L'Echo de la Fabrique : 17 juin 1832 - Numéro 34

Nous avons réclamé dans plusieurs Nos1, contre un abus qui amène, chaque semaine, des causes pardevant le conseil des prud’hommes. Cet abus est de ne marquer qu’en chiffres le poids des matières sur les livres d’ouvriers. Il ne passe pas un seul jour, sans qu’on nous présente des livres où les chiffres ont été refaits ; cela peut-être par erreur, mais de là des contestations, et souvent il peut y avoir de la mauvaise foi.

Dernièrement, nous avons vu qu’un ouvrier était en avance sur son livre de 150 grammes ; et pour balancer le compte, on avait refait les chiffres des deux dernières pesées. Pour éviter un tel scandale, il nous semble que les fabricans qui méprisent ces petites manœuvres, et heureusement ils sont assez nombreux, devraient prendre l’habitude d’écrire en toutes lettres le poids des matières sur le livre du chef d’atelier : alors celui-ci serait sans méfiance et laisserait sans crainte son livre au magasin, si le besoin l’exigeait, parce qu’il serait persuadé qu’on ne referait pas une ligne entière d’écriture.

Nous ne voyons pas pourquoi les fabricans n’adopteraient pas cette règle que réclame la justice. Le salaire de l’ouvrier est bien assez réduit, sans qu’on cherche encore à le duper sur ses déchets. Oui, nous disons duper ! car l’homme qui s’abaisse à refaire des chiffres sur les livres, pour mettre en solde un ouvrier ou pour ne point lui payer ses déchets, est un homme peu délicat ; c’est pourtant ce qui arrive assez souvent.

Nous reviendrons sur ce sujet, et les fabricans généreux nous en saurons gré ; car il n’y a qu’une poignée de nains commerciaux qui sont le scandale et le fléau de nos manufactures. Pour ceux-là, point de pitié. Nous les traduirons à la barre de l’opinion publique comme nous avons fait jusqu’à ce jour, et s’ils sont incorrigibles, nous serons infatigables à les poursuivre.

Nous invitons MM. les chefs d’ateliers à demander avec instance que le poids des matières soit écrit en toutes lettres sur leurs livres. Ils éviteront par là toute contestation, et feront établir une règle qui sera très-avantageuse pour les travailleurs, dont beaucoup malheureusement, ne peuvent faire le dépouillement de leurs comptes.

Notes de base de page numériques:

1 L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

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