L'Echo de la Fabrique : 12 août 1832 - Numéro 42

LYON.

au courrier de lyon.

sur ses articles des 2 et 8 août.1

Malheur à celui par qui le scandale arrive.

S. Augustin.

Calomnions, dit Basile : il en restera quelque chose. Voilà la maxime du Courrier de Lyon ; mais il oublie que, si d’un côté le Précurseur neutralise le venin de ses doctrines politiques, de l’autre l’Echo de la Fabrique ne lui laissera jamais émettre impunément ses doctrines aristocratiques. Défenseur de la classe ouvrière, l’ Echo, sentinelle toujours vigilante, jette le cri d’alarme que mille voix répètent.

Nous sommes forts, non parce que nous avons pour nous l’appui de la masse de nos concitoyens, mais parce que nous ne sortons jamais de la ligne de raison que nous sous sommes tracée ; nous sommes forts, parce que nous sommes justes et modérés.

Nous parlerons aux prolétaires de leurs devoirs, lorsque leurs droits bien établis ne seront plus chaque jour contestés par le Courrier. Ce dernier est peut-être le plus grand obstacle au rapprochement si désirable des marchands-fabricans et des ouvriers, des hommes riches et des pauvres. Les avertissemens ne lui ont cependant pas [1.2]manqué, long-temps nous avons cru à sa monomanie. Serait-il plus coupable que nous le pensions ? Qu’il pèse bien nos paroles aujourd’hui ! Ce n’est pas sans indignation, mais c’est sans aucun fiel, que nous demandons encore une fois ce qu’il prétend par ses diatribes quotidiennes, par cette comparaison de notre situation présente avec celle de l’automne dernier. Pourquoi cette énumération des forces de la garnison, des fortifications qui entourent et dominent la cité ? pourquoi ce regret sanguinaire sur la manière dont les événemens de novembre ont fini ? Pourquoi cet appel à la force ? qu’il s’explique ou qu’il se taise ; car nous lui redirons avec pitié : Est-ce une revanche que vous demandez ? Insensé Courrier ! il oublie ces paroles d’un Dieu : Qui ferit ense peribit ensei. Silence donc, gardez-vous d’en appeler aux armes, c’est le cri d’un mauvais citoyen : et d’où vient cette humeur belliqueuse à des gens que nous avions lieu de croire pacifiques ?

Voici leurs griefs apparens : 1° rassemblemens de quelques enfans, que certes nous ne voulons pas approuver, que nous croyons inoffensifs, et qui ne prendraient, à notre avis, un caractère alarmant que par l’importance qu’on mettrait à leur répression.

2° Lutte déplorable, il est vrai, mais sans aigreur entre les prud’hommes-fabricans et les prud’hommes-chefs d’ateliers, au sujet d’une question si simple que le troisième clerc d’une étude d’huissier la résoudrait sans effort, celle de savoir si un citoyen a le droit de se faire assister par un ami dans sa défense. Qui a envenimé cette discussion ? M. Marius Ch.......g, l’un de nos collaborateurs, avait ouvert sur cette question une polémique dans laquelle M. G.........t que nous sommes fondés à croire l’organe de la majorité de ses collègue, n’a pas eu l’avantage. Pourquoi le conseil n’est-il pas revenu sur une décision illégale, aussitôt qu’on lui a eu démontré cette illégalité ? Est-ce insulter le conseil que de le rappeler à l’exécution de la loi ? Est-ce notre faute à nous si, [2.1]violant les lois divinesii et humaines, le conseil a proscrit la défense dans la personne du sieur Tiphaine.

3° Association d’ouvriers. Il nous serait facile de les justifier ; mais nous ne croyons pas devoir le faire, ce serait d’un côté leur faire injure, et de l’autre mettre en doute l’une des libertés que nous croyons que le peuple a conquis en juillet, et sans laquelle il faudrait rayer ce dogme de notre nouvelle charte, la souveraineté du peuple, dogme qui a remplacé celui de la légitimité et en vertu duquel nous avons élevé sur le trône le citoyen de Neuilly.

C’est sur cet échafaudage que le Courrier de Lyon a bâti les deux articles les plus virulens que nous ayons vu.

Suivant lui, les marchands-fabricans sont dans une stupeur telle qu’ils n’osent rien entreprendre, et voilà, dit-il, le motif de la stagnation de la fabrique. Suivant lui, le conseil des prud’hommes est sous l’empire d’une force brutale qui lui ôte sa liberté d’action, il est menacé. Il est ou va être obligé de s’environner de la force armée. Mais qui donc a menacé le conseil ? nous vous sommons de livrer à la publicité les noms de ces artisans de discorde, qui ont été, dites-vous, inviter les ouvriers à quitter leurs ateliers pour se rendre à la séance des prud’hommes du deux de ce mois ; nous vous sommons de dire quels sont ces hommes influens à la voix desquels un contrordre a été donné et exécuté. Vous ne le direz pas parce que cela est faux, nous vous portons un défi solennel : relevez le gant.

Etes-vous de bonne foi dans cette allocution par laquelle après avoir eu soin de rappeler que les prud’hommes chefs d’ateliers reçoivent un salaire de la ville, vous invitez cette dernière, dans la personne de ses magistrats, à exiger que les prud’hommes interviennent d’une manière efficace envers leur collègues, et à défaut de résultat, qu’elle prenne des mesures conservatrices. Qu’entendez-vous par ces mesures conservatrices ? Nous le savons, la dissolution du conseil. Il est coupable d’un crime irrémissible, il a fait la mercuriale et il ne veut pas qu’elle tombe en désuétude. Eh bien, dites-le.

Nous, nous sommes fondés à le dire, le conseil n’a pas et n’aura pas besoin de faire protéger ses décisions par la force. Vous cherchez à l’effrayer parce que vous savez qu’on est maître de celui qui a peur ; mais est-ce bien vrai que vous êtes effrayés vous-mêmes ?

Nous passons sous silence votre sortie indécente contre un banquet qu’on pourra bien calomnier, mais non condamner. Vous avez été obligé d’enregistrer le démenti qui vous a été donné sur plusieurs imputations fausses dont le but était facile à saisir. Pourquoi les reproduisez-vous ?

Quant à vous, marchands, ne craignez rien, lors-même que des agens provocateurs feraient entendre contre vous des cris incohérens, la masse des ouvriers ne voit en vous que d’honorables courtiers de son industrie, chargés de la porter sur les marchés de l’univers. Elle vous en sait gré, et ne vous envie point vos bénéfices ; elle n’est point jalouse de votre fortune, lors même qu’elle serait le prix de ses sueurs passées. Seulement plus éclairée, plus morale, plus avide d’égalité sociale, elle réclame aujourd’hui le prix de son travail, un prix au moyen duquel elle puisse vivre honorablement. Elle ne veut plus que ses haillons, sa misère vous fassent [2.2]rougir. L’ouvrier demande au négociant de fraterniser avec lui. Ne refusez pas l’accolade.

Cesse donc, ô Courrier, tes plaintes hypocrites ; abjure tes craintes qui ne sont que chimère ; laisse-là ton système de délation et de calomnie. Viens plutôt, viens fumer avec nous le calumet de paix, la hache est enterrée, elle dort. Qui voudrait l’éveiller.

Notes de base de page numériques:

1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes de fin littérales:

i Celui qui se sert de l’épée périra par l’épée.
ii La tradition de l’église porte que les Saints sont nos avocats auprès de Dieu. Cependant nous croyons Dieu plus infaillible et plus éclairé que les prud’hommes, et cependant, d’après l’église catholique, il écoute des avocats dans la personne des Saints.

 

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