L'Echo de la Fabrique : 8 juillet 1832 - Numéro 37

JURISPRUDENCE USUELLE.1

des locations. (Suite.)

Bail verbal. Le bail verbal est celui qui n’est pas écrit, ainsi que son nom l’indique. Il est soumis à la bonne foi des parties, mais le locataire est principalement à la discrétion du propriétaire.

[3.1]Si ce bail n’a pas encore reçu d’exécution, les deux parties peuvent se refuser à l’exécuter. Inutile de demander à le prouver par témoins, quelque minime que soit le prix ; on peut seulement déférer le serment à celui qui nie le bail. Si ce bail est avoué, la partie qui refuse de l’exécuter n’encourt que de simples dommages-intérêts qui sont toujours de peu de valeur

Si le bail a pris cours, et que lors du payement il s’élève des difficultés sur le prix, il faut distinguer s’il y a des quittances ou s’il n’y en a pas. Dans le premier cas les quittances font foi, lors même que le bailleur alléguerait une augmentation. Dans le second cas, le propriétaire est cru sur son affirmation. Cependant le locataire a le droit de demander une estimation par experts. Si cette estimation dépasse le prix déclaré par lui, il est condamné aux frais de l’expertise. Ces frais varient suivant l’importance des objets qui y sont soumis, mais on peut être certain qu’ils ne seront jamais au-dessous de 150 à 200 fr. Il faut observer de demander cette estimation avant que le juge ait déféré le serment au propriétaire, parce qu’alors on ne serait plus à temps. Il est de principe que toute contestation cesse après un serment. Le legislateur a voulu par là entourer cet acte religieux d’un respect inviolable.

Le bail verbal est soumis à une dédite réciproque tous les six mois.

Il empêche le locataire de pouvoir sous-louer parce que le propriétaire pourrait se soustraire à l’exécution du sous-bail et louer de son côté à un autre.

Il rend le locataire passible de la répétition de l’impôt des portes et fenêtres pendant trois ans, sauf le cas où le locataire rapporterait des quittances d’une année intégrale qui porteraient le mot solde. En ce cas il paraît naturel de croire que le propriétaire en a fait abandon pour toute la durée du bail.

Sous ces divers rapports le bail verbal doit être proscrit. Il n’a aucun avantage pour l’homme de bonne foi, il ouvre la porte à toute espèce de fraude.

Promesse de bail. La promesse de bail équivaut à un bail comme une promesse de vente équivaut à une vente. Si elle ne porte pas la stipulation du fait-double, elle est nulle de plein droit ; ainsi que tous les actes sous seing privé qui sont synallagmatiquesi. En cas d’inexécution cette convention se résout par des dommages-intérêts. C’est donc une mauvaise manie de faire un semblable acte à moins que des circonstances imprévues en soient cause. Puisqu’on promet de louer, pourquoi ne pas louer de suite ? sauf à renvoyer l’état des lieux à dresser à l’époque de l’entrée en jouissance.

Arrhes. Je dirai la même chose de l’usage abusif de donner ou recevoir des arrhes. Le propriétaire en doublant les arrhes peut se refuser à laisser occuper le locataire, ce dernier en les abandonnant peut également frustrer le propriétaire d’une location sur laquelle il comptait. Dans le cas où il serait prouvé par un reçu que ces arrhes ont été données à compte du prix du bail, ce reçu n’équivaudrait qu’à une promesse de bail, et il n’y aurait encore lieu qu’à une condamnation de dommages-intérêts.

En résumé, il faut s’abstenir du bail verbal, de la promesse de bail et de la coutume de donner des arrhes.

Dans les prochains numéros nous parlerons de l’occupation, du payement, des réparations locatives, de la [3.2]responsabilité en cas d’incendie, et par suite des assurances, de l’obligation de supporter les grosses réparations, des dedites ou congés, de la tacite reconduction, de la jouissance précaire, de la location des chambres garnies, et enfin des poursuites judiciaires à défaut de payement, et de l’expulsion ensuite d’un congé ou d’expiration de bail.

Marius Ch.......g.

Notes de base de page numériques:

1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes de fin littérales:

i On appelle synallagmatique l’acte sous seing-privé qui est fait par deux parties et contient une convention réciproque quelconque. Cet acte doit toujours être fait double. On appelle unilatéral l’acte sous seing privé par lequel une seule partie s’engage envers l’autre comme le billet, etc.

 

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