L'Echo de la Fabrique : 29 juillet 1832 - Numéro 40

OBSERVATIONS PRESSANTES.

La disette d’eau devient chaque jour plus déplorable dans notre ville. L’administration s’occupe-t-elle d’y remédier ? nous devons le croire, mais quel sera le terme de cette pénurie si préjudiciable à la santé des habitans et à la salubrité publique ? nous n’en savons rien. C’est donc un devoir pour nous, dans l’intérêt de nos classes laborieuses, que de provoquer des explications ou des faits positifs, c’est-à-dire une suffisante distribution d’eau dans la ville ; l’autorité ne peut plus long-temps rester dans l’inertie ou garder le silence.

Nous avons fait prendre des informations sur les projets dont on s’entretient dans le public, et nous avons nous-mêmes proposé un moyen provisoire. Si nous sommes bien informés, le conseil municipal aurait décidé que l’eau descendant de la Croix-Rousse à la fontaine de l’Hôtel-de-Ville, sera retenue dans les quartiers supérieurs, puis au moyen d’une pompe placée près du pont Morand, on rendrait l’eau à l’Hôtel-de-Ville ; on nous a parlé aussi du palais St-Pierre où il serait établi un réservoir qui fournirait à la fontaine de la Fromagerie, et il paraît que là se bornerait, jusqu’à ce moment, l’œuvre municipale.

Une compagnie a fait dit-on, des propositions que le conseil n’a pas accueillies, nous ne savons pourquoi. Il conviendrait que l’administration ne dédaignât pas de [4.2]rendre publiques ses négociations à ce sujet. Qu’elle ne craigne pas de paraître faire hommage au dogme fondamental de notre constitution, la souveraineté du peuple ; il ne doit pas en être des affaires de la cité comme des secrets de la diplomatie, si tant est que la diplomatie au 19e siècle doive en avoir. Tous les citoyens doivent être informés de ce que font leurs mandataires ; la publicité appelle la concurrence qui doit tourner au profit de la chose publique.

On parle aussi d’essais qu’une compagnie doit entreprendre au moyen de 6 à 7,000 francs, mis à sa disposition par le conseil municipal : pour compte de qui ces avances, de la compagnie ou de la ville ? Si de la compagnie, pourra-t-elle rembourser en cas d’insuccès ? Si de la ville, nous ne pouvons que blâmer cette singulière idée administrative, et c’est le cas de citer la brochure de M. A. S. dont nous avons déjà parlé plusieurs fois ; elle renferme en peu de mots un cours de science administrative, cette science, dit-il, consiste : 1° à ne point compromettre les deniers publics ; 2° à dépenser le moins possible ; 3° à laisser faire.

Nous sommes entièrement de cet avis, et rien de ce que la ville a entrepris d’exécuter ne s’est fait assez bien, ou avec assez peu de frais pour nous en faire changer ; n’est-ce pas rétrograder que de méconnaître la fécondité des moyens propres à l’industrie, et qui manquent à une administration ? Les canaux, les ponts ne se font-ils pas mieux, à moins de frais et plus vite par les compagnies industrielles que par l’Etat ? Le gouvernement n’enfanterait pas et exécuterait encore moins ces projets grandioses, tels qu’un chemin de fer d’une extrémité de la France à l’autre ; les villes, les communes sont dans la même impuissance pour les entreprises de moins d’importance, mais non moins utiles, et cela est si vrai, à l’égard des fontaines à établir à Lyon, que depuis plusieurs années la ville a fait commencer une fontaine au quartier St-Jean qui n’est pas encore achevée ; une autre a été démolie à Ainay avant d’avoir versé une goutte d’eau.

Nous insistons afin que l’autorité rompe enfin le silence, et informe le public de ce qu’elle se propose de faire pour distribuer des eaux à Lyon : cette question touche à des intérêts pressans et généraux. C’est un devoir pour tous de s’en occuper, il y a urgence ; notre mission ne sera remplie que quand les besoins de la population seront satisfaits.

A....

 

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