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23 septembre 1832 - Numéro 48
 
 

 



 
 
    
 

A NOS LECTEURS.

Citoyens, nous vous avons donné dans notre avant dernier numéro le prospectus moral du journal ; quelques explications vous sont dues sur ce que l’on peut en appeler le matériel. Nous aimons, et cet aveu nous paraît naturel, nous aimons les communications, les comptes rendus. C’est peut-être orgueil de notre part, mais nous considérons, vous le savez, un journal comme une tribune, et nos abonnés comme nos commettans.

Un journal hebdomadaire doit fournir une lecture variée et abondante ; il faut qu’après l’avoir quitté on le reprenne avec plaisir ; il faut, s’il ne peut être amusant, qu’il soit instructif, et puisqu’il ne saurait avoir toujours le mérite de l’à-propos, qu’il remplace ce mérite par celui d’une composition en quelque sorte monumentale. Un journal hebdomadaire doit être par conséquent un journal de doctrines : nous n’avons pas besoin de dire qu’elles doivent être généreuses et populaires, ce sont là les conditions de sa vitalité.

D’après ces principes, nous avons cherché à agrandir le cadre de l’Echo de la Fabrique, afin de le rendre propre à un plus grand nombre de lecteurs et parvenir à notre but : L’amélioration physique et morale de la classe prolétaire, au moyen d’une publicité devenue puissante par le cercle qu’elle embrassera, sans déroger a la puissance qui est en elle et résulte de son point de départ.

Joindre l’utile à l’agréable, mais préférer l’utile, telle a été notre pensée intime. Nous ne vous redirons pas les avantages d’un journal ouvert spécialement aux réclamations [1.2]du pauvre, de l’opprimé, notre profession de foi a été faite. Nous avons supprimé l’épigraphe et le lion emblématique qui ornaient le titre du journal, n’en ayez nul souci.

Quand à l’épigraphe1, elle nous déplaisait ; le bon La Fontaine, vivant sous un roi despote, a pu dire que : de tous les temps, les petits avaient pâti des sottises des grands, mais sous un prince citoyen, élu roi au feu de l’insurrection populaire, sous une monarchie consentie, à la charge d’être entourée d’institutions républicaines, nous ne pensons pas que cette maxime puisse long-temps continuer à être vraie. Héritiers de Prudhomme, qui a dit, les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux, nous disons avec le calme de la force et de la raison : Il n’y a plus ni grands, ni petits, il n’y a que des citoyens.

A l’égard du lion, beaucoup d’entre vous y voyaient plus d’un contre-sens. Nous aimons mieux, si nous le pouvons, faire passer dans nos discours quelque chose de la fierté de son regard.

Nous croyons avoir rempli avantageusement l’espace qui par suite de ces suppressions, nous est resté libre, par un sommaire ou table de matières dont l’utilité ne saurait être contestée, pour un journal qui contient un grand nombre d’articles. Cette nomenclature, cette variété peuvent appeler beaucoup de lecteurs étrangers à votre profession, et dans les divers rangs de la société, ce qui est encore un moyen d’être utile à la classe ouvrière.

Les articles d’industrie formeront toujours le fond du journal ; sous le titre de variétés seront comprises les nouvelles diverses, les notes intéressantes extraites des autres journaux.

L’article littérature sera varié autant que possible, et sera principalement composé de pièces de vers, et à cet égard, nous nous attacherons surtout à donner celles inédites de nos jeunes poètes lyonnais, si pleins d’avenir ; ou si nous faisons des emprunts à leurs confrères de la capitale plus connus, nous aurons soin de ne choisir que les articles d’un mérite supérieur. Vous avez vu à ce sujet notre goût, nous avons lieu de croire qu’il sympathise avec le vôtre.

Nous donnerons la suite de la jurisprudence usuelle et des lectures prolétaires dont vous avez pu apprécier le genre dans plusieurs numéros.

[2.1]Nous vous tiendrons aussi au courant, par des extraits raisonnés, de tout ce qui pourra vous intéresser dans les divers genres de littérature que l’esprit humain exploite à Paris et ailleurs.

Les articles relatifs à quelque science ou art que ce soit, que des hommes spéciaux voudront bien nous adresser, seront immédiatement insérés, préférablement à tous autres.

Aucune question d’économie sociale ne sera dédaignée ; nous les aborderons toutes, plus satisfaits d’appeler sur elles l’attention des hommes philantropes et instruits, que d’en donner nous-mêmes la solution.

Des patriotes nous ont offert de nous aider à verser un cautionnement pour avoir la faculté de traiter les questions politiques ; nous avons refusé sans hésiter. L’Echo de la Fabrique se suiciderait s’il voulait être autre chose que le journal des ouvriers, le représentant des prolétaires. La politique seule continuera donc toujours à nous être étrangère. Eh ! pourquoi tenterions-nous d’aborder cette plage périlleuse ? Ne savons-nous pas tous ce que nous aurions à faire au jour du danger ? La voix de nos tribuns, la voix des Lafayette, des Clausel, des Odilon-Barrot, des Mauguin, des Garnier-Pagès, des Cabet et de tant d’autres, ne nous manquerait pas, et nous ne manquerions pas à l’appel de ces hommes généreux. Quant à présent, notre mission est toute industrielle, elle est immense, nous nous y renfermerons strictement.

On a fait entendre dans un certain monde, des plaintes contre nos coups de navette. Nous les avons pesées, et même, nous vous le dirons, nous nous en sommes réjouis. Nous ne les supprimerons donc pas, peut-être leur donnerons-nous une plus grande extension, Ils dérident plus d’un front, s’ils en couvrent d’autres de nuages. L’arme du ridicule est toute puissante en France ; nous immolerons sans pitié sous ses coups tous ceux qui s’y exposeront.

Concitoyens, vous nous jugerez ; et si nous ne remplissons pas vos espérances, si nous n’exécutons pas toutes nos promesses, n’en accusez que la faiblesse de nos moyens. Notre bonne volonté, notre zèle, nos principes, vous sont garans de nos efforts.

Les gérant et rédacteur en chef de l’Echo,

Berger, Marius Chastaing.

Notes (  A NOS LECTEURS . Citoyens, nous vous avons...)
1 A propos de l’épigraphe, voir la note 2 du prospectus.

 

 

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