L'Echo de la Fabrique : 24 juin 1832 - Numéro 35

DE LA FABRICATION DES TULLES.1

Nous avons dit que notre feuille n’était point exclusive ; quoique consacrée principalement à la défense des ouvriers en soie, qui forment la majeure partie de la population, elle n’en est pas moins l’écho de toutes les industrie et le journal de tous les travailleurs. Nous avons promis de défendre le pauvre contre l’égoïste, le faible contre le fort, sans distinguer les professions, et ce devoir que nous nous sommes imposé, nous saurons le remplir.

Aujourd’hui, dans une branche d’industrie, florissante autrefois, quand le monopole de la fabrication n’était point entre les mains de dix à douze négocians, dans la fabrique de tulles enfin, des abus scandaleux se sont introduits à tel point, qu’il est impossible aujourd’hui à l’ouvrier de vivre du fruit de son travail. Ici, non seulement, le prix n’est pas fixé, mais encore les ouvriers travaillant à échevaux ou flottes, ont vu la longueur s’augmenter tellement qu’il y a des fabricans qui font faire 1000 mètres de plus que ne doit avoir l’écheveau fixé par un rescrit ministériel. Ainsi, un ouvrier qu’on paye déjà à très-vil prix, est obligé de faire encore un sixième d’ouvrage qu’on ne lui paye pas ; ceci est, selon nous, un vol manifeste, et nous ne cesserons d’élever notre voix tant qu’on se permettra d’arracher ainsi le salaire de ceux que nous avons mission de défendre.

Le conseil des Prud’hommes peut beaucoup dans cette circonstance ; il peut prononcer la contravention et appliquer une amende. Il est de son devoir d’être sévère sur ces faits, car ici il ne s’agit point de discussions sur les prix, ni sur la beauté de la fabrication, il s’agit de fraude, et nous avons trop de confiance dans sa justice, pour penser qu’il ne la réprimera pas.

Les ouvriers fabricans de tulles peuvent nous adresser leurs griefs, nous nous ferons un devoir de les défendre avec la même persévérance que nous mettons à défendre leurs frères les ouvriers en soie ; nous disons leurs frères, car tous les travailleurs le sont ; ils doivent se tendre la main et s’entr’aider, afin d’extirper les abus qui les plongent dans la misère.

Notes de base de page numériques:

1 L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique