L'Echo de la Fabrique : 8 juillet 1832 - Numéro 37

société saint-simonnienne.1

Les apôtres Saint-Simoniens habitent en ce moment une maison et un jardin très-vaste, appartenant au père Enfantin, situés au sommet de la chaussée de Ménil-Montant, près Paris. Il ont fait de cette demeure un véritable paradis terrestre, sur une petite échelle. Il n’ont pas de domestiques, et se servent eux-mêmes avec une précision rigoureuse. Nous allons en donner le détail extrait du Temps.

MM. Léon Simon, traducteur de plusieurs ouvrages littéraires et de médecine, et Paul Rochette, ancien professeur de rhétorique, font la cuisine.

M. Léon Talabot, ancien substitut du procureur du roi, était chargé du lavage de la vaisselle. Cette fonction a ensuite été exercée par M. Gustave d’Eichtal, fils d’un banquier : de ce dernier elle a passé à M. Lambert, ancien élève de l’école polytechnique, après lui à M. le baron Charles du Veyrier, et aujourd’hui à M. Moise Retouret, jeune élégant dans le monde et prédicateur distingué parmi les Saint-Simoniens.

M. Emile Barrault, ancien professeur à l’école de Sorrèze, auteur d’une assez bonne comédie en 5 actes et en vers, représentée en 1831 (la Crainte de l’opinion), [8.1]est chargé du cirage des bottes, aidé de MM. Auguste Chevalier, ancien professeur de physique, et Duguet, avocat.

M. Bruneau, ancien élève de l’école polytechnique, ex-capitaine d’état-major, est chargé de l’entretien du linge, des vêtemens, de la police générale, de la surveillance de la maison et du service de propreté.

Les appartemens sont frottés par MM. Rigaud, docteur médecin ; Holstein, fils d’un négociant distingué ; le baron Charles du Veyrier, Pouyat et Broë, anciens étudians ; Charles Pennekère, ancien courtier en librairie ; et Michel Chevalier, ancien élève de l’école polytechnique, ingénieur des mines et directeur du Globe. Ce dernier est chargé de l’administration générale de la maison, et il fait le service de la table conjointement avec MM. Rigaud et Holstein.

M. Desloges, ancien garçon boucher, dirige la buanderie ; il a sous ses ordres M. Franconi, fils d’un riche colon américain, et M. Bertrand, ancien étudiant.

Le balayage des cours et de la rue est fait par MM. Gustave d’Eichtal et Maschereau.

M. Jean Terson, ancien prêtre catholique, est chargé d’éplucher les légumes, de mettre le couvert, et du menu détail de la maison.

M. Alexis Petit, fils d’un riche propriétaire, fournit la maison de chandelles, nettoie les chandeliers et veille à l’enlèvement des ordures.

M. Enfantin, le père suprême, travaille au jardin, manie la pioche, la bêche et le râteau avec une vigueur peu ordinaire. MM. Henri Fournel, ex-directeur du creuset ; Raymond Bonheure, ancien professeur de dessin ; Justus, peintre, et Maschereau, dessinateur, sont chargés du soin du jardin.

Le son du cor éveille les Saints-Simoniens à 5 heures du matin, et les appelle aux repas et aux divers services, au repos et au sommeil. A des heures fixes ils chantent en chœur, ou se livrent à des exercices gymnastiques.

Leur intention, disent-ils, est d’ennoblir la domesticité, d’abolir le salaire, et substituer l’association à la lutte qui règne dans la société. S’ils parviennent à ce but, le système d’égalité sociale que M. Marius Ch.....g, l’un de nos collaborateurs, a présenté aux lecteurs de l’Echo, ne sera plus un rêve.

Notes de base de page numériques:

1 Peu de temps après le schisme qui avait vu le départ de Saint Amand Bazard et d’autres membres de la secte et quelques semaines à peine après la cessation de parution de leur organe Le Globe, quarante apôtres saint-simoniens groupés autour du « Père Enfantin » s’étaient rassemblés et avaient fait retraite au printemps 1832 dans la maison de Ménilmontant tentant de mettre en pratique leur dogme. En août, les principaux représentants du mouvement, dont Prosper Barthélémy Enfantin, Michel Chevalier et Charles Duveyrier, traduits devant la cour d’assises seront condamnés. L’Echo de la Fabrique rendra compte des principaux procès (numéros du 2 et 9 septembre), des missions lyonnaises de l’automne (numéros du 21 octobre, des 18 et 25 novembre) auxquelles participent des anciens de Ménilmontant, Bruneau, Maschereau, Desloges. Le 25 novembre 1825 un grand banquet saint-simonien verra les principales figures de l’église lyonnaise, Cognat et Derrion, recevoir les missionnaires venus à Lyon pratiquer la « politique pratique » en se joignant aux travailleurs (L’Echo de la Fabrique, numéro du 9 décembre 1832).

 

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