L'Echo de la Fabrique : 4 novembre 1832 - Numéro 54Suite du rapport de M. Marius Chastaing, Sur le concours etc. (v. n° 53). Pour vous fixer sur l’adoption du mot que vous cherchez pour remplacer celui de Canut, il convient ce me semble, vu le grand nombre de ceux qui vous sont proposés, de procéder par voie d’exclusion afin de ne délibérer, que sur celui ou ceux qui vous paraîtront propres à remplir le but que vous vous êtes proposé. Pour marcher avec ordre dans cette investigation il faut bien se pénétrer que le mot qui doit remplacer celui de Canut doit avoir les qualités suivantes et dans cet ordre : 1° être simple ; 2° euphonique ; 3° complet : simple il doit n’être qu’un mot composé de peu de syllabes ; euphonique, il doit être agréable et facile à prononcer : complet, il doit désigner suffisamment l’ouvrier en soie actuel qui tisse alternativement toutes sortes de matières. Partant de ces bases, je vous propose d’exclure les mots cotés sous les nos 11, 16 et 22 proposés par MM. Cheneval, Charnier et Topin pour défaut de simplicité ; je pense devoir aussi vous proposer de repousser pour défaut d’harmonie les mots cotés sous les nos 1, 2, 8, 9, 10, 13, 21, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 37, 39 et 40 et proposés par MM. Meziat, Cornillon, Cl. B....t, Leborgne ; anonyme, veloutier, Thevenin et Gulliot. Quant à M. Labory, qui a proposé le mot de Canut, enregistré sous le n° 23 ; et M. Correard qui a fait la même [3.2]proposition ; ces deux messieurs se sont exclus eux-mêmes du concours puisqu’ils n’ont cherché à en remplir aucune des conditions. En cet état il ne reste plus que dix-huit mots à examiner et à vérifier s’ils remplissent la 3me et dernière condition du concours la plus importante : ces dix-huit mots sont les suivans : N.° 3. Tissericien ; n.° 4 tisseur, n.° 5 tissoie ; n° 6 arachnéen ; n.° 7 polymithe ; n.° 12 tissutier : n.° 14 tissoyer ; n.° 15 bombixier ; n.° 17 tissoyen ; n.° 18 tissoierien ; n.° 19 pamphilarien ; n.° 20 bombitisseur ; n.° 24 soerinier ; n.° 25 soierineur ; n.° 26 soieriniste ; n.° 36 seritisseur ; n.° 38 bombicinaire n.° 41 omnitisseur. De ces divers mots six seulement remplissent la condition dont s’agit de présenter une idée complète des travaux de l’ouvrier en soie, savoir : N° 4 tisseur ; n.° 6 arachnéen ; n.° 7 polymithe : n.° 12 tissutier ; n.° 19 pamphilarien ; n.° 41 omnitisseur. Trois de ces mots empruntés : deux à la mithologie, (arachnéen et pamphilarien), et l’autre aux abstractions d’une étymologie savante (polymithe) ne me paraissent pas pouvoir être adoptés par le fait seul qu’il sont trop en dehors des idées reçues ; on ne pourrait s’en servir que d’une manière scientifique, où dans un langage poétique. Je crois qu’il serait difficile de les transporter dans la langue vulgaire. Arachnée fut une habile ouvrière sur les tissus, et osa défier Minerve et même la surpassa, la déesse irritée la changea en araignée. Pamphila, de l’île de Cos, connut la première l’art d’ouvrer la soie. Voila les bases sur lesquelles MM. Colomb, père et fils, se sont appuyés pour vous proposer d’adopter ces mots. Le nom de polymithe serait encore moins compris. M. Bitry, qui le propose, en donne les racines dans une lettre qui est sous vos yeux. On trouve dans ce mot fil, tissu, trame, broderie, il en conclut que l’ouvrier qui emploie tout cela est polymithe comme l’écrivain qui traite divers sujets, s’appele en littérature polygraphe. Si vous n’adoptez aucun de ces trois noms il vous restera à comparer le mérite des mots, tisseur, tissutier et omnitisseur proposé le premier par M. Charbon, le 2e par N. Renigu, le 3e par M. Bouvery. Si vous me demandez mon avis je voterai pour le mot de tisseur. Enfin, Messieurs, comme je ne dois omettre aucune des combinaisons qui se présentent, si vous teniez moins au sens complet du mot que vous choisirez qu’à son euphonie ; si vous pensiez qu’il n’est pas nécessaire de s’occuper de la désignation des matières diverses dont l’ouvrier en soie fait ses tissus et qu’en indiquant la classe des ouvriers en soie on a satisfait au concours, le cercle s’agrandit. Vous avez douze noms à choisir, qui tous se rapportent au tissage de la soie, par des étymologies à peu-près justes, et tirées de la matière même. La soie en latin serica, ou du ver qui la produit, et dont le nom latin est bombyx. Voici ces douze mots : du mot français soie : de serica, (soie en latin.) de bombix (ver en soie.) Une dernière combinaison s’offre, c’est celle qu’un anonyme qui signe un veloutier a détaillée avec esprit dans la lettre ci-jointe, et qui consiste à prendre pour racine du mot nouveau, à former le mot téchnique et connu de soie, et de lui donner une désinence également connue et en usage, et d’appeler par conséquent l’ouvrier en soie : soierinier, soierineur, soieriniste. (N° 24, 25 et 26). En résumé j’appellerai votre attention spécialement sur les mots suivans : N° 4, tisseur Quant au mot de polymithe, trop savant pour être adopté, la langue française devrait se l’approprier pour s’en servir dans le langage poétique ; je pense qu’avant de prendre une détermination aussi grave que celle que la grande majorité de vos collègues attend de vous, vous voudrez entendre les concurrens eux-mêmes et recevoir les lumières d’une commission que je vous propose de nommer à ce sujet. i Je vous demanderai la permission de faire insérer dans le journal, à la suite de ce rapport, 1° la lettre de M. Labory sur le mot canut ; 2° celle de M. Bitry sur celui de polimythe ; 3° celle de M… veloutier sur les divers mots qu’il a proposés de soierinier etc. Je pense que l’impression des autres lettres serait inutile. Votre commission aura à cet égard son libre arbitre. Notes de fin littérales: |