirent le verre en faisant chauffer leurs alimens sur un sable très-tendre que le feu mit en fusion. Il paraît que ce fut d’un peintre marseillais qui travaillait à Rome en 1509, que les Italiens apprirent l’art de peindre sur verre, art qui a eu un succès prodigieux parmi eux, puisqu’il a servi à l’ornement des vitraux de leurs plus belles chiesas.
(The Olio.)

Etrangetés. - Erasme s’enfuyait à la vue d’une pomme. - Bayle tombait en défaillance au bruit que fait l’eau en tombant goutte à goutte d’un robinet. - Henri III, le vainqueur de Jarnac, tremblait devant un chat.- Le duc d’Epernon frémissait en voyant un lièvre. - Bacon, le chancelier, tombait en syncope lorsqu’il voyait une éclipse. - Marie de Médicis s’évanouissait à la vue d’un bouquet de fleurs. - Scaliger frissonnait en apercevant du cresson. - Le czar Ivan II s’évanouissait à la vue d’une femme. - Albert, maréchal de France, tombait à la renverse à la vue d’un cochon de lait servi dans un repas.
(The Observer.)2

Bizarres coïncidences. - Le 3 septembre fut une date tout à la fois heureuse et fatale pour Cromwel ; car il gagna deux batailles et mourut un pareil jour.

Alexandre-le-Grand naquit le 6 avril, vainquit Darius un 6 avril, gagna un grand combat naval un semblable jour, et mourut aussi un 6 avril.

Shakespear naquit le 23 avril 1564, et mourut le 23 avril 1616, âgé de 52 ans acomplis.

Le jeudi, par une bizarrerie singulière, fut de tout temps un jour fatal à la monarchie anglaise, et surtout à Henri VIII en particulier, puisqu’il mourut un jeudi 28 janvier ; le roi Edouard VI, jeudi 9 juillet ; Marie Stuard, jeudi 17 novembre, et la reine Elisabeth, jeudi 24 mars.
(Weckly Riview.)

- La ville de Harfleur donna un grand repas à François Ier en août 1520. Les registres de la ville contiennent l’état suivant de la dépense faite à cette occasion.

Pour 15 douzaines et demie de pains, à 2 sols la douzaine : 1 liv. 15 s.
Perdrix, canards, videcoqs, pluviers, lapins, chapons et autres sauvagins : 7 liv. 15 s.
Deux moutons, à 16 sols : 1 liv. 12 s.
Quatre gigots de mouton, à 2 sols 6 deniers : 1 liv. 10 s.
Six tartres ou godivaux, à 3 sols : 1 liv. 18 s.
Huit livres de lard, à 2 sols : 1 liv. 16 s.
Une douzaine de verres à pied : 1 liv. 9 s.
57 gallons de vin, à 2 sols 6 deniers le pot : 14 liv. 5 s.
Un pouchot de vin clairet d’Orléans : 8 liv. 5 s.
De plus, au fourrier : 8 liv. 5 s.
Aux laquais de monseigneur le roi : 6 liv. 5 s.
Total. : 50 liv. 5 s.

académie des sciences.  

Dans la séance du 23 avril, on a communiqué à M. Ampère1 le fait suivant :

« Au commencement de ce mois, époque du plus haut degré de l’épidémie, un aimant qui portait un boulet de six livres le laissa échapper ; on essaya de le charger de nouveau, et on trouva qu’il ne pouvait plus soutenir qu’un poids de 2 kil. Ce fait prouverait que l’intensité magnétique a été diminuée sous l’influence de quelque changement atmosphérique. »

[7.1]Boisson salutaire et désaltérante.

Cette boisson consiste en une cuillerée de miel et pareille quantité d’eau-de-vie, sur lesquels on verse un litre d’eau ordinaire. Cette boisson soutient les forces, en s’opposant à la suppression de la transpiration ; elle peut même être employée avec avantage dans les fièvres bilieuses d’été.

Image1

COUPS DE NAVETTE.

Le Courrier de Lyon dit : que les prud’hommes peuvent et doivent beaucoup ; mais il veut qu’ils ne fassent rien… Admirez la science !

Si l’esprit de chicane se propage encore quelque temps, la liste des causes appelées au conseil des prud’hommes, sera plus grande que la salle des audiences.

[7.2]L’organisation du conseil des prud’hommes fut promise pour le mois de janvier, nous l’avons eue au mois d’avril ; l’installation devait se faire à Pâques, ce sera pour la Trinité.

Depuis son article du 13 mai, on dit que le Courrier de Lyon s’est vendu aux canuts.

MAISON SPÉCIALE D’INDICATION POUR LA FABRIQUE D’ÉTOFFES DE SOIE.

Dans une branche de commerce qui occupe 150 mille personnes de notre ville, un isolement complet existe entre les artisans et ceux qui les font travailler. La position sociale des uns et souvent le dénuement des autres, empêchent ce contact, sans lequel il ne peut y avoir de prospérité pour l’industrie. Les chefs d’ateliers, les ouvriers éprouvent le même isolement entr’eux. De là naissent des embarras sans nombre lorsqu’il s’agit de monter de nouveaux articles ; de là, des frais énormes qui souvent accablent le chef d’atelier, et qu’on éviterait, ou du moins qu’on épargnerait en partie, si chacun pouvait se tourner vers un centre commun.

Les avantages que produira la Maison spéciale d’indication pour la fabrique d’étoffes de soie, sont incalculables : le chef d’atelier y trouvera les moyens de se procurer, soit des ouvriers, soit des apprentis, soit enfin tous les ustensiles, harnais et accessoires pour le montage des métiers suivant les divers articles ; il y trouvera aussi les moyens de se procurer de l’ouvrage sans aller au hasard frapper à la porte des magasins. Les ouvriers auront moins de crainte de rester sans travail, parce que la Maison d’indication étant le centre où aboutiront toutes les demandes d’ouvriers, ceux-ci sauront à qui s’adresser et ne végéteront plus en cherchant d’un atelier à l’autre un métier à prendre. C’est surtout dans les temps mauvais où la Maison d’indication sera le plus utile, parce qu’alors il y a manque d’ouvrage, et, par conséquent l’ouvrier est plus exposé au changement d’atelier.

Les négocians pourront se procurer plus facilement le nombre d’ouvriers nécessaires pour remplir les commissions. Ce que nous avançons a été éprouvé par quelques maisons de commerce, auxquelles nous avons procuré sous deux jours le nombre d’ouvriers dont elles avaient besoin.

Ainsi, dans l’intérêt du commerce et de l’industrie, une Maison spéciale d’indication pour la fabrique d’étoffes de soie, sera établie dans les bureaux du journal de l’Echo de la fabrique. On se chargera :

1° Des demandes de métiers par MM. les négocians ;

2° Du placement des ouvriers dans les divers ateliers et selon les articles ;

3° Des demandes et du placement d’apprentis ;

4° De la vente des métiers, harnais et accessoires pour tous les genres de fabrication, et enfin de toutes les demandes en rapport avec la fabrique.

La feuille d’annonces de l’Echo facilitera, par la publication, cette entreprise éminemment utile. Comme ce Journal n’a été créé que dans le but d’extirper tous les abus, et non par une spéculation de lucre, la Maison d’indication sera créée par le même motif, et les personnes qui s’y adresseront, ne seront point rebutées par les frais d’insertion ou de bureau, qui son extrêmement minimes.

La Maison d’indication sera ouverte, comme le Bureau du Journal, de 9 heures du matin à 5 heures du soir.

ANNONCES DIVERSES

[8.1]bascule-rouleau.

Le Sr Cuzin, fabricant d’étoffes, rue de Flesselles, n° 6, au 2e,

[17] Prévient le public qu’il a déposé une Bascule-rouleau de son invention au conseil des prud’hommes, qui l’a autorisé à en conserver la propriété pendant quatre années. Le sieur Cuzin, afin de livrer ces Bascules à bas prix, vient d’en faire confectionner dans toutes les largeurs ; il se charge également de les placer et fait des envois pour le dehors.

Ce nouveau procédé offre l’avantage, 1° de ne point embarrasser le derrière du métier, le bec de la bascule et sa charge étant sur le devant ; 2° de tenir, avec un poids de 10 livres, la chaîne aussi tirante que 40 livres sur les bascules ordinaires, et 150 livres à besace : 3° de tenir toujours la chaîne également tirante, en lui conservant beaucoup de jeu ; 4° d’économiser les cordes qui ne s’usent presque pas. (Voir le N° 21, du 18 mars.)

roussy, breveté,

Rue des Marronniers, n° 5, au 2me, sur le derrière,

[8] Prévient le public que par suite des nombreuses recherches qu’il a faites, il est heureusement parvenu à inventer et perfectionner un nouveau Régulateur, déjà avantageusement connu sous le nom de Régulateur-contomètre, ainsi nommé par la commission d’industrie et de mécanique, pour sa simplicité et sa grande justesse. Les avantages que ce nouveau procédé est destiné à rendre à la fabrique de Lyon, sont incalculables ; car avec le Régulateur-contomètre, qui n’a pas de compensateur, l’ouvrier peut, 1° sans changer la roue ou le pignon, tisser tous les genres d’étoffes, dans toutes les réductions, depuis 20 jusqu’à 750 coups au pouce inclusivement ; 2° fabriquer, sans couper, le plus grand aunage possible sans être gêné au travail, l’étoffe ne faisant que passer sur le rouleau, et pouvant se rouler ou se mettre en caisse à volonté ; 3° être toujours sûr de son aunage, par l’agrément et la combinaison ingénieuse d’une roue qui, par son mouvement, marque l’aunage et sonne toutes les aunes ; 4° l’étoffe n’étant comprimée dans aucune de ses parties, les brocards brochés, dorures, y conservent tout leur relief, et sont à leur dernière perfection. Le sieur Roussy, à qui une médaille d’argent a été décernée par la société d’encouragement, qui a reçu les suffrages les plus flatteurs de ladite société et des négocians qui ont eu connaissance de son mécanisme, prévient qu’il fait confectionner ses régulateurs par un mécanicien avantageusement connu, et qu’il est en mesure de fournir aux personnes qui l’honoreront de leur confiance à un prix très-modéré.

buffard, plieur en tous genres,

Grande place de la Croix-Rousse, n° 23, au 2e étage,

[10] Plie les poils de peluche au fil, et tient un assortiment d’égancettes pour mettre sur le rouleau avant de plier la pièce dessus. Par ce nouveau procédé, l’ouvrier est dispensé de mettre en corde, et finit sa pièce sans peine et sans difficulté. Ce moyen est très-avantageux pour la fabrique, puisqu’il résume ce que l’on n’avait pu trouver jusqu’à ce jour, c’est-à-dire le moyen de mettre en corde sans que l’étoffe en souffre. Ce nouveau procédé, qui est simple et moins dispendieux que le précédent, sera généralement adopté.

lampe météore.

[9] Le sieur Galland fils, ferblantier, rue des Farges, n° 112, prévient le public qu’il est l’inventeur de la Lampe météore, qu’il vient de déposer au conseil des prud’hommes qui, par ce dépôt, l’a autorisé à en conserver la propriété pendant cinq ans. Cette lampe, qui se fabrique de diverses formes, en fer-blanc, étain et cuivre, offre de grands avantages ; d’abord elle ne donne aucune ombre, sa clarté est du double de celles qui ont été en usage jusqu’à ce jour ; mais, ce qui la rend indispensable aux chefs d’ateliers, c’est qu’elle ne consomme qu’une once et demie ou 45 grammes d’huile en sept heures.

Ses dépôts sont :  

Chez MM, Bel, négociant, rue des Capucins, n° 7 ;
Paquet, épicier, rue Vielle-Monnaie, n° 27 ;
Schuslre, plieur, rue Donnée, n° 4, au 4me ;
Mougeolle, menuisier, rue Belle-Lièvre, près la place.
Galland aîné, ferblantier, place du Plâtre, n° 4 ;
Peyzaret, rue d’Orléans, n° 7, aux Broteaux.
Philippe, fabricant de navettes, rue Juiverie.

[8.2] vincent, breveté,

Rue Monsieur, n° 11, aux Broteaux,

[27] Prévient les chefs d’ateliers qu’il tient un dépôt de Navettes de tous genres, et est l’inventeur de celles dites cuirassées. Ayant lui-même un atelier, il est à même d’apprécier l’économie et les avantages de ces navettes qu’il a perfectionnées, et qu’il vend à des prix au-dessous du cours. Il pique les rouleaux, garnit les tampias, et se charge des raccommodages, à des prix très-modérés.

AVIS.

[40] Le sieur David prévient les chefs d’ateliers et dévideuses, qu’il adapte son nouveau procédé aux anciennes mécaniques rondes et longues, soit pour le dévidage, trancanage et pour les canettes, ensemble ou séparément. Par ce moyen, les anciennes mécaniques deviennent telles que celles de son invention : le tout à un prix très-modéré. Il fait aussi toutes sortes d’échanges de ses nouvelles mécaniques avec les anciennes ; ce qui fait qu’il a toujours chez lui un assortiment de mécaniques à dévider, en rencontre, à bon-marché et avec garantie.

[39] On demande un apprenti de 15 à 18 ans pour la fabrique d’étoffes unies, sur les meilleurs articles.

[42] On demande à acheter de rencontre mille bobines environ de ferblanc pour crêpes.
S’adresser au Bureau du Journal.

[38] On demande de suite un musicien ancien militaire pour remplacer, pour un service de 2 ans et demi.
S’adresser au Directeur de la Bourse militaire, galerie de l’Argue, escalier L, à Lyon.

- A vendre, un métier complet, mécanique en 400, en bon état.
[29] A vendre, un métier tout garni, mécanique en 400, et dans le meilleur état.

[24] A vendre, un bel atelier de 3 métiers en 6/4, mécaniques en 1,600 et 1,800, avec tous ses accessoires propres à la fabrication, avec un bel appartement, situé dans un bon quartier.

[19] A vendre, deux métiers au quart, avec accessoires, mécanique en 1,200.

A vendre, pour cause de départ, un petit Fonds de librairie, avec abonnement pour lecture, situé dans un beau quartier.

[36] A vendre, une Mécanique en 600, en très-bon état, avec tous ses accessoires.
S’adresser au Bureau du Journal.   

[37] A vendre, un Pliage tout neuf, avec des rastauds pour tous les comptes. – S’adresser à M. Vernay, montée St-Barthélemy, n° 28.

[20] A vendre, une belle mécanique à dévider, longue et à marche, 32 guindres.
S’adresser à M. Fayolle, rue Casati, n° 1, au 6e étage.

[30] A vendre, une bonne mécanique en 400, garnie.
S’adresser rue St-George, n° 16, chez le plieur.

(22] A vendre, un pliage, avec 23 rasteaux, en bon état.
S’adresser à M. Curiot fils, quai Bourgneuf, n° 78.

[41] A vendre, 3 Métiers en corps plein, avec tous leurs accessoires ; un ménage monté, avec plusieurs lits, placards, porte-balance, poêle, batterie de cuisine, etc., sous des conditions avantageuses.
S’adresser à M. Depierre, portier à la Croix-Rousse, repos de la Boucle , maison Pairrot.

[32] A vendre, une mécanique à dévider, en bois de noyer, de 32 guindres.
S’adreseer à M. Marthon, Grande-Côte, n° 22.

A vendre ou à louer.   

Une maison de campagne, jardin, vignes, terre, etc., propre à une fabrique d’étoffes de soie ou autres, une bonne source d’eau claire, près de la rivière, située à Oullins.
S’adresser à M. Phily, limonadier, quai des Augustins, n° 75.

Notes (L’ANGLETERRE.)
1 L’auteur de ce texte est François Barthélemy Arlès-Dufour d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Le Comte Charles Earl Grey (1764-1845), premier ministre du parti Whig, au pouvoir entre 1830 et 1834 au moment où vont être réalisées les principales réformes, notamment électorales.
3 Guillaume III (1738-1820), roi d’Angleterre de 1760 à 1820, marié à Sophie-Charlotte princesse de Mecklenbourg-Strelitz (1744-1818) ; le Duc de Cumberland, George V de Hanovre (1819-1878).
4 Le Duc de Wellington (1769-1852), vainqueur de Waterloo, premier ministre, Tory, entre 1827 et 1830, il favorisa une politique extrêmement conservatrice s’opposant aux principales réformes.

Notes (DES ABUS DANS LA FABRIQUE D’ÉTOFFES DE SOIE.)
1 L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (DE L’ÉGALITÉ SOCIALE.)
1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Dans la plupart des discours et des thèses défendues au cours de cette période,  la pauvreté apparaît le plus souvent comme un fait naturel  et non comme le produit de l’injustice. Ainsi Dunoyer analyse fréquemment le statut du pauvre, comme le résultat  d’une situation naturelle. Le comportement individuel du pauvre a peu d’impact sur sa situation car l’inégalité est le fruit d’une loi de l’espèce humaine  : « il n’est pas plus étrange de voir des hommes inégaux dans la société que des arbres inégaux dans une forêt  ; ou bien de voir des hommes différents par la fortune, le savoir, la moralité, que des hommes différents par la figure, la taille, les proportions du corps, les facultés de l’âme », même s’il pense que le système industriel a tendance à réduire ces inégalités (Charles Dunoyer, Nouveau traité d’économie sociale, Sautelet et Cie, Paris, 1830, 2 volumes).
3 L’auteur fait sans doute allusion à la thèse de Malthus qui à l’inverse considère que « selon les inéluctables lois de notre nature, certains êtres humains doivent être dans le besoin. Ce sont les malheureux qui, à la grande loterie de la vie, ont tiré un numéro perdant » cf., T.R. Malthus, 1798, On the Principle of Population, London, J. Johnson, trad. fr., 1980, Paris, INED, p. 97.

Notes (RÊVERIES.)
1 L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (VARIÉTÉS.)
1 René Caillié (1799-1838), explorateur et naturaliste français entra à Tombouctou, cité interdite aux chrétiens, en 1828. Il va publier à son retour Journal d’un voyage à Tombouctou et Jenné dans l’Afrique Centrale (1830).
2 Probablement The Observer, hebdomadaire publié à Londres depuis l’extrême fin du XVIIIe siècle (1791).

Notes (académie des sciences .   Dans la séance du...)
1 André-Marie Ampère (1775-1836), chimiste, mathématicien et physicien d’origine lyonnaise surtout connu pour ses travaux dans le domaine de l’électrodynamique.

 

 

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