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29 décembre 1833 - Numéro 52
 
 



 
 
     

Stratagème

pour fausser, dans l?intérêt des fabricans, et au préjudice des travailleurs,

La justice des Prud?hommes.

Travailleurs ! Concentrons notre indignation ; essayons de voir à froid le jeu prévaricateur qu?on tient avec nous. Une main secrète mine sourdement l?institution déjà mutilée des prud?hommes ; cette main s?insinue dans les joints, désassemble les pièces pour compléter, en détail, la ruine de l?édifice. Au moins le mal ne se fera pas sans que l?alarme ait été donnée ; nous l?aurons assez signalé. Ecoutez encore :

La loi du 18 mars 1806 est ainsi conçue :

Art. 1er : « Il sera établi à Lyon un conseil de prud?hommes composé de neuf membres, dont cinq négocians et quatre chefs d?atelier. »
Art. 4 : « Le conseil des prud?hommes se renouvellera par tiers chaque année, le premier jour du mois de janvier. »
Art. 5 : « Trois membres, dont un négociant-fabricant et deux chefs d?atelier, seront renouvelés la première année.
« Deux négocians-fabricans et un chef d?atelier seront renouvelés à chacune des années suivantes. »

Le décret du 3 août 1810 consacre à peu près les mêmes dispositions en ces termes :

Art. 3 : « Les conseils de prud?hommes seront renouvelés [1.2]en partie chaque année, le premier jour du mois de janvier, dans les proportions qui suivent :
« Si le conseil des prud?hommes est composé de 15 membres, il sera renouvelé, la première année, deux prud?hommes marchands-fabricans et un prud?homme chef d?atelier ;
« La deuxième année, trois prud?hommes marchands-fabricans et trois prud?hommes chefs d?atelier ;
« La troisième année, trois prud?hommes marchands-fabricans, et trois prud?hommes chefs d?atelier ;
« Le sort désignera les prud?hommes qui seront renouvelés à la première et seconde année ; dans les autres années, ce seront les plus anciens nommés. »

Or, en novembre 1831, le conseil des prud?hommes a subi un renouvellement complet ; ainsi, au 1er janvier 1832, on a dû procéder, et de fait on a procédé au renouvellement par tiers, suivant les dispositions combinées de la loi de 1806 et du décret de 1810. Ainsi, au 1er janvier 1834, nous voila à la troisième année ; trois prud?hommes marchands-fabricans et trois prud?hommes chefs d?atelier, ou enfin le dernier tiers doit résigner ses fonctions ; la loi et le décret l?ordonnent ; le sort, s?il y a lieu, doit décider quels seront les membres sortants : la loi et le décret l?ordonnent encore.

Mais, qu?importe la loi à MM. de la légalité ? Par un premier arrêté, M. le préfet du Rhône, plaçant son caprice au lieu du sort, et sans façon se posant souverain maître, vint trier à son gré, dans les chefs d?atelier prud?hommes, les trois qu?il lui plaisait à lui, ou aux siens, voir disparaître du conseil ; et l?on doit dire que M. Labory n?est pas de ceux-là. Toutefois, cette impudente violation de la loi parut prématurée ; on ne peut tout faire d?un coup. M. le préfet Gasparin prit pudeur de ce petit coup-d?état, il révoqua cet arrêté ; et comptant probablement que la bénignité du sort épargnerait M. Labory, il feignit un retour à la légalité ; il donna ordre au conseil des prud?hommes de s?assembler et de tirer au sort les trois membres à remplacer.

Le conseil s?assembla donc. Les noms sont déposés solennellement et publiquement dans l?urne ; les bulletins sont tirés, le secrétaire écrit : 1° Charnier ; 2° Martinon ; 3° Labory. Impitoyable sort ! on le dirait coalisé avec les ouvriers ! Enfin, M. le préfet tient à M. Labory ; [2.1]à tout prix il veut qu?il siège encore ! En raison de quoi il casse le sort par arrêté du 14 décembre dernier. On lit dans cette pièce administrative :

« ? Considérant qu?aux termes de l?art. 4 de l?ordonnance du 21 juin 1833, les élections successives des chefs d?atelier doivent être faites de telle sorte, que la section électorale qui aura fourni au conseil un membre titulaire, le remplace au terme de ses fonctions, par l?élection d?un suppléant ; et réciproquement, que la section qui aura fourni un suppléant, donne un titulaire à l?élection suivante ;
« Qu?en partant de cette base, il y a lieu de retrancher le dernier des noms sortis de l?urne dans le tirage au sort constaté par procès-verbal du 7 de ce mois, et de ne procéder ainsi qu?au remplacement de MM. Charnier et Martinon. »

Or, la loi de 1806 et le décret de 1810 sont là, qui commandent expressément le renouvellement par tiers, et, d?après cet arrêté, le renouvellement se ferait par moitié, la moitié des chefs prud?hommes d?atelier rejetée à l?année prochaine ; mais qu?importent la loi et le décret ? L?ordonnance du 21 juin 1833, qui, par une combinaison perfide, brisa les titres que plusieurs prud?hommes tiraient de la sainteté des élections, voila la règle ! Voila l?apparente raison de la violation des lois ! Eh bien ! Lisez cette ordonnance, et vous verrez que ce n?est que par un épilogage de mauvaise foi, et par une fallacieuse induction, qu?on a pu s?en faire un instrument pour cette violation ! Vous verrez que cette ordonnance n?est qu?un hypocrite prétexte pour sauver Labory de la destitution du sort.

Eh ! Bon Dieu ! Qu?avez-vous besoin de feindre, M. le préfet ? Personne n?est pris à la lourde justification que, par un reste de pudeur, vous daignez donner à votre arrêté. Que ne dites-vous franchement : « Les négocians que je vois, et que s?attache la dynastie, n?ont pas assez de la majorité d?une voix que leur assure contre les ouvriers une loi partiale ; ils veulent une majorité plus décidée ; ils comptent sur Labory : je dois le leur laisser bon gré malgré. Le sort, oracle de la loi, l?arrache du conseil ; moi, oracle des intrigues de ces quelques négocians, je l?asseois juge en dépit de la loi et en dépit du sort. » Alors, du moins, vous ne joindriez pas à l?oubli des lois l?amère ironie d?une mystification.

Oui, M. le préfet, nous vous le disons net, le décret et la loi ordonnent impérativement le renouvellement par tiers, et vous avez violé la loi et le décret. Ce n?est pas tout : les élus du peuple avaient prononcé au nom de la loi et par la voix du sort que Labory devait cesser ses fonctions : l?élection populaire pouvait seule le rappeler sur le siège d?où il était légalement descendu ; et vous, détruisant brutalement les actes des élus du peuple agissant dans les termes de la loi, vous l?avez rétabli sur ce siège par arrêté, par force ; vous avez profané le sanctuaire de la justice industrielle, en y introduisant violemment votre créature ou celle de vos gens ; vous avez dit à cette créature : « Je t?impose aux industriels ; va ! Juge-les, de par moi, malgré les lois et malgré les électeurs, dont il me plaît usurper les droits. »

Vous avez, par un acte arbitraire et sacrilège, déchiré dans les registres de la justice industrielle l?arrêt du sort ; vous avez réformé, disséqué, corrigé, coupé à votre guise cet acte de la puissance de ce tribunal ; vous vous êtes érigé contre lui en tribunal de cassation : par-là, vous avez livré le conseil des prud?hommes au mépris [2.2]et à la déconsidération publique ; vous avez flétri le caractère auguste et religieux que donnaient à ce conseil l?indépendance des élections et l?irrévocabilité de ses décisions, si révérées jusqu?à votre arrêté qui en a rompu le charme. Aujourd?hui, c?en est fait : l?autel de la justice ouvrière n?est plus vierge ; il n?est plus sacré pour personne ; ses oracles désormais ont perdu toute puissance morale, car vous en avez affiché la faiblesse ; vous l?avez publiée partout : à votre exemple, personne ne les respectera.

Et vous, Labory, vous, autrefois l?élu du peuple, encore un pas, et vous devenez l?instrument de la ruine des institutions tutélaires de vos frères ; encore un pas et vous allez porter une main parricide sur les droits sacrés que vous avez accepté mission de défendre ; vous allez tourner contre le faible la généreuse confiance qu?il vous donna ; encore un pas, Labory, et vous nous trahissez, et le carcan de l?opinion publique vous clouera à l?infamie !

Ah ! Craignez de devenir complice de l?attentat commis contre le tribunal industriel ; rejetez le funeste honneur d?être le juge du bon plaisir et de siéger sur les débris des lois qui nous protègent ; car, dans notre juste douleur, nous dirons à tous que vous vous êtes déshonoré ; nous enseignerons à nos fils la honte de votre apostasie, et sur votre tombe nous graverons pour l?avenir : Malédiction aux traîtres !

Et vous, élus des ouvriers, si Labory, docile à l?intrigue du pouvoir, osait porter un pied téméraire sur le trépied où vous éleva le suffrage de vos frères, votre devoir serait d?en descendre aussitôt, et de fuir la profanation de la justice. Surtout, entendez-le bien : n?allez pas couvrir de votre manteau populaire l?illégalité des jugemens que la signature de Labory frapperait de nullité ; n?allez pas ratifier par une coopération approbative l?usurpation despotique des droits de vos concitoyens : ce serait une éloquente protestation que la viduité de vos places ; et si oubliant toute pudeur, on vous traînait pour déni de justice aux pieds des tribunaux correctionnels, alors, forts d?avoir bien fait, vous diriez aux magistrats les saintes inspirations qui vous auraient conduits à une si belle action ; vous auriez pour cortège l?estime de tous, l?enthousiasme des amis de l?humanité ; votre noble conduite, votre conscience, la pureté, bien plus la générosité de vos intentions ; et pour défenseurs, la loi, l?équité, la reconnaissance et les bénédictions des opprimés que vous auriez sauvés d?une tentation dangereuse.

Du droit de coalition.

Ne vous arrive-t-il jamais, lecteurs, de vous arrêter devant ces êtres malheureux qui, assis sur la pierre et dans la boue des rues et des places publiques, demandent à la pitié des passans le pain de misère que leur refusent impitoyablement leurs membres mutilés ? Ne s?est-il jamais rencontré sur vos pas une femme aux joues pâles et sillonnées par la misère, qui criait : Du pain pour cet enfant que je traîne par la main et pour celui que je porte en havre-sac sur le dos ! ? du pain pour moi, car j?ai bien faim ! Et cet autre enfant que vous voyez là devant moi, se meurt aussi à mon sein desséché?

Ici, c?est un vieux soldat que la mort a morcelé sur vingt champs de bataille ; regardez, c?est bien une figure d?homme ; mais ce corps n?est plus qu?un tronc [3.1]informe !? et son pays lui donne pour camp de repos une dalle et la commisération publique !!!

Là, c?est un homme jeune encore qu?elle a broyé sous les débris d?une maison en flammes. ? Il allait expirer ; mais l?art est venu, qui l?a rappelé à la vie ; maintenant il expie son courageux dévoûment, assis au pied d?une borne ; ? il tend la main à ceux qui passent, et dit : L?aumône, s?il vous plaît !? Cette femme et ces enfans demi-nus, que vous voyez un peu plus loin, sont sa famille. ? Les besoins de cette famille, son avenir, tout reposait sur lui : tout est anéanti ; la misère, l?affreuse misère ! Voila maintenant leur unique partage.

A présent, regardez là-bas cet homme de haute stature, au corps frêle et desséché. On dirait un cadavre sortant de son tombeau ! Approchons. Ses vêtemens sont couverts de boue, sa marche est raide et lente ; son visage est horriblement contracté, et à chacun de ses pas sa tête menace de se briser sur le pavé : c?est un épileptique ; et pour lui la société ne peut rien non plus... Malédiction à vous, chétifs législateurs qui avez ainsi torturé l?humanité et rapetissé l?homme !

Mais vous croyez peut-être, lecteurs, que j?ai dit tous les maux du peuple ! Oh ! Non. ? Jetez avec moi vos regards de ce côté. ? Cet édifice que vous voyez et dont le dôme s?élève imposant au milieu de toutes ces masures, se nomme HOTEL-DIEU.1 ? Là, chaque jour une foule de malheureux sans famille ou sans ressources vient lutter contre la mort. ? N?est-ce pas que votre ?il s?afflige et que votre c?ur, assiégé de mille réflexions, se serre fortement lorsque vous parcourez ces ateliers de destruction ? ? Comme il dit bien la misère, cet ignoble vêtement, linceul banal qu?on ajuste sur toutes les épaules de pauvres : O philantropie ! Que tes dons sont mesquins?

A côté est un autre hôtel qui a nom Hospice de la Charité. C?est dans cette vaste et silencieuse maison qu?une portion du peuple se sent naître et mourir. Mais le jour a disparu ; approchons ; ? plus près encore. Chut ! Ecoutons !

Voyez-vous cette jeune fille, modestement vêtue et qu?un mouvement convulsif paraît agiter fortement ? Son regard inquiet semble se défier et de la solitude de ce lieu, et de la nuit qui l?environne ; elle se glisse avec précaution contre la muraille, arrive au tour fatal, y dépose à la hâte le fardeau que vous l?avez vue tenir mystérieusement caché dans ses vêtemens ; puis elle s?enfuit en jetant autour d?elle un dernier regard !

Malheureuse mère ! ? Demain peut-être celui qui l?a séduite et laissée sous le poids accablant des malédictions de son vieux père, lui jettera l?insulte et la boue au visage. ? Alors, seule au monde, sans asile comme sans appui, elle aura bientôt atteint l?opprobre et la honte, et gagné le désaveu de son sexe.

Malheureux enfant ! ? Mêlé à la foule des autres enfans qui peuplent ce triste asile, un jour viendra où il demandera son père, sa mère ! Mais pour lui la voix de la nature étouffée demeurera silencieuse ! Alors condamné à vivre seul au monde, et quand il aura traîné long-temps sa douloureuse existence, il reviendra aux portes de cet hospice attendre et son heure et son tour ! Puis, reprenant la fatale livrée de son jeune âge, il descendra au cercueil en murmurant malédiction !

Mais de plus sinistres hôtels reçoivent encore une autre portion du peuple. ? Voyez d?ici cette maison aux portes de fer, aux murailles épaisses et fortes, surmontées [3.2]çà et là de factionnaires faisant sentinelles ? C?est la prison. ? Là, chaque jour la société entasse de nouveaux hôtes, qu?elle a faits et nomme vagabonds, qui, sans feu ni lieu, sans profession et sans travail, sans éducation aucune, se déclarent ses ennemis et descendent dans la carrière du crime. Pour y arriver toutes voies leur sont ouvertes, et pour en sortir aucunes. Enfin, c?est la prison comme digue, et comme terme le BOURREAU ! ? Et nous sommes un peuple civilisé, le plus civilisé du monde.

Maintenant, parcourons d?autres lieux. ? Voyez cet amas immense de maisons délabrées, ces rues étroites à l?air empoisonné, à la boue toujours croupissante : c?est la demeure du travailleur, de cet innombrable peuple qui, du berceau au cercueil, s?épuise au travail pour amasser misère, privations, dégoût, et qui verse son trop plein aux lieux si tristes que nous venons de visiter. ? Regardez ce superbe magasin, cette mosaïque de belles et brillantes étoffes, ces meubles élégans et somptueux : que de peines et de fatigues, combien de mortelles veilles lui ont coûtées toutes ces riches productions? Mais le voila qui s?arrête et promène ses regards sur ce gracieux étalage ; il les reporte sur ses vêtemens déchirés ! ? Un soupir s?échappe de sa poitrine, et maintenant il s?éloigne en accusant l?injustice du sort !? ? Mais voici venir sa jeune fille, simple et sans défiance, qui s?arrête à son tour :

Et moi aussi, dit-elle, je fixerais les regards si cette étoffe aux plis élégans venait presser ma taille ; ? si ce beau schal venait s?arrondir sur mes blanches épaules, car je suis jeune et jolie ! ? Pauvre enfant ! Un homme, est là sur ses pas qui a deviné son fatal désir ; et demain, quand la nuit aura tiré sur nous son lugubre rideau, peut-être la reverrez-vous, penchée comme une enseigne, sur le seuil d?un antre de débauche !!! Oh ! N?est-ce pas qu?ils sont bien amers les fruits de notre civilisation si vantée ? ? N?est-ce pas que vos c?urs se révoltent et bondissent indignés, dès que vous fouillez dans tous les replis de l?infâme coalition qui dévore la vie du peuple et outrage ainsi l?humanité ? Eh bien ! cette barrière qu?une poignée d?hommes voudrait aujourd?hui relever de ses ruines pour retenir à son gré ce peuple qui sort de la fange et marche à la conquête d?un monde assis sur des bases plus conformes aux v?ux et aux besoins de tous, cette barrière, disons-nous, est à jamais ébranlée ! ? Nul homme, quelle que soit sa puissance, ne saurait tenter de réédifier notre vieil édifice social, sans qu?il ne fût aussitôt étouffé dans ses parois croulant de toutes parts.

Malédiction à qui jetant en arrière le fourreau de leurs épées, décréteraient le signal de la guerre civile ! ? Pour nous, qui sommes peuple et qui parlons en son nom, nous repoussons cette guerre de toute la puissance de notre volonté. ? Mais l?association est déjà, nous l?avons dit, le but où tendent tous nos efforts ; les coalitions le moyen de l?atteindre ; ? et les coalitions seront notre arme aussi long-temps que nos chétifs législateurs, méconnaissant notre droit au travail, et à une part équitable de la richesse sociale, tenteront de nous retenir sous la pesante férule du capital, et de perpétuer, aux profits de quelques-uns seulement, la lutte encore existante entre les divers intérêts sociaux.

Il n?y a, qu?on veuille bien y réfléchir, de paix et de sécurité possibles que dans une société où chacun travaille et participe aux fruits de l?action sociale, où les droits de chacun sont reconnus, garantis, respectés : [4.1]et c?est pour atteindre à cette société que le peuple s?est mis en marche. Loin de nous la pensée de toucher aux richesses et à l?or des privilégiés de celle-ci ; qu?ils jouissent et dorment tranquilles ; mais qu?ils n?élèvent pas de remparts de baïonnettes sur le chemin que nous devons parcourir : ce serait nous offrir, à nous qui portons pour bannière un rameau d?olivier, ce serait nous offrir une guerre terrible et qui ne saurait porter de fruits heureux pour personne.

Placés près du foyer gouvernemental, des hommes à l?âme courtisanesque ont fait peser sur quelques-uns de nos frères de rudes sentences. ? Mais, en vérité, qu?ils jettent les yeux sur le pays, et qu?ils nous montrent une ville industrielle, tant éloignée soit elle de ce qu?ils appellent les ateliers révolutionnaires, dont les travailleurs n?aient pas jeté entr?eux des bases d?association, et puis ils mesureront après les services qu?ils auront rendus à nos gouvernans.

Somme toute, ce serait folie à eux de penser à opposer une digue au prochain avenir des travailleurs ; et qu?il leur plaise ou non de se livrer à la violence des persécutions, qu?ils se gardent du moins de croire qu?ils nous arrêteraient : nous aurons, s?il le faut, le courage de la prison et de l?exil, aussi bien que les hommes généreux qui ont accepté le cachot comme prix de leurs efforts, pour frayer un large chemin à la pensée ! Mais alors la lutte aura commencé.

Encore quelques jours, et la chambre législative aura repris ses travaux. Puissent les hommes qui la composent avoir enfin compris que c?est tout autre chose que des bastilles qu?il leur faut construire pour répondre et satisfaire aux besoins du peuple d?aujourd?hui, et que le canon est d?ailleurs un fort mauvais arbitre entre des parties toutes intéressées à jeter les premières bases d?une nouvelle civilisation qui déjà se pose sur les débris de la première.

CONFÉRENCES DE M. BERBRUGGER,

disciple de fourier.

Il y a des événemens qui semblent providentiels. En même temps que l?esprit, ou, pour mieux dire, l?instinct de l?association commençait à se manifester, paraissait un homme auteur d?un traité d?association, qui enseigne les règles à suivre dans la combinaison des efforts individuels. Cet homme est M. FOURIER, dont le système vient d?être développé en plusieurs conférences publiques, par M. berbrugger, l?un de ses disciples. ? Une idée qui ne pouvait manquer de frapper la population industrielle de notre ville, est celle qui consiste à faire cesser la lutte qui existe entre le maître et l?ouvrier depuis qu?il y a des maîtres et des ouvriers. ? Dans l?organisation du Phalanstère, tous sont associés ; il n?y a là ni salariés, ni salarians ; ce sont des sociétaires se partageant leurs bénéfices en recueillant selon ce qu?ils ont donné en capital, en travail ou en talent.

Nous regrettons de ne pouvoir parler avec quelque détail du système de répartition qui utilise l?égoïsme, la cupidité de l?individu, et en fait une garantie de son désir d?équité. On conçoit que dans l?hypothèse de la variété des travaux, un avare serait embarrassé s?il parvenait à se faire rétribuer outre mesure dans une fonction, car cela diminuerait nécessairement ce qu?il aurait à prétendre dans les autres branches d?industrie. ? Le minimum, ou logement, subsistances et vêtemens, [4.2]avancé à tout membre de la Phalange, est une juste compensation de la privation des droits naturels que l?homme abandonne par le fait de son accession à un état social quelconque, mais dont il est nécessaire que cet état l?indemnise, que M. FOURIER indique pour rendre le travail attrayant, garantissant que cette avance ne sera pas perdue pour la société. ? Dans un tel ordre de choses, il n?y a pas à craindre le chômage, par l?invention d?une machine, par une stagnation dans les affaires, le minimum est toujours à la disposition de l?individu ; et d?ailleurs dans un Phalanstère où les travaux de tout genre s?exécutent, et où chacun a le droit d?y prendre part, le travailleur ne tarderait pas à avoir, comme on dit, plusieurs cordes à son arc, et trouverait toujours une industrie pour remplacer celle qui viendrait à lui manquer. ? L?éducation, donnée à tous les hommes en suivant l?ordre de développement de leurs facultés, cette initiation si prompte à l?industrie, cet acheminement de la pratique à la théorie, sont des pensées bien dignes d?occuper les hommes qui ont à c?ur d?améliorer le sort de leurs semblables.

M. berbrugger a terminé ses conférences en indiquant le point où l?esprit d?association était arrivé aujourd?hui, et a signalé le chemin qui lui restait à faire pour atteindre à l?association complète qui harmonise tous les intérêts et promet ces résultats merveilleux auxquels nous autres civilisés n?osons pas plus croire, habitués que nous le sommes au mal, que l?indigent à qui on annoncerait, dans le fort de sa misère, qu?il vient de lui échoir une succession de plusieurs millions. ? L?échelle d?association donnée par M. Berbrugger nous a paru de nature à intéresser directement et immédiatement la classe ouvrière ; et nous nous efforcerions de la rappeler ici, si le jeune disciple de M. FOURIER n?avait pas promis d?en faire une publication spéciale adressée aux ouvriers de France, et nous ajouterons, de tous pays.

Nous avons reçu, mais trop tard pour lui donner place dans notre N° d?aujourd?hui, un appel fait aux ouvriers cordonniers et bottiers de la ville de Lyon et des faubourgs, pour fonder une association générale, sous la dénomination des Frères de la Concorde. Nous le publierons dans notre prochain N°.

Réponse à M. mazel jeune.

(Voyez le dernier numéro.)

Si M. Mazel n?avait pas poussé si loin la manie de présenter comme sienne la chose qui ne lui appartient pas, et si lui et les siens n?eussent pas saisi toute espèce d?occasion pour tromper la bonne foi des hommes que ce qu?ils appellent un système nouveau avait pu grouper autour d?eux, nous eussions, comme par le passé, gardé le silence sur cette branche de commerce assez lucrative du reste pour ceux qui n?ont pas même le petit mérite de l?avoir inventée, et nous l?eussions laissée périr de sa bonne mort.

Mais voici qu?enhardis par le silence de la presse, MM. de la Société d?Echanges s?en vont disant : les uns qu?ils sont disciples de Fourier (et M. Mazel ne niera pas qu?il ne nous ait tenu ce langage à nous personnellement) ; les autres qu?on ne peut arriver à la réalisation de son ?uvre qu?en passant par l?échange, et puis de crier [5.1]bien fort aux oreilles de gens qui ne connaissent pas cet homme dont le nom a une grande célébrité ; de lui crier, disons-nous, de se garder des erreurs dans lesquelles sont tombés ses confrères les économistes, qui ont touché la plaie sans indiquer le remède. Comme s?il y avait quelque ressemblance entre la science des économistes et la découverte de M. Fourier ! Comme si M. Fourier avait des confrères !!!!? Halte-là, MM. de l?échange. Plus loin vous ne pousserez l?audace et la niaiserie de vos prétentions ; ne sentez-vous pas déjà le masque s?échapper de vos visages ?

Dans notre N° du 3 novembre 1833, un écrivain de talent et de mérite, et que nous sommes heureux de compter au nombre de nos amis, avait donné quelques considérations sur l?Association commerciale d?échanges. De sa part c?était ?uvre de conscience, et il était mu par une pensée grande et généreuse, certainement très éloignée du but que s?est proposé M. Mazel, le gérant de cette Société. Il en avait bien compris le mécanisme, mais faussement apprécié les conséquences comme l?application, et nous croyons pouvoir dire ici qu?il n?entend en aucune façon partager la solidarité de l??uvre d?un homme que nous croyons ménager en l?appelant charlatan.

Quelques jours après nous avions reçu d?un écrivain qui nous est inconnu, et dont l?article signé X. se trouve inséré dans notre numéro du 24 novembre du même mois, des réflexions très justes, et que nous adopterions volontiers si elles ne contenaient cette pensée : qu?il est impossible de mettre en relations directes le producteur et le consommateur, et de déterminer d?une manière équitable la valeur des produits. ? C?est à ces réflexions que M. Mazel veut bien croire avoir répondu d?une manière victorieuse, et pour cette raison sans doute qu?il somme leur auteur de poser son nom en face du sien. Voyons si cela en vaut la peine.

C?est à tort que M. Mazel prétend que M. X. a trouvé le système d?échanges séduisant, et nous avons peine à croire que les vingt mille chefs de famille dont parle ce monsieur, soient bien satisfaits d?avoir été ainsi séduits par lui. ? C?est encore à tort qu?il prétend que M. X. est convenu de la nécessité de ce système, car rien dans sa lettre ne donne droit à cette assertion, du reste assez maladroite. ? Mais passons à ce qu?il peut y avoir de sérieux en apparence dans cette épître singulière.

Par exemple, dit M. Mazel, M. X. trouve mauvais qu?il y ait trop de médecins à l?échange ; et nous, au contraire, d?accord avec les cordonniers auxquels nos médecins ont donné leurs soins, nous avons trouvé très bon que les bottes faites par nos cordonniers aient chaussé les menuisiers qui ont fait des meubles pour nos cordonniers, lesquels ont refait des bottes en échange, qui ont chaussé des épiciers, lesquels ont encore fait des bottes et auraient ainsi continué in secula seculorum, si le cuir ne leur eût pas manqué, ou que le corroyeur ne fût pas sujet à être malade.

En vérité, cette manière de rétorquer un argument est plaisante ! Mais nous voudrions bien savoir comment il demeure prouvé qu?il n?y ait pas trop de médecins à l?échange, et surtout quels sont les moyens que M. Mazel prétend employer pour équilibrer les rouages de sa machine et faire qu?elle ne soit pas trop et toujours embarrassée, soit de médecins ou d?avocats, ou de tous autres hommes trop nombreux dans une profession quelconque, et par conséquent souffrans ?

Plus loin, le gérant de la société d?échanges se plaint qu?une moitié de la justice de Lyon ait été favorable par ses lenteurs à ceux qui refusent l?exécution de leurs engagemens d?échanges, tandis que celle de Paris les a condamnés. ? Mais ce qu?il ne dit pas et ce que nous [5.2]allons apprendre à nos lecteurs, c?est d?abord : ? Que la moitié de la justice de Lyon dont il ne se plaint pas est un juge de paix, celle dont il se plaint est un tribunal qui l?a condamné ;

Attendu que les débats du procès avaient clairement prouvé qu?il y avait déficit dans la propriété des adhésionnaires, et que de leur part le refus de livrer des marchandises à la société était pleinement justifié par ce déficit, qu?au surplus, M. Mazel chercha, dans cette circonstance, à faire considérer comme une chance commerciale devant être supportée par les adhésionnaires et la société. ? Que M. Mazel cesse donc de faire l?étonné de ce que de semblables moyens n?ont pas été admis par le tribunal. ? Convaincu de malversation, il aurait dû avoir la voix moins haute et moins hardie, et se rappeler les conclusions de Me Périer, plaidant contre lui dans cette affaire, conclusions que nous lui remettons aujourd?hui sous les yeux :

« Il faut, disait Me Périer, il faut, une bonne fois pour toutes, leur ôter l?envie, à MM. de la Société des échanges, de venir se pavaner à votre audience, défier les regards qu?ils devraient éviter, et insulter à ceux dont ils ont dévoré les ressources et consommé la ruine. »
(em>Tribunal de commerce.)

L?objection prise de ce que l?administration de l?échange aurait besoin de quatre pour cent en numéraire sur la valeur des échanges qu?elle procure, prouve, au contraire, qu?elle a résolu les 96/100e des conditions du problème, et le numéraire n?étant exigé que pour les frais de justice, patente et poste aux lettres, il s?en suit que le consentement du gouvernement et de la justice suffit seul à la résolution intégrale du problème de l?échange.

Il faut en convenir, M. Mazel est bien malheureux en solutions, et, soit dit en passant, il cote un peu haut les frais de justice, de patente et ports de lettre.

Mais voulez-vous savoir comment ces messieurs ont résolu 96/100e du problème ? Eh bien ! Attention à ce petit calcul pris dans l?article inséré le 3 novembre, et que M. Mazel adopte aujourd?hui comme sien :

Supposons cent travailleurs ainsi associés.
Aujourd?hui le premier délivre au deuxième une valeur en marchandise ; celui-ci remet au troisième pareille valeur en échange ; cet autre au quatrième ; si dans le jour vingt-cinq mutations se sont succédé, et que chaque mutation coûte aux échangistes 4 p. 0/0, la Société aura encaissé par ce droit de courtage 100 p. 100.

CENT pour CENT ! Entendez-vous, lecteurs ? Comprenez-vous la philantropie de MM. de la Société d?échanges ? ? Comprenez-vous leur mépris pour l?argent, à ces beaux messieurs qui arriveraient très promptement à s?emparer de tous les capitaux, si les hommes d?aujourd?hui devaient se laisser prendre à leurs filets ! ? Et maintenant comprenez-vous à quel taux peut s?élever le mince bénéfice que doivent ainsi prélever ces messieurs sur les 22,000 adhésionnaires chefs de famille dont parle M. Mazel ? ? En vérité, pour des frais de justice, de patentes, et de ports de lettres, voila un assez honnête POUR-BOIRE !

A présent voulez-vous savoir comment se fabrique une association d?échanges ? Eh bien ! Nous allons vous le dire :

On prend un millier de feuilles de papier environ, on écrit en tête de toutes ces feuilles : MILLE EMPLOIS LUCRATIFS A OBTENIR moyennant un apport de 500 francs et un certificat de bonne vie et m?urs ; puis on barbouille le restant de la feuille ; alors se présentent quelques dupes, on remet la main à la plume, et on fabrique des bons d?échanges, puis on tire à droite et à gauche, et puis le gâchis se forme ; mais? gare le jour du jugement !

Voulez-vous savoir encore comment on propage la [6.1]divine science ? Nous avons entre les mains un échantillon de la méthode que nous allons vous communiquer. ? Mais nous recevons à l?instant une lettre qu?on nous prie de publier et qui donne tous renseignemens sur ce fait ; nous vous la soumettrons dans notre prochain numéro.

En attendant, nous rappelons à M. Mazel que nos colonnes lui sont ouvertes, et que nous sommes prêts à faire droit à ses réclamations.

CONSEIL DES PRUD?HOMMES,

(présidé par m. putinier, vice-président.)

Audience du 27 décembre 1833.

Durouge réclame à d?Autencourt et Garnier, négocians, une indemnité pour 16 journées de travail perdues par la faute du liseur qui lui a livré un dessin dont les cartons sont trop étroits, et par conséquent ne s?adaptent pas parfaitement au cylindre. Le conseil, faisant droit à la demande du chef d?atelier, condamne d?Autencourt et Garnier, à lui payer 80 fr. d?indemnité pour les 16 journées, le négociant ayant son recours contre Sigaud, liseur.

Le maître ne doit, dans aucun cas, frapper son élève. Attendu que des témoins affirment que Dagaud, apprenti de Chapelin, a été plusieurs fois frappé par ce dernier, le conseil résilie les engagemens, et condamne Chapelin à restituer au père de l?élève la somme de 50 fr. sur celle qui lui avait été comptée au début de l?apprentissage.

Dagaud ne pourra se replacer que comme apprenti. Bottier et Chatanay, élèves de Dailly, réclament la résiliation de leurs engagemens. Ils fondent leurs demandes sur ce que Dailly les a mis à la porte de chez lui à 9 heures du soir ; ils réclament en outre des arriérés de tâches.

Dailly, que le président invite à s?expliquer, demande et obtient la faculté de lire un fort long mémoire où il énumère fort longuement et d?une manière presque inintelligible les divers griefs dont il a à se plaindre. Tout ce que nous avons pu comprendre de ce long plaidoyer, c?est qu?il reproche à quelques membres du conseil d?avoir semé la discorde dans son atelier, depuis qu?ils ont fixé les tâches de ses apprentis. A ce sujet il mêle, et nous savons bien pourquoi, les Mutuellistes dans tout ce gâchis. Il prétend que ce sont ces derniers qui ont influencé les prud?hommes qui se sont transportés chez lui pour fixer les tâches, qu?ils n?ont agi que d?après les conseils de l?association, qui lui en veut, à ce qu?il croit, parce qu?il n?en fait pas partie. Nous regrettons bien sincèrement que la faiblesse de vue de M. Dailly ne lui ait pas permis de lire plus couramment cette volumineuse défense, qui n?était autre chose, à ce qu?il nous a paru, qu?une dégoûtante diatribe contre les Mutuellistes qui sont assez sages pour comprendre que ce brave homme n?a été dans cette occasion que l?écho de quelques hommes, dont les intentions sont bien connues, et qui ont été fort aises de trouver en lui un interprète bénévole et confiant qu?ils mènent par le nez, et derrière lequel ils se cachent. Nous pensons qu?ils auraient mieux prouvé tout l?intérêt qu?ils portaient à leur client, s?ils lui eussent conseillé d?expliquer ses raisons d?une manière claire et précise, plutôt que de l?exposer à la risée de tout un auditoire, qui pourtant ne manque pas de sympathies en pareille occasion. Espérons que tout le ridicule [6.2]de cette scène retombera sur ses véritables fauteurs, et que les ouvriers voudront bien enfin comprendre dans quel camp sont leurs vrais amis.

Sur la déclaration formelle que Dailly a faite, qu?il avait renvoyé ses apprentis Bottier et Chatanay, le conseil a résilié les engagemens sans indemnité, et renvoyé les parties par devant MM. Charnieret Dumas pour régler les comptes.

Au Rédacteur.

Monsieur,

Je venais de rendre ma pièce, et profitant de ce petit moment de vacance forcée, je fus attiré comme tant d?autres à la cour d?assises, le samedi 14 courant, pour y entendre le jugement des citoyens Vincent, Thion et Tiphaine. Dans le cours des débats, j?entendis sans surprise mais avec indignation, M. l?avocat-général prétendre et affirmer que la majeure partie des ouvriers dépense le dimanche le fruit des épargnes de la semaine. Comme je suis ouvrier en soie, père de famille et honnête homme, je me crois en droit de répondre à M. l?avocat-général et lui prouver, par des chiffres, que son assertion est fausse, et que toutes ces belles phrases renouvelées des Grecs, ne prouvent rien autre, si ce n?est qu?il est des gens qui trouvent beaucoup plus commode de dire que les ouvriers sont malheureux par leur faute, que de s?occuper des moyens d?améliorer leur condition, en cherchant et signalant les causes de tant de misère. C?est donc pour éclairer M. l?avocat-général, si toutefois il s?en soucie, que je vais entrer dans des détails minutieux mais clairs.

Je fais dans ce moment-ci un gros de Naples qui m?a été payé 55 c. l?aune pendant les six premiers mois de l?année et actuellement 65 c. Je suis d?une certaine force, et j?ai fait, en bien travaillant, 1,000 aunes d?étoffe qui m?ont produit 600 fr. de façon. Maintenant je vais compter avec le propriétaire de l?appartement que je loue, et les diverses personnes que notre état oblige d?occuper.

Pour la location dudit métier : 70 fr.
Remettage, torsage, pliage et nourriture de la torseuse : 26 fr.
Dévidage : 96 fr.
Entretien des ustensiles : 80 fr.
Ma nourriture à 1 fr. par jour (ce n?est pas trop) : 365 fr.
Entretien de ma chaussure : 18 fr.
Entretien de mes habillemens, linge, blanchissage et barbe : 68 fr.
Je prends du tabac (ah ! pourquoi prends-tu du tabac ?) mais je n?en prends que pour 1 sou par jour : 18 fr.
Charbon : 12 fr.
Huile pour la lampe : 21 fr. 30 c.
Frais : 724 fr. 30 c.
Je ne compte pas les cannettes, c?est ma femme qui les fait.
Montant de la façon : 600 fr.
En perte : 124 fr. 30 c.

Maintenant, que M. l?avocat-général veuille bien calculer si un ouvrier peut faire des bamboches (puisque c?est ainsi qu?il nomme un moment de distraction), et il nous dira si c?est avec de pareils produits que nous pourrions en général nous livrer aux excès qui le révoltent. [7.1] Qu?il apprenne donc qu?il n?appartient à personne, et encore moins à lui qui ne nous connaît pas, et qui ne se donne même pas la peine de nous connaître, de flétrir une classe d?honnêtes ouvriers, économes et laborieux, que le public apprécie tous les jours et dont il admire la résignation. Qu?il apprenne aussi que les ouvriers ne font pas constituer le vrai bonheur dans la richesse, tant appréciée de l?aristocratie ; mais dans une vie laborieuse et exempte de reproches, et dans la fraternité qui aujourd?hui existe entre eux et dont nulle puissance humaine ne rompra désormais les liens.

Agréez, etc.

bruchet cadet, Mutuelliste.

Au Rédacteur.

Lyon, 26 décembre 1833.

Monsieur,

Dans le courant du mois d?octobre 1832, j?avais adressé à M. le ministre des finances le Mémoire ci-joint, que je vous prie de publier si vous pensez, monsieur, que les vues qu?il renferme puissent être de quelque intérêt pour le pays. En l?adressant à M. le ministre, j?avais eu la prétention trop hardie sans doute d?attendre de sa part un accusé de réception, et cela est vrai, vous le penserez comme moi, M. le rédacteur, quand je vous aurai dit que je l?attends encore, ou plutôt que je ne l?attends plus.

Agréez, etc.

billon.

AVIS DIVERS.

(309) A VENDRE, pour cessation de commerce, 4 métiers travaillant, dont un en 6|4, un en 5/4, et deux en 4|4. On cédera la suite du loyer si l?acheteur le désire. S?adresser au bureau.

(305) On offre un emplacement pour un métier pour maître.
S?adresser au bureau du journal.

(307) A VENDRE, 2 métiers travaillant en 6/4, à 4 fils au maillon. S?adresser chez M. Rebeyre, liseur, rue Casati, n° 6.

(308) A VENDRE, un métier de 4/4, mécanique en 900, 4,000 maillons, et tous ses accessoires, ainsi que le mobilier si l?acheteur le désire. S?adresser à M. Hypolyte Collavon, chez M. Salardisse, rue Madame, n° 6, au 4e, aux Brotteaux.

(309) CHANGEMENT DE DOMICILE.
Le sieur LATTIER, fabricant de peignes à tisser en tous genres, demeurant côte des Carmélites, n° 27, au 1er, est actuellement rue Vieille-Monnaie, n° 2, au 2e, du côté de la Grand?Côte, allée de la fontaine. ? Il tient un assortiment complet de peignes neufs et de rencontres, et fait des échanges.

(290) A VENDRE, un métier de schals indiens en 5/4, mécanique en 1,800 ; on vendra, si on le désire, la mécanique séparément. S?adresser à M. Mauband fils, rue du Menge, n° 10, au 3e.

(306) AVIS.

M. brun, plieur, demeurant place des Pénitens-de-la-Croix, est actuellement place St-Clair, n. 6, au 3e, sur le devant.

(304) A VENDRE, une belle planche d?arcades en 6/4, 4/4 et autres étroites ; rouleau de 6/4 de devant et de derrière ; d?autres en 5/4, 4/4 et 3/4 ; plusieurs peignes en 6/4, 5/4, 4/4 et autres largeurs et de tous comptes ; battans en 6/4 pour lancé, et autres de différentes largeurs ; le tout dans un état neuf. S?adresser au bureau du journal.

Notes ( Du droit de coalition.)
1. Rappelons qu?un grand nombre d?établissements appelés « hôpital » assurent alors l?assistance sous toutes ses formes : secours à domicile, recueil des invalides, incurables, vieillards, malades, enfants abandonnés. Ils sont réservés aux habitants du lieu ; les hôtels-Dieu sont ouverts à tous mais ils sont réservés aux malades, excluant les incurables notamment. Les hôpitaux généraux recueillent les malades rejetés des hôtels-Dieu : les fous, les marginaux, tous ceux qui sont frappés par la misère et le chômage trouvent là un refuge temporaire (voir J. Imbert, dir., Histoire des hôpitaux en France, Toulouse, Privat, 1982). Au fur et à mesure que l?hôpital affirme sa vocation thérapeutique tout au long du XIXe siècle, l?hospice devient le refuge traditionnel du vieillard.

 

 

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