LA PROLÉTAIRIENNE.
juin 1832.
Sic vos non vobis.
air noté.
Pauvres nous sommes,
O mes frères, et chaque soir,
En Dieu seul mettant notre espoir
[6.1]Nous lui disons : Père des hommes,
Peut-être que demain
Nous n’aurons pas de pain.
Refrain : « Ah ! quand le prolétaire
Féconde, embellit, charme tout,
Pour prix de sa sueur et de son long dégoût
N’aurait-il donc que la misère ?
Gerbes dorées,
Dont nous creusâmes les sillons ;
Plaines, montagnes aux grands fronts
Que nous avons tant labourées,
Vos fruits, si beaux, si doux,
Sont pour d’autres que nous.
« Ah ! etc.
Soie ondoyante,
Laine ravie aux doux agneaux,
Qui devenez par nos travaux
Vêtemens, parure attrayante,
Souvent nous et nos fils
Nous n’avons pas d’habits.
« Ah ! etc.
Tours élevées,
Maisons aux dehors opulens,
Dont les intérieurs brillans
Semblent des demeures de fées,
Ceux qui vous ont construits
Qu’ils ont de froids réduits !
« Ah ! etc.
Toi douce femme,
Qui console par ton baiser ;
Pauvre, si tu viens épouser
Celui qui n’a rien que son ame,
Pour vous, pour vos enfans,
Que de jours de tourmens !
« Ah ! etc.
Travail, souffrance,
Semblent notre lot ici-bas.
Il chante et ne travaille pas,
Cet heureux fils de l’opulence ;
Qu’un peu de son bonheur
Calme notre douleur.
« Ah ! etc.
Non, Dieu suprême,
Nous te devons aussi le jour ;
Déjà des hommes pleins d’amour
Viennent, inspirés par toi-même,
Partager nos travaux,
Nos peines et nos maux.
Refrain : Courage, ô prolétaire !
Féconde, embellis, charme tout,
Sèche enfin ta sueur, calme ton long dégoût,
Bientôt pour toi plus de misère.
p. corréard.
nota. Cette chanson est inédite ; son auteur a promis de rendre l’Echo dépositaire de ses inspirations poétiques.