L'Echo de la Fabrique : 27 mai 1832 - Numéro 31

A NOS FRÈRES D?ANGLETERRE.1

Bravo, bravo, frères ! votre contenance calme et fière comme celle du lion, a suffi pour épouvanter vos ennemis, qui sont aussi les nôtres !

Par la ruse et la trahison ils avaient repris le pouvoir ; mais, effrayés de vos énergiques protestations, ils l?ont abandonné comme des lâches ; ils sont rentrés, non sous terre, mais derrière le trône, où ils vont, par de sourdes menées, entraver les efforts de vos ministres et vous faire tout le mal qu?ils pourront.

Déjà ils font donner au peuple par leurs créatures et quelques-uns de ses faux amis de perfides conseils ; ils disent qu?une fois la réforme obtenue, les unions, les associations doivent se dissoudre ; car elles n?auront plus de but. N?en croyez rien, frères, après le bill la lutte seulement commence ; et c?est alors que vous verrez vos anciens maîtres user de toute l?influence que leur donne l?immense fortune acquise au moyen des vieux abus qui vous rongent pour défendre ces abus qu?ils considèrent comme leur légitime héritage ; s?ils vous trouvent isolés, ils vous battront ou retarderont leur chute ; s?ils vous trouvent unis, ils fuiront encore ou s?épuiseront en vains efforts.

Restez unis, associés, organisés, et que Dieu fasse que vous le soyez toujours ; car alors vous éviterez l?anarchie qui trop souvent résulte des victoires du peuple.

Souvenez-vous de 1789 et de 1793? Que notre exemple ne soit pas perdu pour vous, et vous ferez, comme nous, de grandes et magnifiques choses, sans les payer par d?aussi immenses sacrifices, sacrifices que le peuple des travailleurs finit toujours par supporter.

Vos ennemis sont aussi les nôtres, car ce sont eux qui, pour détourner votre attention, votre énergie de vos véritables intérêts, ont entretenu pendant si longtemps entre vous et nous l?esprit de haine et les guerres sanglantes qui les ont enrichis, eux vos maîtres, et nous ont appauvris vous et nous travailleurs. Ils savaient bien que dès qu?ils nous laisseraient le temps de réfléchir, de nous voir et de nous comprendre, leur règne s?évanouirait devant notre fraternité. C?est la révolution de juillet qui, en scellant notre union, a brisé les chaînes dont l?aristocratie vous enlaçait. C?est, nous peuple, presque [3.2]tout ce que nous avons gagné à cette glorieuse crise ; jugez si nous tenons à voir conserver et se développer le fruit de notre victoire !

Allez, frères, serrez vos rangs, ne vous laissez entamer ni par l?intrigue ni par la menace ! vos ennemis sont hypocrites et fanfarons ! clergé et noblesse !

Cent mille individus contre 17 millions ! comptez-vous, restez unis, soyez calmes, croisez les bras, et ils mourront de rage !

Courage, vos frères de France vous regardent !

Notes de base de page numériques:

1 L?auteur de ce texte est François Barthélémy Arlès-Dufour d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

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