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1 juillet 1832 - Numéro 36
 
 

 



 
 
    

cri d?alarme en faveur de la société1.     

Rien n?est illusoire dans les rapports que Dieu a mis entre une chose et une autre. Ce n?est donc pas en vain que Dieu a mis en tout temps et partout, dans le c?ur de tous les hommes, un désir insurmontable, constant et unîversellement persévérant, d?être plus éclairés et plus heureux. Cette soif de la lumière n?est donc point vaine, et cette faim de la félicité sera rassasiée
Pluche2, Spect. de la nature, t. 3, p. 503.

« Quel est l?homme qui sait aujourd?hui comment empêcher le peuple de mourir de faim, l?industrie d?expirer d?inanition, l?ordre social de crouler sous les émeutes ? »

C?est ainsi qu?un journal dont les paroles sont toujours graves et l?influence puissante, le Temps, s?exprime dans sont numéro du 22 juin dernier. Serons-nous encore long-temps à faire cette question ? car de sa solution dépend l?avenir du genre humain, car c?est là qu?est la plaie qu?il faut guérir. De toutes parts un cri d?alarme [6.1]est jeté. Un orateur patriote et puissant d?aveniri a dit à la tribune : Ce n?est plus l?opinion qui groupe l?émeute, c?est la misère qui pousse à la révolte. En considérant la société sous ce point de vue, les droits politiques n?ont plus qu?un intérêt relatif, ils n?apparaissent qu?au second plan ; les peuples veulent entrer dans la terre promise du bien-être, ils ont trop de lumières pour n?avoir pas honte des haillons de la pauvreté. Il faut que le prolétariat disparaisse, et avec lui l?émeute cessera ; mais ce prolétariat ne peut finir qu?autant que le nécessaire et l?instruction seront le fruit du travail, le prix de l?intelligence. Alors ce beau rêve de l?égalité sociale, que l?Echo a présenté à lecteurs, sera accompli,

La presse n?aura point été étrangère à ce résultat désiré et prochain. De toutes parts, sous toutes les formes, elle proclame ces vérités :

La paix est la première condition du bonheur des peuples ;

Le travail est la source unique de leur richesse ;

Les arts et les sciences sont les élémens de leur grandeurii3.

La révolution française a fait table rase. l?Europe a reçu par elle un baptême de sang et de gloire. Un nouvel ordre social a surgi : il se consolidera et s?améliorera, car l?humanité est soumise à la loi du progrès? Elle tend à l?association universelle? Hâtons-nous de sanctifier, d?organiser, de protéger le travail, car il est le gage de la paix et de l?harmonie parmi les peuples. Le pauvre ne verra plus d?un ?il d?envie les capitaux du riche lorsqu?ils commanditeront son industrie, il respectera les propriétés d?autrui quand il aura les moyens d?acquérir lui-même.

Les arts et les sciences vivifient le travail par leurs brillantes inspirations, et leur concours harmonieux facilite et décuple ses produits. Dérobant à la nature le secret de ses merveilles, le savant la rend tributaire de son génie ; il prépare, il élabore et enfante les prodiges que l?artiste sait encore embellir des charmes que son imagination a créés, que le poète chante dans un langage divin, et que l?historien raconte pour l?instruction des races futures. Sanctifions donc aussi les sciences et les arts ; harmonisons leur puissance de création, leur force et leur beauté, avec l?énergie et l?activité du travail ; et bientôt de cette union, de cette divine harmonie naîtra l?industrie, cette reine future du monde, qui reliant les hommes par le besoin qu?ils ont l?un de l?autre, les réunira pour le bonheur général, dans une association politique universelle, où chacun dévelopera librement et pour le profit de tous les facultés que la nature aura mises en lui. Ainsi s?accomplira ce que le christianisme a commencé, ce qu?il n?a point eu pouvoir d?achever, parce que le temps de la régénération n?était point arrivé. Alors tous les priviléges auront disparu : l?inégalité sociale ne divisera plus ceux qui ont et ceux qui n?ont pas, plus de castes, plus de haines, plus de divisions et de guerres ; le fer de la lance sera changé en soc de charrue ; les trésors du globe seront transportés d?un bout du monde à l?autre avec la rapidité de l?éclair, par la vapeur que le génie de l?homme aura appris à maîtriser. Les mers ne seront plus que de vastes canaux servant à l?échange des produits de l?industrie : les chemins de fer auront rapproché toutes les distances ; l?univers entier ne sera plus qu?un immense atelier, où la production incessamment active, affranchie de la concurrence et du monopole, trouvera dans la division du travail, [6.2]habilement combinée, une source féconde et intarissable de richesses qui satisfera tous les besoins et contentera tous les désirs.

Ce n?est point une chimère que nous poursuivons. Le siècle marche, on pourra bien l?enrayer quelques instans, mais rien ne saurait l?arrêter.

Marius Ch..........g.

Notes (cri d?alarme en faveur de la société ....)
1 L?auteur de ce texte est Marius Chastaing d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 L?Abbé Noël Pluche (1688-1761) avait publié au XVIIIe siècle deux titres ayant obtenu un grand succès dont Le spectacle de la nature, ou entretiens sur les particularités de l?histoire naturelle.
3 La sensibilisation aux problèmes techniques et leurs conséquences en matière de progrès économique et social fait l?objet d?intenses développements au début du XIXe siècle, chez les économistes classiques. Say en particulier notera qu?obtenir « plus de produit pour le même travail humain, c?est le comble de l?industrie ». Tous les économistes insistent sur la baisse des prix comme conséquence du progrès technique, référence : B. Gilles, Histoire des techniques, Paris, Gallimard, 1978, p. 724-751.

 

 

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