L'Echo de la Fabrique : 10 juin 1832 - Numéro 33

CONSEIL DES PRUD?HOMMES.

Séance du 30 juin,

(présidée par m. goujon.)

A six heures et demie, M. le président a ouvert la séance ; peu de causes ont été appelées ; les plus remarquables sont celles que nous allons rapporter :

Le sieur Truchon, ayant paru à l?audience de samedi, se plaint de n?avoir pas été bien compris dans sa demande à MM. Cochet et Godmard. Dans ladite audience, les membres du conseil avaient accordé au demandeur, à titre d?indemnité, la somme de 5 fr. ; et le sieur Truchon a reçu cette somme. Il fait appeler de nouveau son fabricant disant que cette somme n?est que pour son montage de métier, mais qu?il demande une augmentation sur le prix de sa façon, qu?on ne lui a porté qu?à 1 fr. 35 c., l?étoffe étant un satin 60 portées, tramé 4 bouts. M. Cochet répond que le chef d?atelier a accepté la conciliation en acceptant les 5 fr., et qu?il ne voit pas pourquoi on reviendrait sur une chose jugée. Le conseil déclare qu?attendu que le chef d?atelier, en acceptant la somme qui lui avait été allouée à l?audience de samedi, a accepté la conciliation, passe la conciliation en jugement et le déboute de sa demande.

La dame Valette, ayant monté plusieurs métiers de schalls pour M. Ajac, fit pour 900 f. de frais ; après que les métiers furent montés, le sieur Ajac écrivit sur le livre de la dame Valette, qu?il ne promettait qu?une pièce ; elle le fit paraître devant le conseil des prud?hommes, qui donna réserve de tous ses droits à la dame Valette sur le sieur Ajac, si ce dernier ne lui donnait plus d?ouvrage. Cependant, le fabricant lui promit un dessin qui, disait-il, était très-avantageux, que le sieur Bouvery avait entre ses mains, mais qu?il le lui retirerait : il n?en fut rien. Après plusieurs jours, la dame Valette vit qu?on ne faisait que l?amuser ; pressa le sieur Ajac, qui lui offrit de l?ouvrage pour un seul métier (on sait qu?il est d?usage que ces sortes de métiers doivent toujours marcher à double). La dame Valette a été obligée de renvoyer ses ouvriers et demande un défrayement.

Le sieur Ajac répond qu?il avait donné ordre à son commis de ne promettre d?ouvrage que pour une pièce, et que même on devait l?avoir écrit sur la disposition. [7.2]La dame Valette dit que ce fait est faux. Le sieur Bouvery, interpellé, déclare qu?à la même époque il avait reçu une disposition, mais que rien de semblable n?y était écrit ; que seulement, on avait écrit sur son livre, après bien entendu, comme sur celui de la dame Valette : pour une seule pièce ; mais qu?ayant réclamé il avait obtenu justice.

Le monteur de métiers interpellé à son tour, dit n?avoir rien vu d?écrit derrière la disposition. La dame Valette ajoute qu?elle n?a fait sur lesdits métiers que pour 592 fr. de façon.

Le conseil prononce ainsi : sur la demande en indemnité de la dame Valette, le conseil renvoie les parties pardevant MM. Reverchon, Favier, Perret et Charnier.

Le sieur Jacob fait comparaître de nouveau son élève qui fut mis, il y a huit jours, sous la surveillance des membres du conseil. Le sieur Jacob dit que son élève se comporte toujours très-mal ; et sur le rapport des membres délégués pour le surveiller, le conseil prononce ainsi : attendu que d?après le rapport des membres du conseil, il y a mauvaise volonté de la part de l?élève, le conseil résilie les engagemens, et accorde au sieur Jacob une somme de 200 fr. à titre d?indemnité.

La dame Vagneux, dévideuse, réclame au sieur Siran la somme de 32 fr. montant de dévidage. Dans une petite audience, la conciliation portait que le sieur Siran payerait cette somme qu?il avait avoué devoir à sa dévideuse ; aujourd?hui, il nie la somme, et dit qu?il ne doit rien. Le conseil déclare : qu?attendu que le sieur Sirau a reconnu dans une précédente audience devoir à sa dévideuse la somme de 32 fr., la conciliation est passée en jugement.

Le sieur Vernay avait à l?essai pour apprenti le fils du sieur Ferlat ; il l?a gardé trois mois ; au bout de ce temps, les parens de l?élève l?ont retiré sans en prévenir son chef ; et un dimanche, tandis que le sieur Vernay et son épouse étaient absens, l?élève a ouvert une garde-robe, a pris les habits que le sieur Vernay lui avait achetés, et s?est retiré chez ses parens où il est demeuré. Le sieur Ferlat répond qu?étant malade et ayant besoin de son fils, il a cru avoir le droit de le retirer sans autre forme. Le conseil déclare : qu?attendu que le fils Ferlat a demeuré pendant trois mois à l?essai chez le sieur Vernay, condamne le sieur Ferlat père à payer 50 c. par jour pour sa nourriture.

Le sieur Blanchet réclame au sieur Mathevet ses effets que ce dernier lui a retenus. Le sieur Mathevet répond qu?ayant pris ce jeune homme à condition qu?il lui retiendrait un sou par aune sur sa façon, vu qu?il ne savait pas bien travailler, et n?ayant rien retenu, il a cru devoir garder les effets. Le conseil ordonne au sieur Mathevet de rendre les effets, et M. le président ajoute que les chefs d?ateliers ont tort de recevoir les ouvriers sans livrets.

Le sieur Maguet reclame au sieur H. Droiteau, une indemnité sur un montage de métier de crêpe coton uni, il a fait pour 58 fr. de frais et pour 32 fr. d?ouvrage. M. H. Droiteau observe que l?ouvrier a resté trois mois à la pièce et produit le livre d?un autre ouvrier qui en a fait trois dans le même espace de temps. Le conseil déclare : qu?attendu que l?ouvrier n?a fait que le tiers de la journée, le conseil le déboute de sa demende. M. le président dit à M. H. Droiteau de donner une pièce à ce chef d?atelier ; ce dernier promet de la lui donner.

La séance est levée à 8 heures et demie.

 

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