L'Echo de la Fabrique : 27 novembre 1831 - Numéro 5

Des ouvriers embusqués dès le mardi matin au pavillon chinois, établirent des barricades à la Boucle, dans le dessein de couper la retraite à un escadron de dragons qui se trouvait au haut de la montée. Un autre escadron venait du côté de Montessuy, suivi de plusieurs détachemens des 66e et 13e de ligne, au milieu desquels figurait un nombre presque égal de gardes nationaux qui les encourageaient. Un colonel, qu'on ne put distinguer, envoya un parlementaire aux chefs de la compagnie d'ouvriers de St-Clair, nommés Brosse et Ballan, pour demander le passage à l'effet de rentrer en ville, [7.1]en les assurant que leurs intentions n'avaient rien d'hostile. Sur la réponse négative des chefs du poste, qui n'accédaient à la demande de l'officier supérieur, qu'autant qu'il ferait déposer les armes à sa troupe, tous effectuèrent leur retraite sur Miribel. La compagnie de St-Clair se dirigea alors sur Montessuy où elle désarma un poste d'une vingtaine d'hommes du 66e auxquels elle n'enleva que les fusils. Elle se porta de là à la Croix-Rousse, puis à la caserne des Collinettes, où elle fut accueillie par un feu bien nourri du 66e et de la garde nationale qui tiraient par les croisées. Deux ouvriers furent blessés dans cette lutte, et un capitaine de voltigeurs de la garde nationale tué.

Les sieurs Brosse et Ballan, après avoir résisté quelque temps avec leur détachement, finirent par se rendre maîtres de la caserne, où ils trouvèrent quelques blessés, dont deux ouvriers. Un poste y fut aussitôt établi ; et le reste se retira sur le faubourg de Bresse. A la nuit close, le feu avait cessé ; mais à deux heures et demie du matin, la sentinelle qu'ils avaient placée près de la salle Gayet ayant aperçu des troupes qui venaient à elle, cria : qui vive ! On lui répondit par des coups de fusil. Sentinelle et poste, tous ensemble de se réfugier dans les maisons, d'où ils ripostèrent par les croisées. Un officier de garde nationale se fit remarquer par ces paroles énergiques : courage, dragons ! courage, artilleurs ! Tous alors firent leur devoir, infanterie, cavalerie, artillerie, etc., et les ouvriers eurent à soutenir un feu meurtrier pendant une heure sans interruption. Dans cette affaire un capitaine du génie militaire, un capitaine de voltigeurs du 66e furent tués, ainsi que beaucoup de soldats de toutes armes. Quant aux blessés, le nombre est incalculable ; on a remarqué surtout un capitaine de grenadiers du 66e qui remplissait les fonctions de chef de bataillon. Ainsi s'est opérée cette sanglante retraite qui a coûté la vie à un grand nombre de braves soldats dont la patrie réclamera le sang à quelques centaines de négocians égoïstes, qui ont cru l'avoir acheté bien cher quelques pièces de cent sous.

(Communiqué.)

 

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