L'Echo de la Fabrique : 17 juin 1832 - Numéro 34Nous croyons satisfaire au vœu de nos concitoyens, en publiant le prospectus suivant ; et nous les engageons à participer à cet œuvre d’un intérêt général. Journal des prolétaires, nous croirions manquer à notre mission [3.1]si nous refusions de concourir à cette association, qui, selon nous, sera le palladium de la liberté de la presse. association lyonnaise pour la liberté de la presse1. statuts. La liberté de la presse est, dans une civilisation perfectionnée, la base de toutes les institutions sociales et politiques, c’est un droit qui renferme tous les autres, les résume et les garantit tous. Manifestation éclatante et précise des mouvemens de l’opinion, des mœurs, des besoins généraux, elle est pour la société entière un préservatif contre les révolutions violentes, contre les mouvemens brusques, contre les tentatives rétrogrades ou les innovations dangereuses ; écho toujours fidèle des plaintes individuelles, des griefs particuliers, elle assure au citoyen isolé la protection de tous, et rend tous les membres de l’état solidaires des intérêts, de la liberté, de la vie de chacun d’entre eux La liberté de la presse, le plus glorieux trophée que la France ait rapporté de la grande guerre politique de 1789, est passée définitivement dans nos mœurs : mais est-elle également passée dans nos lois, et trouve-t-elle contre les abus de pouvoir, contre les caprices de l’autorité une protection suffisante ? Est-elle même assez nettement définie pour que les soutiens de la cause libérale puissent se reposer sur un texte formel à l’abri de toute fraude et de tout subterfuge ? Les soussignés ne le pensent pas. Il leur semble au contraire que la loi laisse au pouvoir et à ses moindres agens une autorité dangereuse et presque absolue sur la plus importante de nos libertés. Ainsi la faculté illimitée de saisir un journal, sous un prétexte ou sous un autre, est un moyen facile de tuer tout journal qui gênerait le gouvernement, ou même qui déplairait à un procureur du Roi. Il est évident, par exemple, qu’une feuille saisie chaque matin pendant six mois consécutifs, quelle que fût plus tard la décision du jury, serait par ce fait même anéantie pour ses abonnés, pour ses rédacteurs, pour ses actionnaires. La conduite du ministère envers plusieurs journaux de Paris, sa haine clairement manifestée sur tous les points du pays, pour la presse indépendante, l’insuffisance de la législation pour s’opposer aux effets de cette aversion illibérale, ont déterminé les soussignés à user de la liberté d’association consacrée par la constitution, pour s’unir dans le but commun d’assurer l’existence de la presse libérale de Lyon. Cet acte, dans l’intention des soussignés, n’a point un caractère d’hostilité contre un pouvoir quelconque, c’est simplement une garantie qu’ils veulent donner à la liberté des opinions, quel que soit le pouvoir qui règne, à quelques couleurs qu’appartiennent les ministères qui pourront se succéder. Leur désir, en un mot, est de conserver toujours à l’opinion lyonnaise des organes indépendans. C’est dans cette vue qu’ils ont rédigé et signé les statuts suivans, qui seront soumis à l’adhésion de tous ceux de leurs concitoyens qui professent des idées libérales. Art. 1. Les soussignés s’engagent à couvrir le montant des frais et amendes auxquels pourraient être condamnés, pour délits politiques, les journaux indépendans de Lyon, jusqu’à concurrence d’une somme qui ne pourra dépasser 11 francs, pour chacun d’eux, dans le courant d’une année. Art. 2. Cette cotisation sera payée de la manière suivante : 1 franc au moment de la signature des présens [3.2]statuts, et 10 francs après la ou les condamnations qui donneraient lieu au versement. Art. 3. Une commission exécutive composée de neuf membres, savoir : un président, un secrétaire, un trésorier et six commissaires, sera nommée par la première assemblée qui réunira au moins 80 souscripteurs. Art. 4. Cette commission sera renouvelée tous les ans par une assemblée générale des souscripteurs, Art. 5. La commission désignera ceux des journaux publiés à Lyon, auxquels devra être appliqué le bénéfice de l’association. Art. 6. Elle réglera la cotisation proportionnelle à payer par chaque souscripteur, dans le cas où un procès serait perdu devant le jury. Elle soldera sur le fonds formé par la somme de 1 franc versée au moment de l’association par chaque sociétaire, et d’après les pièces fournies par le trésorier, les dépenses d’impression et autres qui auraient été faites pour la société. Art. 7. Elle convoquera, quand elle le croira nécessaire, des assemblées générales ; elle prendra, s’il y a lieu, les mesures convenables pour le payement des souscriptions pour le remboursement des frais et amendes. On souscrit au bureau du Précurseur, rue St-Dominique, passage Couderc. Notes de base de page numériques:1 Créée à l’initiative de Pierre Lortet, accompagné de Jules Seguin, Théodore de Seyne et Drivon, l’Association pour la liberté de la presse patriote qui sera véritablement en œuvre à partir du mois d’août 1832 est la première expérience de ce type en France. Très marquée par le fédéralisme de ses fondateurs elle se rapprochera et fusionnera finalement en 1833 avec la section lyonnaise de la Société des droits de l’homme. |