L'Echo de la Fabrique : 9 septembre 1832 - Numéro 46

M. ODILON-BARROT A LYON.

M. Barrot est arrivé le mardi 28 août dernier, dans un strict incognito qu?un excès de prudence a sans doute commandé. Le jeudi suivant a eu lieu à la Rotonde de Perrache, un banquet patriotique où près de 600 convives se sont réunis, et qui s?est passé dans le plus grand ordre. Le samedi, 1er septembre, M. Barrot a porté la parole dans les trois procès du Précurseur relatifs aux journées des 5 et 6 juin, et a confirmé sa réputation d?orateur habile. On sait que ses efforts ont été couronnés du succès, et que M. Petetin a été acquitté sur ces trois procès comme il l?avait été la veille sur celui relatif à un article du 30 mai dernier, de l?Ordre légal, en suite d?une plaidoirie brillante de M. Alph. Gilardin, par laquelle il s?est placé au premier rang des avocats du barreau de Lyon.

Mardi 4 septembre, MM. les prud?hommes chefs d?ateliers, notre gérant et les rédacteurs du journal, se sont rendus à son hôtel pour lui présenter un exemplaire de l?Echo de la Fabrique et l?adresse qu?on va lire que nous présumons être l?expression de l?immense majorité de la classe ouvrière. Monsieur Odilon-Barrot s?est entretenu long-tems avec eux, sur les diverses causes de dissidence qui existent entre les marchands-fabricans et les ouvriers, sur les événemens de novembre et sur diverses questions qui se rattachent à l?industrie lyonnaise. Nous avons lieu de croire que notre fabrique gagnerait beaucoup au patronage de M.  Odilon, en qui nous avons cru apercevoir l?ame et les facultés d?un homme d?Etat.
M. Odilon-Barrot est parti le même soir pour Paris.

adresse a m. Odilon-Barrot.
« Monsieur,
Les soussignés s?empressent de saluer le représentant du peuple dont la voix puissante a fait triompher deux fois dans le sanctuaire de la justice, la cause sainte de la liberté.

Si Paris vous doit le retour aux lois dont il avait été violemment privé, Lyon vous doit la liberté de la presse ; car, vous le savez, la cause du Precurseur n?était pas celle d?un homme ni d?un journal, mais celle de la presse provinciale tout entière.

Ne vous étonnez donc pas, monsieur, si nous vous adressons les hommages publics qu?un usage servile attribuait exclusivement aux rois et aux princes ; le bon sens du peuple les a transporté aux grands citoyens qui, comme vous, sont ses défenseurs.

Vous êtes du nombre de ces hommes, et l?un des premiers en qui la patrie espère, si jamais des jours mauvais, trop faciles à prévoir, venaient assombrir l?horizon de notre belle France, vous sauriez alors, dédaignant de vaines clameurs, être à la hauteur des circonstances, et du haut de la tribune nationale régénérée, demander sans crainte à la France son dernier homme, son dernier écu, plutôt que de souffrir l?infamie et l?horreur d?une troisième invasion.

Permettez-nous de mettre sous votre patronage l?Echo de la Fabrique qui, né dans des circonstances graves, n?a point été infidèle à son caractère avoué. Ce journal se distingue des autres par une mission spéciale. Laissant à ses confrères le soin de s?occuper des intérêts et quelquefois [2.2]des passions de l?homme politique, il ne s?occupe que des intérêts et des besoins de l?homme social. Il a vu la société divisée en deux classes de citoyens riches et pauvres, il a cru devoir être l?organe des derniers.

Les prud?hommes chefs d?ateliers que vous voyez devant vous, sont les mandataires vrais et légaux de la population ouvrière de cette ville ; car ils doivent leur mandat à l?élection. Ils se plaignent seulement que cette élection n?ait pas été établie sur une base plus large, et qu?au lieu d?être octroyée par ordonnance, elle n?ait pas été consentie législativement ; ils vous prient, dès-à-prèsent, d?appuyer, par votre influence parlementaire et par votre éloquence, la pétition qu?ils se proposent d?adresser à ce sujet à la chambre des députés.
Vous allez nous quitter, nos v?ux vous suivront ainsi que nos espérances, soyez-en convaincu.

Oserons-nous vous prier de dire à l?illustre Lafayette, votre collègue et ami, combien son souvenir nous est cher. Sa mémoire est gravée dans le c?ur des Lyonnais.

 

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