L'Echo de la Fabrique : 6 novembre 1831 - Numéro 2

Sans partager les doctrines des disciples de St-Simon1, nous empruntons dans un de leurs ouvrages les passages suivans qui nous semblent opportuns :

« Si nous envisageons l'état de la société, nous y remarquons des savans, des industriels, des artistes ; tous sont réduits à des travaux isolés, tous sont privés de la force si puissante de l'association. Le savant se livre à des recherches, et fait des découvertes souvent faites avant lui ; son travail et ses sacrifices inutiles à la science, sont nuisibles à ses intérêts particuliers ; en l'absence d'une hiérarchie intellectuelle, les efforts isolés ne font pas marcher la science et en arrêtent les développemens.

L'industriel est loin de marcher vers la perfection avec la rapidité dont il serait capable, aidé d'une meilleure organisation. Si parfois un nouveau procédé est découvert, l'inventeur, au lieu d'en faire profiter la société, le garde pour lui et en fait un mystère le plus long-temps qu'il peut ; de là, un retard considérable dans le progrès, résultat nécessaire d'un travail individuel.

On cherche à justifier ce déplorable état de l'industrie [3.1]en disant : laissez faire, la concurrence et le temps finissent par tout niveler. On peut répondre avec raison ; mais, en attendant, que faire de ces milliers d'hommes affamés ? Si on établit une machine à vapeur là où cent ouvriers étaient occupés, elle les plongera dans la misère, jusqu'à ce que, réduits à s'expatrier, à changer d'état, ils se soient procuré de nouveaux travaux, qui leur seront peut-être enlevés comme les premiers. Il y a donc pour l’industriel comme pour le savant, absence d'un but commun, indispensable à leurs progrès. »

Notes de base de page numériques:

1 Dirigée par Pierre Leroux et Jean Reynaud, une mission saint-simonienne était arrivée à Lyon au début du mois de mai 1831. Les prédications qui se déroulèrent du 3 mai au 17 juin firent grande impression à Lyon. (Voir F. Rude, Le mouvement économique et social, ouv. cit., p. 267-273 ; F. Rude, « Les saint-simoniens et Lyon », Actes du 89ème congrès des sociétés savantes, Lyon 1964, Paris, 1965.) Dans les numéros suivants de L’Echo de la Fabrique, et en particulier pendant l’année 1832, de très nombreux encarts, notes, brèves vont signaler les missions, les enseignements et les publications saint-simoniennes. Au mois d’octobre 1832, Michel Chevalier écrira à Arlès-Dufour, « Quant au centre à fonder à Lyon, ce ne sera évidemment que la constatation d’un fait existant. Lyon est la clé de la vallée du Rhône et de la Saône, le centre d’un mouvement industriel colossal qui comprend une vigoureuse population chez qui la foi religieuse n’est pas éteinte, et qui s’enflammera instantanément au flambeau étincelant que nous allons faire luire », Œuvres de Saint-Simon et Enfantin, vol. 8, 1865-1878, p. 122.

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique